Dans le petit monde des compresseurs et limiteurs haut de gamme, on connaît bien sûr les références que sont le CL1b de TubeTech, le 1176 d'Urei ou encore les étages qui équipent les tranches et consoles de Neve, API ou SSL. Mais en marge de ces véritables valeurs sûres, quelques constructeurs ont récemment essayé de proposer des compresseurs innovants, assurément plus polyvalents puisqu'on peut les utiliser pour le mixage ou le mastering, mais aussi pour faire un véritable travail de sound design. C'est le cas du Distressor d'Empirical Labs, plébiscité par nombre de professionnels, mais aussi de l'étonnant Dynax d'Also ou encore du mpressor d'Elysia qui nous occupe aujourd'hui.
Dans le petit monde des compresseurs et limiteurs haut de gamme, on connaît bien sûr les références que sont le CL1b de TubeTech, le 1176 d’Urei ou encore les étages qui équipent les tranches et consoles de Neve, API ou SSL. Mais en marge de ces véritables valeurs sûres, quelques constructeurs ont récemment essayé de proposer des compresseurs innovants, assurément plus polyvalents puisqu’on peut les utiliser pour le mixage ou le mastering, mais aussi pour faire un véritable travail de sound design. C’est le cas du Distressor d’Empirical Labs, plébiscité par nombre de professionnels, mais aussi de l’étonnant Dynax d’Also ou encore du mpressor d’Elysia qui nous occupe aujourd’hui.
La première chose qui frappe lorsqu’on déballe le mpressor, c’est le soin apporté à sa fabrication et, chose plus rare pour du matériel professionnel, à son esthétique. Boutons cerclés de lumières, diodes électroluminescentes bleutées, courbes harmonieuses et façade ultra classieuse : on est très loin du look carré et austère que préfèrent certains constructeurs de matériels pro, par tradition ou parce que, psychologiquement, ce qui est moche sonne forcément bien. Une chose est claire en tout cas, Elysia peut sans problème remporter la palme du plus beau compresseur sur le marché, cependant que la manipulation des potentiomètres et switchs ne laisse aucun doute sur la qualité de l’ensemble. Un très bon point donc…
Pour ne rien gâcher, la doc fournie avec l’appareil est très bien faite, détaillant, courbes à l’appui, toutes les fonctions du mpressor et proposant même quelques suggestions de réglages. Le tout est hélas en anglais mais ne devrait pas être hors de portée de l’utilisateur connaissant un tant soit peu la terminologie audio… Gageons d’ailleurs que c’est le cas de ceux qui peuvent se payer un tel joujou et passons à la visite de la bête…
Un compresseur doit savoir compresser…
Compresseur stéréo, le mpressor offre en face avant des contrôles dédoublés pour chaque canal. À gauche comme à droite, on dispose ainsi de 8 potentiomètres rotatifs assortis de 6 switchs, que nous allons à présent passer en revue :
Sans surprise, on retrouve sur les réglages typiques d’un compresseur, à savoir le seuil (Threshold), l’attaque (Attack), le relâchement (Release), le ratio et le gain. A l’intention des débutants, rappelons que le seuil est le niveau sonore à partir duquel le traitement rentre en action (plus il est bas, plus la compression est présente dès les sons les plus faibles, plus il est haut, plus on travaille sur les crêtes, avec une action plus discrète donc) tandis que le ratio détermine la 'force’ de la compression : un ratio de 2:1 indique par exemple qu’un signal de 0 dB en entrée sera à – 5 dB en sortie (on passe de 2 à 1) pour un seuil situé à –10 dB. Le gain permet quant à lui de compenser en sortie la perte de niveau sonore occasionnée par la compression (pour remonter ainsi de –5 à 0 dB). Enfin, l’attaque et le relâchement définissent respectivement la rapidité avec laquelle le compresseur commence et s’arrête de travailler. C’est sur ces paramètres qu’on va jouer pour que le traitement soit le plus naturel possible ou au contraire pour faire 'pomper’ la compression. Comme sur la plupart des compresseurs, on dispose aussi d’une entrée latérale en face arrière, activable en façade via un switch, ainsi que d’un mode Auto-fast qui permet de régler l’attaque automatiquement pour qu’elle soit la plus courte possible.
Au-delà de la compression
Revenons en premier lieu sur le paramètre Ratio qui, dans la deuxième partie de sa course propose des valeurs négatives. Passés les ratios positifs qui proposent une courbe de compression de type Hard Knee et la position 'infinie’ où le mpressor se comporte comme un limiteur (aucun son ne dépasse plus le niveau défini par le seuil), on obtient avec les ratios négatifs une chute de la courbe de compression : on a donc une baisse de niveau entre le signal avant et après traitement. Et à l’oreille, ça donne quoi ? Ben, c’est une boucherie. Plus 'on rentre’ bourrin avec un ratio négatif, et plus la compression écrase le signal, façon presse de casse automobile… Assurément intéressant pour choper un son énorme sur les batteries et aller du côté bien crade si prisé des amateurs de lo-fi. Le mpressor cesse alors d’être un outil pour ingé son pour devenir un véritable effet créatif…
Et ce n’est pas tout puisqu’il offre la possibilité de jouer sur le spectre au travers des potentiomètres EQ Gain et EQ Freq qui déterminent le réglage d’un filtre interne nommé Niveau Filter. Avec EQ Freq, on règle la valeur médiane du filtre tandis qu’EQ Gain permet, sur la première moitié de sa course, de booster les graves et de couper les aigus, puis sur la seconde moitié, de faire exactement l’inverse : couper les basses et de booster les aigus… Placé après la section de compression, ce filtre désactivable via un switch n’influence pas le travail sur la dynamique : on n’est donc pas en présence d’un compresseur multibande. Mais le Niveau Filter n’en demeure pas moins très intéressant pour travailler le son obtenu, d’autant qu’un switch permet de multiplier par 10 la plage de fréquences sur laquelle il travaille : selon que ce dernier est ou non activé, on agit donc donc de 26 Hz à 2,2 kHz ou de 260 Hz à 22 kHz, ce qui autorise, suivant les cas, des effets assez subtils ou au contraire carrément bourrins, et offre une nouvelle approche, sans doute plus intuitive de l’égalisation. Evidemment, il faut un certain temps d’adaptation avant d’être vraiment familier du concept et de l’utiliser pleinement, mais force est de constater que le mpressor n’a pas nécessairement besoin d’être suivi d’un EQ : il peut très bien se débrouiller tout seul.
Plus innovant encore, le switch Antilog permet de modifier le comportement du relâchement. Lorsqu’il est activé, la courbe de release n’offre plus en effet une progression linéaire, mais antilogarithmique, qui permet d’accélérer la courbe sur la fin. Dans les faits, ça se traduit par des possibilités qu’offrent peu de compresseurs en matière de Sound Design (voir les exemples audio), comme la possibilité de faire remonter drastiquement sur son sustain la résonnance d’une caisse claire. Les créatifs vont adorer, c’est sûr.
Parce que le mpressor est capable de traitements relativement bourrin, Elisia a aussi pensé à proposer un potentiomètre Gain Reduction Limit, donc l’action est justement de limiter l’action du compresseur. On peut par exemple définir que, quels que soient les réglages, on ne dépassera pas les 0,5 dB de compression.
Finissons enfin avec le potard de Gain qui n’est pas aussi simple qu’il y paraît puisque lorsqu’on consulte le diagramme fourni par le constructeur, on se rend compte qu’il n’est pas situé en entrée ou en sortie comme toujours, mais au beau milieu de la chaîne audio. Bien plus que de définir le niveau de sortie du mpressor, il influe véritablement sur la couleur du traitement…
Ne l’oublions pas, le mpressor est un compresseur stéréo : trois switchs centraux permettent d’activer/désactiver le canal droit ou gauche, ou encore de les linker, étant entendu dans ce dernier cas que seuls les réglages de compressions sont mutualisés à partir des potentiomètres de gauche. Vous gardez donc toute latitude pour régler différemment, à droite et à gauche, les paramètres de l’égalisation et le gain.
On air
Évidemment, le test d’un tel matériel ne pouvait pas se faire en Home Studio. C’est donc dans le très agréable Studio de la Reine, à Paris, que nous nous sommes rendus pour voir ce que la bête avait dans le ventre et ce qu’en pensaient les ingés son sur place…
Deux choses frappent dès le départ avec le mpressor : l’appareil est d’une part extrêmement polyvalent, et dans la mesure où il joue la carte de l’originalité sur nombre de ses fonctions et sur sa conception en général, il n’est pas évident de le dompter en quelques heures…
Pour vous faire une idée de ses capacités, nous lui avons d’abord soumis une boucle de batterie bien rock, charley ouvert. Pas de soucis pour obtenir des compressions normales, ou plus marquées, à la limite du lo-fi, comme en témoigne les extraits Drumloop1 et Drumloop2. Là où cela devient plus intéressant, c’est lorsqu’on se met à jouer avec les réglages propres au mpressor, qui permettent d’obtenir des résultats assez extrêmes. On le voit avec Drumloop3, l’utilisation de la fonction Antilog et d’un ratio négatif permet de créer une sorte d’effet Reverse assez hallucinant : les attaques sont complètement écrasées mais la compression se relâche sur la fin, avec un effet de pompe dont la rapidité évoque une lecture inversée. Au-delà de ce pur plan de sound design, il nous a été possible, avec des réglages plus fins, de faire ressortir uniquement le timbre de la caisse claire par exemple. Et évidemment, le niveau filter est là ensuite pour travailler la couleur de tout ça… Toujours au rayon effets spéciaux, les exemples Drumloop4 (réglage) et Drumloop5 (réglage) sont assez éloquents sur la capacité qu’a le mpressor de modifier l’intégralité ou une partie d’un groove, ou de n’exalter qu’une partie de son spectre via son système d’EQ (Drumloop5).
Lorsqu’on l’essaye sur un mix global, il n’est plus question de jouer au petit chimiste sonore bien sûr, mais le mpressor n’en demeure pas moins intéressant, capable de choses très fines (la présence renforcée du bas sur le master1 – réglage) comme de compression plus grossière, façon radio FM (master2 – réglage). Si Elysia a acouché d’un gros compresseur de mastering, l’alpha compressor, pour ces champs d’application, il faut donc reconnaître que le 'petit’ mpressor peut tout à fait se rendre utile dans ce domaine.
Aussi à l’aise sur une piste que sur l’ensemble d’un mix, le mpressor confirme bien sont statut de compresseur haut de gamme : le traitement peut s’avérer extrêmement subtil, apportant juste ce qu’il faut en terme d’homogénéité au son, ou au contraire être extrêmement présent, apportant une belle couleur au signal qu’on lui soumet, et pompant à l’extrême si c’est ce qu’on lui demande, pour aller dans la destruction sonore la plus totale. Effets reverse, gating et même similidelays sont ainsi de la partie, au point que le bébé d’Elysia boxerait presque dans la catégorie multieffets. Vu qu’avec seulement deux boutons, Elysia nous offre un contrôle efficace du spectre, le mpressor semble même pouvoir se passer d’un EQ en sortie…
Conclusion
Au vu de toutes ces qualités et de sa polyvalence, le mpressor pourrait donc bien être LE compresseur qui remiserait au placard les trois quarts de ses concurrents, parce qu’au-delà de ses nombreuses innovations techniques (antilog, ratios négatifs, etc.) il se paye le luxe d’être très réussi esthétiquement parlant. Cela dit, il serait plus juste de dire que c’est vous qui allez payer ce luxe, car le bougre est vendu la bagatelle de 3490 € HT. Cher le mpressor? Oui et non, car on est assurément dans du très haut de gamme, à savoir que ses composants de première qualité ne sont pas montés dans une obscure usine chinoise, et qu’il y derrière ce prix des coûts de recherche et développement assortis d’un indéniable parti pris pour la qualité.
Au vu de la polyvalence de l’engin et de son côté novateur, on serait en outre tenté de dire que, pour qui sait en tirer partie, ça peut même être une bonne affaire en lieu et place d’une demi-douzaine de compresseurs vintage qui, en dehors de leur 'personnalité' sonore qui les rend relativement couteux, ne savent pas faire le quart de ce que le mpressor sait faire…
Précisons-le d’ailleurs : le mpressor n’a absolument pas vocation à rivaliser avec les compresseurs Vintage qu’on adore pour leur signature sonore. Son intention n’est pas, en effet, de sonner comme un 1176 par exemple, et si vous cherchez le grain particulier de ce dernier, alors c’est lui qu’il vous faut acheter. Sachez juste que vous ferez 1000 fois moins de choses avec un 1176 qu’avec le mpressor…
Autre gentil reproche qu’on pourra adresser au compresseur d’Elysia : les possibilités sont telles qu’il faudra un certain temps d’apprentissage avant d’apprivoiser le monstre et de pouvoir travailler vite et bien avec. De plus, on a vite fait d’obtenir 1000 possibilités intéressantes qu’on ne peut hélas pas stocker, le recall se faisant à l’ancienne, en reproduisant les réglages qu’on aura préalablement notés sur papier… Et croyez-le, il y a de quoi noter…
Une chose est sûre, Elysia fait avancer le schmilblick avec le mpressor et il ne serait pas étonnant de voir certains de ses concepts être adoptés par la concurrence tant ils ouvrent d’horizons. A écouter donc.