Exceptionnels il y a encore une décennie, les outils permettant de remplacer un son par un autre (les fameux «trigger» ou «sound replacement») sont devenus des instruments que l’on retrouve fréquemment dans la production musicale actuelle. Alors, quand l’inventeur du célèbre Transient Designer nous concocte son propre plug-in de sound replacement, il est naturel que la Brigade d’Inspection Sonore d’AudioFanzine intervienne !
SPL-ication
Avec l’évolution des méthodes de production musicale, les partis-pris artistiques et techniques ont eux aussi évolué, jouant la carte de la procrastination décisionnelle dans chacune des étapes de réalisation. D’un autre côté, les techniques d’enregistrement en home studio ne permettent pas toujours d’obtenir un résultat 100% satisfaisant d’un point de vue acoustique, et cela peut se ressentir sur le résultat final. Que ce soit donc pour corriger une prise de son inadéquate ou tout simplement proposer une alternative timbrale et dynamique, les outils de sound replacement se sont vite révélés nécessaires. Et c’est ce que nous propose SPL avec le DrumXchanger, un plug-in mono/stéréo aux formats VST, AU et RTAS permettant de trigger (« déclencher ») un son par le biais d’un autre. Mais, nous allons le voir, ce plug-in ne se limite pas qu’à cela.
Nécessitant une iLok, le DrumXchanger est livré avec un fichier additionnel comprenant une petite banque de sons SPL permettant de remplacer nos sons enregistrés par des sons proposés par la firme allemande. L’installation des deux fichiers (l’application et la banque de sons) se fait dans la simplicité et la rapidité, avec la possibilité d’installer la banque de sons dans le répertoire de notre choix. Une fois lancé (dans mon cas, en insert sur une piste de Pro Tools), le DrumXchanger nous dévoile une façade plutôt… grise ! Rien de triste à voir dans tout cela, car le DrumXchanger reprend les caractéristiques esthétiques de la suite de plug-ins Analog Code… Bon c’est vrai, ça n’est pas super fun, un peu de couleur aurait égayé ma session, mais, après tout, on est là pour travailler, non ? Alors feu !
5 Colonnes à la une
La première chose qui frappe au lancement du DrumXchanger, c’est l’organisation intuitive des différentes fonctionnalités. En effet, le plug-in est divisé en 5 sections claires et distinctes, avec pour chacune d’entre elles des possibilités de réglages et de configuration particulières.
Editor-Settings-Input
Cette première section permet d’abord d’avoir accès à l’éditeur de samples. Comme je l’ai précisé plus haut, le DrumXchanger est vendu avec une petite banque de sons comprenant 4 kits de batterie (avec pour chacun 1 grosse caisse, 1 caisse claire et 4 toms) facilement accessibles et rapides à charger. Cette banque de sons de 1 Go (tout de même !) propose donc des échantillons enregistrés à 24 bits/96 kHz suivant 5 variations et 16 niveaux de vélocité. Toutefois, et fort heureusement, on peut charger nos propres samples, via la fenêtre Editor (voir encadré).
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Le bouton Help, quant à lui, permet d’avoir accès à un guide de prise en main concis et bref. Même si la lecture du manuel est plus qu’indispensable pour tirer profit du DrumXchanger, il est toujours pratique d’avoir à portée de main un résumé des fonctions principales du plug-in. En dessous, quatre petits boutons A, B, C, et D permettent de sauvegarder 4 paramètres de réglages complets du DrumXchanger. Le procédé est simple : il suffit de cliquer sur la lettre correspondant à l’emplacement dans lequel on veut travailler pour que les réglages soient conservés. Une fois les réglages effectués, on peut les copier puis sélectionner un autre emplacement (pour faire original, prenons B par exemple !) et les coller dans ce nouvel emplacement. On peut alors effectuer des modifications sur ces réglages, passer d’un jeu de réglages à un autre rapidement et ainsi comparer les résultats obtenus. Bien vu. Enfin, un potentiomètre Input permet de régler le volume du signal entrant, afin de mieux gérer la marge restante pour travailler avec le plug-in. Indispensable quand le signal d’origine possède un niveau trop fort… ou trop faible !
Original
Cette section gère le traitement du signal d’origine que l’on souhaite remplacer. Vous me direz, si on souhaite remplacer un son par un autre, pourquoi le traiter ?… C’est assez juste, mais, comme nous le verrons plus tard, le DrumXchanger permet bien des possibilités… En premier lieu, on trouve deux potentiomètres gérant les fréquences d’un filtre coupe-bas (20Hz-11kHz) et d’un coupe-haut (20Hz-22kHz). Le switch Solo, comme son nom l’indique, permet d’écouter en solo le signal qui va être remplacé. Pratique, quand on a la possibilité de traiter ce même signal…
Ensuite, on retrouve ni plus ni moins qu’un Transient Designer intégré dans le traitement du signal d’origine ! On a donc la possibilité d’agir sur l’attaque du son original (Attack – réglable sur une plage de +/-15 dB) et son sustain ( Sustain – sur une plage de +/- 24 dB). Très utile quand le signal manque de « pêche » (et inversement) ou que la résonance est trop/pas assez longue… Cette fonction est vraiment des plus efficaces !
Enfin, le potentiomètre Ducking permet d’atténuer le volume du signal d’origine sur un temps très court, suivant une plage de volume donnée (0 à –40 dB) et selon des réglages d’attaque et de release définis (1ms pour l’attaque et 10 ms pour le release). En clair, plus on atténue, plus la transitoire du sample joué va prendre le pas sur la transitoire du signal d’origine, en gardant cependant les propriétés « naturelles » du signal d’origine (résonance…). Un switch on/off permet de désactiver cette fonction.
Tous ces réglages affectent uniquement le traitement du signal d’origine et ne sont pas censés entrer dans le processus de détection. Toutefois, il est possible d’affecter les réglages de la section Original à la détection du sample par le biais du switch Trigg. De ce fait la détection peut être précisée, puisqu’elle prend en compte tous les réglages (filtres, transient designer, ducking…).
Trigger
La section Trigger va gérer tout ce qui concerne la détection du signal d’origine. Un filtre passe-bande permet tout d’abord de concentrer la détection sur la plage fréquentielle « utile » du signal, via un potentiomètre de choix de fréquence (20H-22kHz) et un réglage de facteur de qualité Q (0,5 à 50). Un switch Solo permet d’auditionner le signal détecté et, par la même occasion, d’affiner les réglages (très précis !) du filtre. Un switch Ext. SC (« External Sidechain ») nous offre la possibilité « d’aider » la détection en fonction d’un autre signal; par exemple, le signal provenant d’un micro placé devant une grosse caisse en fonction du micro placé dans la grosse caisse…
Le DrumXchanger bénéficie, en plus de tous ces réglages, d’un procédé de Double Détection. En effet, on retrouve deux indicateurs visuels nous permettant de définir le point de seuil pour la détection, avec pour chacun un réglage de Gain. Tout d’abord, comme c’est le cas pour la plupart des unités de traitement de Sound Replacement, on retrouve l’indicateur Level qui permet de définir – de manière absolue – le seuil de déclenchement du sample. Pour se faire, on déplace au niveau voulu une petite flèche verte qui s’allume quand le seuil est atteint. Il est d’ailleurs conseillé de placer cette flèche juste en dessous du niveau minimum que l’on souhaite remplacer. Une seconde flèche rouge (Rim) définit le seuil de déclenchement du sample Rimshot défini dans la fenêtre Editor.
Néanmoins, afin de renforcer la précision de la détection, SPL a ajouté un second indicateur – Trans – qui indique le niveau des transitoires. Imaginons que pour les niveaux les plus faibles, le niveau de leakage (signal enregistré par un micro dirigé vers une source, mais qui n’est pas cette source – ex : la cymbale charleston dans un micro caisse claire…) soit plus fort que le plus faible des niveaux transitoires. Il en résulte un déclenchement – non voulu – par le trigger, pour un son qui n’est pas forcément la source que l’on désire remplacer. La fonction Trans permet donc de palier ce problème en concentrant la détection sur les transitoires. Le sample ne sera joué que si la détection se fait sur les deux indicateurs Trans et Level en même temps. Très très bien vu ! Enfin, les deux potentiomètres Gain permettent d’ajuster la marge de niveau nécessaire pour que la détection se fasse sur une plage dynamique cohérente.
Sample
Cette section conséquente est divisée en 2 sous-colonnes. Premièrement, la partie « sample » à proprement parler laisse apparaître un joli petit kit de batterie avec en dessous 4 petits switches. En cliquant sur chacun des fûts, on peut entendre le sample qui va être joué ; en cliquant sur chacun des switches, on passe d’un kit de samples SPL à un autre. Tout simplement. Le nom du sample chargé apparaît dans une petite fenêtre en dessous. Il est également possible de charger un autre échantillon grâce à l’encadré Load et de le jouer avec le bouton Play. Jusqu’ici tout va bien. Quand le seuil est atteint et que le sample est joué, une petite LED bleue s’allume à côté de l’encadré Play, ce qui nous permet de contrôler le bon fonctionnement du déclenchement. Prev et Next, quant à eux, font défiler les échantillons au sein d’un même kit.
En dessous, le potentiomètre Rim reprend la même fonction que la flèche rouge aux côtés de l’indicateur Level. À sa droite, on trouve un switch Phase permettant d’inverser la polarité du sample, au cas où le signal original et l’échantillon soient en opposition de phase. Un second potentiomètre Delay (réglable de –3,5 ms à + 3,5 ms…) nous offre la possibilité d’agir sur le temps de latence du déclenchement de l’échantillon. Pour finir, un potentiomètre Dynamics permet de réduire ou d’accentuer la dynamique de l’échantillon joué. En somme, c’est un compresseur/expandeur qui peut être réglé après la détection sur le signal d’origine, nous permettant de suivre avec plus ou moins de fidélité la dynamique d’origine.
Concernant la partie « traitement » de l’échantillon, on retrouve la section Filter et Transient Designer semblable à la section Original. Cependant, une fonction très utile vient s’ajouter à cette unité de traitement de l’échantillon. En effet, le potentiomètre Tune nous permet, comme son nom l’indique, d’accorder le pitch de l’échantillon en fonction de la hauteur du signal d’origine ! Ce tuner fonctionne à merveille et permet toutes sortes de réglages… avec un seul et même sample !
Output
Dernière section (et pas des moindres !), Output offre une fois encore un double filtre (passe-haut et passe-bas) semblable à ceux rencontrés dans les sections Original et Sample. Un potentiomètre Dry/Wet ajuste le niveau de l’échantillon par rapport au signal d’origine, ce qui signifie que l’on peut réellement mixer les 2 signaux ensemble – après traitement et remplacement – afin d’optimiser le niveau et le timbre du son tout en conservant une « dynamique » au comportement naturel. Puissant. Enfin, le potentiomètre Output gère le niveau de sortie du plug-in. Aussi basique soit-elle, cette fonction devient très vite utile dès lors qu’on utilise un sample à fort niveau sur un signal… à fort niveau aussi!
A l’utilisation
Bien que son utilisation se fasse de manière intuitive et rapide, je ne cache pas que la notice soit très utile si on souhaite exploiter le maximum des possibilités qu’offre le DrumXchanger. S’il est vrai que le petit encart Help de la section input est le bienvenu, une lecture attentive du manuel est fortement recommandée, car le DrumXchanger est un plug-in de trigger très complet.
J’ai inséré le DrumXchanger sur les pistes de grosse caisse et caisse claire d’une session d’enregistrement de batterie réalisée quelques mois auparavant, en n’utilisant que les kits fournis par SPL dans un premier temps. On retrouve donc un mix batterie « dry », sans utilisation du DrumXchanger :
S’ensuit une série d’extraits où les pistes de grosse caisse et caisse claire ont été remplacées par les échantillons SPL, d’abord mixés avec le signal d’origine (légèrement traités) puis totalement « Wet ».
- Drums -KickSnare SPL 1–00:49
- Drums -KickSnare SPL 1 FullWet-00:49
- Drums -KickSnare SPL 2–00:49
- Drums -KickSnare SPL 2 FullWet-00:49
- Drums -KickSnare SPL 3–00:49
- Drums -KickSnare SPL 3 FullWet-00:49
Ensuite, j’ai géré manuellement le chargement de mes samples, ce qui n’a pas grand intérêt dans la démonstration car, à ce niveau-là, le DrumXchanger remplit sa fonction honorablement tout comme bon nombre de ses confrères. Là où le DrumXchanger se démarque, c’est dans ses nombreuses possibilités de traitement du signal triggé. En effet, on peut remplacer un son de manière drastique, en minimisant sa dynamique, pour que le rendu final soit le même quelle que soit la dynamique du signal d’entrée. Mais on peut aussi et surtout suivre la dynamique et l’aspect timbral du signal d’origine tout en lui donnant une autre « couleur » sonore et une précision accrue. La double détection y est pour beaucoup dans ce rendu naturel et fidèle.
Il est vrai que les fonctions Transient Designer présentes aux étages Original et Sample sont plus qu’utiles ; elles permettent réellement de redessiner l’enveloppe des transitoires, originaux et échantillonnés. Les filtres sont également très pratiques, en entrée comme en sortie, car ils permettent un traitement fréquentiel précis pour un meilleur mixage des signaux. On peut donc aisément garder le bas du spectre de notre signal d’origine et n’utiliser que les aigus d’un sample par exemple, afin de renforcer l’attaque de notre signal d’origine… Quant à la fonction Tune, c’est une fonction que l’on aimerait voir plus souvent sur ce genre d’unités, tant l’accordage tonal avec la source d’origine est important. Cela peut paraître idiot, néanmoins c’est une fonction trop rare et pourtant hyper utile, que SPL a bien vu d’intégrer dans son DrumXchanger.
En revanche, j’ai été un peu moins convaincu par le côté pratique du réglage Delay. Il m’a fallu un peu de temps pour régler le potentiomètre de façon à ce que la phase des deux signaux (Original et Sample) soit cohérente et que le son final me convienne. Je trouve le réglage de ce potentiomètre peu précis pour un aspect aussi important que celui de la phase. J’aurais aimé un réglage qui soit à l’image du plug-in : un potentiomètre un peu plus « dense », facile à régler, avec des indications claires et précises.
De manière générale, je ne suis pas vraiment friand des plug-ins de trig en temps réel et j’ai plus l’habitude d’enregistrer le signal traité, puis de mixer ce nouveau signal avec celui d’origine dans ma session. L’inconvénient, c’est qu’avec cette méthode je perds les avantages de « mixage interne » au plug-in qu’offre le DrumXchanger… Il faut savoir faire des choix ! Toutefois, le nombre de paramètres possibles, pilotés par une double détection des plus efficaces et agencés dans une interface vraiment claire et accessible, font du DrumXchanger un outil vraiment redoutable !
Conclusion
Dans un marché où les développeurs proposent de plus en plus de nouveaux plug-ins de trigger, SPL se démarque encore une fois avec un sound replacer aux possibilités vraiment efficaces, aussi bien sur le plan de la détection que sur le plan sonore. Embarquant un système de double détection, deux Transient Designer, trois doubles filtres, un pitch shift et un compresseur, le DrumXchanger est bien plus qu’un simple plug-in de trigger, c’est un véritable outil de traitement du son très complet, permettant des réglages variés pour un rendu toujours fidèle à vos besoins. Pour 149 € HT, le DrumXchanger est un investissement sûr !
Merci à John et l’équipe du Studio Contrepoint.