Parce que la septième version de Kontakt en avait laissé plus d’un sur sa faim, l’arrivée deux ans plus tard de sa huitième mouture suscite pas mal d’attentes. À nous de voir si Native a réussi à les combler en si peu de temps….
Si certains produits sortis chez Native ces derniers temps ont soulevé quelques critiques, la société allemande n’en demeure pas moins un leader sur le petit marché de la MAO, et notamment dans le domaine des logiciels. Fort de la fusion avec Izotope et Plugin Alliance, l’éditeur est non seulement un poids lourd dans le domaine des effets virtuels, mais il est surtout incontournable dès qu’on parle d’instruments virtuels, grâce notamment à Reaktor mais surtout à Kontakt. Même si ce dernier dispose en effet de concurrents qui n’ont rien d’anecdotique (Falcon d’UVI et HALion de Steinberg), force est d’admettre qu’il est au cœur d’un écosystème autrement plus vaste que ses rivaux. Le nombre d’éditeurs de tierce partie proposant des instruments pour Kontakt est en effet tout bonnement hallucinant, de sorte que pour n’importe quel type d’instrument virtuel, on trouve des banques dans tous les styles et à tous les prix (et même beaucoup de choses gratuites), émanant d’éditeurs aussi divers que Spitfire, Cinesamples, ProjectSAM, Vir2, Orchestra Tools, Impact Soundworks, Synology, Strezov, Output, 8dio, Soundiron, Audiobro, etc.
De fait, qu’on aime Kontakt ou qu’on ne l’aime pas pour des raisons ergonomiques ou fonctionnelles, il peut sans conteste prétendre au titre de roi des samplers logiciels parce qu’à travers lui, on accède aux instruments virtuels parmi les plus aboutis du marché et qu’on dispose toujours d’une solution quel que soit le besoin ou le style musical, ce qui est loin d’être le cas avec ses concurrents dont les catalogues sont nettement moins développés. Ceci étant dit, ce statut de leader écrasant n’est pas forcément synonyme d’un logiciel sans reproche car il faut bien l’admettre, Kontakt a bien du mal à se réinventer depuis sa version 6, tant que le plan fonctionnel que sur le plan ergonomique. Après l’excellente refonte de Guitar Rig, on attendait le meilleur de Kontakt 7 mais Native nous a alors donné l’impression d’un bricolage très discutable en intégrant une partie du logiciel Komplete Kontrol en surcouche de son sampler : certes, cela modernisait agréablement la navigation dans les bibliothèques de son mais ne changeait rien pour autant à l’ergonomie vieillotte de toute la partie édition, sachant que cette partie était incontournable dès lors qu’on voulait accéder au sampling de base…
Et donc ce Kontakt 8 ? Eh bien le voici qui répond à certaines attentes enfin, mais en ignore d’autres toujours, comme nous allons le voir.
Ce qu’aurait dû être Kontakt 7 ?
Comme pour Kontakt 7, c’est le navigateur façon Komplete Kontrol qui nous accueille, avec une préécoute des présets pour les instruments compatibles NKS et de jolies vignettes pensées pour fluidifier la navigation sur les claviers Komplete Kontrol. On s’agace toujours que nous soient proposés des instruments à l’achat dans le bas de l’écran, mais la chose est fort heureusement désactivable dans les préférences, tout comme on peut définir de ne pas démarrer sur l’écran qui nous a accueillis, mais sur la vue classique de Kontakt (Bibliothèques à gauche, instrument à droite).
À ce stade, on a droite à une bonne et une mauvaise nouvelle : la mauvaise, c’est que les typos utilisées pour les préférences sont toujours aussi minuscules et qu’en allant vérifier, aucun changement n’a eu lieu dans la partie édition du logiciel : grrrrr… La bonne nouvelle en revanche, c’est que la vue classique de Kontakt a enfin été mise à jour et affiche les zolies vignettes en lieu et place des anciens papiers peints. Voici qui simplifie la navigation, même si l’on regrettera de ne pas disposer à ce niveau d’une boîte de recherche et des tags de la page d’accueil tandis que le redimensionnement de la fenêtre n’a toujours aucune influence sur les interfaces des instruments…
Mais il y a plus intéressant à voir à ce niveau encore, puisqu’on dispose au sommet du navigateur de banque de deux stacks : l’un Tool et l’autre Instrument.
Théorie des Chords
Un clic sur le petit plus de Tool permet de découvrir qu’on dispose désormais d’un module Chord et d’un module Phrase, Kontakt ayant visiblement à cœur de nous aider à bâtir nos séquences… Dans les faits, Chords vous donner accès une centaine de progressions harmoniques prêtes à l’emploi, façon « Unison MIDI Chord Pack », et qui disposent d’une préécoute. Dès que quelque chose vous plait, vous pouvez charger le préset qui donne lieu à une interface assez simple à comprendre où sept cercles représentent les sept accords qui composent la progression.
Chaque accord est affecté au clavier mais vous pouvez sans problème en saisir un vous-même ou utiliser un petit dé pour le remplacer par un autre généré aléatoirement, tandis que vous pouvez également définir si l’accord sera plus ou moins égréné et avec quel degré d’humanisation il le sera… Via cliqué-glissé vous pouvez enfin importer en MIDI un accord ou toute la progression dans votre séquenceur. Voici qui est simple et bienvenu, car cela peut évidemment donner bien des idées, même si on est très loin de disposer d’un outil aussi intéressant que le fameux Scaler de Plugin Boutique… Pourquoi ? Parce que la génération aléatoire d’accords ne semble pas se soucier grandement du reste de la progression, et parce que la navigation dans les progressions n’est pas des plus explicites…
Tarte aux Phrases
Voyons à présent ce qu’il en est de Phrases… Dans ce dernier, ce sont bien des séquences qui vous sont proposées sous forme de packs, et dès lors que vous chargez un préset, vous vous retrouvez avec une représentation concentrique de de la première séquence du pack, assortie de plusieurs paramètres pour la jouer à l’envers ou changer son point de départ, la transposer, la joue deux fois plus vite ou lentement, introduire du swing…
On dispose même de la possibilité de la contraindre à une gamme de son choix, comme de générer une nouvelle séquence aléatoirement… Sitôt que la chose vous plait, vous pouvez évidemment l’importer en MIDI via un cliqué/glissé comme pour les accords : c’est simple, et toujours susceptible de fournir un point de départ pour une compo…
Pour autant, on ne va pas hurler au génie non plus, dans la mesure où on ne peut pas éditer la séquence depuis l’interface et que ce qui nous est proposé là demeure de la simple génération de notes simples : ne comptez pas sur Phrases pour vous proposer des programmations tirant parti des articulations d’une banque de cordes par exemple… Ne pensez pas non plus qu’il y ait le moindre feeling humain derrière tout cela : on n’est certainement pas face à ce qu’un EZkeys peut faire…
Enfin, sachez-le : c’est bien regrettable mais le module Chords et le module Phrases ne peuvent pas être utilisés en même temps… Bref, Toontrack a quelques confortables kilomètres d’avance sur Native Instruments sur ce plan, même si l’on sera beau joueur en reconnaissant que Native a au moins le mérite de nous proposer une vraie nouveauté pour cette huitième version, ce qui n’était pas le cas pour la 7. Et c’est d’autant plus vrai que ce n’est pas la seule nouveauté !
Leaps & Loops
En marge des Instruments et des Combined (un autre nom pour les multis), le navigateur de présets nous propose trois nouveaux onglets : Leaps, Loops et One Shot… Leaps permet d’accéder à des kits prêts à l’emploi où plusieurs boucles ou samples mappés sur le clavier permettent de produire un petit arrangement et de lui appliquer divers effets via les touches noires, un peu à la Output Arcade…
Quant à Loops et One Shot, il vous offrent quant à eux accès à un sampler dédié, avec tout le nécessaire pour jouer avec les sons : points d’entrée/sortie et de bouclage, transposition, vitesse de lecture, réglage des formants… Bref, Kontakt revient au travers de ces interfaces aux racines du sampling comme l’ont fait Falcon et HALion avant lui, sachant que tout cela était évidemment déjà possible dans les entrailles du sampler de Native, mais qu’on dispose désormais d’un moyen plus direct et plus ergonomique d’y accéder…
Bref, comme vous le voyez : il y a nettement plus de choses à voir dans ce Kontakt 8 que dans Kontakt 7, au point qu’on a d’ailleurs l’impression qu’il est ce que Kontakt 7 aurait dû être. Est-ce que ça vaut la mise à jour pour autant ? Forcément si vous êtes un gros utilisateur de Kontakt vu que de nombreuses banques le réclameront pour tourner, Native y veillera. Pour autant, les fonctionnalités ajoutées, si bienvenues qu’elles soient, manquent encore clairement de maturité pour certaines en regard de ce qu’on trouve dans des plug-ins dédiés ou chez la concurrence.
Personnellement, je ne me vois ni utiliser les modules Chords ou Phrases que très anecdotiquement, parce qu’ils sont encore relativement basiques et incapables de fonctionner ensemble : on espère que Native aura à cœur de relever le nez de sa feuille pour voir ce qu’il se passe ailleurs (notamment chez Toontrack) car faire évoluer Kontakt dans cette direction aurait un grand intérêt, à plus forte raison si cela simplifie la programmation parfois complexe de certains instruments…