Très sensible aux enjeux de protection de l’environnement, Jonathan Berg a créé la marque Berg pour proposer des instruments résolument différents à l’image de La Féline sur laquelle j’ai la chance de poser les doigts aujourd’hui. Voyons si la marque française a réussi son pari.
Miaou !
La marque française Berg que nous vous avions présentée dans le cadre du Mois Vert conçoit et fabrique des guitares électriques de la manière la plus écoresponsable possible. Chaque aspect technique de l’instrument a été pensé et réfléchi pour un respect maximum de l’environnement. Cela passe par une utilisation exclusive de bois français, un remplacement du plastique par de nouveaux matériaux brevetés et une collaboration avec Hepcat, fabricant français de micros-guitare. Si La Féline ne cache pas son inspiration principale, la Fender Telecaster, elle sait cependant s’en affranchir pour affirmer sa très forte personnalité.
La forme du corps de la guitare est particulière mais très élégante. Certaines courbes rappellent les réalisations des décorateurs des années folles. La guitare est très compacte. Le corps de La Féline est en épicéa français torréfié débité sur quartier. Cet épicéa est sélectionné pour sa légèreté, sa résistance et son coefficient de résonance acoustique. Le fabricant a choisi de torréfier tous ses bois pour conférer à ses guitares une maturité qui rappelle celle des guitares plus anciennes. Le manche est vissé à la caisse avec 4 vis et une plaque de maintien. Il est en érable torréfié très figuré et dispose d’une touche en noyer, également torréfié. L’érable du manche est sélectionné pour ses propriétés mécaniques et acoustiques et le noyer pour sa densité et ses dessins prononcés. Le manche est sculpté selon un gabarit rappelant les manches Fender de la fin des années 50 : bien rond mais pas trop épais. La largeur de 43 mm au sillet permet un excellent confort de jeu. La touche possède un rayon de 9,5 pouces, elle est sertie de 21 frettes pour un diapason de 25,5 pouces, traditionnel. Les repères de touche circulaires sont en érable. L’accastillage de cette panthère française est chromé. Il rassemble des mécaniques Schaller Grand Tune ouvertes et un chevalet Telecaster Vintage court avec trois double-pontets en laiton. Ce chevalet est sculpté à la main par l’artisan Halon. Les cordes sont montées directement sur ce chevalet, top-loaded comme disent nos confrères anglo-saxons. Selon la marque, ce chevalet permet un excellent transfert des vibrations. Les mécaniques sont montées sur une tête assortie au corps et d’une forme très distinguée. Elle porte fièrement le logo de la marque, lui aussi assez élégant.
Pour l’électronique, Berg s’est associé à la marque française Hepcat qui s’est spécialisée dans la fabrication de micros Vintage. La sélection du micro est totalement libre et Berg donne le choix entre P-90, PAF, Dynasonic (comme sur l’exemplaire qui m’a été prêté) ou Mini-Humbucker. Toujours dans un esprit de respect de l’environnement et pour éviter la surconsommation, Jonathan Berg a inventé un procédé assez malin. Chaque guitare possède un certain nombre de défonces micros de façon à pouvoir accueillir toutes les configurations. La marque propose ensuite des pickguards précâblés, avec la configuration électronique qui conviendra le mieux à l’utilisateur. En utilisant un système de connecteurs, on peut changer de pickguard, et de donc de configuration électronique, sans soudure et très rapidement. C’est un concept très bien pensé qui permet de profiter de son instrument au maximum. L’exemplaire que j’ai en test est équipé d’un unique micro Dynasonic contrôlé par un volume et une tonalité auxquels vient s’ajouter un switch qui connecte le micro directement à la sortie Jack, sans passer par les potentiomètres.
La guitare BIO ?
Pour ne pas utiliser de plastique dans la fabrication de La Féline, Jonathan Berg a conçu un matériau biocomposite breveté. La matière, composée de fibres de Lin et de matériaux 100 % naturels, est utilisée pour la confection des pickguards et caches truss-rod. Elle est très agréable au toucher et fournit un look très original et immédiatement reconnaissable. Le pickguard apporte une dimension élégante et graphique supplémentaire à la guitare, comme le cache truss-rod très Art-Déco.
Le procédé de fabrication d’une guitare est jalonné d’étapes qui ne sont pas toujours très respectueuses de l’environnement. L’application du vernis nitrocellulosique, par exemple, est une étape très polluante en raison de l’utilisation d’un solvant toxique et dangereux. Mais pas de ça chez Berg ! Toujours dans un respect total de l’environnement et dans une démarche consistant à utiliser le maximum de produits naturels, Jonathan Berg a choisi la technique du vernis au Shellac. Il s’agit d’un agent contenu dans les sécrétions de la cochenille qui, une fois dissous dans de l’alcool, peut être appliqué sur la surface de l’instrument, le plus souvent au tampon. Cette finition très particulière est utilisée en lutherie classique traditionnelle. Elle a la particularité de déposer une très fine pellicule de vernis à la surface de l’instrument et donc de lui permettre de vivre et respirer davantage. De plus, les recettes de Berg garantissent des couleurs intenses et un vieillissement caractéristiques. Ce vernis très fin laisse transparaître les veines du bois.
On dompte la bête…
Quand on sort La Féline de son étui, on est tout de suite impressionné par le poids de ce gros chat. La guitare est incroyablement légère (à peine 2,5 kg, si si !) et résonnante. À vide, La Féline produit une sonorité riche, pleine et remarquablement équilibrée en fréquences. Le volume qu’elle produit à vide est très impressionnant, presque déboussolant ! Le corps vibre énormément, c’est le gage d’une sélection de bois effectuée avec soin et expertise. Si le volume sonore à vide est surprenant, le sustain dégagé par l’instrument l’est tout autant, c’est très chouette. Après avoir inspecté l’instrument sous toutes les coutures, je le branche pour le faire miauler un peu, voire rugir.
Dès le premier accord joué en son clair, je fais le même constat qu’à vide. On retrouve le même équilibre en fréquences et ce sustain énorme qui fait que les notes durent encore et encore. On a vraiment le sentiment que la guitare respire, vit, c’est très sympa. Bien qu’équipée d’un seul micro en position chevalet, La Féline rugit de bien des manières. Le réglage de tonalité permet d’adoucir le son de façon très musicale en retirant un peu d’aigus. Le lien de parenté avec la Fender Telecaster est indéniable et se retrouve également sur le plan sonore. Selon l’attaque qu’on met avec la main droite (ou gauche pour nos amis Lefties), on peut obtenir un très beau Twang qui fera pâlir n’importe quelle Blackguard ! Comme son l’indique, le micro Dynasonic est très dynamique et répond avec précision et haute-fidélité à la moindre sollicitation du guitariste. De plus, il est assez silencieux dans son fonctionnement.
J’active ma fidèle JHS Charlie Brown pour entrer sur le territoire des jolis sons crunch. Là encore, La Féline ne déçoit pas, sort ses griffes et affirme une personnalité Rock. Le son est riche et précis, toujours avec ce bel équilibre et un léger Twang très agréable. Le switch qui dispense des potentiomètres permet de jouer une rythmique avec le volume un peu baissé et d’activer le switch pour passer en solo par exemple. J’active mon EVH 5150 Overdrive pour arriver sur un très gros crunch. La guitare se comporte toujours de façon exemplaire en fournissant de belles harmoniques et un équilibre sonore saisissant. Toutes les notes des accords complexes se font bien entendre. La panthère noire s’est très bien entendue avec une fuzz, en l’occurrence l’excellente Face Bender de PFX Circuits (made in France également). Le micro fournit le niveau de sortie qu’il faut pour bien faire réagir la fuzz et le sustain est infini, ce qui plaira aux bluesmen les plus expressifs. Je termine ce test en passant sur un gros son saturé ; si les accords perdent un peu en définition, les notes seules et les solos sonnent à merveille. La dynamique et le sustain permettent de faire corps avec la guitare qu’on sent vibrer sur toute sa surface pour offrir un ressenti très organique.
- Berg La Féline – Crunch01:22
- Berg La Féline – Lead01:30
- Berg La Féline – Fuzz01:38
Lili la tigresse
Avec La Féline, Berg signe un instrument d’une originalité redoutable et à la sonorité hyper musicale. La forme originale de la guitare, son poids et son ergonomie générale pousse le guitariste à jouer différemment. En effet, la sensibilité du micro et l’énorme sustain m’ont inconsciemment fait diminuer la puissance de l’attaque de mon médiator. C’est un instrument pensé pour être joué de longues heures, très confortablement. Le poids plume de 2,5 kg et le galbe du manche vont dans ce sens. On n’est pas bien loin du coup de maître avec La Féline tant c’est un instrument réussi. Design, ergonomie, son, conception, tout est réuni pour obtenir une guitare redoutable dans la plupart des circonstances. Jonathan Berg nous prouve qu’il est possible de concevoir et fabriquer des guitares de manière totalement écoresponsable, en utilisant des produits locaux tout en minimisant l’impact sur l’environnement et en proposant un autre type de consommation avec ce système très malin de pickguards interchangeables.
Bien évidemment, tout ce savoir-faire technique, ces nouveaux matériaux, ce travail incroyable de finition, ont un prix. Rappelons que la marque travaille de manière écoresponsable en minimisant son empreinte carbone, en recyclant les cordes, en donnant la priorité au local et en n’utilisant aucun plastique. La Féline est proposée à un tarif qui débute à 2 450 €. C’est un rapport qualité/prix correct, à replacer dans un contexte très particulier. Quoi qu’il en soit, si comme moi vous aimez la Telecaster mais cherchez un instrument qui va au-delà, avec un charme de dingue et une personnalité très Rock, foncez essayer La Féline !