Sorti à la fin des années 80, le casque HD 25 est depuis plus de 25 ans une solide référence dans l’audio pro. Reste à voir si le HD 26 Pro, récemment sorti par Sennheiser, a les épaules, ou plutôt les oreillettes, pour se mesurer à la légende.
Référence depuis des lustres au sein du catalogue pro de Sennheiser, le HD 25 (nous parlons bien du HD 25 de base et non de la version SP nettement moins performante) est très utilisé par les pros, notamment en live, où sa robustesse, sa compacité et son excellente isolation sont très appréciées. Et parce qu’il propose un rendu certes « compact » mais relativement équilibré, il s’avère même intéressant en studio, apportant un regard neuf et toujours pertinent au moment de vérifier un mix ou de fournir un retour à un musicien allergique au circum aural sans craindre d’avoir de repisse du playback.
Seuls vrais reproches à lui faire : son look vieillot (c’est clairement l’un des plus moches du marché) et un confort tout relatif, son arceau ayant tendance à bien vous serrer la tête.
Inutile de dire en tout cas que de voir Sennheiser débarquer avec un HD 26 Pro a de quoi piquer notre curiosité. Le roi est mort, vive le roi ? C’est ce que nous allons voir.
Lifting
Inutile de dire que le design du HD 26 pro est clairement plus réussi que celui de son prédécesseur. Plastiques plus beaux sur l’ensemble, formes plus harmonieuses des écouteurs : Sennheiser a fait un bon travail de relooking, abandonnant les sérigraphies cheap sur l’arceau de la première version et la prise rouge qui indiquait l’oreillette droite (et qui ma foi demeurait pratique, sur le mode Kickers).
Bref, on n’est clairement plus dans l’argument du « c’est moche donc c’est pro » qui était celui du HD 25 au point que le HD 26 Pro pourra tout à fait faire office de casque de baladeur, en dépit de son absence de fonctions multimédias à la mode (pas de micro ni de télécommande ou d’atténuation active de bruit ici, ce qui est cohérent pour un casque étiqueté Pro).
Parmi les petits changements, on notera que c’est désormais de l’oreillette gauche et non de la droite que sort le câble, tandis que ce dernier, dans sa version droite, propose deux centimètres de spirale en guise sans doute de sécurité contre l’arrachage.
Autre surprise : lorsqu’on écarte les oreillettes pour chausser le casque, le double arceau s’écarte pour adopter une disposition assurant un maintien idéal sur la tête. C’est d’autant plus appréciable que Sennheiser a revu la pression exercée par l’arceau à la baisse. Sans abandonner le système supra-aural ni la possibilité de relever l’oreillette droite pour l’utiliser en mode pré-écoute DJ, le HD 26 Pro s’avère ainsi beaucoup plus confortable que son aïeul.
Last but not least, la grosse nouveauté de ce modèle consiste dans l’intégration d’un limiteur débrayable réglé sur 105 dB (soit le seuil maximum fixé par la loi pour la protection de l’audition des utilisateurs). Une très bonne idée qui va dans le bon sens, même si l’on aura deux petites réserves concernant cette nouveauté. Planqué dans l’oreillette gauche, le switch permettant d’activer le limiteur est minuscule et c’est avec le bout d’un petit tournevis que l’on pourra l’actionner. La chose a le mérite d’être discrète et d’éviter les manipulations indésirables, mais on aurait tout de même préféré quelque chose de plus facilement accessible. La deuxième réserve que l’on aura concerne le seuil fixé : 105 dB, c’est très bien en regard de la loi, mais c’est très loin d’être suffisant pour prémunir l’utilisateur de tout dommage auditif : même à 105 dB, le volume reste élevé et une « pêche » ou un larsen comme cela peut arriver en studio ou sur un plateau de télé/radio auront largement de quoi vous abîmer les oreilles en passant du silence à ce niveau. Du coup, on aurait adoré que le limiteur en question propose plusieurs plafonds : un à 105, un à 90, voire un à 70 dB. De fait, même avec ce limiteur à 105 dB qu’apprécieront sans doute les assurances, l’ingé son scrupuleux sera bien avisé de vérifier le volume qui circule dans ses casques avant de les distribuer : cela va dans le bon sens par rapport au niveau de cheval du HD 25 mais il reste une bonne marge de progrès avant d’en parler comme d’un casque « Safe » pour les risques auditifs.
Quoi qu’il en soit, les évolutions dont bénéficie le HD 26 Pro sont loin d’être anecdotiques et c’est donc dans les meilleures dispositions à son égard qu’on attaque l’écoute comparative avec le HD 25 qui toujours m’accompagne et jamais ne m’a trahi : Champagne !
L’écoute m’a tuer
Bien évidemment, c’est limiteur débrayé qu’auront lieu les écoutes, non pas pour les réaliser à des niveaux de dingo mais pour se prémunir de toute coloration que pourrait induire le limiteur sur lequel nous reviendrons en fin d’écoute.
Feel Good Inc
Premier constat sur ce titre hiphopisant de Gorillaz : dans le bas, le HD 26 a une plus grande bouche que le HD 25 puisqu’il concilie le bas médium charnu de ce dernier avec une présence plus marquée encore dans les fréquences plus graves. Le bas est donc très en avant, beaucoup plus que sur le HD 25, et plus même que sur notre Ultrasone Pro 900 qui n’en manque pourtant pas. Sennheiser aura sans doute cédé à la mode Beatsienne du moment, même si je n’ai pas pu hélas comparé le Beats Pro et HD 26. Le dernier né de Sennheiser rappelle d’autant plus le casque de Dre qu’il partage avec ce dernier une même inhibition dans le haut du spectre, comme on s’en aperçoit en écoutant les voix façon Beatbox qui sont beaucoup plus audibles sur le HD 25. Le pont confirme la chose : si le HD 26 propose un kick et une caisse claire plus massif, cela se fait au détriment du tambourin qui joue à l’unisson de la caisse claire, des craquements de vinyles, des petites guitares sur les côtés et de l’harmonie vocale, tant de détails relégués à l’arrière.
Consoler of the lonely
Sur ce titre à fond les ballons des Raconteurs, la différence entre les deux casques est là encore évidente : le gros coup de kick où l’on sent bien l’air qui se déplace est certes bien là sur le HD 25 mais il est plus marqué encore sur le 26. Le timbre de la caisse claire est également plus marqué sur ce dernier, à l’inverse du charley qui est plus inhibé. Qu’en conclure ? Qu’a priori, le HD 26 proposerait par rapport au HD 25 une bosse dans le bas et dans les hauts médiums, avec moins d’information dans l’extrémité haute du spectre. La chose se vérifie à l’arrivée des guitares et de la basse, effectivement plus présente sur le 26, tandis que les sifflantes dont regorgent les voix distordues sont nettement moins gênantes par rapport au HD 25 : un bon point pour une écoute récréative, mais pas forcément pour un usage en studio où l’on aime bien distinguer nettement ce genre de petits détails. Un peu plus loin sur le pont, ces aigus en retrait sont nettement plus préjudiciables vu qu’on n’entend quasi plus le tambourin qui fait alors son entrée.
Walk on the wild side
Ca n’étonnera personne : la contrebasse semble plus grosse sur le HD 26 mais on perd nettement en détail sur les balais, les attaques des guitares et la voix de Lou Reed qui sonne plus boxy que sur le HD 25. Ca manque d’air, à plus forte raison sur le chœur féminin dont l’effet de rapprochement opéré par le retrait progressif de la réverb est nettement moins marqué.
Also Sprach Zarathustra
L’orgue en bas est plus présent sur le HD 26, mais le tutti est plus brouillon : on n’y distingue moins les cuivres des cordes à cause, là encore, des aigus moins définis. C’est notamment très préjudiciable aux cuivres qui perdent de leur côté… cuivré justement.
The Cell
Terminons avec l’intro de l’album Tetra de C2C : puisque ce casque semble avoir des prédispositions pour le bas, autant aller vers une musique qui aime ça. Kick énorme, basse omniprésente : ça fonctionne effectivement de ce côté-là et ça plaira sans doute à certains. Mais force est d’admettre, me concernant, qu’à cause de cette hypertrophie des graves et du sous-développement du registre aigu qui rend l’écoute bien terne, je n’échangerai pas mon baril de HD 25 contre un baril de HD 26, à plus forte raison quand il est plus cher.
Time
Intéressons-nous pour la suite au rendu de l’image stéréo avec Time de Pink Floyd, si tant est qu’on puisse parler d’image stéréo pour un casque : testé sur les rototoms de l’intro, HD 25 et HD 26 ont peu ou prou fait la même chose sur ce tableau, avec une localisation moins précise des sources sur le HD 26 Pro, notamment sur les chœurs du refrain, sans doute due au retrait des aigus déterminants pour les réverbs, les attaques, et donc le sentiment qu’on entend une chose ici ou là.
Push the limit
La séance d’écoute se terminera en activant le limiteur et en poussant le volume de notre préampli casque. Effectivement, ça limite et plus on monte le niveau, plus le son tord et distord, histoire de rester en dessous des fameux 105 dB. Évidemment, on frémit à l’idée que cette fonctionnalité rajoutera une couche de compression à quantité d’albums qui n’en manquent déjà pas, surtout lorsqu’ils sont diffusés par des radios FM qui surcompressent au maximum, histoire d’être bien sûr qu’il ne reste plus aucune dynamique dans le signal et que l’audition sera la plus fatigante possible pour l’utilisateur. Mais au-delà de cet effet collatéral, je le redis : toute perfectible que soit cette fonction, elle a le mérite d’aller dans le bon sens et témoigne d’une prise de conscience plus générale du problème des niveaux sonores. Merci pour ça.
Ce bon point qui explique en partie le prix plus élevé du casque par rapport au HD 25 n’empêche pas que, côté écoute, j’avoue avoir été bien déçu par ce HD 26 Pro qui promettait tant. Et encore, j’ai été gentil : je ne l’ai comparé qu’à son glorieux inspirateur, sans le mettre face à des références chez AKG ou Beyerdynamic qui font déjà mieux que le HD 25 dans le haut du spectre, et qui sont moins chères que le HD 26 Pro… Dépourvu du Beats Pro pour l’écoute, j’ai toutefois rapidement pu mettre le dernier né de Sennheiser en face du Marshall Monitor qui propose encore plus basses, mais aussi plus d’aigus, au détriment des médiums. EQ en V ? C’est à peu près ça pour le Marshall qui personnellement, ne me convainc pas plus que ça. À choisir entre ce dernier et le HD 26 Pro, j’opterais donc… pour le HD 25.
Cela n’empêche évidemment pas le 26 Pro d’avoir des qualités à faire valoir, qu’il s’agisse de son confort ou de son limiteur à 105 dB. En outre, il hérite de certaines qualités de son ancêtre : compacité (c’est l’un des rares casques audio pro supra-aural), solidité, isolation… Bref, on ne criera pas au scandale, à plus forte raison s’il s’agit juste d’avoir un retour son au moment d’une prise ou sur scène, mais on ne criera pas non plus à la bonne affaire et les possesseurs satisfaits de leur HD 25 peuvent tranquillement garder leur casque qui demeure la référence et n’est pas prêt de se faire détrôner par ce nouveau venu, en dépit de ses arguments.
Conclusion
Qu’il est dur de se battre contre soi-même ! Si l’on comprend aisément que les gens du marketing chez Sennheiser appelaient de leurs vœux un HD 26 labélisé Pro pour profiter de l’aura de légende du HD 25, on regrettera juste que le constructeur ne se soit pas contenté de reprendre à l’identique les caractéristiques audio du HD 25 en améliorant le reste. Hélas, tout en proposant un paquet de progrès fort appréciables par rapport à son illustre ancêtre sur le plan de l’ergonomie, du design ou des fonctionnalités, le HD 26 cède gentiment à la mode actuelle qui privilégie les grosses basses au détriment des aigus, extrêmement décevants ici. Et si, au nom des goûts et des couleurs, on serait tout à fait prêt à accueillir ce changement d’identité pour un prix similaire au HD 25, le fait que le HD 26 soit vendu plus cher s’avère assez ennuyeux : pourquoi acheter plus cher quelque chose de moins bien sur l’essentiel, à savoir le son ? Bref, on souhaite vraiment que Sennheiser se serve des bonnes idées de ce HD 26 pour nous proposer une nouvelle version du HD 25, histoire que le mieux ne soit pas forcément l’ennemi du bien.