Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou
Pédago
138 réactions

Comment apprendre à mixer ? Le guide du mixage — 140e partie

Dans l’épisode précédent, nous avons vu comment apprendre à connaitre sur le bout des doigts les outils nécessaires à tout bon mixage. Mais savoir comment fonctionne des traitements audio ne veut absolument pas dire que l’on sait mixer ! Certes, cela fera bientôt trois ans que nous explorons l’ensemble des techniques de base semaine après semaine. Cependant, il me semble ne jamais avoir clairement exposé une méthode d’apprentissage simple de cet art ô combien complexe… Vieux motard que j’aimais !

Comment apprendre à mixer ? : Le guide du mixage — 140e partie
Accéder à un autre article de la série...

Rappe­lez-vous lorsque vous usiez vos fonds de culotte sur les bancs de l’école. Votre profes­seur vous faisait-il apprendre en commençant direc­te­ment par une inter­ro­ga­tion ? Bien sûr que non, le schéma clas­sique se décom­pose plutôt comme suit : leçon, puis exer­cices, et enfin interro.

Pour prendre une analo­gie un peu plus « joviale », trans­po­sons cela au domaine musi­cal avec l’ap­pren­tis­sage d’un instru­ment de musique. Une fois encore, personne ne commence par jouer sur scène et/ou par compo­ser « Ze Tube ». Il faut à nouveau en passer par des leçons, puis il y a les exer­cices (gammes, tech­niques de jeu, reprises, etc.), tout ça pour arri­ver au Graal de la scène ou de la compo qui décoiffe mamie.

Numerique la fin du tableau noir a l ecole

Eh bien comme vous vous en doutez, le propos de cet épisode est de vous expliquer qu’en matière de mixage, c’est exac­te­ment la même tisane. Si nous consi­dé­rons cette série d’ar­ticles comme l’équi­valent des leçons et le mixage de l’un de vos morceaux comme une sorte de passage sur les planches, vous note­rez qu’il nous reste à abor­der le chapitre concer­nant les exer­cices. Aussi vaste soit-il, le sujet peut se décom­po­ser en trois actes selon moi.

Il y a tout d’abord les exos de base qui corres­pondent à l’as­si­mi­la­tion des gammes et autres tech­niques de jeu. D’une certaine façon, ce travail a déjà été entamé lors de l’ap­pren­tis­sage de vos outils. Cepen­dant, il convient ici de plus vous foca­li­ser sur le but sonore à atteindre plutôt que sur l’ou­til en soi. Pour ce faire, rien de plus simple !

Exer­cices pratiques

Choi­sis­sez en premier lieu une seule piste audio et essayez de lui appliquer une à une toutes les tech­niques vues lors des chapitres consa­crés à l’éga­li­sa­tion, le trai­te­ment de la dyna­mique, etc. Pour être plus clair, prenez par exemple une ligne de basse et faites en sorte de lui donner du punch ou au contraire de la rondeur à l’aide de votre compres­seur de prédi­lec­tion. Une fois cela fait, recom­men­cez la manœuvre avec une piste audio d’un autre type (caisse claire, chant, etc.), d’un autre genre musi­cal et/ou à diffé­rents tempi.

Rien qu’avec ça, il y a de quoi s’oc­cu­per un bon moment… Et ce n’est que le début ! L’étape suivante consiste a travailler cette fois-ci sur deux pistes en simul­tané : basse/grosse caisse, chant/guitare, etc. Cette fois-ci, le but de la manœuvre est de vous exer­cer au manie­ment de la notion de contraste dont je vous ai maintes fois parlé. Par exemple, vous pouvez déve­lop­per votre sens du contraste spatial en essayant de placer l’un des deux éléments au loin. Cela se traduira forcé­ment par une proxi­mité accrue de l’autre élément. Tentez d’abord de travailler cela unique­ment au moyen du volume, de la pano­ra­mique, de l’éga­li­sa­tion et de la compres­sion. Puis, inté­grez alors des réver­bé­ra­tions et/ou des delays afin de peau­fi­ner le tout. Bien sûr, il est encore une fois néces­saire de s’exer­cer avec diffé­rents couples d’ins­tru­ments, dans diffé­rents genres et à diffé­rents tempi.

L’ap­pren­tis­sage du mixage via le plagiat ou le remixage

Je me souviens parfai­te­ment des premiers morceaux que j’ai appris à jouer lorsque j’ai touché ma première guitare au milieu des années 90. Bien que fan absolu de feu Jeff Buck­ley, mes doigts n’étaient abso­lu­ment pas capables de se lancer à l’as­saut de l’in­tro de « Grace » et j’ai dû me conten­ter pendant un temps du « Zombie » des Cran­ber­ries ou bien encore de l’ar­pège de « Don’t cry » des Guns N’ Roses. De plus, j’avais déjà à l’époque des idées de compo­si­tions bien alam­biquées. Mais encore une fois, j’ai dû faire mes armes sur des morceaux beau­coup plus « simples », large­ment inspi­rés de « clas­siques », avant de pouvoir sortir avec exac­ti­tude les accords tara­bis­co­tés qui trot­taient dans ma petite caboche.

Mais quel est donc le rapport avec le Schmil­blick ? Eh bien, abso­lu­ment tout mon capi­taine, car pour arri­ver à sortir les visions de mixages que vous avez en tête, il convient de suivre le même chemi­ne­ment, à une vache près…

Depuis toujours, l’imi­ta­tion au sens noble du terme est l’une des meilleures formes d’ap­pren­tis­sage qui soit. Ainsi, l’as­pi­rant guita­riste que j’étais s’est d’abord fait la main sur des reprises.

Jeff Buckley PS1 Photo Credit Kevin Westenberg 1200

En matière de mixage, la démarche de l’ap­prenti ingé­nieur du son se doit d’être simi­laire, même si cela est moins évident de prime abord. L’idéal serait d’avoir accès aux pistes brutes de morceaux connus afin de pouvoir tenter d’ob­te­nir un mixage au plus proche de l’ori­gi­nal. Cepen­dant, même s’il est possible de déni­cher sur la toile quelques « stems » de monu­ments tels que le « Moonage Daydream » de Bowie, l’offre est plus que maigri­chonne, sans parler de la qualité sonore assez limi­tée des fichiers sources.

Heureu­se­ment, il existe des sites inter­net donnant accès aux versions multi­pistes de titres peu ou pas connus, mais dont le mix est plus qu’ho­no­rable, et ce, dans tous les styles musi­caux. Je ne cite­rai pas ici les offres commer­ciales du genre, une simple recherche sur le web vous en indiquera certai­ne­ment plus qu’il n’en faut ; en revanche, je vous invite à jeter un œil ici. Ce site regroupe un nombre impres­sion­nant de morceaux dispo­nibles gratui­te­ment, vous y trou­ve­rez certai­ne­ment votre bonheur pour commen­cer, quelle que soit votre esthé­tique musi­cale de prédi­lec­tion.

Notez qu’à l’ins­tar du guita­riste néophyte qui passe d’une reprise à l’autre en augmen­tant petit à petit la diffi­culté, il vaut mieux abor­der cet exer­cice d’imi­ta­tion de mix de façon progres­sive. Pour être plus clair, ne vous lancez pas d’en­trée de jeu sur le travail d’un titre compor­tant 99 pistes audio. Privi­lé­giez en premier lieu l’étude du mixage de morceaux « simples » et lorsque vous vous senti­rez plus à votre aise, il sera toujours temps d’en­chai­ner sur quelque chose de plus cossu.

Une fois que vous serez rompu à l’exer­cice, le troi­sième acte de votre appren­tis­sage devrait une fois de plus s’ar­ti­cu­ler autour d’une démarche analogue à celle du jeune guita­riste que j’étais. Plutôt que de vous frot­ter direc­te­ment au mixage de votre futur chef-d’œuvre, dont l’ori­gi­na­lité débri­dée hante vos nuits et qui devrait sans aucun doute révo­lu­tion­ner l’uni­vers musi­cal actuel, préfé­rez travailler dans un premier temps sur vos compos plus « conven­tion­nelles » en n’hé­si­tant surtout pas à vous inspi­rer de la pâte sonore de grands clas­siques. En procé­dant ainsi, vous déve­lop­pe­rez petit à petit votre « instinct phonique » qui vous permet­tra à moyen terme d’ex­tir­per les plus beaux bruits navi­guant entre vos deux oreilles !

La meilleure façon pour apprendre à mixer

À moins de tomber sur un fan de Radio­head ou une personne parti­cu­liè­re­ment contra­riante, tout le monde répon­dra à cette ques­tion du tac au tac sans même réflé­chir : 2 + 2 = 4. Cette évidence tient du réflexe, au même titre que le fait de respi­rer, sauf qu’il s’agit là d’un auto­ma­tisme acquis et non pas d’un méca­nisme inné. Vous n’êtes pas venu au monde en sachant que deux plus deux font quatre, vous l’avez appris, et cet appren­tis­sage a été fait de façon à ce que cette asso­cia­tion soit aujour­d’hui instinc­tive. Ne serait-ce pas magni­fique si vous pouviez rendre le proces­sus de mixage aussi natu­rel que cela ? Eh bien figu­rez-vous que c’est possible, ce n’est même pas si compliqué que ça, à condi­tion d’être un mini­mum patient et rigou­reux…

Comment avez-vous appris que deux plus deux faisaient quatre ? Il y a de fortes chances pour que vous ne vous en souve­niez même pas tant cela remonte ! Mais pensez-vous que vous avez seule­ment passé une mati­née complète dessus en primaire pour enchai­ner direc­te­ment sur la suite ? Et vous souve­nez-vous aussi faci­le­ment de la primi­tive de 1/x que vous avez certai­ne­ment dû voir lors de la prépa­ra­tion du Bac ? Bien sûr que non. Que pouvons-nous en conclure ? Tout simple­ment que pour rete­nir quelque chose sur la durée au point que cela devienne un réflexe, le bacho­tage n’est clai­re­ment pas une méthode à privi­lé­gier. Plutôt que de passer plusieurs heures d’un trait sur un sujet, mieux vaut répar­tir son effort dans le temps en répé­tant le travail à chaque fois. Pour prendre un exemple concret dans le cadre du mixage, au lieu de brûler cinq heures d’une jour­née à apprendre le fonc­tion­ne­ment d’un compres­seur, préfé­rez distri­buer la charge en ne faisant qu’une session d’ap­pren­tis­sage d’une demi-heure pendant dix jours. Cette façon de procé­der est effec­ti­ve­ment plus longue et il est parfois diffi­cile de s’y tenir, d’où la patience et la rigueur dont je parlais plus haut, mais à la longue, je vous assure que c’est on ne peut plus payant !

BIg

Afin d’en­fon­cer un peu plus le clou, lais­sez-moi termi­ner avec une méta­phore qu’un ami féru de neuros­ciences m’a contée récem­ment. Le cerveau est en quelque sorte comme un champ de hautes herbes. Lorsque nous appre­nons quelque chose, cette idée fait son chemin dans ce champ et couche l’herbe sur son passage. Mais avec le temps, les herbes se relèvent toujours… Quand bien même aurions-nous piétiné avec force pendant des heures lors de l’unique traver­sée, le chemin finira par dispa­raître. Alors que si nous arpen­tons régu­liè­re­ment ce chemin, ne serait-ce qu’une seule fois par jour pendant à peine quelques minutes, non seule­ment les herbes n’ont plus l’oc­ca­sion de remon­ter, mais à force, le chemin tracé devien­dra plus large, donc plus faci­le­ment prati­cable, et les herbes fini­ront par tout bonne­ment dispa­raître. En bref, répé­ti­tions et régu­la­rité sont les clefs, en matière d’ap­pren­tis­sage du mixage comme ailleurs !

Sur ce, rendez-vous au prochain épisode !

← Article précédent dans la série :
Comment apprendre à connaître ses outils de mixage ?
Article suivant dans la série :
Comment augmenter votre productivité ? →

Vous souhaitez réagir à cet article ?

Se connecter
Devenir membre