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Art et société

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Sujet de la discussion Art et société
Salut,
Je propose un nouveau thread-fleuve ( :mrg: ) sur la rapport qu'entretiennent mutuellement l'art et la société. Pour ça, je vous suggère de partir de quelques textes d'Adorno qui, avec son pote de l'école de Francfort Max Horkeimer, forge l'expression d' "industrie culturelle" dans leur Dialectique de la raison (1944).

Citation :
Le changement de fonction de la musique touche aux éléments constitutifs du rapport de l'art et de la société. Plus le principe de la valeur d'échange prive inexorablement l'homme de la valeur d'usage, plus la valeur d'échange cherche à se faire passer pour un objet de plaisir. On s'est demandé quel était le ciment qui faisait encore tenir la société marchande. Ce transfert de la valeur d'usage des marchandises de consommation à leur valeur d'échange peut contribuer à créer une situation dans laquelle le plaisir, s'émancipant de la valeur d'échange, finit par représenter des caractères subversifs. L'apparition de la valeur d'échange dans les marchandises a très précisément assuré la fonction d'un ciment.



Citation :
Mais l'art et les oeuvres d'art sont menacés de déclin, non pas seulement parce qu'ils sont hétéronomes, mais parce que jusque dans la formation de leur autonomie qui confirme la constitution sociale de l'esprit, isolé du reste par la division du travail, ils ne sont pas seulement de l'art. Ils sont aussi quelque chose d'étranger à celui-ci, quelque chose qui s'y oppose. Au propre concept d'art est mêlé le ferment de sa suppression.



Citation :
Car seulement sous l'empire de la nécessité, que représentent monadologiquement les oeuvres d'art unies, l'art peut faire sienne cette force de l'objectivité, qui finit par le rendre capable de connaître. La raison de cette objectivité, c'est que la discipline, imposée au sujet par l'oeuvre d'art, unie, transmet l'exigence objective de toute la société, de laquelle celle-ci sait aussi peu que le sujet. Elle est critiquement érigée en évidence à l'instant même ou le sujet brise toute discipline. Cet acte est un acte de vérité seulement s'il renferme en soi l'exigence sociale qu'il nie.



Voilà pour ces textes. Après lecture (et éventuellement relecture...), quelle est votre réflexion (et pas votre opinion) sur les rapports entre art et société ? Pour Adorno, l'art est manifestement le lieu où s'opère la contradiction entre la société et lui-même.
On peut bien évidemment axer cette discussion sur la musique (puisque c'est ce qui est censé nous unir), mais on peut tout à fait débattre de l'art en général.

A vous de jouer ! :clin:
"C'est blazman legacy ici" (Apocryphe) / Live music / Soundcloud
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Salut Head,
en effet, l'art, tout en cherchant une autonomie, ne peut se départir de la dépendance qui le lie à la société, sans quoi, son statut ontologique serait lourdement menacé. Adorno dit d'ailleurs dans sa Philosophie de la nouvelle musique (à moins que ce soit dans la Théorie esthétique) "le nié est contenu dans la négation". En effet, la négation, pour avoir du sens, et ne serait-ce que de l'être, doit être la négation de quelque chose. En ce sens, l'art représente bien le "niant", et la société le "nié".

Citation : On peut facilement le penser en faisant corréler au départ l'apparition de l'art et des premières formes de communautés, au même moment, dans un mouvement global(lié quoi).


Pour Adorno, "l'art a perdu son caractère d'évidence" (cette proposition apparait dans les premières lignes de la Théorie esthétique, "même son droit à l'existence ne semble plus aller de soi", ajoute-t-il). Je m'explique (ou plutôt, je l'explique) : dans ses théories sur l'origine de l'art, Adorno soutient que c'est parce que l'art a perdu son caractère cultuel, rituel, qu'il est désormais un mystère. Il recèle donc un contenu de vérité latent, caché, qui se caractérise par le "caractère énigmatique" de l'art. Ce serait un peu long à développer (et une bonne lecture vaut mieux qu'un long commentaire). Tout ça pour dire que je suis d'accord avec Adorno pour dire que l'art est le "sismographe" d'une société. Pur moi, l'art est révélateur d'un configuration épistémique donnée, et en ce sens, il n'est jamais totalement autonome, puisqu'il est le reflet de faits sociétaux. Je ne suis donc pas d'accord pour dire que l'art peut être détaché des sociétés, et encore moins des communautés humaines (ce qui revient au même).


Sinon, une petite semaine de vacances pour moi. Je n'ai toujours pas remis la main sur Debord, et je n'ai pas emmené le bouquin dans lequel on trouve l'article de Buch, mais on n'est pas pressés... :clin:
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Citation : l'art, tout en cherchant une autonomie, ne peut se départir de la dépendance qui le lie à la société, sans quoi, son statut ontologique serait lourdement menacé.



Je pense précisémment le contraire. Le contenu ontologique de l'art le place au-dessus des phénomènes (si nous admettons que ce contenu est métaphysique) et donc "au-dessus" du phénomène social. L'art pert son contenu ontologique dans la société quand il devient une valeur d'échange ou, pour dire les choses plus simplement et dans un registre actuel, un produit commercial. L'art devenu valeur d'échange devient objet de la critique. Une oeuvre d'art est critiquée par sa relation horizontale à la société. La critique se place au rang (au même niveau ou sur la "même longueur d'onde" ) de l'oeuvre alors que le contenu ontologique, en réalité, est au-delà de la critique (dimension verticale, pour revenir au symbolisme de la croix). Le rapport de l'art à la société est un rapport sacrificiel. L'art est livré au commerce et n'est plus qu'un objet de consommation. L'art n'est accessible à la critique qu'à travers l'oeuvre d'art ou l'objet d'art. C'est là un sacrifice énorme que l'art concède à la société. Le "prêtre", c'est bien sûr l'artiste qui sera jugé pour son oeuvre (rappelons que le sens "principiel" de la prêtrise est bien de se livrer en sacrifice et qu'il y a bien la racine "sacré" dans "sacrifice" ). Bien sûr, l'oeuvre est intimement liée à l'artiste même si elle ne lui appartient pas en propre (en ce sens qu'il se situe simplement à la croisée des chemins entre l'inspiration et l'expression). Juger l'artiste, c'est le critiquer à travers son oeuvre. On voit bien, par là, qu'on n'atteint jamais au contenu ontologique de l'art mais à sa manifestation tangible dont l'artiste n'est que le coeur et non l'esprit. La société n'a jamais pu obtenir autre chose que cela de l'art et c'était bien suffisant car s'il existait une expression par la voie d'un sacrifice, l'art était donc sacré. Aujourd'hui, le sacré et le profane sont confondus et je crois que c'est ce qui fait dire à Adorno (et que je relève de ce que tu écris, lebat)

Citation : l'art a perdu son caractère cultuel, rituel, qu'il est désormais un mystère. Il recèle donc un contenu de vérité latent, caché, qui se caractérise par le "caractère énigmatique" de l'art.



Cela étant, l'art a toujours été un mystère dans le sens d'inaccessible à l'entendement ou à la critique. Actuellement, ce n'est pas tant que l'art est mystérieux mais il est devenu "énigmatique". Le mystère relève de la foi alors que l'énigme relève de la raison. Il est important, je pense, de relever cette confusion des genres par l'emploi de "synonymes" qui, du point de vue métaphysique, n'en sont pas.
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Le rap c'est le retour de la scansion dans un univers musical où l'harmonie et le phrasé ont été poussé tres loin !

le rythme qui a été encapsulé et masqué dans la musique occidentale ressort c'est pas forcemment une avancée de ne plus maitrise le contrepoint et d'avoir des basses grossieres pour marquer 2/3/4 temps !

la societe se simplifie avec la disparition des classes moyennes,la musique suit le même chemin en haut des elites qui ecoutent bach,mozart en bas des djeunes qui ecoutent des gammes de moins de 5 notes !
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Autour du temps > As-tu lu "Bruits" de Jacques Attali ?
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Non, je n'ai pas lu ce livre mais il semble (d'après les résumés que j'ai pu en lire) que ce soit un ouvrage très intéressant et ambitieux.
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Je te demandais ça parce que une bonne parttie du bouquin tourne autour de la notion de "rôle sacrificiel" de la musique, un concept pas pareil au tien, mais qui m'y faisait penser.
Le livre est vraiment intéressant, mais mériterait d'être plus approfondi sur certaines explications (notamment le rôle sacrificiel), et vu sa conscision, ne peut éviter de passer à la trappe certains mouvements musicaux modernes. Mais c'est pile poil dans le sujet, et sa théorie de la musique en tant que "boule de cristal" des évolutions de la société est vraiment bluffante.
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Citation : L'art pert son contenu ontologique dans la société quand il devient une valeur d'échange


Pour rejoindre un peu les deux bouts, entre ADT et jungledom (ses questions), la société se sert de l'art, de toute façon la société se sert de tout ce qu'elle trouve pour en faire un bien ou un service, un loisir ou une loi, un concept ou du papier chiotte.

Citation : l'art, tout en cherchant une autonomie, ne peut se départir de la dépendance qui le lie à la société, sans quoi, son statut ontologique serait lourdement menacé.


L'art existe à travers la société, mais l'art existe-t-il si la société n'est pas ?

Je dirais déjà que l'art est nécessaire, est un rouage dans le bon fonctionnement de la société, société dans le sens système de fonctionnement, mais aussi du point de vue moins palpable qui est moral, intellectuel, spirituel etc...
Dans l'autre sens, l'art se développe grâce à la société, ou plutôt à l'évolution de celle-ci. Donc il semble clair que les deux se font vivre et croître l'un l'autre, et donc je te rejoins lebat.

Dans l'argumentation des hommes en politique, en cuisine, en économie, l'art peut toujours prendre une place. L'argument artistique peut toujours être immiscé, même s'il ne prend au final pas une valeur décisive dans le débat, le choix.
Parce-que l'homme se sert de tout pour vaincre, ou la version plus politiquement correcte, pour convaincre.

Plus que l'art lui-même, c'est le terme qu'on tord dans tous les sens pour lui donner un rôle. Et je pense qu'on fait ça avec tous les mots qui sont abstraits ou multi-polysémiques (ah bah c'est beau ça). On tord le terme donc le sens, la portée de ce mot, de ce concept.

Citation : dans ses théories sur l'origine de l'art, Adorno soutient que c'est parce que l'art a perdu son caractère culturel, rituel, qu'il est désormais un mystère


C'est étrange d'en arriver là : l'art est toujours culturel, mais je pense que c'est le sens qu'il donne au mot culturel qui fait diverger nos points de vue. Si pour lui culturel veut dire ici traditionnel, alors oui l'art n'est plus très traditionnel au sens large.
Mais dans un sens plus dirigé, il est de "tradition" de faire de la musique, (et essayer de faire) de l'art. Et notre culture, notre société, se sert (donc encourag à faire) de l'art dans une certaine mesure (c'est pas dit à la télé mais dans les moeurs, en écartant le frein du fric, l'art reste dans le domaine des activités glorieuses au même titre que génie ou l'abbé Pierre).

Et je pense aussi que la perte du rituel dans l'art a permis à celui-ci de s'ouvrir de nouvelles portes, et de se développer à un point où je n'oserai jamais dire que c'est "à regret". Le rituel sacralise (sens large) l'art non ? Donc quelquepart il l'enferme dans une vision réductrice...
Et si on veut parler de rituel, je pense qu'aujourd'hui l'art est rituel, mais sous une forme moins religieuse, moins mystérieuse qu'avant. :noidea:
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Excellent post, Head, !! :clin:

Je te réponds plus tard, ADT, ton cas est litigieux... :clin:

Citation : a société se sert de l'art, de toute façon la société se sert de tout ce qu'elle trouve pour en faire un bien ou un service, un loisir ou une loi, un concept ou du papier chiotte.


Je dirais même plus ( :clin: ), Ce n'est pas tant "la société qui se sert de tout ce qu'elle trouve", mais plutôt que tous les objets et phénomènes au sens générique (tout ce qui peut se présenter au sujet, soit de manière empirique, soit de manière conceptuelle) est irrigué par la société. Elle envahit et s'immisce. En ce sens, les objets deviennent passifs : je ne crois pas à une rencontre contingente de la société avec ceux-ci.

Citation :
L'art existe à travers la société, mais l'art existe-t-il si la société n'est pas ?


Citation :
l'art, tout en cherchant une autonomie, ne peut se départir de la dépendance qui le lie à la société, sans quoi, son statut ontologique serait lourdement menacé.


L'ontologie est une théorie de l'être, et donc de l'existence. Par conséquent, l'art ne peut exister sans la société.

Citation : Dans l'autre sens, l'art se développe grâce à la société, ou plutôt à l'évolution de celle-ci. Donc il semble clair que les deux se font vivre et croître l'un l'autre, et donc je te rejoins lebat.


:bravo:


Citation : Dans l'argumentation des hommes en politique, en cuisine, en économie, l'art peut toujours prendre une place. L'argument artistique peut toujours être immiscé, même s'il ne prend au final pas une valeur décisive dans le débat, le choix.
Parce-que l'homme se sert de tout pour vaincre, ou la version plus politiquement correcte, pour convaincre.


C'est bien vu. Je pense même que l'on peut dire que l'art est désormais un critère de scientificité falsifié, puisqu'on peut toujours chercher de l'objectivité dans l'art, je ne suis pas sûr qu'on en trouve.

Citation : multi-polysémiques (ah bah c'est beau ça)


Non, ce n'est pas très beau ce pléonasme..."Polysémique" signifie déjà qu'un signe a plusieurs sens simultanément.

Citation : C'est étrange d'en arriver là : l'art est toujours culturel


Citation :
Adorno soutient que c'est parce que l'art a perdu son caractère cultuel


Attentin, j'ai bien écrit "cultuel", qui relève du culte et non pas "culturel". Adorno veut juste dire que l'art trouve son fondement, sa raison d'être dans le ritualisé, et qu'en tant que notre société le délaisse, l'art a perdu son caractère d'évidence.

Citation : Et je pense aussi que la perte du rituel dans l'art a permis à celui-ci de s'ouvrir de nouvelles portes, et de se développer à un point où je n'oserai jamais dire que c'est "à regret".


Oui, c'est la raison de ce dualisme et de cette contradiction sous-jacente, qui en fait ne l'est pas. La Theorie esthétique semble "minée de contradictions", comme dit Jimenez, mais je ne suis pas d'accord avec lui. Adorno ne se contrdit pas dans son propos, ce sont plutôt les aspects décrits qui sont contradictoire, et pourtant bien réels...

Citation : "Bruits" de Jacques Attali


Encore un à rajouter sur ma liste...
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Citation : L'ontologie est une théorie de l'être, et donc de l'existence. Par conséquent, l'art ne peut exister sans la société.



Curieuse façon d'argumenter :8) . Par définition, l'ontologie est une partie de la métaphysique qui s'applique à l'être en tant qu'être, indépendamment de ses déterminations particulières. S'il existe bien une théorie ontologique de l'être, celle-ci s'applique à un niveau métaphysique et donc précédant l'existence. Je sais bien que, pour Sartre, c'est l'existence qui précède l'essence mais, du point de vue méthaphysique, c'est le contraire. "Exister" est constitué du préfixe "ex" qui renvoie à l'extérieur des principes, dans la manifestation, et du suffixe "stare" qui signifie "être". Exister, c'est se placer en dehors de l'être "en soi". C'est une projection dans l'ordre temporel d'une réalité métaphysique atemporelle. Exister n'est pas ontologique, c'est phénomènal. Autrement dit, l'essence est noumènale alors que l'existence est phénoménale (toujours du point de vue métaphysique). Au plan ontologique, la société est une organisation qui se calque directement sur des principes métaphysiques. La société est une expression temporelle d'un réalité mythique sociale qui lui survit quoi qu'il arrive. Les hommes peuvent se détourner des principes et, avec les hommes, la société des hommes, la réalité ontologique sociale lui survit en lui imposant ses "énigmes". La relation que l'homme entretient actuellement avec l'art est exactement la relation qu'il entretient avec ses principes ou son propre mythe : une relation de totale incompréhension. Si le sacrifice rituel avait un sens dans une société traditionnelle, actuellement, il n'en a aucun. On ne saisit plus très bien, dans le domaine artistique, qui sacrifie quoi ou même au nom de quoi. Ne reste que l'esthétique qui, de ce point de vue, est une science du "coeur" (autrement dit, du "sentiment" ), c'est à dire, une science de l'expression et non de l'inspiration.

Cela étant dit, je pense que l'art peut parfaitement être (et non exister :clin: ) en dehors de la société en ce que la société est une expression mythique alors que l'art est le mythe lui-même (c'est à dire, "non né" ). C'est l'oeuvre d'art, et non l'art lui-même, qui existe. L'art c'est, en quelque sorte, le "supposé" de l'oeuvre. La société est le lieu d'exposition de l'art, c'est à dire là où se bâtissent les oeuvres d'art. De ce point de vue là, on peut dire que la société est nécessaire à l'art, mais c'est une nécessité a posteriori. L'art pourrait parfaitement ne jamais exister et être néanmoins.
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:beurk:

C'pas contre vous hein... c juste ça fait un peu tourner la tête tout ça... :tourne:
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Citation : L'art existe à travers la société, mais l'art existe-t-il si la société n'est pas ?



Tout la problèmatique de cette expression réside dans l'emploi des verbes "être" et "exister". C'est vrai que l'art "existe" à travers la société dans son expresion temporelle, c'est à dire l'oeuvre. Sans la société, l'art est une réalité non-née, c'est à dire "non exprimée". La société joue, pour l'art, une sorte de rôle de "matrice". La matrice, c'est un autre nom de la matière, c'est à dire de la substance où l'essence va se structurer. Il faut bien un "code" de structuration et ce code est ontologique. La matière, la société, ne le possède pas en propre sinon dans sa réalité méthaphysique. Tout le problème de la société actuelle est bien de comprendre ces codes. C'est là "l'énigme" dont il est question dans l'art. Notons qu'il n'est pas nécessaire à l'art d'être compris pour être. En effet, les oeuvres d'art ne cessent jamais de se produire mais l'artiste ou l'esthète ne savent pas exactement d'où vient l'inspiration. Et on assiste volontier à une "mystique" de l'art, c'est à dire à la répétition ritualisée de gestes, à une sorte de mimétisme sans esprit de création. Cela n'est pas un mal en soi, après tout, on s'en passe bien depuis des lustres, mais c'est assurément une perte de valeur (au sens ontologique).
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Citation : Attentin, j'ai bien écrit "cultuel",



Et "attentin", c'était voulu alors ?? :?!:


:P:

ADT> je vois tout à fait ce que tu défends. Pour illustrer tes propos, je soutiendrais que l'art d'une culture antérieure est morte existe bien lui.
La société aztèque est morte, pourtant l'art de ce peuple demeure.
Il demeure à la fois par ses vestiges, donc ses oeuvres, qui perdurent (mais se meurent quand même avec l'érosion, enfin le temps quoi), mais l'art aztèque demeure encore sous forme plus abstraite (noumènale? j'me rappelle plus du sens de ce mot).

Il perdure sans doute par la mémoire des gens, quelle que soit la société dans laquelle vivent ces gens.

Maintenant, le fait de faire perdurer un art cultuel donc, ou même culturel, dans des sociétés futures et donc différentes, quand la nôtre par exemple sera éteinte, est-ce que l'essence même de l'art de chez nous ne sera pas mal interprétée, faussée, oubliée ?
Si une société à travers ses recherches historiques retrouve des vestiges (donc des oeuvres) d'une société défunte, ses vestiges seront-ils vus de la m^mee manière, et tout ce qui va avec ?

Je pense que non. Chaque société, avec ses moeurs, son histoire, ses convitions idéologiques, perçoit les oeuvres différemment, pourquoi pas au point de les trouver non-artistiques, blasphématoires, ou etc...
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Citation : La société aztèque est morte, pourtant l'art de ce peuple demeure.



Ce qui demeure, je pense, ce sont les oeuvres laissées par ce peuple. L'art Aztèque est mort avec son peuple, c'est à dire le rapport de l'aztèque à l'univers a bel et bien disparu. Bien sûr, il reste des interprétations philosophiques ou religieuses, voire même scientifiques, mais ce ne sont que des interprétations ou des théories et on n'est jamais bien certain que le modèle théorique colle à la réalité. Quand je dis que l'art est mort avec son peuple, je veux dire que le peuple aztèque s'était bâti sur une structure traditionnelle et donc métaphysique (enfin, on peut le supposer). La société ayant disparu, la relation à la nature ou a la vie a disparu et l'art, qui est une relation à la nature (re-lation = re-ligion en traditionnel) avec. Rien n'était fait au hasard dans les dispositions, les proportions, l'agencement des objets... Il n'y avait rien qui se faisait sans art. A noter, d'ailleurs que le terme "homme de l'art" est resté pour le métier d'ingénieur, sauf que l'ingénieur actuel construit des ouvrages d'art avec des calculs de résistance des matériaux ou d'hydraulique sans que ces calculs se fassent en relation quelconque avec un modèle social traditionnel. Bien évidemment, c'est la société qui décide de l'orientation des ouvrages qu'elle réalise mais, pour faire partie de ces ingénieurs qui construisent "pour le peuple", je sais bien ce qui oriente les esprits des politiques.

Citation : Maintenant, le fait de faire perdurer un art cultuel donc, ou même culturel, dans des sociétés futures et donc différentes, quand la nôtre par exemple sera éteinte, est-ce que l'essence même de l'art de chez nous ne sera pas mal interprétée, faussée, oubliée ?



Je crois qu'il n'y a pas de risque à mal interpréter ce qui n'a aucun sens. L'art actuel est un chemin qui ne mène nul part. Bon, c'est mon point de vue. Je ne suis pas en train de dire que nous faisons du gros n'importe quoi. Je pense, au contraire, que nous sommes très loin de faire n'importe quoi mais nous ne savons pas ce que nous faisons. Nous le faisons parce que nous n'avons pas d'autres choix. Nous savons que nous devons faire cela parce que nous aimons cela et pensons être faits pour cela. Mais de là à dire que nous comprenons ce que nous faisons, je pense que c'est impossible. L'art est fondamentalement un mystère mais ce mystère pouvait trouver une solution dans un rapport "spirituel" à la vie. Actuellement, le seul questionnement qui se pose pour un artiste, mettons un musicien, c'est "comment vais-je pouvoir vivre de mon art ?". Les artistes, dans les sociétés traditionnelles, étaient nourris, protégés... par elles. Le problème de la reconnaissance artistique ne se posait pas. Actuellement, le problème se pose parce que, ne reconnaissant pas la nature réelle de l'art, comment pourrait-on reconnaître ses artistes ? Mission impossible. Donc, si notre société devait un jour disparaître, je pense que l'on retiendrait d'elle la confusion dans laquelle elle se trouvait, au moins par rapport à ses artistes. Mais, bon, cela dépendra surtout de la perspective de l'analyste. Lorsque nous étudions les arts traditionnels avec une perspective d'homme moderne, coupé de ses racines traditionnelles, nous réinterprétons tout à travers nos filtres biaisés. Je ne suis pas sûr que nous comprenions, par exemple, les raisons qui ont poussé des hommes à construire des pyramides. Nous pouvons dire que les pharaons avaient la folie des grandeurs. C'est tout ce que nous pouvons dire. Quand on ne comprend pas, on dit c'est la folie qui est le moteur...
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Citation : je vois tout à fait ce que tu défends.



En fait, contrairement à ce que mes posts pourraient laisser entendre, je ne suis pas un ardent défenseur des sociétés traditionnelles et je n'ai pas particulièrement la nostalgie des systèmes qui les dirigeaient. Je crois que l'art ne se perd pas, quoi que nous fassions, quelle que soit la façon dont nous vivons. Je pense même qu'il faut renoncer à comprendre parce que c'est encore la meilleur façon de comprendre (bon, cette dernière phrase, il faut quand même la comprendre :clin: ).
40
:up:
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Il est terrible ce tread !!

Ca met en lumière pas mal de choses pour moi.

L'art, un miroir.

et apres longue réflexion, en effet, l'art ne doit pas nécéssairement etre compris ou analysé (ni etre utile). C'est ce qui fait son universalité.

Mais c'est quand même un témoiniage direct de la societe et actuellement c'est devenu un pur objet de consommation, complètement vidé de tout sens autre que la rentabilité (peut-on encore appeler ça de l'art, de la musique,...?). Le pire c'est qu'on laisse un témoiniage ENORME de ce merdier derière nous.

Bref on a fait évoluer le concept d'art, du divin au pire aspect de l'homme (on frappe sur la monaye "Liberté, égalité, fraternité" comme si l'économie donnais sens a toute chose actuellement); de la représentation divine à la vulgarité, reflet social oblige...

Je pense qu'à travers toute cette évolution, on a finit par se connaitre sur le bout des doigts et a tout niveau (bien que le cerveau n'ai pas encore livré tout ses secrets). Cette conaissance est très récente et peu de gens en sont conscient (Ex en psychoacoustique : comment transformer de la "merde" en "musique" pour les masses... bon titre de livre style "Le mastering pour les nuls").

Voila, la comparaison de l'art et de l'amour me plait bien (plus que celle du miroir). Elle permet d'ajouter ce coté mystérieux (divin ?) qui n'est décidément plus dans cette société ou l'on ne croit plus.

...et pourtant, on est obligé de croire pour avoir un avenir. Le cerveau a besoin de croire pour fonctionner.

Merci pour toutes ces pistes et ces points de vue.
42

Citation : Il est terrible ce tread !!


Dans ce cas, sois le bienvenu !
Et oui, tu soulèves aussi un problème de langage : peut-on appeler musique un objet de consommation, parce que ne nous leurrons pas, les gens, aujourd'hui, consomme de la musique, or, l'art n'est pas une marchandise...
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Citation : l'art n'est pas une marchandise...


Je suis pas d'accord avec ça. Je sais plus où j'en ai déjà parlé, mais pour moi faut faire la dif' entre la nature de l'art et sa fonction (comme en grammaire).
L'art telle une marchandise a divers bons côtés malgré l'a priori réducteur qu'on voit. La force de l'art comme marchandise est une bonne chose dans le sens où ça lui donne un sens de plus pour exister chez l'homme.
On aurait pu s'en passer, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. En fait je préfère donner certains "pouvoirs" à l'art plutôt que de le laisser tel quel être, sans utilité pour l'homme.
La marchandise qu'est l'art permet aux artistes de vivre en société, et je précise bien en société, mais bon aujourd'hui qui vit hors d'une société... Mais disons que dans un système de consommation ou la monnaie remplace le troc, et bien l'art a une valeur qui mérite bien qu'on gagne un peu de sous-sous avec.

Mais tu voyais peut-être un autre sens au mot "marchandise"...?
44
Ouais : produit de consommation courante destiné à abrutir le plus de personnes possibles et à drainer le plus de cash. Ca fait une différence.

Pour moi, l'art est fondamentalement inutile, c'est ce qui fait d'ailleurs que les oeuvres d'art se détachent de la société en la niant, en même temps qu'elles y sont liées fermement.
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Citation : les oeuvres d'art se détachent de la société en la niant


C'est beauuuuuu ça. :ange: Tu personnalises l'art dans ta phrase, ce qui le rend humain à la base, mais dans le contexte de ta phrase, l'art devient supérieur à l'homme. Tel un Dieu, ou tel un dictateur.
L'art dictateur... et l'homme soumis ! :bave:

Ça me fait poser cette question : qui de l'homme ou de l'oeuvre d'art a le plus de pouvoir sur l'autre ?

Aujourd'hui, l'art n'est plus diabolisé comme à un certain temps révolu, donc on ne métaphorise plus la musique comme le diable incarné. Pourtant la place que nous lui accordons, nous musiciens amoureux des prises de tête sans fin, me fait me demander si elle (la musique) n'a réellement pas une utilité, ou n'est limite pas une nécessité.
Bon en fait c'est une question qui n'a pas de réponse, car chacun voit midi sur sa montre.

C'est en fait un débat actuel, savoir si l'art (donc une part de la culture dans notre society) est nécessaire, par nature et non par fonction.
Pazr fonction, on s'en sert pour des tas de choses, dont le merchandising. Mais par nature, lebat tu affirmes que c'est pas utile, donc pas nécessaire...
Alors pourquoi ne jetons-nous pas l'art à la poubelle et ne gardons-nous pas que la musique mercantile ?

Ce serait comme abandaonner l'idéequ'un Dieu existe mais de garder tout de même la pratique de la religion active...
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Citation : Tu personnalises l'art dans ta phrase, ce qui le rend humain à la base, mais dans le contexte de ta phrase, l'art devient supérieur à l'homme.


Je ne comprends pas vraiment d'où tu tires ça, Head. C'est pas parce que je donne une définition négative au concept d'art que je le personnifie...
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L'art n'est pas une marchandise mais les oeuvres d'art peuvent l'être et certaines vallent des fortunes (qui peut se payer un Picasso ?). De plus, c'est un véritable "placement", au sens boursier du terme, car il existe un phénomène d'offre et demande.
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Citation : l'art n'est pas une marchandise mais les oeuvres d'art peuvent l'être


A mon avis, c'est la pression exercée par la société qui fait que les oeuvres deviennent des marchandises, ce que je trouve regrettable...
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Citation :
L'art n'est pas une marchandise mais les oeuvres d'art peuvent l'être et certaines vallent des fortunes (qui peut se payer un Picasso ?). De plus, c'est un véritable "placement", au sens boursier du terme, car il existe un phénomène d'offre et demande.


Eh oui, pour ça la peinture a bien dégénéré, à cause de la religion de l'original. En musique il n'y a pas ce problème, une copie de l'original a autant de valeur informative, et c'est l'exécution qui compte.
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Citation : En musique il n'y a pas ce problème, une copie de l'original a autant de valeur informative, et c'est l'exécution qui compte.



Encore que. Je crois me souvenir que Gainsbourg avait acheté la partition originale de la Marseillaise pour 160 000 F aux enchères.