Nomad Factory met de côté sa gamme de plugs vintage pour nous présenter un rack de traitement embarquant 65 effets et plusieurs possibilités de routing. Le pendant virtuel des multieffets qui garnissaient nos racks 19" ?
Alors que le monde du hardware nous a habitués à des racks concentrant différents effets, comme des chorus, distos, délais, flanger, réverbes et autres, le monde virtuel a plutôt misé pendant de nombreuses années sur des plug-ins spécialisés, par catégorie ou type d’effets, et l’on a attendu longtemps (et on attend toujours pour certains) de sérieux équivalents à des machines exceptionnelles comme les Kurzweil KSP8, TC Electronic System 6000 MkII ou Eventide H8000FW, pour ne citer que trois exemples. Certes, deux des trois fabricants cités ont proposé des plug-ins reprenant certains algorithmes de leurs machines, mais toujours sous la forme une fonction/un plug, quand ce n’est pas comme TC pour les lier à un autre hardware, comme la défunte (raaaahhh…) PowerCore. Quelques éditeurs ont néanmoins tenté l’aventure, et offert des produits souvent performants. Ainsi des PSP Audioware Nitro et N2O (pour être transparent : je ne devrais pas dire du bien de ce dernier, ayant réalisé des présets inclus dans la banque d’usine), d’Artillery (et son très réussi concept de commande via clavier) ou Effectrix de Sugar Bytes, SFX Machine Pro de The Sound Guy, Nebula 3 Pro de Acustica Audio, les plus spécialisés Nectar et Ozone d’iZotope ou VKFX d’Overloud, et bien d’autres encore.
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Sans compter un des gros avantages du logiciel, son prix, même s’il peut sembler évident qu’il ne faut pas attendre d’un plug à 99 euros les mêmes qualités sonores que celles d’une bécane à 14 000 euros (et n’oublions jamais l’aspect environnement : qualité des convertisseurs, de l’horloge, du système d’amplification/diffusion. Et, au bout de la chaîne, de celles des oreilles…). Il y a pourtant quelques solutions permettant de créer ses propres multieffets, Reaktor de Native Instruments, bien sûr, ou des solutions comme Bidule de Plogue ou la défunte V-Box du défunt Bias. On peut citer encore les présets de Channel dans les différentes DAW, qui offrent en un clic un assemblage de plugs conçus pour répondre à tel ou tel cas de figure. Mais le besoin de multieffet proprement dit peut toujours se faire ressentir. Aussi, quand un éditeur, ici Nomad Factory, propose un système de racks modulables, Magma (doté de l’acronyme VSR pour Virtual Studio Rack, parfois appelé MFX-Magma, Magma Pro) avec 65 effets (si, si), des possibilités de routing, et une intégration promise à tous les systèmes possibles (plus l’annonce de la gestion des VST), on ne peut qu’être intéressé.
Introducing Nomad Factory MFX-Magma Pro VSR
Comme la plupart des produits récents, le logiciel s’achète sur le site de l’éditeur (199 dollars, soit à peu près 160 euros), et se télécharge après achat (le fichier compressé pèse à peu près 180 Mo). Mac (Intel seulement) et PC, le logiciel est fourni sous la forme de plug-ins AU, VST et RTAS (l’AAX est dans les tuyaux), compatibles 32 et 64 bits. Pas de clé, une simple autorisation via enregistrement du numéro de série et code d’activation, et ce jusqu’à cinq ordinateurs différents, merci Nomad ! Non content d’héberger ses propres 65 effets, Magma devrait sous peu pouvoir gérer les plug-ins VST, selon les annonces de l’éditeur.
L’architecture du plug est relativement simple, puisqu’on dispose au sein d’une fenêtre multifonction de quatre racks (A, B, C, D) offrant quatre sous-racks pouvant héberger l’un des effets fournis. On passe d’un rack à l’autre via des onglets, tout comme on bascule des effets au routing via ce procédé. Dans la fenêtre Routing, on visualise les quatre racks et leurs quatre espaces, offrant ainsi d’un coup d’œil une vision complète des effets utilisés, et l’on choisit un des six routings possibles des racks, offrant différentes solutions entre utilisation en série et en parallèle. On peut très bien charger les effets directement de cette fenêtre et faire glisser un des slots d’un rack à l’autre, très pratique. En revanche, l’appellation Routing Matrix vantée dans le manuel et la com’ de l’éditeur semble un peu abusive, puisque l’on ne peut modifier le routing qu’en utilisant l’un des six présets rappelant les algorithmes FM quatre opérateurs des DX11 et compagnie. Bien sûr, les configurations proposées répondent à la plupart des cas, ce qui n’empêche pas de rêver à un patch bay virtuel, permettant de connecter tout dans tout, et vers plusieurs destinations à la fois, un peu à la façon du routing des Nitro/N2O par exemple.
Autres outils accessibles dans le haut de la fenêtre, les menus déroulants de Project (un projet regroupe l’ensemble des réglages sur les quatre racks), de l’Automation, dans lequel s’affiche dès l’insert d’un effet ses paramètres mis à disposition à l’automation de l’hôte ou des contrôleurs Midi, et enfin Utility qui permet d’accéder aux Preferences, à l’affichage de différentes infos (dont le tempo, la fréquence d’échantillonnage et la latence ajoutée par chaque plug, merci), aux pages du site de l’éditeur et au manuel. À noter qu’un clic sur l’icône Project ouvre un Browser à la place du menu déroulant. Enfin, on trouve un bouton de Bypass général.
Racks attack !
Magma se voulant totalement polyvalent, l’éditeur a donc inclus un grand nombre d’effets (65 au total) de tous styles et fonctions, auxquels on accède, en sus de la page Routing, via le menu FX à gauche de chaque sous-rack vide (ou plein) qui les classe par famille : amplis, analyseurs, baffles, délais, distos, processeurs de dynamique, EQ, filtres, générateurs, processeurs harmoniques, modulations, réverbes, outils et utilitaires. Un petit bouton fléché permet d’intervertir les positions des effets une fois chargés dans les sous-racks, tandis qu’apparaît à droite un bouton PG permettant de charger des présets par effet et un Bypass.
D’un point de vue graphique, et même si l’éditeur soutient que les effets inclus sont tous originaux et ne proviennent pas de ses précédentes réalisations, on ne peut s’empêcher de trouver une ressemblance avec le rack inclus dans les produits Spectrasonics (Omnisphere, Trilian, Stylus RMX), jusqu’au principe retenu pour accéder aux réglages supplémentaires (voir capture d’écran). Ce qui semble peu étonnant quand on sait que Nomad Factory est responsable d’une partie de l’« additional coding » dans les logiciels de la société d’Eric Persing. Certains effets de ceux-ci portent en effet la patte de l’éditeur (les fonctions, le son, les petits « blue tubes » des interfaces) et peut-être les racks eux-mêmes, qui sait…
Commençons par les effets dédiés guitare, mais qui peuvent évidemment être utilisés sur tous les instruments. On dispose d’un ampli, nommé Lead Guitar (35 W à lampes), et d’une simulation de baffles, Yellow Cab, doté d’un réglage de médiums redoutable d’efficacité. Le nom du premier définit d’entrée son rôle, puisqu’il sera impossible d’en sortir un son clair, le crunch rentrant en action tout de suite. Les réglages sont assez doux, permettant plusieurs variations, mais l’ampli gagnera à être utilisé avec le simulateur, d’autant que celui propose jusqu’à 29 baffles (du Tweed au Jazz Chorus, en passant par les Marshall, du 1 × 10 au 4 × 12, et dont cinq configurations pour basse) et trois types de micros (deux positions pour le 57, un 421 et un U87). Voici un exemple guitare seule, puis ampli seulement avec trois réglages différents puis ces mêmes réglages passant par différents baffles (quatre en tout).
On notera sur les fichiers de guitare amplifiée que les réglages extrêmes provoquent des craquements, qui ont tendance à plus ou moins s’atténuer une fois le simulateur de baffles employé (les souffles et bruits de fond en fin de fichiers ont été raccourcis). On gagnera aussi à utiliser une des nombreuses simulations d’overdrive et distorsion, sept modèles en tout, allant de la fuzz (donc transistor) à la distorsion façon lampes (avec au choix 12AX7 ou ECG83, la différence restant à mes oreilles au niveau du subliminal…). L’exemple suivant fait entendre dans l’ordre le son de base ampli plus baffle, puis la Fat Drive (transistor), la Flying Drive (avec boost), la Full Fuzz (avec boost), l’Orange Tube, la Radio Drive (overdrive dotée d’un double filtre résonant, idéale pour des fantaisies à la Gibbons), la Super Distorsion (trois types différents) et la WurliDrive (on y reviendra).
On l’entend, même si on ne peut montrer ici toutes les variations et subtilités, chaque effet à sa couleur propre, et permet de répondre à de nombreux cas de figure. Bien sûr, on reste dans du virtuel, mais au sein d’une orchestration complète, ça fonctionne bien. Un petit retour sur la WurliDrive, faisant des merveilles sur les claviers électroacoustiques, avec sa modulation incluse, au choix sur le Pan ou en trémolo, avec vitesse et profondeur réglables et son overdrive réagissant idéalement au toucher. D’autant qu’on peut ensuite s’amuser avec les amplis et baffles, pour produire des effets stéréo, adapter la sonorité en fonction des besoins de façon très précise. Deux exemples suivent le traitement par la WurliDrive seule.
Traitements de choc
Bien sûr, il est impossible dans le cadre de ce test de faire entendre tous les effets fournis. Passons-les en revue rapidement, en commençant par les Delays (on a déjà entendu le BPM Delay x 2 sur l’exemple du Wurlitzer), qui offrent selon le modèle des filtres, et réagissent comme les « vrais », c’est-à-dire avec l’effet de pitch quand on change leur temps. Un exemple avec le Radio Echo, qui dispose en sus d’un filtre et d’une saturation.
Dommage que les grésillements (non dus au buffer, vérifié) empêchent de s’en servir sur une accélération.
Un autre avec le Super Echo qui offre ping-pong ou écho « normal », avec fonction reverse dosable et toujours des filtres.
Côté EQ on est aussi gâté, puisque l’on retrouve aussi bien des paramétriques que des EQ façon Retro (apparents mélanges de Pultec et de Motown, égaliseurs que l’on retrouve au catalogue de l’éditeur) ou encore des graphiques 12 et 31 bandes. Les filtres ne sont pas en reste, puisqu’en plus des classiques (HP, LP, BP), Nomad offre un Presence Booster (boost à 8 kHz) et son pendant plus étoffé, le Presence Filter, ou encore une émulation de Moog modulé, le Moogfer Sweeper (avec synchro et Blend pour la gestion Dry/Wet). En voici un petit exemple sur la guitare précédente :
Tout aussi intéressant, le Frog Filter, associant Drive (sept types différents) et filtres (23 types différents, dont des Comb, Formant, quasiment tout ce que l’on peut souhaiter en matière de filtrage !). Le voici à l’œuvre sur un Clavinet (avant, après), dont une fois avec automation du réglage Position.
Il faudrait encore parler des nombreux effets de modulation, de spatialisation, des réverbes (réussies et variées, de la réverbe à ressort à la réverbe modulée de « studio », nommée Purple, une classe au-dessus de la BlueVerb de l’éditeur ?). La place manquant, voici quelques exemples avant-après de différents traitements utilisant plusieurs combinaisons d’effets. D’abord sur une boucle de batterie, puis une combinaison d’Harmonic Enhancer (à la BBE) de compresseur à lampes et de Max Limiter, puis de Fat Bass (encore un processeur psychoacoustique) et un PEQ-2, et pour finir un bon vieux coup de compression parallèle grâce au Mix du Devil’s Touch (compresseur à lampes) et de limitation, toujours à lampes.
Ensuite une nappe de synthé, puis la même passant par un Destructor (crusher et décimateur), le Radio Echo, un Pitch Detune et un Trance Gate.
Téléchargez les fichiers sonores : flac article
Bilan
Franchement, à ce prix, avec le nombre d’outils proposés, plus la qualité sonore de la plupart, si l’on est à la recherche d’un bundle pour compléter les plugs de sa DAW, il n’y a pas d’hésitation, Magma est idéal. La concurrence est quasi inexistante (u-He n’a toujours pas sorti son Uhbik-X…), l’offre en termes d’effets est de très bonne qualité, notamment pour ce qui est la spécialité de l’éditeur, c’est-à-dire les EQ, compresseurs, modulations, sans oublier qu’il a aussi commis plusieurs effets dédiés guitare dont le Rock Amp Legends, et les possibilités de sound design tout comme celles de traitements de mixage sont très variées, grâce aux 16 slots et aux différents agencements possibles.
Pas grand-chose à reprocher, peut-être quelques petits clics ici ou là, l’absence d’un ampli Clean, ou celle de bouton Solo pour n’écouter qu’un rack, ou encore des boutons d’in/décrémentation pour passer d’un effet à l’autre plutôt que d’utiliser le menu déroulant. Sinon, rien de rédhibitoire. D’autant plus que le support des VST externes est prévu (même si ça peut poser d’éventuels problèmes de stabilité). Bref, sans hésitation, un Award Audiofanzine Qualité/Prix, bravo Nomad !