Avec ses 11 effets rythmiques, son crossfader par plage de fréquence, sa prise RJ45 pour connecter les lecteurs CD, sa carte son 4 voies stéréo et son écran couleur tactile 5,8”, la nouvelle console pour DJ DJM2000 de Pioneer nous donne forcément envie de voir ce qu’elle a dans le ventre. Alors c’est parti !
Configuration de test
Je chausse mes plus belles baskets, ressors des bons vieux CDJ-100s en guise de lecteur (c’est vrai que c’est moins beau que des CDJ-2000…), un petit micro Shure, un MacBook, un casque, un micro Sennheiser et un gros système son RCF pour avoir un peu de volume dans les pieds. Je suis maintenant paré pour accueillir ce petit bijou… La photo sur le carton n’est pas très engageante, mais dès que l’on ouvre on s’aperçoit que l’on a affaire à du sérieux : 8,5 kg de technologie dans un carré un peu imposant de 40 × 43 cm. Une documentation de 28 pages (le strict minimum vu l’engin), un CD-ROM avec les drivers de la carte son (PC et Mac), les câbles : alimentation et USB, mais surtout, les 4 câbles RJ45 Cat 5e que l’on a peu l’habitude de voir dans un carton de matériel pour DJ. Nous verrons ça plus en détail tout à l’heure…
Aucun logiciel n’est fourni avec, mais Pioneer met à disposition sur son site internet un logiciel gratuit : Rekordbox, que je me suis donc empressé de télécharger. L’installation s’est déroulée sans difficulté sur le Mac Book Pro mais le logiciel s’est avéré assez peu utile pour ce test. En effet, il ne permet de ne lire qu’une voie à la fois et se retrouve relativement limité sans CDJ-2000/900 associés.
Le concept
Pioneer, avec cette table haut de gamme, a cherché à rassembler le maximum d’innovations technologiques, parfois déjà présentes sur d’autres produits. Pioneer a réussi avec cette table à « hardwariser » certaines fonctions quasiment uniquement disponibles au travers de logiciels embarqués sur un ordinateur. C’est une table de mixage d’une excellente facture, l’ensemble est très bien fini, très professionnel, dans un esprit toujours conservé de la marque Pioneer (les vumètres historiques avec indicateurs de crêtes y sont sûrement pour beaucoup). La quasi-totalité des boutons est rétro-éclairée, d’autres clignotent pour afficher leur activation et certains jouent juste sur l’intensité de la luminosité. On regrettera juste le fait de ne pas pouvoir régler finement cette dernière.
Nous retrouvons évidemment la sortie casque pour la pré-écoute de tous les canaux et effets, l’entrée micro avec un égaliseur deux bandes et un talk over (permet de baisser le son du master lorsque le signal provenant du micro augmente), une zone master avec un vumètre stéréo permettant de régler le volume et la balance de sortie, mais nous ne nous attarderons pas sur ces fonctionnalités somme toute standards sur beaucoup de tables de mixage de cette gamme.
Penchons-nous surtout sur les quatre voies et leurs multiples entrées, sur les crossfaders épatants, sur les très nombreux effets et sur la carte son incluse qui font de cette table une des plus complètes de la gamme.
Les voies
Les quatre voies se répartissent de part et d’autre de l’écran LCD central. Sur les voies extérieures (1 et 4) vous pourrez connecter vos mange-disques, et sur les voies du centre (2 et 3) vous raccorderez vos lecteurs analogiques favoris. Sur chacune d’elles vous aurez aussi une entrée signal numérique en S/PDIF et une entrée numérique via la carte son USB interne.
Chaque canal dispose exactement des mêmes fonctions :
- un trim permettant de régler le niveau de l’entrée
- un égaliseur trois bandes presque standard : il vous sera possible de choisir un mode dit « Isolator » qui vous permet d’allonger la course des potards en atténuant la bande de fréquence considérée non plus à –26dB, mais plus de –40dB. Si vos trois potards sont à fond à gauche, vous n’entendrez donc plus rien.
- un potard « filter » permettant d’ajuster le volume de l’effet « INST FX » sur la voie
- le bouton CUE permettant la pré-écoute au casque
- le fader permettant d’ajuster le volume de la voie, plutôt ferme à l’utilisation. Vous aurez la possibilité de changer la courbe du fader au choix : linéaire ou logarithmique. J’avais peut-être deux mains gauches le jour du test, mais il me semble qu’il n’est pas possible de changer les faders, malgré les trois vis apparentes (et aucune info sur le sujet dans la doc)
- un sélecteur bien pratique permettant d’assigner la voie à l’un ou l’autre des côtés du crossfader (voir section crossfaders ci-dessous)
- et bien sûr le vumètre 15 LEDs avec détecteurs de crêtes.
Les crossfaders
Nous disposons en tout de huit crossfaders :
Un premier relativement standard très souple situé tout en bas de la table. La dureté n’est semble-t-il pas ajustable, mais il est démontable pour remplacement éventuel.
Chacune des quatre voies est assignable au côté gauche ou droit de ce crossfader. Nous avons aussi le choix entre trois profils de courbes d’atténuation : un très raide (quasiment on/off), un autre très linéaire, et un troisième profil entre les deux.
Eh bien oui, ce ne sont pas un, ni deux, mais sept cross faders supplémentaires qui nous tendent les bras : ils se basent sur un découpage des plages de fréquence des morceaux en cours de lecture. Mais même si la table est grande, comment faire tenir sept crossfaders supplémentaires ? L’écran tactile bien sûr ! Et grâce à sa technologie multitouch vous pourrez régler deux crossfaders en parallèle. Honnêtement j’ai été bluffé à l’utilisation, dès qu’on y prend goût impossible de s’en passer : en effet les possibilités sont presque infinies pour faire des mixes toujours différents avec les deux mêmes morceaux. Des petits boutons à gauche et à droite des crossfaders permettent de passer instantanément aux extrémités. Il vous sera bien sûr possible de choisir les voies gauche et droite associées grâce à deux menus déroulants en haut de l’écran.
Et pour faire apparaître ces crossfaders ? Rien de plus simple : appuyer sur la touche « Mix », ils apparaissent alors à l’écran. Petit détail qui a son importance : il faut appuyer sur le bouton ON/OFF situé à côté de l’écran pour qu’ils soient actifs sur le live, j’ai eu du mal à m’y faire, à mon sens ils auraient pu être activés par défaut.
Les effets
« INST FX »
Pas moins de six effets sont disponibles instantanément, il suffit d’en sélectionner un et de régler son volume d’impact indépendamment sur chacune des voies. Une précision cependant, ce sera toujours le même effet qui sera appliqué sur les quatre voies, il n’est pas possible d’affecter des effets différents par voie.
Les effets sont les suivants : Noise (bruit blanc), ZIP (abaisse le pitch (vitesse de lecture)), Crush (aplanit le son), JET (flanger), HPF (filtre passe-haut) et LPF (filtre passe-bas).
« Beat effects »
Pioneer est l’un des pionniers (je suis en forme moi aujourd’hui…) sur les effets calés sur le BPM (battements par minute), ces effets sont présents sur leurs tables depuis de nombreuses années déjà. Il faudra tout d’abord choisir le canal sur lequel l’effet va s’appliquer : 1, 2, 3, 4, Micro, Cross Fader (A ou B), Master. Contrairement aux effets standards dits « INST FX » un seul canal est sélectionnable. Le BPM est calculé automatiquement, mais il est possible de le régler à la main grâce au bouton « TAP » (très pratique cela consiste juste à faire tap tap avec le doigt sur ledit bouton, et le BPM se calcule tout seul). Une petite déception, le calcul du BPM est plutôt lent (10s environ) et parfois peu fiable en comparaison à la précision des outils logiciels que l’on peut trouver sur un ordinateur. Le bouton « Time » permet d’ajuster très précisément le calage de l’effet sur le tempo, 7 boutons permettent d’accéder directement à des valeurs prédéfinies entre 1/8ème du tempo et 4 fois le tempo.
L’effet pourra être appliqué sur toute ou une partie de la bande de fréquence grâce aux trois potards « effect frequency ». Enfin un potard « Level » permet d’ajuster le volume de l’effet sur la voie sélectionnée.
Il ne vous reste plus qu’à appuyer sur le bouton « ON/OFF » pour appliquer cet effet sur le live, ou pré-écouter ce que cela donne au casque grâce au bouton cue (extrêmement pratique pour être sûr du rendu en live). Vous disposerez de 11 effets bien choisis qui vous permettront d’agrémenter sérieusement vox mixes : certains assez standards (Delay, Gate, Echo, Reverb, Filter, Phaser), mais aussi d’autres plus exotiques qui ont retenu mon attention :
- Roll, Slip Roll, Rev Roll : se base sur un petit sampler qui va répéter le son sur la base du BPM, à l’endroit, à l’envers …
- Multi Tap – Delay : reproduit jusqu’à 7 sons avec retard entre 1/1 et 1/8ème de temps.
- Trans : proche de l’effet « Gate », cette fonction coupe le son à intervalles réguliers en fonction du BPM.
Une déception tout de même, j’étais très fan sur la DJM 500 de l’effet AUTO PAN (bascule droite/gauche calé sur le BPM), disparu ! Snif…
« Sidechain Remix »
Nous accédons à ces effets en appuyant sur le bouton « Remix » situé à côté de l’écran LCD. Attention il n’est pas possible d’y accéder si les 7 crossfaders sont appliqués sur le live. Pour ceux qui ont lu le test sur le logiciel MAGIX Digital DJ (repackaging de Deckadance), cet effet est relativement proche de ce que nous avions appelé le « cadran magique ». Cela consiste à faire varier deux paramètres d’un même effet en même temps grâce à une sorte de cadran sur lequel vous allez poser le doigt, et en glissant sur l’axe haut/bas ou droite/gauche vous ajusterez chacun des deux paramètres.
Vous pourrez choisir, grâce à un menu spécifique, de faire déclencher l’effet sur une bande de fréquence particulière (Low, Mid, Hi). Sept effets sont applicables à ce cadran : quatre oscillateurs, un sampler, un pitch et enfin un gate. C’est très intuitif à utiliser, le résultat est excellent, encore une corde à l’arc de cette table Pioneer. Comme pour les « Beat effects » vous pourrez pré-écouter au casque l’effet souhaité avant de l’appliquer sur le live grâce au bouton « ON/OFF ».
La carte son
La carte son incluse dans la table est de très bonne qualité, les drivers ont été reconnus après un reboot de mon MacBook et m’ont permis de brancher un Traktor PRO 4 voies sans aucune difficulté.
À vrai dire la configuration Traktor PRO + DJM-2000 est un vrai bonheur à utiliser, difficile de faire décrocher la config… La carte son pourra être configurée de trois façons : 4 sorties – 0 entrée en 16 bits, 3 sorties – 1 entrée en 16 bits et 3 sorties – 0 entrée en 24 bits.
Midi
La sortie Midi calée sur le BPM de la table vous permettra de piloter des séquenceurs ou logiciels externes. Attention, la DJM-2000 n’est pas Traktor Ready, du coup si vous comptez scratcher via la carte son ou bien piloter le Traktor via les faders et potards, prudence. En fait, si vous activez le MIDI sur la DJM-2000, les signaux midi passent bien par le port USB, mais donnent des comportements complètement anarchiques dans Traktor, vivement le petit fichier de config qui va bien. C’est dommage, vu que les CDJ-400/900/2000 sont tous les trois Traktor Ready, il ne manque plus que la DJM-2000. À suivre sûrement !
DJ PRO LINK
Cette nouvelle fonctionnalité mériterait à elle seule un test entier. Petite difficulté pour les bourses limitées : cela ne marche qu’avec les CDJ-2000 et les CDJ-900 pour le moment. Cela consiste à relier l’ensemble des lecteurs CD à la table via des câbles réseau. Vous rajoutez par-dessus un ou deux ordinateurs raccordés eux aussi à la table via un câble réseau (après avoir installé le logiciel RekordBox) et le tour est joué : l’ensemble des morceaux disponibles sur l’un ou l’autre des équipements de la chaine est visible par tous les autres.
Je m’explique : j’ai un titre de Michael Jackson sur mon ordi, je peux le transférer sur n’importe lequel de mes 4 CDJ-2000 (ouah la config !). Un gars vient m’apporter le dernier Patrick Sébastien dans une qualité toute pourrie sur une clé USB que je branche à un de mes CDJ-2000, tous les autres pourront y avoir accès, c’est pas beau ça ? Malheureusement je n’ai pas une telle config du coup je ne peux pas vous en dire plus pour le moment… Le logiciel RekordBox permettra aussi aux DJs de préparer leur set à l’avance en calant préalablement les boucles et les points CUE sans avoir à tout refaire à chaque fois.
Pour qui et à quel prix ?
Eh oui, il vous faudra quand même débourser 2000 € environ pour cette table de mixage qui sera bien seule sans une paire de lecteurs CD et/ou une paire de platines vinyles. Attention, il n’y a qu’un seul lecteur de BPM sur la table, il ne sera donc pas possible de l’utiliser pour caler deux morceaux entre eux (alors que d’anciennes tables comme la DJM-500 le proposaient et permettaient de simplifier l’ajustement des deux morceaux). Le public visé est donc clairement les DJs professionnels qui tournent en club et qui cherchent à avoir le meilleur. Si jamais cette table devenait Traktor Ready (ou était fournie avec un logiciel du même type à quatre voies de sortie) cela pourrait certainement étendre le spectre des acheteurs potentiels. Pour les bourses plus limitées, il est certain qu’ils se tourneront vers d’autres modèles ou d’autres tables de la concurrence, mais avec moins de fonctionnalités évidemment.
Conclusion
Ne tournons pas autour du pot, c’est de la bonne ! Un produit bien pensé, très bien fini, avec un excellent son et d’innombrables fonctionnalités qui permettront aux DJs les plus avertis de s’éclater sans trop de limites. Pioneer a clairement pensé cette table « haut de gamme » pour être raccordée avec les CDJ-2000 ou 900 du même constructeur. Si vous voulez qu’elle donne le maximum de ses capacités, c’est ce qu’il vous faudra acheter.
Mais c’est là où ça se gâte pour une bonne partie d’entre nous : grosso modo la config minimale (DJM-2000 + 2 CDJ-900) coûte environ 4500 €, pas vraiment une paille. Pioneer vise donc les clubs ou discothèques à gros budget souhaitant donner le meilleur à leurs DJs. Ces derniers pourront même préparer leur set à l’avance et se pointer uniquement avec un CD ou une clé USB en Club sans avoir à toucher à un ordinateur.