Fondé par Marc Lingk, étonnant musicien-compositeur-développeur multilingue, Physical Music a pour l’instant sorti deux produits, Time Freezer version effet et Time Freezer version instrument virtuel. Qui se retrouvent maintenant en test sur AudioFanzine.
Fondé par Marc Lingk, étonnant musicien-compositeur-développeur multilingue, Physical Music a pour l’instant sorti deux produits, Time Freezer version effet et Time Freezer version instrument virtuel. Qui se retrouvent maintenant en test sur AudioFanzine.
Présentation
Deux produits donc (on appellera l’effet Time Freezer FX), tous deux compatibles Mac/PC, pour Win 2000/XP/Vista et Mac UB. Les plugs sont disponibles aux formats VST et AU. Les spécifications minimales annoncées sont incroyablement basses, puisqu’on peut se contenter d’un G4 300 ou d’un PIII 500… L’achat et l’autorisation du plug se font via internet, selon une procédure propre à l’éditeur, avec adresse de téléchargement personnalisée, etc. (rien de complexe…).
Commençons par l’effet. La première chose qui surprend, c’est l’absence de visualisation de valeurs, ce qui selon Lingk, ‘soutient le caractère intuitif du plug’. On y reviendra. Peu de réglages, en tout cas : en haut, ce qui concerne l’acquisition et le gel du signal entrant. En bas, les modifications à apporter au son gelé.
Ainsi à haut à gauche, Maximizer permet, une fois activé, de garantir un signal sans distorsion. En dessous se trouve le paramètre Size, qui correspond à la fenêtre d’analyse du plug : la plage de réglages s’étend de 500 à 66 150 échantillons à 44,1 kHz (soit approximativement de 11 ms à 1,5 seconde). À droite, Denoiser atténue la partie du signal correspondant au bruit de fond. Bien entendu, une partie du signal utile est aussi filtrée et il faudra employer ce réglage avec parcimonie, sauf recherche d’effet spécial. Morph Time est assez intéressant, au sens où il permet de passer progressivement d’un réglage à l’autre, par exemple d’une Resonance réglée à zéro à son ouverture au maximum, sur une plage allant de 1/100e de seconde à 10 secondes. Cela permet dans le cadre d’une utilisation live de préparer un effet puis de s’occuper à une autre tâche. Le réglage a aussi son utilité en studio.
On dispose ensuite dans la partie basse d’un filtre passe-bande et de sa résonance, d’un réglage de pitch et d’un Mixer, permettant de doser signal entrant et signal traité. Pour revenir à l’absence de valeurs lisibles, c’est sur la fréquence du filtre et le pitch qu’elle est la plus gênante. Attention, par défaut, le volume du signal entrant (Input) est légèrement plus faible que celui de l’original, et la Resonance du filtre est active (un tout petit peu, mais ça s’entend). Donc, prendre le temps d’ajuster ces deux réglages avant tout travail.
En action
Avant d’entendre le résultat, un petit mot sur le principe. Marc Lingk a créé ses propres algorithmes (il a fait des études de physique à la Technische Universität de Berlin), et le plug comme l’instrument utilisent un principe d’analyse / resynthèse et ‘plusieurs trucs combinés’. Pas moyen d’en savoir plus, mais ce n’est pas du granulaire, ni du neuronal ni de la resynthèse additive ; selon l’éditeur, ‘environ 200 000 fonctions sinus [sont utilisées] pour refaire le son de synthèse’ et ‘Peut-être est-elle (cette resynthèse, NDLR) vraiment nouvelle’.
Pour le premier exemple, une voix vietnamienne passe par l’effet Time Freezer. Dès le Freeze, on entend en temps réel les manipulations des différents paramètres (automation de Logic, commande par la MC Mix). Ça commence par une recherche de la bonne fenêtre d’analyse en étant parti du réglage maximum. On peut en effet continuer à modifier cette fenêtre même si le son est déjà gelé, et revenir au réglage de départ, c’est bien vu. Ensuite, un effet de pitch, pour montrer la qualité de ce dernier. La qualité du son est assez incroyable.
Une des utilisations possibles du plug est de fournir des matériaux assez inattendus, inédits, surprenants, permettant de créer des samples, des sons personnalisés. Ainsi, voilà un pad réalisé à partir d’un extrait de l’exemple précédent, mouliné dans Keymap et programmé dans l’exs24 mkII de Logic.
Autre exemple à partir d’un son avec un contenu harmonique plus complexe, une Tubular Bells jouée en octave. On remarque que le Freeze est d’une grande fidélité. Encore une fois, le résultat peut servir de base pour construire un tapis harmonique ou simplement bruitiste. Voici un extrait créé à partir de plusieurs pistes préparées avec diverses notes de Tubular Bells et un Time Freezer sur chaque, quelques effets de pitch et réglages Size différents (les effets de sonnerie), avec pour finir un petit synthé saturé.
Voici un autre exemple de pad réalisé à partir d’un extrait du précédent.
Time Freezer, l’instrument
La version instrument virtuel présente les mêmes commandes, à l’exception du mixage entre entrée et effet et du paramètre Size. En revanche apparaissent un Open File, qui permet d’ouvrir un fichier audio (reconnaissance des formats wav. et aiff, mono, stéréo, 16, 24 bits, et 32 bits float), un bouton Hold, qui maintient le son et un Keyb. Mode, qui bascule entre jeu au clavier (mono) et sélection des fichiers déjà analysés. On y rajoute deux grandes fenêtres, l’une, Waveform Position, permettant de placer le curseur de gel (correspondant au moment où l’on déclenche Freeze sur l’effet) et l’autre, Wave Zoom, permettant de régler la plage d’analyse/resynthèse (correspondant à Size sur l’effet). La plus importante des choses à savoir est que le synthé est monophonique. Une autre est qu’il n’y a pas de balance entre Wet et Dry et que l’on n’entendra que le Freeze, et jamais le signal d’origine. Donc il vaut mieux savoir ce qu’on importe. À l’inverse, l’import ‘à l’aveugle’ peut aussi produire quelques surprises agréables.
J’avoue que le passage en Keyb. Mode pour choisir un son est un peu déstabilisant au départ, puisqu’il ne faut pas rejouer une note si l’on est arrivé au son désiré, sous peine de passer au suivant. Donc, le principe est de sélectionner en appuyant sur une des touches de l’octave (touches blanches uniquement), puis une fois arrivé au son, de rebasculer en mode jeu. Notons que le synthé permet de sauvegarder des presets. Attention, à l’ouverture, il présente le même défaut que l’effet, à savoir la Resonance qui n’est pas à zéro.
La vélocité agit sur le volume global, et c’est tout ce qu’on peut trouver comme véritable réponse au jeu : pas d’aftertouch, pas de modulations, etc. Mais Time Freezer en est à sa toute première version (aucun problème de stabilité, c’est très appréciable) et se verra certainement doté de tous les raffinements imaginables dans les versions à venir. Pour l’instant, il permet l’accès à des sonorités inhabituelles, dotées d’un sustain sans fin, sans bouclage, ni artefacts. On peut regretter qu’il n’y ait qu’un passe-bande, car avec une offre de filtres plus variée, l’instrument verrait son potentiel créatif surboosté. Mais rien n’empêche de mettre un plug de filtrage en sortie. Tous les paramètres gagneront à être assignés à un contrôleur Midi. Une évidence : plus le son sera propre, normalisé, plus on en tirera de la matière optimisée. En même temps, des choses intéressantes sortent du chaos…
Quelques exemples : à partir d’un sample de cuivres, on peut arriver à un son entre ney et bombarde bretonne. Le son est incroyablement propre, et il faut vraiment monter dans les extrêmes aigus pour produire des artefacts sonores (la session de travail est en 24/48). Avec un filtre en sortie, les choses deviennent tout de suite plus vivantes. Autre exemple, à partir d’une phrase de B3, avec un Morph Time réglé au centre, montrant divers changements dans l’emplacement des curseurs dans Wave Position et dans le zoom de Wave Zoom. Et pour finir, la même phrase et les mêmes automations appliquées à un groove de batterie importé dans Time Freezer.
Conclusion
Nous voilà face à un logiciel vraiment original. On peut le trouver incomplet, certes, mais il est pratiquement unique. En cherchant une comparaison, il ne vient à l’esprit que le Freeze des GRM Tools, qui proposait aussi de ‘geler’ une portion de son, mais plus dans une optique de bouclage et pas au niveau de finesse que peut proposer Time Freezer (sous toutes réserves, n’ayant pas les GRM Tools à disposition).
La qualité sonore est tout bonnement stupéfiante, et tenir un ‘gel’ pendant des minutes entières procure une sensation impressionnante. On pourra attendre les versions plus complètes des plug et instrument virtuel, notamment en ce qui concerne la richesse de commandes et de filtrage, mais en l’état, les possibilités offertes sont extrêmement vastes. En complétant l’un et l’autre par quelques plugs bien choisis, l’attirail de sound design se verra complété par une technique et un son innovant. Depuis que j’ai reçu la version de test de Time Freezer, j’ai ainsi pu créer et programmer un nombre assez important de sons pour nourrir mon exs24.
Le jour où Time Freezer sera polyphonique, doté de nombreux filtres, de possibilités de modulations et autres raffinements temps réel, nombre de synthés virtuels n’auront plus grand intérêt. Reste qu’en l’état, Time Freezer est loin d’être incomplet, et offre déjà beaucoup, aussi bien sur scène que dans les nuits de programmation studio et de sound design. Une réussite atypique.