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Sujet Editorial du 3 octobre 2020 : commentaires

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Sujet de la discussion Editorial du 3 octobre 2020 : commentaires

God save the music!En Grande-Bretagne, un musicien sur trois envisagerait d’abandonner définitivement ce métier sachant que sur les 2000 sondés, près de la moitié aurait déjà trouvé du travail en dehors de la musique. Pourquoi ? Parce qu’avec COVID, 70% ne sont pas en mesure d'effectuer plus d'un quart de leur travail habituel et que les aides dont tous ne disposent pas devraient cesser à la fin du mois d’octobre. Si l’on comprend aisément que les pros jettent les gants dans un tel contexte, c’est du coup aux amateurs que va revenir la tâche de tenir la maison Musique, que ce soit en égrenant des accords sur une copie de Strat Edwards ou en chantant dans un DPA 2028, non sans avoir préalablement dévoré les émissions d’AFTV cette semaine : la Matinale de Red Led évidemment, le « 2 minutes pour » de votre serviteur ou encore le tuto de RED BEATS sur la Drill

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.

Los Teignos
From Ze AudioTeam

__________________________________________________________________________________
Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

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Bonjour tout le monde...

C'est bien triste tout cela !
Les 1.57 milliard de livres de Boris Johnson n'ont pas suffit à maintenir à flot le secteur culturel alors !
En France c'est pas mieux, il me semble et si, en plus, tout le monde s'accorde à agir comme Alice Coffin, ben, c'est la fin des haricots !



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ben justement, pas trop d'écho en France (dont je ne ferais peut-être plus partie demain...).
J'ai vu que l'organisateur du Hellfest n'est pas sûr de pouvoir maintenir son festival l'année prochaine. Beaucoup d'autres doivent être dans le même cas, et la décision de prolonger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au premier Avril n'est pas de nature à les rassurer.
Il serait peut-être bien qu'AF fasse un point la-dessus.
Cela dit, que des pros jettent l'éponge ne veut pas dire qu'ils seront mis au placard ou jetés de la maison Musique... Bien que la notion de solidarité envers les "improductifs" semble obsolète ..

...non, rien....

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Salut à tous,

En france l'année blanche accordée par l'intermittence du spectacle ne pourra pas de fait continuer!
Les concerts s'annulent les uns après les autres.Un musicien pro de base
joue aussi pour des événements (mariage, soirées etc) et sur Paris, Disney Land
emploi également beaucoup de musiciens en remplacement de CDI. Pour le moment
tout cela est terminé avec aucune perspective de retour à la normal. Autours de moi certains jeunes musiciens commencent des formations de reconversion.
Effectivement comme vous dites, il restera les amateurs, avec une abondance de propositions pour ceux qui jouent
gratuitement ou encore mieux qui paye pour jouer.
Maurica
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Triste mais prévisible.
Le sort des prestataires (son, lumière, scène) et des fabricants de matériel (souvent des petites structures) n'est sans doute pas plus rassurant, comme je l'ai déjà évoqué ici.
En avril 2020 on craignait que les grands festival d'été soient annulés, 6 mois plus tard on n'est même pas sûrs que ceux de l'été 2021 puissent être maintenus... je pense par exemple à celui de Nîmes que j'apprécie particulièrement.
Ambiance morose... :|
Allez, petite pique au gouvernement qui n'a de cesse de nous culpabiliser, nous rendant responsables de la situation. Et tous leurs mensonges (masques, Parly et les faux testés, etc... ) chuut..
L'augmentation des places à l'hôpital et en réa, alors que la 2e vague est annoncée depuis mai... rien...
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Bonjour ;

C’est la première fois que je réagi à l’édito, je ne l’ai pas fait auparavant car souvent déstabilisé par autant d’intelligence que de connerie (parfois, et de mon point de vue) de certains propos. Mais la lecture des réactions est souvent passionnante.

J’ai « peur » de mon avenir et à la fois je suis optimiste.

Je vis de la musique depuis l’âge de 15 ans (j’en ai 50 aujourd’hui) et par le passé j’ai beaucoup travaillé (bal, animations, dancing, casino, etc.) dans des formations de trois à six musiciens. J’ai correctement gagné ma vie, je ne me suis jamais plaint et il y a eu des périodes compliquées, comme à peu près tout le monde.

Puis les choses ont évolué, publics vieillissants pour les uns, moins intéressés pour les autres, « grosses » formations scindées en plein de plus petites formations moins « cher » et nombreuses à essayer de se partager le gâteau, puis musiciens-DJ seuls (pas beaucoup moins cher) se proposant dans des structures pro accueillant habituellement des formations plus importantes, arrivée de musiciens « amateurs » dans ces mêmes structures (pas toujours déclarés)... tout le monde a essayé de vivoter. Bref, en 35 ans d’observation et d’agacement parfois, les choses ont beaucoup changé, c’est la vie !

J’ai toujours eu du mal à me projeter dans les trois où quatre années à venir car la barque était de plus en plus difficile à tenir, mais là, avec ce virus, personne ne voit le bout du tunnel.

Changer de métier, à mon âge, sans aucun diplôme ni qualification, c’est inimaginable pour moi et pourtant... si c’est absolument nécessaire, il faudra bien. Et nous serons nombreux à chercher du travail dans une France plombée par un chômage de masse. A mon avis, à moins d’un gros coup de bol, c’est voué à l’échec !

J’ai tout de même envie de croire (sans être naïf non plus) que les choses finiront par s’arranger. N’oublions pas que c’est le monde entier qui est en difficulté. En France, grâce au régime intermittent nous avons eu un peu d’oxygène, peut-être que ça ne va pas durer (au delà du 31 août 2021) mais nous sommes si nombreux à être affectés que je n’imagine pas qu’on nous balaye d’un revers de main.

En tout cas je souhaite beaucoup de courage à celles et ceux qui souffrent le plus de cette insupportable situation.

Désolé de vous avoir raconté ma vie, c’était l’humeur du moment...
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Bonjour à toutes et tous, les habitants de la Maison Musique.

Un plaisir de lire ici des choses raisonnées et sensées, ça change des monstruosités que l'on voit sur les sites des chaînes d'info ouverts aux "réactions" imbéciles, racistes, anti tout et xénophobes, merci AF.

Oui, la survie pour les pros, tous, musiciens, techniciens devient difficile.
Une réorganisation serait à repenser complètement : il est difficile de croire qu'un gouvernement quel qu'il soit peut garder sous perfusion un secteur qui n'engraisse pas les actionnaires de tous poils.
Et puis, quand un gouvernement commence à payer les artistes, l'histoire a montré qu'il faut rester vigilants sur la liberté de création.

Le constat est que la précarisation et les incertitudes vont encore s'aggraver, mais que les loyers, le carburant, l'alimentation et la santé vont continuer d'augmenter : pendant la crise, les affaires continuent ! ( Si vous vous chauffez au gaz c'est +5%, toujours ça de pris pour les forces financières)
Alors la place de ceux qui arrivent à en vivre ?
Les techniciens, les musiciens de studio (on disait "les requins de studio" il y a très longtemps, sans connotation péjorative, c'était même plutôt admiratif) ou ceux qui assurent avec les émissions de "variété" quotidiennes ?
Infime minorité, tout comme ceux qui sont aussi prof de conservatoire ou d'école de musique, publique ou privée.

Pour se reconvertir et garder sa créativité intacte, il en faut, des facteurs positifs.
Ce n'est pas le nombre de postes de vendeurs-démonstrateurs qui vont être créés dans les "magasins de musique" survivants qui va en faire vivre beaucoup.
Le "nouveau métier" devrait laisser un temps, une marge financière suffisante pour exercer "en amateur" : on renverse l'ordre des choses : Caissier à Carmouth d'abord, musico après, quand il reste le temps et l'énergie.

Ouais, ça va mal.

Pour ceux qui ont aujourd'hui la chance de caresser tous les jours l'Hammond C3 rescapé des années 70
(après Jésus Christ, quand même, hein !) parce que la musique est restée malgré les années et que la retraite est correcte, tout va bien.

Alors une proposition, pour nous, les vieux qui ont cette chance : ne jamais prendre le job de ceux qui essaient d'en vivre.
On met notre ego et notre plaisir de jouer en public au frigo, et on laisse travailler ceux qui en ont réellement besoin.
Mince contribution, mais avec plein de petits effort de solidarité ...

Courage à tous, merci à AF
O.M.

[ Dernière édition du message le 03/10/2020 à 12:35:46 ]

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Perso je suis très pessimiste sur la situation des artistes en France, à cause des branquignols qu'on a au gvt (seulement dépassés en nullité par l'administration Trump).
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In Libération


POUR SAUVER LES FESTIVALS, DES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FORME DE SÉANCE DE PSY COLLECTIVE

Par Guillaume Tion 3 octobre 2020 à 11:46

La première édition de ce rassemblement lancé par Roselyne Bachelot avec les professionnels des festivals s’est ouverte à la Fabrica d’Avignon ce vendredi.

Les festivals ont de la chance. Ils ont désormais leurs états généraux. La première édition de ce grand déballage de doléances, mal-être et foi en un avenir débarrassé du Covid s’est ouverte à la Fabrica d’Avignon ce vendredi, en présence d’un quintal d’officiels et de professionnels divers. L’événement dure deux jours et propose des ateliers pour réfléchir à la situation calamiteuse du secteur, que l’on peut aussi suivre en direct en s’inscrivant sur la plateforme du site dédié. D’autres rendez-vous devraient suivre, au printemps à Bourges par exemple, mais sans, hélas, le charme de la pluie battante de type mousson du Vaucluse qui a douché d’entrée les participants.

Dans la cour, les invités courent sous les murs d’eau et au fond du parking une douzaine de guides-conférenciers portant deux banderoles s’éclipsent après avoir décroché un rendez-vous à la préfecture : «On n’a pas de revenus, on ne touche plus rien. Pas d’année blanche pour nous et personne ne s’en rend compte !», hurle Benjamin entre deux bourrasques. Ils étaient venus rencontrer la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, mais elle a d’autres chats à fouetter : sauver l’économie moribonde des festivals, dont une grande partie a été contrainte aux annulations cet été. France Festivals, dont les études fournies vont abreuver les débats et dont on ne peut que recommander la lecture, estime que 2 640 manifestations sur environ 4 000 ont dû fermer leur porte cette année.

«Merci Madame la ministre»

C’est sur les lieux mêmes de la plus symbolique des annulations, celle du Festival d’Avignon, que le public est accueilli par de la musique lounge. Sur la scène, des fauteuils demi-coquilles d’œuf, vides. Un écran géant. Et si le programme des ateliers thématiques transverses auxquels tout type de festival peut correspondre est connu à l’avance - développement durable, parité, rôle des bénévoles, territoires…-, aucun des présents essorant leur manche ne sait par quoi ce barnum inédit va débuter.

Ce sera par des remerciements. Pendant trente minutes, le directeur du Festival, la maire, les chargés de culture départementaux, régionaux, et la ministre se congratulent et se serrent les coudes : «C’est en travaillant ensemble que les festivals en sortiront plus forts.» «Le Vaucluse, c’est la culture !» Merci pour l’Ardèche. «Si la culture coûte cher, essayez l’ignorance !» Et tous de se réjouir, à raison mais sans aucune gêne, d’être intervenus pour maintenir le secteur en vie à coups de plan de relance du ministère, mais aussi de gestes ambitieux des collectivités territoriales. Quel amour du spectacle, quelle fougue dans l’invective aux «politiques comptables de la culture», et en même temps quel pouvoir narcoleptique dégage cette série de discours articulés autour des phrases «imagination au pouvoir», «devoir de réinvention», «merci Madame la ministre». Entre chaque prise de parole, une musique accompagne les déplacements des participants, comme aux césars mais sans les récompenses. Le type derrière nous soupire. On comprend que ces états généraux sont l’hélium qui servira à gonfler une gigantesque baudruche dont on ne sait encore si elle va sauver la fête ou s’envoler à tout jamais dans les cieux des commissions Théodule. «Chacun doit pouvoir s’exprimer, ici mais aussi dans les Drac [directions régionales des affaires culturelles, où se tiennent aussi des ateliers, ndlr], et prendre part à cette dynamique nationale de concertation, tout en tenant compte de la diversité des situations locales.» Le voilà, l’objectif : parler. Une psy des pros de la culture à salle ouverte.

Cousu main et trous dans la raquette

Le sociologue Emmanuel Wallon s’engage alors dans un discours impressionniste où il alterne blagues et remarques qui réjouissent l’auditoire : «L’implication des publics aux mesures sanitaires concourt moins à la propagation du virus qu’une course au supermarché, un trajet en métro, voire un voyage sur Air Force One.» Applaudissements. Musique. Après quinze mois de disette, le spectacle est enfin de retour en Avignon. Second acte, le forum. Un micro passe. La parole publique se libère et vient fouetter les experts réunis sur la scène, nous voilà dans le théâtre documentaire, les mains fouillant les tripes des coulisses festivalières. Jérôme Trehorel, des Vieilles charrues : «Le chômage partiel s’arrête au 31 décembre. Envisagez-vous une prolongation si on ne redémarre pas rapidement ?» La ministre Bachelot s’empare du micro, détaille des mesures précisées par le ministre des Finances il y a deux jours : poursuite du chômage partiel à hauteur de 100% pour les industries culturelles. «Et la culture bénéficiera toujours du taux majoré.» Elle déplie tout : le fonds de solidarité (de 1500 à 10 000 euros mensuels), l’allongement de la durée d’amortissement pour les prêts garantis par l’Etat (six ans) avec taux bonifié (entre 0 et 0,5%), l’intermittence garantie jusqu’au 31 août («avec recherche de droits sur les deux années précédentes pour le calcul des heures»). «On essaie de faire du cousu main, mais il y aura toujours des trous dans la raquette. Des dispositifs généraux et ciblés, c’est comme ça que je veux agir, je suis prête», affirme-t-elle derrière son masque bleu. Elle fait front dans ce qui ressemble à un Parlement de professionnels qui la mettent sur le gril.

Philippe Gautier, syndicat des musiciens CGT : «Les droits tombent les uns après les autres. Pas de travail, donc pas de cotisation, donc pas de formation. Quand on est malade, la CPAM demande de se mettre en arrêt, mais il n’y a pas d’heures pour ouvrir un droit à l’assurance maladie. Et on veut surtout travailler.» La ministre est d’accord : «Les spectacles debout ne peuvent pas être repris, à cause de l’agglutination qui engendre un risque de contamination important. Pour les autres, on a ouvert des jauges à 1000 personnes maximum et dans les zones où le virus est faible, des jauges à 100%. J’invite à reprendre les activités. Des aides sont mobilisables. Je veux tenir un discours positif. Pas un seul lieu qui a rouvert n’a été un lieu de diffusion du virus. On est plus en sécurité dans une salle de spectacle que dans sa famille.» 

On pose même à la ministre des questions de santé publique. Jérôme Benet, Archéo Jazz Festival : «Quid de la recherche sur le virus ? Si en janvier on n’a pas de perspective de la diffusion rapide d’un traitement, c’est foutu, on ne programmera pas.» Bachelot : «Je ne suis plus ministre de la Santé, dieu m’en préserve, s’il existe. Je parle de dieu, pas du ministère. (rires) Le manque de visibilité scientifique entraîne un manque de visibilité de gouvernance politique. Nous agissons en suivant l’avancée du virus, nous ne pouvons pas la précéder. Je n’ai que deux solutions : faire confiance à Trump ou allumer un cierge à Sainte Rita. » Et nul doute que Bachelot ce jour-là s’est posée elle-même en défenseure acharnée des causes presque perdues. Si vous la cherchez, sainte Rita travaille rue de Valois. D’autres questions plus techniques concernent la circulaire Collomb, qui fait peser sur les festivals une partie des dépenses de sécurité (police, gendarmerie…). Le préfet Gilles-Henry Garault temporise : «Un groupe de travail se réunit dans deux jours. Nous stopperons toute facturation de service d’ordre indemnisé. Le moratoire se poursuivra si le virus reste actif.» 

Troisième acte, la réflexion. Les ateliers. Cet après-midi-là on parlait des nouveaux modèles économiques des festivals. Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS : «Les économistes ont pris le volant alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière. Le milieu est attractif, riche, en expansion. Mais fragile. Les festivals sont plus que des festivals et ne procèdent plus d’une économie frivole, ils touchent plusieurs secteurs. Cette économie est politique. Soutenir ou non la culture est une question politique. Donc de choix, de critères. » Parmi les intervenants, Odile Pradem-Faure, du festival de Saintes, résume son cercle vicieux : «Les charges augmentent. Par exemple, la médiation culturelle était assurée par des bénévoles. Mais aujourd’hui ne peuvent entrer dans une école que des gens professionnellement habilités. La médiation pèse sur notre budget. Comme les frais de sécurité. Parallèlement les subventions n’augmentent pas, diminuent même certaines années. Enfin, nous avons moins de ressources propres, comme la billetterie, en 2020 c’est la cata. Au fil du temps, la part artistique se réduit.» Le constat est fatal, et tous prévoient une année 2021 aussi sombre.

Démocratie participative

Pour Jean-Paul Roland, des Eurockéennes de Belfort, le problème est au divorce : «En 2003, il n’y a plus eu d’aides fléchées sur les festivals de musique actuelle. Des grands groupes sont apparus, on a parlé de rachat, de prise de participation. Les rapports avec les Drac se sont détériorés. De nouveaux modèles économiques se sont mis en place, hors des aides de l’Etat.» Il attend de ces états généraux que le lien soit retissé avec les Drac, arbitres du jeu festivalier et partenaire public incontournable, «pour qu’un festival de musique n’apparaisse pas que comme un gros bazar posant des problèmes de sécurité».

«Nous sommes autofinancés à 97%, et c’est 97% d’emmerdes avec le virus, poursuit Vincent Cavaroc (Halle Tropisme). Comment augmenter nos ressources publiques ? On arrive en queue de liste des subventions, après les opéras, les labellisés, les festivals des années 80. Nous récoltons les miettes. On n’est pas des punks, mais des indépendants, on défend une culture cultivée, Edgar Morin, Mathilde Monnier, Laurent Garnier, cette diversité rencontre rarement la logique de guichet auprès des pouvoirs publics.» Alors que faire pour résoudre autant de problèmes aussi divers ? 

«C’est très simple, propose Véronique Gomez, la banquière du Crédit coopératif : changer son modèle juridique. Passer d’un statut d’association à une SPL (Société publique locale) offre un soutien plus important des collectivités, ou pourquoi pas devenir bio, avec un Aesus (Agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale) qui donne droit à une enveloppe de 15 milliards d’euros. Et puis, on a le livret A pour le logement social, mais on pourrait imaginer que les pouvoirs publics développent un fonds Livret C pour la culture.» Soudain le virus avait disparu et tout le monde s’est mis à rêver de festival bio richement doté, tandis que la ministre notait «Livret C» sur son carnet. Dans une fascinante ambiance de démocratie participative, la communication entre la tête et la base fonctionnait ce jour-là. Cela s’est vu.

Guillaume Tion

"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... "  (Montaigne / Essais I / chap L)

http://patrickg75.blogspot.fr/

https://patrickg.bandcamp.com/

 

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Bonjour à toutes et à tous,

Très sensible au message de Hindy - que je pourrais reprendre à mon compte à 100% - je me décide aussi à écrire un truc… du coup, désolé : je vais bien me lacher !
Je ne vais pas donner des lueurs d’espoirs (je n’en vois pas !) et je vais juste enfoncer le clou un peu plus, mais au moins, ceux et celles qui me liront auront peut-être l’impression d’être moins seul(e)s . Un peu comme dans un club d’alccolique anonymes…
On est dans la même galère, mais au moins, on peut en parler.

D’abord, je voulais juste dire que lorsque je m’étais inscrit à Audiiofanzine il ya longtemps, je ne pensais pas lire avec autant d’intérêt des éditoriaux et des réactions qui sont invitent toujours à une belle réflexion.
Je me disais : «Ça va causer matos sans arrêt… ça va bien 5 minutes… »
Et puis non : chaque semaine, il y a une belle question qui est évoquée et en effet, par les temps qui courent, et de plus en plus sur internet, c’est devenu très rare….
Donc, Merci à Los Teignos ! Merci de tenter chaque samedi de créer un beau débat.

Alors je suis comme Hindy, musicien pro, pianiste, ayant joué dans tous les styles, dans tous les contextes : Piano-bar à Disneyland, spectacles jeune public, bal, cabaret, jazz, chanson, etc…
J’ai 51 ans et pour être honnête, je commence à bien sentir que je n’ai plus la même énergie qu’à 30 ou 40. C’est balot : le métier est devenu de plus en plus épuisant.
J’ai connu des moments fastes (un peu) et une grande majorité de moments « standards » où l’on joue incognito dans des petits lieux, pas très bien payés, avec juste quelques moments de joie partagés avec les autres musiciens du groupe, pour quelques personnes qui vont passer un bon moment.
C’est déjà beaucoup, me direz-vous… oui, mais le gros problème, c’est que cette activité-là s’étiole, s’étiolait déjà bien avant la crise qui nous frappe.
Voilà deux ans que je ne suis plus intermittent car l’activité était déjà trop rare ou trop compliquée en ce qui me concernait… Beaucoup de projets qui ne tournent pas, des « one-shot » qui bouffent une énergie de dingo…

Pour moi, le covid, c’est le « coup du bambou », le tsunami qui s’abat sur le petit village Polynésien où tout le monde commençait sérieusement à crever la dalle, faute de ressources…
Je ne ferai pas de politique, car pour moi, le fond du problème n’est pas là, il réside dans une évolution inéluctable de la société dans laquelle nous vivons.
Soucis de rentabilité partout, évolution des modes de vie, la place de la musique et de la culture « live » se restreint comme une peau de chagrin.

Je vous donnerai deux exemples.
Après deux ans de bons et loyaux services - très appréciés - au sein d’un grand hôtel de Disneyland, mon boulot s’est arrêté net le jour où pour faire des économies, la direction a investi dans un disk clavier : un piano à queue qui joue tout seul piloté numériquement.
Ambiance pourrie assurée désormais dans un bar où le coca rondelle était vendu à 7 euros… mais on a fait une belle économie sur les salaires ! Y a toujours un piano qui joue, hein !

Mais le plus grave, c’est certainement la raréfaction du public et surtout son vieillissement.
Il y a deux ans, j’accompagnais une chanteuse dans un festival de chanson très sympa.
Répertoire de créations qui s’adresse aux « jeunes » de 17 à 77 ans.
Le problème, c’est que le public de la salle pour notre programme et celui des autres artistes, devait bien avoir une moyenne d’âge de 70 - 75 ans.
Personne de moins de 60 ans !

J’évoquerai aussi le fait que lorsque j’ai commencé dans le métier il y a trente ans, le cachet avoisinait les 1000 francs et qu’aujourd’hui, il est dans le meilleur des cas de 150 euros net.
Je n’apprendrai pas aux moins de vingt ans qu’avec 150 euros d’aujourd’hui, on ne fait pas les mêmes chose qu’avec 150 euros d’il y a vingt ans…
Mais la formidable exception française de l’intermittence était là pour sauver les meubles.
C’est tout de même de plus en plus compliqué, tout ça…

Je me souviens justement d’une conversation avec un vieux de la vieille il y a vingt ans à peu près qui m’avait dit : « les musiciens professionnels disparaîtront dans la société au profit de pratique amateur ».
Nous y arrivons.
Bien sûr, il faudra toujours des « pros » pour accompagner les stars en tournée (si elles tournent encore… et là aussi avec des grosses restrictions budgétaires) mais dans la vie locale, le fait de programmer la chorale d’anciens du village est bien plus rentable que se lancer dans une programmation de « pros » pas assez connus du grand public.
Ça ne coûte rien, les voisins viennent voir leurs voisins, les petits enfants, leur mamie… et le tour est joué !
Si les gens ont envie de voir des pros, ils n’ont qu’à aller au Zénth du coin.

Le truc terrible, c’est quand on me demande : « alors, ça marche la musique ? » - question venant en général de personnes qui voyant l’activité de « M », Chrsitophe Mae ou Thomas Dutronc, se disent que la création musicale française se porte à merveille. (J’ai fait soft : j’aurais pu citer Soprano ou Maître Gims…).
Je réponds depuis quelques temps : « Vous savez, beaucoup de musiciens pro ressemblent aux cabine téléphoniques »
« ???? »
« Avec le portable, elles ont toutes disparu car elles étaient devenues inutiles. Personne ne s’en est rendu compte car plus personne n’en avait besoin. Et elles ne manquent à personne ».
Le confinement n’aura fait qu’enfoncer le clou. Plutôt que d’aller à la fête du village animé par Gérard Michel et son orchestre, on reste chez soi à regarder une star qui fait un direct sur internet depuis son salon.

Alors parlons du plan « b ».
Ayant toujours fait de la musique, et ne voyant pas ce que je pourrais faire d’autre à 50 ans passés, je me réoriente depuis deux ans vers les cours de piano.
Toujours de la demande dans ce domaine ! Trop même, car j’ai la grande chance d’avoir un instrument plus populaire que la basse électrique ou que le hautbois…
Et la boucle est bouclée : en route vers la pratique amateur… qui est vraiment sympathique, même si on ne peut cesser de s’interroger sur ce que ces amateurs feront de leur pratique…
« Payer pour jouer » quasiment dans des bars mal équipés ou offrir leurs prestations pour des municipalités en quête d’animations gratos ?

Et à l’heure où les légendes s’éteignent les unes après les autres : Johnny, Aznavour, Christophe, Juliette Greco, Annie Cordy… on pourra par ailleurs s’attrister peut-être sur notre époque qui peine à produire de nouveaux artistes qui marqueront les mémoires et les imaginaires…
Ces artistes-là en ont fait rêver plus d’un, mais ce n’étaient pas des amateurs…

Si vous m’avez lu, un grand merci.

Désolé pour le coup de blues.
Moi, ça m’a fait du bien.

Musicalement.