À mi-chemin entre Melodyne et le Music Rebalance d’un Izotope, RipX entend bien se faire une place sur le marché très sélect des logiciels de démixage, en proposant une solution un peu moins pensée pour les ingés son et un peu plus pour les musiciens… L’arme fatale ?
Exit Infinity, bonjour RipX : en renommant son produit phare dédié au démixage et en le déclinant en deux versions plus ou moins avancées Deep Remix et Deep Audio, HitnMix nous invite à profiter des technos de démixage dans un contexte plus musicien que ce qu’on voit habituellement : il ne s’agit pas seulement de disposer de la détection de notes comme dans Melodyne, mais de partie d’instruments, et il ne s’agit pas seulement d’isoler des STEM comme dans Izotope RX mais de pouvoir manipuler les parties produites. Voyons cela en détail, une fois passée l’installation de l’application et du plug-in RipLink qui permet d’optimiser la communication entre le logiciel et STAN : on aurait préféré une véritable intégration comme le fait Celemony dans plusieurs logiciels mais c’est déjà une bonne idée de l’avoir proposé, à l’heure où Izotope est extrêmement à la bourre sur le sujet.
Get a rip
Tout commence évidemment par l’ouverture d’un fichier. Un assistant vous propose dès lors de paramétrer la détection avec possibilité notamment de sélectionner toute ou partie des principaux instruments (basse, batterie, voix, etc.), de définir le niveau de qualité du traitement et d’automatiser la sauvegarde des STEM. La première surprise vient du temps assez conséquent réclamé par le logiciel pour traiter le fichier en mode haut qualité : 7 minutes pour les 2:38 de At The Mercy de Paul Mc Cartney, c’est nettement plus que ce que réclame l’algo de démixage d’Izotope ou celui de Celemony. Si la qualité est au rendez-vous, on ne s’en plaindra pas toutefois…
Sitôt la tâche achevée, on se retrouve face à l’éditeur où s’affichent les traînées colorées des parties détectées, et si l’austérité de l’interface comme les myriades de fonctions qu’on y trouve impressionnent de prime abord, la première bonne surprise vient de tout ce que le logiciel est parvenu à comprendre de la chanson. Dans le coin inférieur droit de l’interface, on dispose en effet de la liste des « pistes » trouvées par le logiciel, chacune correspondant à une couleur et chacune dotée de sa petite tranche de console permettant de Muter la piste, de la jouer en Solo, de modifier son volume, mais aussi son panoramique et son équilibre spectral via un EQ graphique 3 bandes. Rien qu’avec cela, il y a déjà de quoi remixer, d’autant que le logiciel s’avère plus doué que les outils d’Izotope pour distinguer les sources : rien que pour la batterie, on se retrouve la plupart du temps avec une piste Bass Drum pour la grosse caisse, Drums pour la caisse claire et Percussion pour les cymbales. Sans aucune intervention, RipX est également parvenu à détecter les violons de Walk on the Wild Side, même s’il n’est évidemment pas toujours à son aise pour distinguer les timbres proches, comme tous les algos du genre : on se retrouve ainsi avec un piano détecté comme guitare sur At the Mercy de Paul Mc Cartney et le soft ne saura pas non plus distinguer deux instruments jouant à l’unison la même note. Il n’en reste pas moins qu’on est déjà sur un outil plus puissant que ce que propose Izotope parce qu’on dispose de plus de parties, et plus utilisable que ce que propose Melodyne parce qu’on n’est pas jeté au beau milieu d’un conglomérat de notes : grâce aux couleurs, on retrouve en effet facilement ses petits.
Quant à la qualité d’isolation/suppression des parties, elle s’avère relativement bonne suivant les cas et les instruments, comme les parti-pris du mixage : sur basse, batterie et voix, RipX s’en sort très bien, avec des artefacts bien sûr, mais offrant des choses souvent très exploitables pour remixer et se sortant même de situations piégeuses… Étonnamment, il est ainsi parvenu à détecter la contrebasse doublée à l’octave de Walk on the Wild Side, tout comme il a su distinguer le violoncelle de la basse sur la chanson de Mc Cartney. En revanche, il perd les pédales lorsque pour des raisons de réverb (le début des choeurs de Walk on the Wild Side) ou d’ultracompression (Teenage Dream de Katie Perry), les attaques des notes sont floues : et c’est bien compréhensible. Les instruments un peu en arrière dans le mix ou se partageant l’animation des médiums posent également certains problème, ici comme chez la concurrence : où commence la guitare, où s’arrête le piano, sachant que les transitoires de la batterie ont vite fait de se mêler avec celles d’un strumming.
Voyez ce que ça donne sur les extraits de deux titres :
- at-the-mercycrop00:29
- at-the-mercycrop_Voice00:31
- at-the-mercycrop_Percussion00:31
- at-the-mercycrop_Drums00:31
- at-the-mercycrop_Bass Drum00:31
- at-the-mercycrop_Violin00:31
- at-the-mercycrop_Bass00:31
- at-the-mercycrop_Guitar00:31
- starlight00:22
- starlightstems_Drums00:24
- starlightstems_Vocals00:24
- starlightstems_Bass00:24
- starlightstems_Other00:24
Des choses carrément exploitables, d’autres moins, sachant que l’agglomération des layers délicats en stem permet souvent de reconsituer un instrument un peu compliqué.
Notez qu’il est en outre possible d’aider le logiciel dans sa tâche, que ce soit en ajoutant un instrument supplémentaire auquel on attribuera des segments, en déplaçant certains fragments d’un layer vers l’autre, ou en éditant les notes détectées par le logiciel via un éditeur d’harmoniques où l’on peut peindre et gommer à même la fenêtre. On peut également filtrer les notes via un slider, histoire de simplifier une partie, et appliquer un réducteur de bruit…
Bref, tout cela est déjà relativement intéressant dans la mesure où cela marche bien mais c’est sur d’autres fonctions que RipX fait vraiment la différence en s’aventurant plus franchement du côté de la musique et de la composition.
MashUp
Contrairement à ce qu’il est possible de faire chez les concurrents, on a d’abord en effet la possibilité de passer d’un fichier à l’autre pour exporter/importer des parties. De fait, la basse que vous prélevez dans un fichier A peut se retrouver avec la batterie d’un fichier B, de sorte qu’il est ultra simple de faire des Mashups. La chose est rendue d’autant plus aisée qu’on dispose de fonctions permettant de détecter la gamme d’un morceau, et d’appliquer par conséquent cette gamme à une piste importée, tout comme évidemment il est possible de mettre les choses au même tempo.
Mais RipX va beaucoup plus loin puisqu’on nous propose dans le sillage des outils de transposition une gamme complète d’effets et de traitements applicables à chaque note séparément ou à toute sélection de notes. Si on ne sera pas étonné de disposer d’outils de base pour manipuler le volume, le panoramique ou de filtres passe haut / passe bas, tout comme on s’attendait à la panoplie de traitements relatifs à la hauteur tonale et aux formants (Pitch to Scale, Quantize Pitch, Flatten Pitch, Vibrato, Slide Pitch, Shift Formant, Harmony), la vraie différence se fait sur la présence d’effets comme la réverb et le delay ainsi qu’un mode reverse. On dispose même d’un bouton Randomize qui va vous proposer un effet au hasard.
À titre d’exemple Frankenstein de tout ce qu’il est possible de faire, voyez la boucle suivante : La batterie vient du Feel Good Inc de Gorillaz, la ligne de basse a été largement modifiée par provient du Walk on the Wild Side de Lou Reed, les voix en début, transposées et éditées au niveau des formants puis envoyées dans le delay viennent du Billie Jean de Michael Jackson, et les voix de fin sont des versions au pitch écrasé des choeurs de la chanson de Lou Reed. Sachant que le logiciel a été d’un précieux secours pour remettre tout cela dans le même tempo et la même tonalité :
Bien évidemment, il y a mieux à faire, et on fera bien garde surtout d’utiliser de vrais instruments ou de doubler les parties grâce à la possibilité d’exporter chaque Layer en MIDI pour obtenir quelque chose de plus propre, mais avouez qu’il y a de quoi s’amuser !
Pour cet autre exemple realisé en 20 minutes chrono, je ne récupère que les voix pour changer le contexte et forcément, le résultat est moins « frankensteinesque » :
Enfin, voyez sans parler d’extraction ce qu’il est possible de faire en termes d’arrangements depuis l’intérieur de la chanson : ici, j’ai modifier les notes de la ligne de basse à plusieurs endroits, remplacée cette dernière par un son de piano sur la fin et ajouté des harmonie vocales que j’envoie dans un delay…
Bref, les possibilités créatives sont énormes, même si l’on pourra regretter le parti pris simple voire simpliste de certains de ces effets : un unique slider servira à les régler chacun, ce qui n’est pas gênant sur un outil de transposition, mais s’avère plus frustrant sur un delay ou une réverbe. Reste que l’idée est excellente, et qu’elle l’est d’autant plus qu’elle s’associe à un système de scripts qui vont être intéressants pour des raisons aussi utilitaires (nettoyer les fréquences, gérer les problèmes de phase) que créatives comme ci-dessus : on peut remplacer un son par un autre par exemple.
Conclusion
Malgré ses airs austères et son côté un peu usine à gaz de prime abord, RipX DeepAudio est une excellente surprise qui emmène les technologies de démixage et d’édition de pitch sur des terrains un peu plus créatifs qu’un Melodyne ou un RX qui demeurent très attachés aux tâches de corrections. Stable et efficient, il gagnerait sans aucun doute à jouir d’une meilleure intégration dans les STAN tout comme des contrôles plus détaillés dans ces effets, mais force est de constater qu’il y a déjà de quoi s’amuser grandement avec ce qui nous est proposé ici : on espère que la concurrence en prendra de la graine. A essayer donc, voire à acheter sachant que l’éditeur propose jusqu’à 20% de réduction à l’occasion du Black Friday.