En 1998, Clavia lançait le Nord Modular, premier synthé modulaire virtuel également capable de fonctionner en autonomie. Aujourd’hui, la firme suédoise récidive avec le G2X, un pack synthé 5 octaves + éditeur ultra sophistiqué. Un coup de maître ?

(Test initialement paru en décembre 2004)
Le concept de synthé modulaire virtuel développé par Clavia regroupe une partie matérielle et une partie logicielle. Le matériel est chargé de gérer les calculs (c’est là que résident les DSP), offrir des commandes temps réel en nombre suffisant (interface homme machine) et permettre les connections audio / Midi avec le monde extérieur (ordinateurs, instruments, effets, tables de mixage…). Le logiciel se résume à un éditeur dans lequel on choisit, on connecte et on paramètre des modules virtuels (générateurs de son, filtres, enveloppes, effets…) générés par les DSP. Autrement dit, le software offre une interface graphique qui permet de choisir les modules et les relier virtuellement et le hardware se charge de fabriquer le son qui en résulte. On peut connecter autant de modules que l’on veut jusqu’à saturation des DSP, qui commence par une réduction de polyphonie. Une fois un patch fabriqué, on le stocke dans la machine, puis on débranche la machine du PC et on peut alors la trimbaler sous le bras comme un vulgaire synthé programmable. Mais quel synthé !
5 LCD !
Celle-ci comprend 15 pages de 8 paramètres éditables en temps réel de façon assez intuitive et agréable. Les LCD affichent, au choix, les modules + leurs paramètres ou les paramètres + leurs valeurs. Les rotatifs, cerclés de diodes comme sur le Nord Lead 3, permettent de visualiser la valeur approximative de chaque paramètre. Leur manipulation est en prise directe, ce qui évite tout effet de saut intempestif. Leur mise en œuvre, bien que délicate, semble correcte. On aurait apprécié des écrans de 4 lignes pour visualiser en même temps modules, paramètres, valeurs stockées et valeurs éditées. Heureusement, l’édition directe est conviviale et l’édition poussée se fait grâce à un éditeur on ne peut plus visuel. Côté commandes temps réel, le G2X offre le fameux Pitch Stick en bois et pas moins de 3 molettes en pierre, dont 2 horizontales supplémentaires affectées à des actions prédéfinies. Les molettes sont équipées de petites LED vertes, ce qui permet de visualiser leur position. La classe !
Entrées et sorties
Le port USB se limite uniquement à l’échange de données entre la machine et l’éditeur logiciel. Le Midi, et encore moins l’audio, ne sont pas transmis par ce support. Dommage car le G2X n’a pas d’interface audio numérique. Clavia a manqué l’occasion de créer une combinaison surface de contrôle / interface audio de haute qualité, à l’instar du X-Station Novation ou du prochain Virus TI Access. Avec le G2X, il faut encore une interface audio et une interface Midi pour relier la machine à un PC. A noter que l’on peut utiliser le G2X comme clavier maître et contrôleur Midi, en assignant jusqu’à 120 contrôleurs aux rotatifs de la façade (8 × 15 pages), avec affichage personnalisé des noms des commandes. Le site de Clavia dispose déjà de certaines configurations pour plug-in VST à télécharger, merci !
Edition directe
Dès qu’un patch est chargé, les modules sont affectés automatiquement aux LCD et aux commandes correspondantes pour édition instantanée. On accède ainsi à l’édition de 120 paramètres à partir de la façade, des LCD, des encodeurs et des 15 pages d’édition (choix des formes d’ondes, coupure d’un filtre, enveloppes, LFO…), un peu comme si on éditait à la main un synthé à architecture fixe. A partir d’un patch, on peut créer 8 variations (8 ensembles de paramétrage des modules), ce qu’on appellerait « programme simple » sur un synthé classique. Passer d’une variation à l’autre est instantané. La mémoire Flash interne du G2X est de 6 Mo, ce qui permet de stocker entre 32 banques de 128 patches et 8 banques de 128 performances. De quoi voir venir !
Edition logicielle
L’éditeur est très agréable à utiliser (test effectué sur PC avec Athlon 2600XP / 512 Mo / WXP). La fenêtre principale est coupée en deux : la partie supérieure reçoit les modules polyphoniques (tels que des oscillateurs) et la partie inférieure est réservée aux modules monophoniques (délai, réverbération…). On sélectionne les modules désirés dans les listes déroulantes et on les tire sur l’écran (si leur couleur ne nous plait pas, rien n’empêche d’en changer). Ensuite, il convient de les patcher comme sur un vrai modulaire. L’éditeur permet de masquer les cordons par couleur pour s’y retrouver et de faire le ménage (réorganisation automatique). Lors du changement de certains modules, le logiciel effectue des reconnexions automatiques avec conservation des valeurs (par exemple, changement de type de filtre avec conservation des valeurs de coupure et résonance). Bien vu ! Certains modules peuvent changer de couleur automatiquement suivant ce qu’on y branche. Les changements à l’écran sont simultanément répercutés sur le G2X et réciproquement. Il existe même des raccourcis clavier pour affecter des modules avec tous leurs paramètres aux pages d’édition du G2X. Enfin, notons qu’il existe 4 bus de départs des modules polyphoniques (synthèse) vers les modules monophoniques (effets).
Caméléon sonore
Certes, il ne sonne pas aussi punchy et gras qu’un analogique. Un Minimoog Voyager est beaucoup plus pêchu, un MemoryMoog reste beaucoup plus épais et puissant (« couillu »), un Matrix-12 est plus chaud et moins métallique. Ce ne sont pas des reproches, juste des repères, car dans ses applications analogiques, le G2X conserve un grain typé Clavia très plaisant, façon NordLead 2. Mais le G2X va bien au-delà : il sait sonner comme un DX7 (nous avons mis les 2 côte à côte, c’est bluffant !), imite très bien les sons de cordes pincées (bien mieux qu’un Z1, mais un peu moins bien qu’un VL-1), le tout avec suffisamment de puissance pour jouer tout ce beau monde en polyphonie et le passer dans des filtres ou des effets. Par moment même, on obtient des sons aussi sophistiqués que sur un K2600 Kurzweil, avec des possibilités de modulations en tout genre.
8 DSP pour l’audio
Chaque DSP dispose d’une RAM intégrée de 256 kilos Words en 24 bits, ce qui correspond à 2,5 secondes de traitement par DSP à 96kHz. Ceci permet notamment au G2X de produire des effets de délai et de réverbération, impossibles pour les premiers NM. En revanche, il n’y a pas de RAM pour l’échantillonnage pur et dur. Charger des multisamples longs nécessitant plus d’un DSP signifierait les charger autant de fois dans tous les DSP nécessaires. En fait, pour gérer efficacement des multisamples polyphoniques, il faut un gros DSP dédié, une RAM conséquente et un disque dur interne. Clavia sait faire, mais le prix du G2X s’en ressentirait énormément. En fait, le choix du constructeur s’est porté sur la génération de sons en temps réel, et non des techniques en temps différé telles que l’échantillonnage ou la resynthèse par ailleurs largement diffusées. Dont acte.
Oscillateurs et filtres
Les modules de filtrage sont un morceau de bravoure, avec pas moins de 14 types différents : filtres simples non résonants, filtres multimodes de 1 à 6 pôles, émulation de NordLead 2, EQ, wah-wah, filtre à formants, filtre à décalage de phase 14 pôles, filtre en peigne et vocodeur. Suivant les configurations, on dispose d’entrées pour le tracking ou pour la modulation de la résonance. Comme on est sur un modulaire, rien n’empêche de se faire de monstrueux empilages série ou parallèle. C’est là qu’on apprécie les 8 DSP du G2X, car les filtres sont très gourmands en ressources. Le vocodeur est un 16 bandes entièrement reconfigurables. Il est, tout comme cette section, d’une redoutable efficacité.
Outils de modulation
Tant qu’on est au rayon modulations, signalons que le G2X est capable de générer 8 groupes de morphing par patch, en assignant un total de 25 modulations à choisir parmi tous les paramètres des modules. Pour se faire, il suffit d’assigner les destinations aux commandes (molettes, pédales, rotatifs ou CC Midi) et le tour est joué. Pour économiser des ressources DSP, il est d’ailleurs recommandé d’utiliser ces groupes de morphing pour moduler certains paramètres plutôt que des modules plus complexes (par exemple, la résonance d’un filtre). Un outil extrêmement puissant !
Section effets
La réverbération est plutôt réussie, avec un temps variant de 1 ms à 18 secondes. Elle offre différents types de pièces mais pas de plates, reverses ou autres modes non linéaires. Il y a globalement assez peu de paramètres disponibles dans les modules d’effets (3 en moyenne). Certains disposent d’entrées de modulation directe, mais c’est un cas plutôt rare. La réverbération est exempte de toute modulation directe. On pourra contourner le problème en utilisant des groupes de morphing, mais cela complique un peu la tâche. Une section qui gagnerait à se complexifier un peu, tant le reste est excellent. Clavia a en fait souhaité gérer tous les effets par un seul DSP pour conserver de la puissance pour les modules polyphoniques. Un choix que nous approuvons. L’autre famille d’effets est consacrée aux délais. Là, c’est un véritable bonheur, avec des algorithmes variés et sophistiqués : délais stéréo, délais avec filtres, délais multiples allant jusqu’à 8 lignes à retard entièrement modulables, le tout avec synchro interne ou Midi.
Séquenceurs très souples
Si on utilise un LFO avec dent de scie à l’entrée, le séquenceur tourne à l’endroit ; avec une dent de scie inversée, il tourne à l’envers ; si l’onde est triangulaire, la lecture est alternée. Avec une forme d’onde complexe, on obtient des motifs complètement déjantés ! Utilisée avec des arpégiateurs, des switches et des processeurs logiques, on imagine les possibilités délirantes de modulation en temps réel… Là, le concept de modulaire allié à l’ergonomie du virtuel prend tout son sens. Parmi les différents modules, on trouve un trigger simple à 2 lignes (sans modulation), un générateur de modulations et un générateur de notes. Ce dernier offre une entrée permettant de déclencher l’enregistrement des pas à la volée, un peu comme un répétiteur en boucle. Des modules très souples qui vont être à l’origine de bien des nuits blanches.
Mixage et Switch
Mais cela n’est pas tout, car au détour d’un menu (sur le G2X ou à l’écran), on trouve encore quelques possibilités de modulation. A commencer par un arpégiateur simple qui offre quelques motifs élémentaires sur 1 à 4 octaves. On peut le synchroniser à l’horloge interne ou Midi, le maintenir (fonction Hold) ou le piloter par message Song Position Pointer lorsqu’il est synchronisé au Midi. Chaque Patch dispose de son arpégiateur. On trouve également un vibrato indépendant et un glide, capable de fonctionner en mode automatique (joué lorsque les notes sont liées) ou permanent.
Modules divers
Avec le G2X, on pourrait penser la même chose, mais vu qu’on a les modules sous la main pour le même prix, pourquoi s’en priver. Les résultats sont, bien souvent, imprévisibles pour le commun des mortels. La machine regorge de modules arithmétiques (familles Level et Logic), comprenant des outils pour additionner, soustraire ou multiplier des signaux. Au détour d’une liste déroulante, on trouve un modulateur en anneau, un noise gate, des comparateurs, un inverseur, un flip flop, une impulsion, un compteur, des convertisseurs DA / AD 8 bits. L’utilité de certains d’entre eux n’échappera pas au public averti. Il existe d’autres familles de modules dont la description exhaustive serait bien plus pénible à lire qu’à utiliser. Nous nous en tiendrons donc là pour cette fois…
Mode multitimbral
Il est possible d’éditer n’importe quel canal d’une performance en direct ou à partir de l’éditeur logiciel. Les modifications sont intégrées au niveau de la Performance, donc le programme d’origine demeure. Ce choix, assez peu commun, est idéal pour une programmation efficace sans se prendre la tête avec les interactions programmes / performances. Cela vaut aussi pour les arpégiateurs et les sections effets, qui s’appliquent indépendamment à chaque canal. Merci Clavia ! Autre sujet de réjouissance, la possibilité de créer des jonctions Midi d’un canal à l’autre. Mieux, il existe même des bus audio (monodiques) entre les slots, permettant d’injecter le signal de sortie d’un canal vers l’entré d’un autre, un peu comme si on connectait 4 gros modulaires. Là, c’est très fort ! Enfin, chaque Performance dispose de 120 paramètres globaux supplémentaires assignables aux commandes temps réel.