La marque d’amplis pour basse Glockenklang ne s’est jamais inscrite dans le créneau des gros amplis à lampes avec un son typé par nature. Le fabricant a toujours privilégié les transistors, mais, produit haut de gamme et sans concession oblige, ce sont en général des amplis rares, chers, et loin du format le plus compact et léger possible que la majeure partie des constructeurs adopte. Toutefois, ils sont entrés récemment dans le marché des amplificateurs en classe D, réduisant ainsi le poids et le prix de leurs amplificateurs, tout en cherchant à ne pas faire de compromis sonores. La Steamhammer est la dernière-née de cette gamme, la plus légère et la plus abordable côté tarifs, avec deux canaux et une égalisation avancée.
Après nous être penchés sur la Genzler Magellan, c’est à nouveau une tête d’ampli assez haut de gamme, au son moderne et aux fonctionnalités multiples que nous vous proposons en test aujourd’hui. Les parallèles avec le test précédent seront donc nombreux. De plus, si Genzler était une nouvelle marque d’un vétéran de l’industrie musicale, les Allemands de Glockenklang sont eux aussi de vieux routards de l’amplification, puisque la marque a débuté dans les années 80. En revanche, la dimension artisanale reste très forte chez Glockenklang, qui produit toujours en Allemagne, et ne compte qu’une toute petite équipe. L’amplification pour basse n’est pas leur seul créneau puisqu’ils sont également constructeurs de préamplis internes pour basse (préamplis qui équipent notamment la marque Sandberg) et de matériel de sonorisation. Le point commun entre tous ces produits, c’est une approche du son très pure, basée sur la haute-fidélité. C’est d’ailleurs cette philosophie qui donne son nom à la marque, « Glockenklang » se traduisant à peu près comme « tintement d’une cloche ». Les amplis de Glockenklang recherchent donc une coloration minimale, laissant entendre le son de l’instrument lui-même. Le cahier des charges pourrait s’apparenter à celui de la Magellan déjà testée, mais au final il ne s’agit pas du tout du même type d’ampli. Penchons-nous sans tarder sur ce marteau à vapeur.
I want to be your steamhammer…
Non content d’avoir envoyé un joli paquet comprenant la tête, l’importateur en France de Glockenklang a eu la sagesse de nous proposer un baffle de la gamme (le Duo 2×10, un baffle de 400 watts sous 8 ohms). C’est donc armé d’un stack complet que je mènerai ce banc d’essai.
Au sujet de la tête en elle-même, c’est un beau bébé pour une tête en classe D, puisqu’elle fait une taille qui la rapproche d’une tête à transistors traditionnelle avec 28 cm de longueur et 32 cm de largeur. Notons d’ailleurs que cette tête est rackable à l’aide d’accessoires de type « rack ears » disponibles en option, et une hauteur indiquée comme correspondant à 1,5 unité de rack. Le poids de l’engin est en revanche modeste avec un petit 3,2 kg (merci la classe D !). L’ensemble est inclus dans un châssis en tôle gris/noir pour un look furtif très sobre, mais très classe. L’un des deux côtés présente une grille de ventilation. Rassurez-vous, le ventilateur est très silencieux et ne s’est pas fait entendre pendant toute ma phase de test.
Comme sur la Magellan, sur la face avant de l’amplificateur les contrôles sont nombreux, mais clairement organisés. Chaque fonction ou presque dispose d’un bouton poussoir pour l’activer, avec un témoin lumineux associé. Les sérigraphies blanches sur un fond gris foncé (face avant) ou noir mat (face arrière) sont très lisibles.
Sur la face avant, justement, nous avons des réglages classiques pour chaque fonction :
- Une entrée jack unique, associée à un bouton de gain, un poussoir qui permet de réduire le niveau d’entrée de 20 dB (pour les basses à fort niveau de sortie), et deux LED témoins signalant l’activation de la réduction du gain et la saturation de l’entrée.
- Un poussoir « mute » qui coupe la sortie son, mais pas la sortie « tuner »
- Un canal « drive » très complet avec un poussoir d’activation (et sa LED témoin), un potentiomètre de gain (Drive) et un volume du canal (pour ajuster par rapport au son clair), ainsi qu’un filtre « Voice » qui coupe les aigus et les graves pour accentuer les médiums (qui a dit « vintage » ?). Ce filtre dispose de son potentiomètre de dosage et d’une LED témoin. Il n’est actif qu’avec le canal Drive
- Une égalisation de 4 bandes : graves, bas médiums, médiums, et aigus. Pour les deux bandes de médiums, on peut choisir entre deux fréquences, 150 Hz/240 Hz pour les bas médiums, 770 Hz/1,5 kHz pour les hauts médiums. L’égalisation dispose d’un poussoir d’activation et d’une LED témoin
- Un contrôle de mix de la boucle d’effets (qui est donc une boucle parallèle), avec son switch d’activation et sa LED témoin,
- Et enfin un bouton de volume général et une LED témoin de la mise sous tension.
On notera que la grande quantité de LED témoins, qui plus est de couleurs variées, donne un petit côté « sapin de noël » si on allume tout (cf. photos), mais permet de s’y retrouver très vite d’un simple coup d’œil, ce qui est très utile sur scène. Par ailleurs, le fait que toutes les fonctions soient munies d’un switch individuel prend tout son sens quand on jette un œil à la face arrière :
- Une prise d’alimentation au format standard international, munie d’un porte-fusible accessible sans démontage, et combinée avec le bouton on/off. Le marquage indique la tension pour laquelle l’ampli est configuré, ce n’est donc pas une alimentation universelle.
- Deux prises pour baffles, au format Speakon uniquement (pas de prise pour baffle au format jack)
- Une prise casque stéréo. Le manuel indique que le volume de cette sortie casque est réglable par le potentiomètre de volume de la tête dans les cas où l’on utilise la tête comme préampli sans baffle branché dessus.
- Un sélecteur d’impédance : en mode 4 Ohms on pourra, comme c’est classique pour les têtes d’amplification pour basse, utiliser soit un baffle de 8 Ohms (la tête délivre alors 380 watts au maximum d’après le manuel), soit un baffle de 4 Ohms ou deux baffles de 8 Ohms (la tête délivre alors 700 watts au maximum). En mode 2,7 Ohms, la tête pourra accepter diverses combinaisons de baffles (par exemple de un à trois baffles de 8 Ohms, ou bien un baffle de 4 Ohms et un baffle de 8 Ohms) avec les puissances suivantes : 700 watts sous 2,7 Ω, 470 watts pour 4 Ω, et 240 watts pour 8 Ω.
- Une série de trois prises jack pour footswitch permettant d’activer le canal Drive, le « Mute » pour accordeur et la boucle d’effets
- Ladite sortie pour accordeur
- La boucle d’effets, dont le Return peut servir également d’entrée pour un appareil externe de type baladeur MP3 (un sélecteur permet de choisir entre ces deux fonctions et d’activer la stéréo sur ce return)
- Et une DI très complète, au format XLR avec à nouveau des options : un sélecteur « ground lift » qui permet de couper la masse en cas de problème de buzz, un sélecteur pré ou post-égalisation pour le signal envoyé par la DI, et un choix du niveau sonore envoyé par la DI (niveau 0 ou –20 dB selon la préférence de l’ingé son).
La présence des 3 prises pour footswitch avec un format de simple jack (plutôt qu’une prise d’un format compliqué associée obligatoirement à un footswitch de la marque) est une vraie bonne idée, permettant de choisir quelle fonction l’on a besoin d’activer au pied. En revanche quitte à proposer cette option, on se demande pourquoi ce n’est pas le cas pour l’égalisation alors qu’elle est elle aussi activable en façade au moyen d’un poussoir.
Comme pour le test précédent de la Magellan, le grand nombre de fonctionnalités et d’outils proposés indique une orientation clairement « pro », au sens où cette tête offre suffisamment d’options pour qu’elle puisse être utilisable en toute situation de répétition, de concert ou de studio, à domicile ou en déplacement.
Sous le marteau, l’enclume ?
Touchons quelques mots sur le baffle ! C’est un bel engin, assez compact, d’un poids raisonnable (24,3 kg sur mon pèse-personne) et bien équilibré donc facile à transporter notamment grâce à deux poignées encastrées sur les côtés. Le tolex noir est bien posé, et l’avant du baffle est protégé par une grille en métal noire qui est épaisse et solidement fixée. On pourra donc transporter le baffle sans problème dans un coffre ou un van avec le reste du matériel, sans craindre d’endommager les HP.
À l’arrière une petite plaque enchâssée en retrait porte les deux prises (format Speakon uniquement) et un atténuateur pour le tweeter, qui est cranté pour plus de précision dans les réglages. L’ensemble donne une impression forte de parenté avec des baffles de sonorisation, ce qui semble logique puisque Glockenklang construit également du matériel de sonorisation dont des enceintes qui semblent visuellement très proches de leurs baffles pour basse.
Envoyez la vapeur
Au cours de ma prise en main de cette tête, je l’ai tout d’abord branchée sur mon stack habituel de deux baffles Ampeg. Curieusement, le son ne m’a pas vraiment enthousiasmé. On a un résultat punchy, puissant, mais quelque chose me laissait vraiment sur ma faim, un manque de personnalité assez marquant au travers de ces baffles pourtant pas avares de signatures sonores. Même le canal saturé ne rendait pas vraiment l’effet escompté, en étant un peu caricatural.
C’est sur le baffle de 2×10" de la marque (avec le tweeter à la moitié) que la tête s’est révélée : là le son prend de l’ampleur, avec une pureté marquée, non pas au sens d’un son « plat », mais d’un son qui respecte vraiment l’instrument qui est branché. J’ai fait défiler sur cette configuration tout ce que j’avais sous la main : mes G&L habituelles, au son fort en médiums qui grognent, une 5 cordes beaucoup plus moderne à manche traversant et micros Bartolini, une fretless moderne et une PB typée 60s en filets plats. Pour chaque instrument le stack restitue exactement le grain de l’instrument, toutes ses nuances. On peut varier les positions de main droite, le choix des micros, passer des doigts au médiator, jouer en slap ou en tapping : tout sonne comme il le doit, sans embellissement ni concession (gare à la propreté du jeu), mais en rendant justice à l’instrument.
Coté puissance, ça pousse fort : même sur un unique baffle de 2×10 avec l’ampli déployant la moitié de sa puissance (en mode 4 Ohms), voire seulement un tiers (en mode 2,7 Ohms), on se fait très bien entendre en répétition et on peut se fâcher facilement avec ses voisins.
Pour faire le tour du son, j’ai réalisé quelques extraits audio. Le premier est tout à plat, et enregistré via la sortie DI de la tête. Les suivants seront en prise micro (un Beyerdynamic m88) devant le baffle. Le point marquant est la similitude entre les deux signatures sonores, les seules différences audibles sont dues à la prise de son elle-même et non au rendu du stack, qui dans cette configuration sonne quasi exactement pareil en DI ou dans la pièce.
Un deuxième point est l’égalisation, très efficace. Le choix des deux bandes de médiums est un plus indéniable, tout en étant plus simple à manipuler qu’un véritable paramétrique où le choix de la fréquence pertinente est parfois compliqué. Par ailleurs, on peut pousser les boost et coupure assez loin sans que le résultat ne devienne trop déformé et inutilisable, ce qui rappelle la personnalité sonore des préamplis internes pour basse que Glockenklang propose également.
À noter que j’ai perçu une légère différence sonore (un peu plus de graves et de rondeur) entre égalisation débrayée et égalisation enclenchée avec les potentiomètres sur le 0. Je préfère nettement le son avec l’EQ activée même avec les potentiomètres à 0, et c’est le réglage que j’ai conservé pour le reste du test. Dans les deux extraits suivants, on a donc le son sans EQ (extrait 2, très semblable à la prise DI, les différences provenant uniquement de la différence de mode de captation), puis avec EQ (extrait 3).
- Glockenklang extrait 2 00:17
- Glockenklang extrait 3 00:19
Vient ensuite le canal Drive, assez polyvalent. La courbe du gain est très progressive, du son un peu grognant au saturé assez violent. C’est un drive que je qualifierais de moderne, puisque je n’ai pas l’impression qu’en soi il cherche à imiter le son « à lampes ». Il me rappelle plutôt ce qu’on peut trouver sur des pédales de distorsion pour basses récentes, avec une courbe de réponse qui reste étendue dans le grave même à de forts taux de gain.
Pour altérer cette courbe de réponse on dispose justement du potentiomètre de « voice » qui a un effet assez puissant, permettant de couper les graves et aigus et donner un effet plus « à l’ancienne » en termes de type de son. Il rend ainsi le canal Drive plus polyvalent, avec des types sonores assez distincts selon l’équilibre entre gain et quantité de « voice ».
Dans les deux extraits suivants, je joue le canal drive tout d’abord sans filtre, puis avec une dose progressive de filtre « Voice » sur le son saturé, avec un gain faible (extrait 4) et avec un gain fort (extrait 5).
- Glockenklang extrait 4 00:50
- Glockenklang extrait 5 00:50
Enfin le point marquant de cet ampli reste sa capacité à restituer les caractéristiques sonores spécifiques de divers instruments très typés. Dans les extraits suivants j’ai donc illustré le rendu avec une 5 cordes typée moderne (manche traversant en fanned frets, micros Bartolini) jouée dans les aigus (extrait 6) et dans les graves (extrait 7), avec une fretless également moderne à manche traversant et touche ébène (extrait 8), et l’exact opposé avec une PB en filets plats, tonalité coupée aux 2/3 (extrait 9).
- Glockenklang extrait 6 00:29
- Glockenklang extrait 7 00:26
- Glockenklang extrait 8 00:25
- Glockenklang extrait 9 00:23
La grosse cloche sonne !
Avec une liste de fonctionnalités qui le placent clairement dans le haut de gamme, un prix dans la même lignée (1 175 € environ) tout en restant encore accessible, et surtout une volonté de transparence qui pourrait vite tomber dans l’excès de froideur (vocabulaire peu clair, mais qui traduit souvent une restitution des médiums et des aigus un peu agressive et peu naturelle), le Steamhammer de Glockenklang est un ampli que j’avais hâte de tester pour en savoir plus. Par ailleurs, c’est une configuration si éloignée de mon matériel personnel que la marche aurait pu être haute. Curieusement, c’est au contraire un vrai déclic que j’ai eu avec cet ampli, notamment pour jouer à la maison. La pureté sans concession du son, le plaisir d’entendre exactement le son de son instrument et rien de plus, me font penser que c’est un ampli idéal pour accompagner le cheptel d’un collectionneur de basses qui souhaite mettre en valeur ses instruments divers, mais aussi une configuration de scène redoutable pour s’entendre fort et clair au milieu d’un mix chargé. En usage à la maison par contre, c’est un peu puissant pour le bien de vos cohabitants et voisins.
En revanche, et malgré la présence du canal saturé, j’ai du mal à imaginer cet ampli en situation dans des styles rock appelant un son « gras » à l’ancienne. À l’inverse, pour un groupe de reprises ayant besoin d’une large palette ce peut être un très bon choix, surtout pour des styles musicaux au son moderne, ou nécessitant une basse très en avant (jazz, fusion, ou métal extrême) avec pourquoi pas des passages de basse solo.
Est-ce que c’est de la gourmandise de garder une tête 700 watts juste pour jouer à la maison ?