C'est la rentrée des classes, et le retour de notre série sur les bases de l'électronique pour les musiciens ! Sortez vos cahiers, on reprend notre tour d’horizon des composants passifs, avec un article sur les inductances, les selfs, les transformateurs : bref, tout ce qui se bobine.
« Bobine » est un terme générique : on trouvera différents composants basés sur cette technologie, sous les noms d’auto-inductance, de solénoïde, de transformateur… même les micros de guitare ou les haut-parleurs utilisent une bobine, tout comme les moteurs électriques ou les têtes de lecture et d’enregistrement des magnétophones.
Il va donc sans dire qu’un seul article ne suffira jamais à présenter toutes les possibilités d’utilisation, ni toutes les caractéristiques électriques, de ce type de composant. Je vais tenter de donner quelques notions pour comprendre les propriétés des bobines, et nous verrons en plus quelques exemples de leurs emplois dans des circuits.
Construction de base
Une bobine est généralement constituée de deux éléments :
- un fil conducteur enroulé sur lui-même en une série de spires. Ce fil est couvert d’une couche d’un matériau isolant (un verni) qui empêche les courts circuits entre les spires.
- un noyau, autour de quoi s’enroulent les spires. Il s’agit parfois simplement d’air, ou d’un matériau ferromagnétique.
Deux bobines : à gauche noyau d’air, à droite noyau ferromagnétique.
Un noyau ferromagnétique a pour fonction de permettre une meilleure linéarité de l’inductance de la bobine et une meilleure conduction du flux magnétique… Mais déjà nous allons un trop loin ! Penchons-nous d’abord sur quelques notions d’électromagnétisme.
Induction, Inductance…
L’induction électromagnétique est le phénomène physique qui lie champ magnétique et force électromotrice.
Qu’est-ce ça veut dire ? Pour simplifier la compréhension de cette notion, à la place de « force électromotrice » nous utiliserons le terme de « tension », que nous avons déjà longuement exposé. En effet il s’agit, dans leurs effets, de deux concepts très proches.
Il existe donc une relation entre champ magnétique et tension électrique. Si l’on prend une source de champ magnétique variable et qu’on l’approche d’un conducteur électrique, une tension apparaît aux bornes de ce conducteur. Cette tension va générer un courant dans ce conducteur. Ce phénomène s’appelle induction, et l’on dira que ce courant est induit.
Et cela est réversible ! Un conducteur traversé par un courant fluctuant générera un champ magnétique variable autour de lui.
Tout circuit électrique, tout conducteur, possède donc une certaine sensibilité au phénomène d’induction : cette sensibilité se nomme inductance. Si l’on veut être plus précis dans la définition, on dirait que l’inductance est le quotient du flux du champ magnétique et de l’intensité du courant.
On symbolise l’inductance par la lettre L, et on l’a mesure en Henry (H).
Comme pour les farads des condensateurs, un henry est déjà une unité élevée : dans le domaine de l’électronique appliquée à l’audio, nous nous rencontrerons plus souvent des milli-henries (mH).
Quel rapport avec nos bobines ? Disons que les bobines, par leur géométrie, sont construites pour favoriser l’induction électromagnétique. Elles ont une inductance bien plus élevée qu’un simple conducteur rectiligne, par exemple. On appelle d’ailleurs de nombreuses bobines « inductances », par raccourci.
Voici le symbole schématique d’une inductance :
Un exemple simple
À ce point de l’article, je vous propose un exemple pour clarifier les explications théoriques ci-dessus. Cet exemple est un des plus simples (il me semble) pour aborder ce phénomène d’induction. C’est celui du micro de guitare.
On prendra l’exemple d’un capteur single-coil : sur le dessus de ce micro, vous apercevez une série de six aimants, un par corde. Ces aimants sont entourés d’une bobine de fil de cuivre. Lorsqu’une corde vibre, elle entre et sort dans le champ magnétique de l’aimant qui lui correspond, faisant varier le flux magnétique de cet aimant. Ces variations du flux magnétique induisent une tension aux bornes de la bobine. Cette tension fluctue également, en suivant exactement les mouvements de la corde : c’est notre signal audio.
NB : on appelle ce genre de dispositif un transducteur : c’est-à-dire qu’il transforme un phénomène mécanique (mouvement) en un autre type de signal (ici électrique). Un autre exemple de transducteur : le haut-parleur, qui effectue la fonction inverse (signal électrique > signal physique).
On comprend donc, par cette explication rapide, comment peut être exploité le phénomène d’induction dans le domaine de l’audio. Maintenant que nous avons survolé cet exemple, plongeons un peu plus profondément dans notre sujet, en nous penchant sur le phénomène d’auto-induction.
L’auto-induction : le retour de bâton
Partons de cette constatation simple : lorsqu’une bobine est parcourue par un courant électrique, toute fluctuation de ce courant créera un champ magnétique (lui aussi fluctuant), autour de la bobine.
Cependant, comme nous l’avons expliqué, l’induction fonctionne dans les deux sens : un champ magnétique fluctuant à proximité d’une bobine va induire un courant dans la bobine.
C’est grâce à cette réversibilité du phénomène, qu’une bobine va être sujet à un effet de rétroaction : le champ magnétique qu’elle produira lors des variations du courant pourra, en retour, induire en elle un courant. Résultat : ce courant « supplémentaire », auto-induit, viendra compenser les fluctuations du courant initial. On dit qu’il viendra s’opposer aux variations du courant.
Pour l’expliquer de manière synthétique :
Variations de courant => champ magnétique => auto-induction d’un courant => compensation des variations du courant
L’auto-induction est donc la capacité qu’à une bobine à s’opposer aux variations du courant qui la traverse.
À quoi cela peut servir ? (entre autres)
Vous avez peut-être déjà entendu parler, dans les amplis de guitare, de l’utilisation de selfs. On en trouvait couramment sur les amplis à tube des constructeurs américains et anglais de la grande époque… Ces selfs ressemblaient à des petits transformateurs.
Vous pouvez vous en doutez, vu le nom self, ce composant emploie le phénomène d’auto-induction (self-inductance). On l’appelle parfois en français une auto-inductance : c’est un composant spécialement construit pour favoriser le phénomène auto-inductif. Ici, il est utilisé dans l’alimentation de l’amplificateur, pour pallier les possibles variations de courant continu.
NB : il est important à ce stade de noter que, lorsqu’une bobine est traversée par un courant continu stable, elle se comporte, principalement, comme une résistance. En effet, pour un courant continu, une bobine est surtout un très long conducteur. L’effet d’induction n’a lieu que dans le cas d’un courant variable (soit un courant alternatif, soit un courant continu subissant des variations).
Et puisque je soulignais la ressemblance de cette auto-inductance avec un transformateur…
Les transformateurs
La structure basique d’un transformateur est la suivant : deux bobines, face à face, entourées autour du même noyau.
On retrouve cette structure dans son symbole schématique :
Deux bobines avec un noyau entre elles
Le fonctionnement théorique d’un transformateur est entièrement basé sur le rapport entre le nombre de tours (de spires) de la première bobine (nommé « le primaire ») par rapport à la seconde (« le secondaire »).
Que ce passe-t-il dans un transformateur ? Si l’on met sous tension son primaire (tension alternative, bien sûr), celui-ci va générer un champ magnétique. Le noyau va conduire le flux du champ magnétique jusqu’au secondaire. Par induction, celle-ci verra une tension apparaître à ses bornes. Mais attention, si le nombre de spires de cette deuxième bobine est inférieur à la première, la tension à ses bornes sera plus faible ; si la deuxième bobine à un nombre de spires supérieur, la tension au secondaire sera plus élevée.
Un transformateur permet donc de transformer une tension primaire, en une tension secondaire moindre ou supérieure (on parlera de transformateur abaisseur ou élévateur de tension). Théoriquement, le facteur de transformation sera égal au ratio entre primaire et secondaire (par exemple, un transfo 5/1 divisera sa tension d’entrée par 5).
NB : tout ça n’est que théorique, les transformateurs réels ne sont pas aussi efficaces, à cause d’un grand nombre de perturbations et de pertes, parmi lesquelles le phénomène d’auto-induction dont nous parlions avant.
Un autre intérêt du transformateur découle du fait qu’il offre une isolation totale entre le primaire et le secondaire. La tension à sa sortie est transmise par induction, et non par conduction (autrement dit, le primaire et le secondaire ne se touche jamais). Ainsi, il existe des transformateurs 1/1, dont la tension secondaire est similaire à la primaire, mais dont l’isolation galvanique permet la protection des personnes et équipements en aval, ainsi que le filtrage de parasites.
Nous concluons ici cet article préliminaire, toutefois, nous reviendrons dans le futur sur ces composants, et sur d’autres utilisant également des bobines. Le prochain article sera consacré à la notion d’impédance…