Si Ikutaro Kakehashi a baptisé sa compagnie d’un nom bien de chez nous, ça n’était pas pour faire honneur à la fameuse chanson de geste. Dès sa création, la marque est destinée à l’exportation et le premier des soucis du fondateur à cet égard, fut de trouver un nom simple à prononcer et assez original pour sortir du lot. D’où le choix d’une marque commençant par R, une tendance rare dans ce business, qui allait permettre à ses produits de se démarquer de la concurrence lors des salons de musique internationaux.
On connaît bien l’entreprise pour son rayon électronique : les synthés, les boîtes à rythmes, les effets (sous son propre patronyme, mais aussi sous la marque BOSS destinée à la distribution d’effets pour guitare), les batteries électroniques et autres processeurs MIDI. Mais je connais peu de bassistes qui peuvent se vanter de jouer sur un ampli ROLAND. Non pas que le matos n’ait pas les qualités requises, mais il faut bien avouer que la marque n’est pas un standard en matière de grooverie. C’est donc une séquence découverte qui s’impose, avec ce banc qui concerne le Cube 120 XL, un Combo pour les bassistes, décliné après la sortie du modèle pour guitare.
C’était l’année…
Cette l’année là, treize manifestants sont abattus durant le Bloody Sunday Irlandais, c’est aussi l’année où seize hommes ont survécu à un séjour forcé dans la cordillère des Andes après le crash de leur avion, en adoptant un régime alimentaire peu ragoûtant. En l’an 1972 sont nés Christian Mac Bride, Mike Dirnt et Mark Hoppus, pour ne citer que les bassistes. Et au Japon, deux événements majeurs marquent ces douze mois : À l’échelle nationale, Okinawa redevient enfin Japonaise et à l’échelon musical, la compagnie Roland est créée. Je m’étendrais bien sur la partie biographique et anecdotique, si chère à mon cœur, de l’entreprise. Mais avec ses douze potards, ses neuf switchs et ses huit connecteurs, ce petit cube me donne suffisamment à rédiger pour remplir deux articles.
Alors, ne perdons pas de temps et passons au petit tour du propriétaire obligatoire.
Un cube ? Pas tout à fait
Moi on m’a toujours appris à l’école qu’un cube est un volume composé de faces carrées. Là ça n’est pas tout à fait le cas, puisque si l’on prend un mètre pour estimer les mesures de l’objet, on retrouve une longueur de 52 cm, une largeur de 46 cm et une profondeur de 32 cm. Je sais, j’ergote un peu, mais c’est aussi pour ça que l’on fait appel à moi.
Si l’Apéricube avait une face plus étendue que les autres, on aurait crié à la publicité mensongère depuis longtemps (précisément depuis 1971). Enfin moi si je dis ça, c’est aussi pour meubler quelque peu cette énumération de mensurations. Et pour y ajouter un chiffre, je parlerai du poids, pas si lourd pour les 80 watts disponibles, mais tout de même surprenant en comparaison du faible gabarit, soit près de vingt kilos. À cet égard, je lance la première requête du consommateur lambda qui aurait certainement apprécié l’ajout de roulettes. Ça fera peut-être sourire les plus jeunes et les plus athlètes de nos lecteurs, mais à son âge christique et avec tout ce qu’il a encouru, mon dos ne plaisante déjà plus avec ces choses-là. Et puis le truc de la poignée unique, ce n’est pas un cadeau non plus, il aurait fallu voir les choses de manière plus ergonomique.
Vous me direz, si l’ampli ne bouge pas trop et qu’il reste dans un studio, cela reste un détail. Chose à laquelle je répondrai que je préfère prévenir que guérir, surtout quand il s’agit des lombaires (muscles ou vertèbres). Allez jouer trois sets avec une cinq cordes et un dos cassé et vous deviendrez aussi difficiles que moi ! Les habitués de l’ostéopathie m’entendront certainement sur ce point. Mais continuons les amis, ne vous laissez pas distraire pas les digressions de votre serviteur et parlons un peu des finitions. Là-dessus je n’ai rien à redire.
S’il n’est pas particulièrement joli, le CB120XL a le mérite de jouer les cartes de la sobriété et de la robustesse. Pas de moquette qui peluche, mais un simple Tolex noir, des bons renforts là où les chocs font généralement mal (sur les arêtes) et une solide grille de protection (en fait tout ce que j’apprécie en la matière). Pour finir, ce combo est équipé d’une enceinte de 12 pouces et d’une corne de tweeter coaxial, deux évents en façade se chargent de faire circuler l’air dégagé par les vibrations du boomer. Le tout est estampillé “Made in China”. À ce sujet, saviez-vous qu’il a fallu attendre l’année de création de la marque Roland (1972) pour voir les relations diplomatiques se rétablir entre la Chine et le Japon ?
Réminiscence d’adolescence
Là 'y a du bouton, pire que l’acné de mes quinze ans ! D’abord les douze potards, qui concernent principalement la partie égalisation et les effets embarqués. Au premier étage, on a un égaliseur 4 bandes, soit quatre contrôles. À cela s’ajoutent les effets : respectivement un chorus, un octaver, un delay, un sampleur et un module de réverbe. Les corrections apportées à ces modulations et à l’éditeur de boucles sont assez succinctes, puisqu’on a trois potards (et deux switchs) pour gérer le tout. Je m’explique : le premier sert de balance entre le chorus et l’octaver, la moitié de sa course gère le ratio du chorus, l’autre moitié pousse le volume de l’octave inférieure. Le second concerne l’étage delay et sampleur, jusqu’à midi on modifie la fréquence de l’écho et au-delà on active le sampleur, qui est agrémenté de deux interrupteurs-témoins : un pour déclencher l’enregistrement, la lecture et l’overdub et le second pour régler le clic permettant de quantifier les prises. Reste un dernier contrôle à cet étage permettant de passer d’un type de réverbe à l’autre (Room ou Plate), un point de détail qui me paraît à peine accessoire pour l’instrument que nous pratiquons. Mais la liste ne s’arrête pas là les copains, il y a encore un second étage !
Donc juste en dessous, on trouve un potard qui sert de balance entre compression et saturation, un contour, un gros sélecteur cranté à la fonction double, qui permet de passer entre différents presets d’usine (huit en tout) ou de gérer l’accordeur intégré qui peut être calibré pour chacune des cordes. Je cherche encore l’intérêt de la chose et surtout la présence de deux notes supplémentaires : le la bémol et le sol dit “à vide”. On peut aussi utiliser le tuner de manière chromatique, en pressant plus d’une seconde son interrupteur. Il manquera, à cet usage, un affichage de la note jouée en bonne et due forme, assez indispensable pour celui qui voudrait savoir sur quel degré de la gamme il s’accorde. On continue avec les élémentaires niveaux d’entrée et volumes de sortie pour finir sur une option que je juge assez sympathique : une mémoire qui permet d’enregistrer ses réglages préférés (solo). On presse l’interrupteur pour activer le canal, on laisse son doigt dessus deux secondes pour mettre en banque et on dispose même d’un volume rotatif qui permet de balancer avec le canal standard. Cela peut servir, surtout pour ceux qui cherchent le super gros son qu’ils avaient la veille, sans jamais réussir à se souvenir de leur set-up. Autre bénéfice, un poil plus futile : on peut en passant par cette mémoire sampler une boucle avec du delay. L’entrée Jack se trouve sur ce tableau de bord accompagnée de son habituel switch actif/passif.
À l’arrière du combo, on dispose d’une sortie pour une enceinte supplémentaire en 8 ohms, d’un Line out symétrique, d’une sortie casque, de trois inserts pour pédaliers de contrôle (avec tous les effets embarqués il fallait au moins cela) et d’une entrée auxiliaire en format minijack. Il y a du monde au balcon, comme à la poupe !
Your girl is crying in the night
Pour ce test, j’ai fait appel à notre bon vieux répertoire français, en invoquant notre Cloclo national. Ne me demandez pas pourquoi : je ne savais pas quoi jouer (il n’est pas toujours évident de trouver l’inspiration juste et m’enregistrer reste une épreuve douloureuse) la télé devait être allumée chez les voisins et du coup, ça sera Magnolia forever pour tout le monde. Je m’excuse aussi par avance auprès du fan-club de Claude François pour la justesse de mon jeu, j’aime bien cette ligne de basse, mais ne la maîtrise pas des masses (pour ne rien changer à mes habitudes, je l’ai apprise une heure avant d’enregistrer). J’utilise toujours un micro Beyerdynamic M88 pour la prise HP, une Precision Bass Deluxe V comme instrument et une interface novation. Je pense qu’à l’avenir, je vais essayer de repiquer les enceintes en passant par deux sources. Pour cette occasion et à la vue du nombre d’options à enregistrer, je me suis limité à des prises de son (vingt-trois en tout !) en prise directe, à l’exception des deux dernières qui passent par le micro. Pour ces ultimes prises, j’ai choisi d’enregistrer avec mes réglages préférés que je décrirai un peu plus bas. Commençons par le plus simple, l’égaliseur. Voici cinq extraits où j’ai joué du contour et des quatre bandes :
Dans le premier, tout est à plat, pour apprécier le ramage élémentaire du préampli et de ma basse. La réponse en fréquence n’est pas tout à fait linéaire, légèrement teinté dans les médiums aigus. Cela ressemble, de loin, au son d’un Ampeg.
Pour le second, j’ai simplement enfoncé le Shape (contour) pour creuser le son. Vous remarquerez que la différence avec le premier extrait est assez mince. Cela étant certainement dû à une prise de son en direct qui ne passe pas par la corne de tweeter.
Maintenant je pousse légèrement les graves (4) et les bas-médium (3) ainsi que les aigus (2) et je baisse les haut médiums (-2).
Ici le son est tout à fait creusé avec les graves en berne (6), tous les médiums coupés et les aigus à fond. On sent bien mieux la dynamique qu’avec le Shape.
Et enfin un son bien rond, mais pas démuni du reste, les graves à 5, les bas médiums à 2, les hauts médiums à 0 et les aigus montés à 4. Celui-là me plaît bien, il sonne presque comme une vieille tête SVT.
Maintenant un petit tour des effets, options incontournables pour un ampli venant des usines d’un gros fabricant de pédales. Je commence dans l’ordre de trituration, par une modulation que je dois avouer ne pas supporter de manière générale, vous laissant donc seuls juges quant à ses qualités intrinsèques.
Vous prendrez bien un peu d’Octaver ? En voici une tranche, qui à mon goût n’est pas si mal puisqu’il tient bien la note, même quand on joue en haut du manche.
Vous vous sentez guitariste contrarié en vous levant le matin ? Vous avez la nostalgie de ces années où vous étiez enfant de choeur ? Faites donc une cure de réverbération. Attention, n’en abusez pas trop ! Au risque de vous exposer à une révélation mystique.
- 8 Reverb room00:25
- 9 Reverb Plate00:22
C’est moi où il y a de l’écho dans la pièce ? Là je m’interroge franchement sur l’importance du delay dans l’existence d’un bassiste. Je lance donc un petit jeu sur le forum et vous demande de citer des lignes de basse où la chose se fait entendre. J’ouvre les festivités avec un morceau de Porno for Pyros intitulé “Pets”.
Ah le sampleur, un bel outil pour s’entraîner au Lead ou ajouter à son groove une petite harmonie quand on joue en comité restreint. Un petit plus intéressant, mais absolument pas facile à manipuler sans l’aide du footswitch optionnel. Ici j’ai posé d’abord une petite ligne de basse, que j’ai laissée tourner une fois avant de poser un thème, que je laisse à son tour se répéter avant d’overduber des harmoniques.
Un bon compresseur, il n’y a que cela de vrai. Dommage que la qualité ne soit pas toujours au rendez-vous sur les systèmes intégrés. Là je trouve encore une fois (à l’image de ce que l’on trouve aussi chez les concurrents) les réglages trop succincts et ne comprends pas le choix qui est imposé entre compression et saturation (mis à part le manque d’espace). Voici la même ligne avec des niveaux de compression différents.
Même traitement pour la saturation, qui ici a tout d’une Fuzz assez baveuse. Les teigneux amateurs de son qui gerbe apprécieront. Ou pas.
Vous n’êtes pas inspirés dans vos réglages ? Tourner les boutons tout ronds vous est fastidieux ? Vous avez une petite crise de fainéantise en matière d’ingénierie sonore ?
Laissez-vous guider par l’ami ROLAND qui propose une série de Presets d’usine afin de vous faciliter les choses. Au choix, huit grains différents pour ceux qui aiment les raccourcis.
- 15 Flip Top00:12
- 16 B Man00:12
- 17 T.E00:12
- 18 Bass 36000:12
- 19 Session00:12
- 20 Concert 81000:12
- 21 Super Low00:12
Et enfin, comme convenu voici deux prises micro, pour étudier le grain du Boomer appuyé par son tout petit compagnon tweeter. Pour la ligne jouée aux doigts, j’ai gardé les réglages du troisième extrait en utilisant le contour. Pour la ligne slappée, j’utilise les réglages du quatrième, toujours en passant par le contour. À mon goût, le grain général n’est pas mal pour un petit combo sans forcément faire des prouesses. J’avais un peu de mal à trouver mon compte au début de l’essai et puis en fouillant un peu, j’ai réussi à dénicher au moins deux réglages convenables pour mes esgourdes, parfois exigeantes en matière d’amplification.
- 22 Prise HP00:48
- 23 slap Prise Hp00:48
Une clientèle bien visée
En tant que testeur, il faut savoir faire la part des choses et ne pas forcément estimer le matériel d’un point de vue personnel de vieux roublard. Si je me mets dans la peau d’un jeune bassiste, avec une poignée d’euros en poche, en quête d’un premier ampli de répétition un poil passe-partout et pourquoi pas équipé de quelques effets, je me dirais que le choix du Roland Cube serait à considérer. Pour un prix moyen de 519 €, c’est plutôt tentant.
Utilisé sans enceinte supplémentaire, le petit combo délivre une puissance suffisante pour s’amuser en groupe avec un batteur. Le grain est correct, pas vraiment pointu, mais convenable pour faire ses armes. Les effets sont pour moi tout à fait superflus, mais toujours en relativisant, je me dis que cela peut servir à certains néophytes pour se familiariser avec le sujet. Et puis on ne peut pas forcément reprocher au fabricant de jouer dans sa cour, en multipliant les adjonctions électroniques, même si ça n’est pas toujours justifié de mon point de vue. Sachant, en plus, que la tendance se retrouve sur de nombreux combos d’étude chez la concurrence. Il faut bien appâter la jeune génération férue de nouvelles technologies !
À noter, le catalogue qui ne comprend que des combos propose deux petits modèles : un 20 watts et un second qui fonctionne sous accus, équipé de quatre HP de 4 pouces. Rendez-vous au prochain essai, toujours au rayon de l’amplification, mais dans une tendance tout à fait opposable avec une marque riche en couleur…