Voilà sept ans que le d:facto trônait seul dans la catégorie micros main du catalogue de DPA. Il était donc temps de lui donner un petit frère, le 2028, un micro de scène supercardioïde à condensateur pour la voix qui peut s’utiliser en filaire ou avec des systèmes HF.
Plateaux de télévision, comédies musicales, théâtre, chœurs, on voit les micros de DPA partout. Ou plutôt, on les distingue, on les devine, le fabricant danois s’étant en effet spécialisé dans la conception de micros de scène ultra-discrets après avoir fait ses armes pendant de longues années avec les micros de mesure. Nous avions eu l’occasion de tester il y a quelques années le d:vote 4099, le catalogue n’a depuis cessé de s’enrichir, de se miniaturiser, et la technologie maison de s’affiner. Pour preuve la récente série Core qui compte notamment un 6060 Subminiature, un modèle qui mesure tout juste 3 mm de diamètre. De l’autre côté du champ des utilisations, DPA s’est aventuré dans l’univers nomade avec l’interface audio d:vice MMA-A pour les appareils iOS, mais la catégorie Micros Main restait le parent pauvre du catalogue avec son d:facto 4018.
Au beau milieu de l’été 2019, alors que les festivals battaient leur plein et les vacanciers insouciants avaient les pieds dans l’eau, DPA surprenait son monde avec le 2028, un micro main nouvelle génération qui promettait d’être la nouvelle bête de scène des chanteurs de tout poil. Nous n’avions pas eu l’occasion de tester le 4018, mais ne pouvions passer à côté de ce nouveau modèle. One-two, vocalises, il est temps de faire tomber le masque.
Le 2028 se présente sur son 31
Nous avons reçu une petite boîte en carton estampillée du logo vert de la marque. À l’intérieur, une pochette rigide s’ouvrant en son milieu par une fermeture Éclair, laissant apparaître en partie inférieure le micro et sa pince bien calés dans une mousse, et en partie supérieure un feuillet et une pochette souple bien gardés derrière un filet. Pas de doute, vous pourrez l’emmener partout, ça tient la route mais pas trop de place. Le 2028 est tout noir, corps, grille, bague autour de la grille ; seule la butée du pas de vis laisse apparaître un anneau argenté très discret et élégant, cependant que les inscriptions « 2028 » près du connecteur et « DPA » sur la bague de la grille sont blancs. C’est sobre, voire austère, mais rien ne nous choque, nous sommes habitués à ces finitions.
Le micro mesure 19 mm de diamètre et 188 mm de longueur, il affiche 286 g sur la balance de DPA et effectivement, on sent bien son poids sans qu’il soit trop lourd pour autant. Le corps en métal tient bien en main, tout cela respire la solidité. Premier bon point, même si sa surface est lisse, il ne glisse pas quand on a les mains moites. La grille métallique ne laisse pas transparaître le moindre millimètre de capsule et pique notre curiosité. Nous dévissons la tête pour voir ce qu’elle peut bien dissimuler. Sans surprise, la grille dispose d’un filtre anti-pop interne, mais de l’autre côté, nous nous retrouvons face à un pochon en tissu cousu de couleur grise aux reflets argent. Le micro nous ayant été prêté par le distributeur espagnol SeeSound (que nous remercions au passage), nous n’avons pas osé retirer ce petit bonnet pour jeter un œil à la capsule qui conservera donc son mystère, tandis que nous nous en tiendrons aux photos publiées sur le site du fabricant.
DPA a annoncé que le 2028 est équipé d’une toute nouvelle capsule fixée sur une suspension interne, elle aussi de conception exclusive au micro, et qui ne peut pas être démontée. Hiver et sécurité obligent, nous replaçons le casque sur le bonnet en nous disant qu’avec une double ration de filtres internes, sifflantes et plosives n’ont qu’à bien se tenir, mais quid d’une éventuelle perte d’intelligibilité ? Ajoutons à cela le fait que le 2028 n’est pas dynamique mais à condensateur, un type de micro qui tend à être plus sensible aux larsens, et voici que nos cordes vocales commencent à vibrer fortement. Il va vraiment falloir tester cela.
Un coup d’œil au site de DPA pour regarder la courbe de la réponse en fréquences. Elle n’affiche aucune bosse jusqu’à 7 kHz, tout juste un très léger creux entre 3 et 5 kHz. Avis aux amateurs de micros flatteurs, passez votre chemin, on plane à 0 dB à partir de 200 Hz. Nous n’avons pas le matériel nécessaire pour confirmer ou infirmer les mesures annoncées dans les spécifications par le fabricant. Une fois n’est pas coutume, les belles paroles de chansons vaudront mieux que les gros chiffres, nous dégainons donc notre câble XLR et notre alimentation fantôme de 48 V pour brancher le beau.
Le 2028 à l’essai en quarantaine
Nous vous le disions ci-dessus, nous avons reçu le DPA 2028 en plein hiver, et avons commencé à le tester dans le home studio pour l’apprivoiser. Car nous ne le répéterons jamais assez, chaque micro a ses spécificités et quand on est habitué(e) à son modèle habituel, il faut du temps pour prendre ses marques avec les nouveaux venus. Comment la capsule capte-t-elle les aigus, les graves, les médiums ? Comment réagit-elle à l’éloignement et au rapprochement du chanteur ou de la chanteuse ? Aux changements de volume ? L’effet de proximité permet-il d’être exploité ou est-il rédhibitoire ? La chaleur, le froid, les variations d’humidité affectent-ils son fonctionnement de façon notable ? Pour ce dernier point, nous sommes gâtés, les variations thermiques et hygrométriques peuvent être radicales là où nous nous trouvons. Il n’était donc pas question de nous lancer dans le grand bain tout de suite, les présentations de notre colocataire temporaire se sont faites en terrain connu.
Le DPA 2028 est décliné en trois éditions : deux pour les systèmes sans fil Sennheiser et Shure/Sony/Lectrosonics et une filaire avec connecteur XLR 3 fiches. C’est cette dernière qui nous a été envoyée. Une fois branchée dans notre interface audio Universal Audio Apollo Twin et notre STAN Studio One 4 ouverte, nous avons uniquement ajouté une réverbe logicielle. Nous n’avons pas touché à l’égalisation ni compressé le signal. Pour le premier essai, nous avons testé l’effet de proximité (la bouche ne touche pas le micro, mais reste à environ 3–5 cm) et le comportement du micro sur un a capella tout en douceur :
C’est doux en effet, le vibrato même léger est bien capturé, c’est rond et chaleureux quand on le veut, mais on entend aussi bien le souffle quand on le souhaite, tandis que les respirations entre les phrases restent très discrètes. Nous n’avons pas forcé sur les plosives, question d’habitude car beaucoup de micros ne les épargnent pas. Avec le 2028 elles ont tendance à un peu trop s’effacer ; ce n’est pas un mauvais point, les filtres anti-pop font leur travail mais ne gâchent pas l’intelligibilité.
Pour le deuxième essai, nous ajoutons un morceau d’accompagnement qui swingue, permet de monter le volume et de jouer un peu plus avec l’éloignement, les différentes techniques et registres vocaux (certains effets sont exagérés à propos). Nous vous proposons l’extrait avec la musique, puis la voix seule avec et sans la réverbe :
- Test DPA 2028 – Route 6601:43
- Test DPA 2028 – Route 66 Vocals 101:19
- Test DPA 2028 – Route 66 Vocals No Reverb01:19
Pas de retenue ici dans les plosives, les sifflantes et le souffle, nous les entendons mais sans outrance. Nous pouvons nous éloigner du micro sans trop de perte, les variations de volume sont correctement restituées, tout comme les différents effets, changements de registre et de technique. Les aigus ne sont pas agressifs, que ce soit en voix de tête ou en voix mixte ; les médiums sont naturels, nous entendons parfaitement ce que nous avons voulu faire, avec une belle clarté.
Tout ceci nous donne envie de voir ce que le 2028 a vraiment dans le ventre, il est à présent temps de lâcher les chevaux. Mais pour cela, il nous faut sortir du home studio et nous confronter aux plus grosses configurations pour vérifier si le DPA aime le volume, les niveaux de pression acoustique plus élevés et le larsen. Condensateur ? Larsen ? Live ? Cela nous fait immédiatement penser à un autre habitué des scènes, le Neumann KMS 105, un micro de référence, dans la même gamme de prix, qui est aussi bien connu pour être sensible aux larsens. Cela tombe bien, nous en avons un dans notre parc (un KMS, pas un larsen, quoique…). Ça sent le duel…
Le 2028 en plein Covid-19
Cela faisait deux ans que nous n’avions pas testé de micros chez Audiofanzine, et comme nous aimons les défis à la rédaction, c’est au moment où le DPA 2028 s’apprêtait à faire son grand saut dans le gros son qu’une pandémie de virus couronné déferla sur l’Europe. Confinement strict, concerts annulés, salles de répétition fermées pendant quatre mois, nous avons donc dû prendre notre mal en patience. Les premiers studios ont rouvert mais avec des mesures sanitaires drastiques. Il aurait été intéressant qu’une voix masculine et de vrais musiciens humains viennent compléter ce test, mais les directives interdisent logiquement de partager le micro et nous n’avons souhaité prendre aucun risque. C’est donc seule que votre serviteure a continué les essais.
Rendez-vous enfin pris, nous nous retrouvons dans un studio de répétition très mal traité, à l’acoustique aléatoire diront certains, une configuration parfaite pour tester le micro dans des conditions proches de celles de nombreux environnements de jeu en live (cafés-concerts, petites salles, scènes extérieures). Pour le son, une console Yamaha et des enceintes ElectroVoice auxquelles rien n’a été épargné par les jeunes rockeurs fougueux ; un enregistreur Zoom H6 placé derrière la vocaliste et orienté vers les enceintes, avec d’une part la prise avec le micro stéréo et de l’autre la sortie directe de la console, avec un morceau d’accompagnement plus rock envoyé depuis un iPad. Nous avons mis le DPA 2028 et le Neumann KMS 105 l’un à côté de l’autre, proches de la batterie, face et dos aux enceintes (nous avions plusieurs mètres de vide derrière nous, avec tout ce qu’il faut de réflexions et de résonances) et même légèrement de côté, et avons eu la bonne surprise d’avoir un groupe dans le studio d’à côté dont on sentait que le couple basse-batterie évacuait en volume sonore toute la frustration de ces derniers mois confinés. Les micros, sur lesquels nous avons mis une légère égalisation, une petite compression et une bonne dose de réverbe histoire de ne pas les épargner (les réglages sont les mêmes sur les deux voies), capteront-ils tous ces bruits parasites ? Vous entendrez ci-dessous les prises X/Y et les versions en sortie de console des deux micros :
- DPA 2028 Smoke Zoom Ext00:59
- DPA 2028 Smoke Zoom Mic In00:52
- Neumann KMS 105 Smoke Zoom Ext00:54
- Neumann KMS 105 Smoke Zoom Mic In00:49
Pas de surprise, les micros X/Y du Zoom captent bien le timbre de la caisse claire laissé à dessein et si l’on tend l’oreille, ça ronfle légèrement dans le fond (ou plutôt, de l’autre côté du mur). Du côté des prises directes par contre, aucun problème, le filtre coupe-bas fixé à 80 Hz intégré au DPA 2028 et sa directivité supercardioïde remplissent parfaitement leur rôle. Le Neumann KMS 105 est plus ouvert, plus aéré (physiquement parlant aussi, il n’y a qu’à regarder sa grille). Il capte plus les bruits, les sifflantes et les plosives se font nettement plus entendre et il est à la limite du désagréable et de l’agressif sur certaines notes. Le DPA 2028 quant à lui reste bien rond, équilibré, les sifflantes et les plosives sont bien domptées, les bruits sont inaudibles, même quand on le manipule (au niveau du corps, un micro ne s’empoigne pas par la tête, faudra-t-il le rappeler), c’est propre et agréable.
Voyant que nous n’arrivions pas aux limites de la bête, nous sommes passés dans un autre studio, tout aussi mal traité, dans lequel la température et l’humidité étaient plus élevées. Nous avons remonté nos deux micros sur leur pied, têtes face aux enceintes et envoyé une bonne dose de rock. Nous vous épargnerons le résultat mais sans surprise, c’est le KMS 105 qui le premier a montré des signes de faiblesse en faisant résonner les premiers larsens, alors que le DPA ne bronchait toujours pas.
Un 2028 au top
Même si ce test n’aura pas été une sinécure en raison de la pandémie, cette situation inédite aura eu pour avantage de nous permettre de passer plusieurs mois avec ce micro DPA 2028. Et il faut avouer que ce ne fut pas pour nous déplaire. Nous avons en effet pu prendre le temps de le découvrir et de l’apprivoiser, puis de le tester sous toutes les coutures. Bien entendu, il aurait été intéressant de l’installer sur scène avec des musiciens, du public, des retours aux pieds et beaucoup de bruit, mais du home studio au studio de répétition, il a su montrer toutes ses qualités et sa robustesse. Le DPA 2028 est chaleureux, rond, jamais agressif, il sait dompter les plosives et les sibilances, les bruits environnants et de manipulation ne se font pas entendre et surtout, il respecte parfaitement le timbre vocal et résiste très bien aux larsens. Son prix de 500 € HT (versions filaire et HF) n’est absolument pas délirant pour un micro à condensateur de cette qualité, il se place d’ailleurs dans la même catégorie que le Neumann KMS 105 qu’il surclasse.
Bien entendu, tester un micro est un acte subjectif, tant l’objet est intimement lié à la voix et à la sensibilité de chacun. Nous pourrions donc vous conseiller de l’acheter les yeux fermés, mais seul(e) vous saurez apprécier s’il convient à votre instrument corporel. Nous vous recommandons donc vivement de l’essayer, avec l’assurance qu’il aura de bonnes chances d’être adopté. Pour notre part, nous lui décernons un Award Valeur Sûre bien mérité.