Si les éditeurs audio sont nombreux sur PC, le monde Mac ne peut se tourner que vers DSP Quattro, SoundBlade, Audacity, WaveBurner ou Peak (liste non exhaustive), dont les capacités varient du “très basique” au très “sophistiqué”. La mise à jour du logiciel signé BIAS, nommée Peak Pro XT 6 dans sa version la plus complète, était attendue, voyons ce qu’elle nous réserve.
Des trois versions, LE, Pro et Pro XT 6, c’est cette dernière qui a été installée. Avec la Pro XT 6, BIAS a regroupé son éditeur, les logiciels de nettoyage SoundSoap 2 et SoundSoap Pro, la version 1.2 de sa Master Perfection Suite (ce qui justifie la différence de prix entre la version Pro à 632 € et la Pro XT à 1255 €) et le Peak Production Pack. Cet ensemble comprend une bibliothèque de sons (un peu plus d’un Go) signés Sound Ideas, Shortwave, Serafine Sound FX, PowerFX et Hollywood Edge, un coupon de 100 $ pour Broadjam, une version limitée de ONE, lecteur de sample, le multieffet SFX Machine LT (la version light), 32 plug-ins VST MDA, la suite Reveal LE et SoundSoap LE (identiques aux versions complètes, mais ne fonctionnant qu’au sein de Peak), JackOSX (0.74), Soundflower (1.2.1) et WireTapPro (1.3.4). Voir les comparaisons entre les trois versions ici.
L’autorisation s’effectue via Internet. On rentre les numéros de série dans le BIAS Authorization Manager, et la validation est immédiate. On peut autoriser deux ordinateurs, et la clé BIAS Key n’est plus indispensable, un port USB qui se libère… À l’ouverture, surprise, l’interface graphique a été remaniée : des dominances gris clair de la version 5 on passe à un look gris foncé-noir (par défaut, que l’on peut éclaircir), les boutons bénéficiant d’un simili rétro-éclairage bleu qui recouvre la touche quand on la survole avec la souris. Les fenêtres sont “magnétisées”, avec une position par défaut que l’on peut rappeler.
Ram & Scratch
Peak, en version 6.0.3, est compatible de 10.4.3 à 10.5.x, et peut tourner sur un G4 500 comme sur les MacIntel multicœur. Mais les performances ne seront bien évidemment pas les mêmes… Une carte son compatible CoreAudio et une interface Midi seront nécessaires pour tirer parti de toutes les fonctions dont Peak regorge, car l’éditeur est extrêmement complet, de l’édition à la gravure RedBook en passant par toutes les étapes intermédiaires, sans oublier le travail avec la vidéo, le sound design ou l’utilisation d’instruments virtuels. Ne pouvant tout détailler ici, on s’arrêtera sur les nouveautés.
L’affichage d’un fichier se place entre, en haut, la Toolbar avec les outils, en bas la Transport avec les fonctions classiques (Play, Stop, Forward, etc.), l’affichage de la durée, un curseur de volume général, et les vumètres qui peuvent être calibrés selon plusieurs modes et qui se transforment en barre de progression lors d’un traitement. Petite nouveauté, les boutons Pre-Post, qui permettent de refléter ou non les changements induits par le curseur de volume. On dispose toujours de l’affichage de plusieurs fichiers, soit en cascade (les uns par-dessus les autres, légèrement décalés) soit côte à côte (la taille s’adapte à l’écran et au nombre de fichiers).
Soyez heureux, possesseurs de Ram en quantité, BIAS a enfin inclus le cache en Ram, ce qui permet une édition extrêmement rapide. L’historique étant en théorie infini, on peut essayer plusieurs modifications en s’assurant un retour rapide au niveau d’Undo ou Redo désiré. Il faut pour cela disposer de plus de 2 Go de Ram, et activer la mise en cache dans le menu Options. Lors de la sauvegarde, le cache est nettoyé, et tous les éléments nécessaires écrits sur le disque de destination. On espère simplement que sa disponibilité sera étendue aux fichiers 24 et 32 bits, car l’option ne fonctionne pour l’instant qu’avec les fichiers 16 bits.
Comme c’est une option, le principe de Scratch Disks (sur lesquels sont écrits les fichiers temporaires des éditions) est toujours valable, ces disques devant être désignés dans Préférences. On peut choisir un dossier, ce qui évitera de retrouver des fichiers temporaires se baladant partout. Autre fonction appréciable, la possibilité de choisir des disques réseaux, ce qui est un plus en termes de stockage et de stabilité.
Fonctions d’édition
Les fonctions DSP peuvent être classées par type dans le menu. C’est un plus, même si la double approche de Peak avec Toolbar et menu conceptuel (clic-droit) permet d’éviter la plupart du temps le recours aux menus.
Peak dispose de nombreux outils pour créer des loops, dont l’incontournable Loop Surfer et l’efficace Loop Tuner avec zooms horizontaux et verticaux, qui permet d’éviter tout click dans les bouclages. Si l’on y rajoute le magnétisme sur le point zéro des marqueurs, régions ou points de bouclage, il n’y a aucune raison pour que les loops ne tournent pas…
Un Perpetual Looper s’ajoute à l’arsenal, conçu pour boucler facilement des fichiers audio monophoniques en utilisant une des nouvelles technologies de BIAS (le PHAT, pour Partial Harmonic Audio Technology), privilégiant le domaine fréquentiel plutôt que le temporel. Deux types de réglages sont disponibles : ceux consacrés à l’analyse, déterminant la plage de fréquences de la fondamentale du fichier et ceux consacrés à la resynthèse, qui permettent d’atténuer les différences de volume, de timbre ou de hauteur de chaque côté des points de bouclage. Les résultats sont variables : si le son est relativement droit, sans modulations, les effets collatéraux sont quasi inaudibles. En revanche, dès qu’il y a des chorus, phaser ou un contenu harmonique trop riche avec beaucoup de fluctuations, le résultat devient trop différent du matériau de base.
Autre ajout, le VoiceOver Ducking (VOD). Peak dispose d’outils pour ajouter du son à un film muet, par exemple. Le VOD permet de copier un commentaire ou autre sur de l’audio existant, à la manière d’une fonction Paste, mais en prenant en compte les Pre et Postroll, Attack, Decay, taux de réduction du volume du fichier de base et éventuelle tenue du ducking sur les passages sans voix. Efficace et simple, l’outil sera idéal pour les podcasts. Pour du travail en finesse, sur un film important, cela ne remplacera pas un bon mixeur…
Édition, encore
Autre ajout, le Change Pitch (Variable). Si l’on aime le Varispeed, les effets de platine vinyle, cet outil est idéal, paramétrable grâce à une enveloppe. On peut spécifier si le matériau contient des transitoires, sauver des presets, les rappeler, bref un outil bien fait, qui ne remplacera peut-être pas un Pitch’n Time Pro, mais dont la qualité n’a pas à rougir.
Une fonction utile pour la création ou le sound design est Convolve, qui permet d’appliquer le contenu spectral d’un fichier à un autre. Peak 6 rajoute maintenant une enveloppe au processus, ce qui permet de n’appliquer la convolution qu’à certains endroits. Bien vu…
Autre amélioration en rapport avec la convolution, celle apportée à l’ImpulseVerb, la réverbe à convolution maison : on peut utiliser le contenu du Clipboard (pas plus de 524287 samples) comme source de convolution. Attention cependant à la fonction Preview qui est sensible, comme toutes celles disponibles. Néanmoins, voilà un outil supplémentaire à la disposition des sound designers, une porte ouverte à tous les délires. Encore un plus.
Dernier point, l’implémentation d’une nouvelle technologie de dithering, la DCAT (Dither Cloning Audio Technology), qui rajoute 12 modes (!) aux six algorithmes (signés POW-r) et formes de troncation. Du coup, on se retrouve un peu dépassé par toutes ces possibilités, ne sachant quoi choisir. Une fonction Preview est incluse, mais il faudrait procéder à une écoute comparée de plusieurs fichiers sur chaque algorithme, quitte à booster les passages calmes afin d’entendre réellement le “son” des algorithmes. En attendant, le dithering se fera au cas par cas, en comparant les résultats sur un fichier donné.
Notons aussi des enveloppes pour les plug-ins, idéales pour varier le taux d’application d’un effet, comme si l’on utilisait une automation, et le bounce en temps réel, enfin. La Vbox quant à elle passe en version 3. Elle prendra toute son ampleur sur une machine récente, puisque l’on peut “construire” au sein de cet hôte (limité à Peak) de somptueux multi-effets, en allant piocher le meilleur des éditeurs tierce partie.
Playlists
Outre ses fonctions d’éditeur, d’outil de sound design, Peak est aussi bien pourvu côté montage, préparation de playlists et gravure de CD. Tout ou presque est possible : l’édition non-destructive, les crossfades, l’insertion de plugs, la gestion des metadata, etc. À la création d’une Playlist, le choix est donné entre les modes Album/Song, Classical/Take ou défaut, ce qui détermine le type de crossfade, Overlap/Gap ou Centered (modifiable en cours de travail). Le premier mode est à utiliser lors de la création de master CD, quand les fichiers doivent se superposer ou être espacés librement. Le second sera dédié à l’assemblage de différentes prises, pour aboutir à un fichier unique par exemple. Le crossfade se fait alors autour d’un point central, verrouillé sur la timeline, et ce sont les débuts et fins des fichiers qui seront raccourcis quand on bougera le curseur de déplacement.
On peut retravailler finement les courbes de fade, en insérant des points et faire de même sur l’ensemble du fichier, grâce aux enveloppes de volume. L’utilité n’en est que théorique en mode master, les morceaux étant mixés, et on se servira alors de l’ajustement volume (Gain) disponible dans la List View. En revanche, en mode Take, les enveloppes ont toute leur utilité, pour créer un voiceover fin par exemple, ou un mélange dynamique de deux fichiers lors de sound design.
Concernant les crossfades, on peut sauvegarder plusieurs versions du travail en cours, à des fins de comparaison, avec les Snapshots A, B, C, et D, très pratiques. Les fonctions de CD-TEXT sont complètes, par CD audio entier et/ou par titre, avec gestion des caractères ASCII, export DDP, etc.. À propos de DDP 2.0 (Disc Description Protocol), qui devient un des formats préférés des usines de pressage, Peak le gère parfaitement, grâce à l’extension optionnelle fournie dans le package Peak Pro XT 6 (à noter que l’achat de la version Peak Pro comprend actuellement cette extension en bonus). Nouveauté, l’export direct vers iTunes, réjouira les amateurs de podcast. À ce propos, Peak permet, en plus des classiques AIFF, Wave, SD II d’éditer aussi bien des fichiers au format MP2, MP3, MP4 (AAC), Flac, image Jam, QuickTime, Raw, System 7, Sonic AIFF, AU et Paris.
Conclusion
BIAS nous livre d’abord un éditeur plus que complet, puis une suite logicielle et sonore aussi complète, ce qui explique son prix. Il est vrai que l’on a été habitué à avoir beaucoup pour pas trop cher avec la suite Logic d’Apple par exemple, mais il ne faut pas oublier que c’est loin d’être la norme… Sans même prendre en compte les boucles et effets (pourtant de qualité), les différents plugs livrés remplissent parfaitement leur travail, à commencer par les effets maison, EQ avec les différentes versions de Freq, compresseur avec les Sqweez, allant jusqu’au compresseur multibande Sqweez-5 et Reveal l’ensemble d’outils d’analyse très bien pensés. La place manque pour en parler, ils méritent un banc d’essai dédié.
D’une stabilité exemplaire, Peak permet un travail sans souci, le traitement par lot de fichiers, très pratique avec l’accès à pratiquement toutes les fonctions, pour compléter l’éditeur d’un DAW défaillant ou incomplet, etc. Peu ou pas de bugs, mais notons cependant la sensibilité des fonctions Preview, qu’il faut manipuler avec précaution (ne pas être trop pressé, par exemple). En fait, je n’ai rencontré qu’un seul problème, avec un traitement par lot et sauvegarde sous forme de fichiers WAVE d’un ensemble de fichiers AIFF dont quelques-uns contenaient des accents et divers signes (qui ne posent aucun problème avec Peak 5), les échanges avec l’éditeur n’ayant pas permis de reproduire le problème chez eux…
Juste un point qui peut être gênant et dont l’éditeur nous a assuré qu’il serait corrigé lors d’un prochain update : lorsqu’on ouvre pour la première fois un fichier qui n’a pas été créé par Peak, le logiciel change sa date de modification, et ce, même si l’on ne fait aucune édition. Ce qui peut poser des problèmes lors de la gestion des sauvegardes avec Time Machine, Super Duper ou autres CCC…
Bref, Peak demeure incontournable, voire indispensable à tout utilisateur Mac traitant beaucoup de fichiers audio de tout format, ou désirant préparer des Playlists régulièrement, quelles que soient leurs destinations. Si la version XT semble trop onéreuse, la version Pro offre un éditeur extrêmement complet, sans la Master Perfection Suite et SoundSoap Pro.
- Éditeur audio extrêmement complet
- Nombreuses fonctions DSP
- Idéal pour le sound design
- Nombreux formats audio
- Cache en Ram
- Édition native dans la plupart des formats compressés
- Enveloppes de volume, de plug-ins, etc.
- Gestion de Playlist
- Import/export vers les sampleurs hard SMIDI
- Qualité de la conversion du taux d’échantillonnage
- Qualité du dithering
- DDP2.0
- Vbox 3
- Support VST et AU
- Support vidéo
- Support instruments virtuels
- Réverbe à convolution incluse
- Manuel en pdf très complet (et en français…)
- Quasi bug-free
- Suite XT très complète (Master Perfection Suite, SoundSoap Pro)
- Plus de dongle USB
- Changement de la date de modification des fichiers dès l’ouverture
- Localisation incomplète
- Conversion du taux d’échantillonnage très lente sur Mac PPC
- Algorithmes pitch shift et time stretch (malgré les progrès effectués…)
- Cache en Ram pour fichiers 16 bits seulement
- Fonctions Preview sensibles
- Problèmes lors de conversion par lots avec certains caractères