Quatre années qu’on l’attend et elle est enfin là : la cinquième version de Melodyne va-t-elle une nouvelle fois jouer les « Game Changer » ?
Car c’est indubitable : s’il y eut un avant et un après Autotune dans la production musicale, c’est bien par Melodyne qu’est arrivé la révolution suivante en offrant au commun des mortels la possibilité d’éditer les notes séparément sur des enregistrements polyphoniques, ouvrant ainsi la voie au démixage. De fait, si le logiciel d’Antares qui demeure quant à lui toujours monophonique est très utilisé pour corriger la justesse de prises un peu fausses ou encore réaliser l’effet hardtune si prisé par les musiques urbaines, Melodyne n’a cessé de convaincre les professionnels, l’utilisant à des fins correctives comme créatives. Celemony a en outre eu la riche idée de proposer avec la plateforme ARA un moyen d’intégrer Melodyne au sein de logiciels tiers, plateforme désormais gérée par la plupart des STAN du marché : Logic Pro X, Cubase, Nuendo, Studio One, Cakewalk, Samplitude, Reaper, Mixcraft et Waveform. Et cette intégration est dans les fait si probante que d’autres plug-ins l’utilisent, qu’il s’agissent de ReVoice ou… d’Autotune ! Ne manquent vraiment dans cette liste que Pro Tools, Live, Bitwig, Reason et Digital Performer qui y viendront très probablement en leur temps.
De fait, c’est peu dire que cette cinquième version est attendue car Melodyne est un outil au cœur du workflow de quantité d’utilisateurs. Reste à savoir ce que nous ont concocté les allemands pour cette nouvelle version.
Les nouveaux jouets…
La plus grosse nouveauté de ce Melodyne tient sans doute dans la réorganisation des outils pour gérer le volume de chaque note qui sont désormais rassemblés dans un même menu. Avec l’outil Amplitude qui n’est pas nouvé, vous pouvez d’abord définir le niveau de chaque segment repéré par le logiciel, vous permettant de régler les problèmes de dynamique d’une prise sans nécessairement devoir passer par un Clip Gain dans le séquenceur, un compresseur ou une automation. Et cela est d’autant plus pratique à l’heure de l’éditing qu’au lieu de devoir gérer des formes d’ondes basées sur la dynamique comme dans n’importe quelle STAN, on se répère ici grâce aux notes.
Du coup, c’est à la fois précis et intuitif et permet de remettre à l’avant telle ou telle syllabe qui manque d’intelligibilité par exemple, sachant qu’on peut effectuer la correction simultanément sur plusieurs notes sélectionnée et qu’une macro est désormais disponible pour automatiser le traitement : Melodyne devient alors une sorte de compresseur extrêmement intuitif avec deux curseurs à régler : renforcer les notes faibles ou adoucir les notes fortes. Cette fonction ne vous dispensera peut-être pas de passer un petit coup de LA-2A derrière, mais elle pourrait vous épargner bien des automations…
Dans le sillage de cette fonction, Celemony nous gratifie également d’un outil pour réaliser des fondus d’entrée ou de sortie sur chaque segment détecté, ce qui sera bien pratique pour atténuer une transitoire un peu bourrine (une plosive par exemple), pour redonner de la lisibilité à des chœurs (on atténue les attaques sur une des pistes pour rendre plus discret les éventuels problèmes de calage) ou encore pour faire des effets spéciaux (violoning, par exemple). Là encore, c’est très bienvenu et permet de régler depuis Melodyne des problèmes qu’on devait autrefois gérer à l’extérieur.
Last but not least, on dispose enfin d’un outil de balance des sibilantes, ce qui est l’occasion de souligner une grosse évolution du moteur audio du logiciel : Melodyne sait désormais gérer séparément les contenus tonaux et atonaux d’une signal. Grâce à cette possibilité, on dispose donc des notes d’un côté et des bruits de l’autre, ce qui s’avère particulièrement intéressant dans la mesure où le logiciel ne transpose pas les bruits quand vous transposez la note, et confère ainsi un résultat plus naturel aux changements de hauteur tonale. Au-delà de cet aspect intéressant, le logiciel permet donc surtout d’agir sur les sifflantes (les s, les t, les k, les f, les ch) qui ne manquent jamais de survenir en fonction de la voix du chanteur ou de la chanteuse et du micro utilisé. En effet, là où un deesseur traditionnel oblige à un traitement global qui, au-delà du petit temps de réglage qu’il demande pour trouver un bon compromis, réclamera souvent qu’on intervienne « à la main » sur quelques syllabes problématiques en utilisant le clip gain, Melodyne permet de gérer cela en un clic de souris sur chaque syllabe problématique : la partie sifflante apparait en hachuré et grâce à l’outil idoine, vous pouvez jouer sur l’équilibre entre cette partie et la partie tonale du son. Cela peut bien sûr être un peu plus long qu’avec un plug-in mais c’est la garantie d’un résultat impeccable puisque l’utilisateur peut atténuer chaque sifflante selon son désir. Bref, c’est une très bonne évolution à laquelle on ne reprochera qu’une chose : il serait temps que Celemony découvre qu’il existe d’autres couleurs que le rouge, l’oranger, le rose et le jaune. En effet, si ces partie sibilantes étaient en bleu ou en vert, on gagnerait autant de temps pour les repérer et agir dessus. On se dit d’ailleurs la même chose lors d’une édition multipiste : pouvoir repérer les différentes pistes avec différentes couleurs serait sans doute bien plus pratique que ce qui nous est proposé.
Force est toutefois de constater que les solutions de gestion de l’amplitude proposées par Celemony sont enthousiasmantes tant par leur simplicité que leur précision.
Voyez ainsi cette prise où l’on déesse, notamment le f de find et le s de secret :
- vocaldry00:05
- vocaldeess00:05
Puis celui où l’on atténue les pop sur People :
Pour enfin regonfler le niveau de Secret :
Tout cela en quelques clics de souris… De ce fait, il se pourrait bien que Melodyne bouleverse un peu plus encore le flux de productivité d’un mixage : là où il fallait auparavant utiliser différents outils, traitements ou différentes fonctions de la STAN pour supprimer les bruits indésirables (respiration par exemple), homogénéiser les niveaux, corriger la justesse et le placement des notes ou encore régler les problèmes de sifflantes, on peut désormais faire tout cela depuis Melodyne. Ne manque plus qu’un détecteur de plosives et l’on sera prêt de tenir l’outil parfait pour optimiser une piste avant mixage…
Rien que pour ces outils, cette V5 s’avère donc enthousiasmante, mais Celemony nous apporte aussi du nouveau du côté DNA.
Chord sensible
La technologie Direct Note Access, capable de séparer les notes dans un enregistrement polyphonique, est assurément ce qui a rendu Melodyne très populaire. Et dans le contexte de cette dernière, Celemony nous propose fort logiquement des fonctions plus musicales que corrective avec la possiblité de détecter désormais les accords comme la tonalité d’un morceau. La chose permettra ensuite d’adapter la grille du piano roll à l’accord, voir de contraindre le magnétisme des notes faciliter le travail de transposition corrective voire d’arrangement. Il n’a jamais été aussi facile du coup, même quand on ne connait rien à la théorie musicale, de remettre une fausse note dans la gamme correspondant à un accord, ou de générer des arrangements qui sonneront en contexte : c’est notamment parfait pour des choeurs. C’est vraiment très bien vu d’autant que l’algo de détection est plutôt performant, plus en tout cas que celui de Studio One par exemple qui se prend souvent les pieds dans le tapis entre majeur et mineur alors que la grille sortie par Melodyne est autrement plus fiable. Il détecte d’ailleurs sans problème la modulation d’un morceau comme « My Heart will go on », tandis que lorsqu’il hésite entre plusieurs possibilités, il est possible de corriger les choses à la main.
Seul hic, probablement dû au logiciel de PreSonus : si j’ai pu trouver comment importer la grille de Studio One dans Melodyne, je n’ai pas trouvé comment réaliser l’opération inverse, c’est à dire exporter la grille de Melodyne dans le séquenceur… Gageons en tout cas que cette nouvelle capacité de Melodyne et l’intégration d’ARA dans la plupart des STAN du marché va probablement permettre à beaucoup de logiciels de proposer des fonctions d’arrangement automatique. On a hâte de voir ça, sachant que Celemony n’a pas encore trop creusé dans cette direction : pas de commande pour tenter un renversement d’accord par exemple. Il faudra faire cela à la main.
Mais encore…
Reste enfin à parler de quantité de petites améliorations apparues à l’occasion de cette version 5 dans le logiciel, à commencer par un nouvel algo dédié aux percussions accordées, probablement issu des recherches faites sur la séparation tonal/atonale d’un signal. L’idée est intéressante pour accorder un kick de 808 par exemple mais vu qu’on fonctionne ici en monophonique, il faudra avoir une piste séparée pour l’élément à éditer. Pour bosser sur ce genre de choses, on préférera passer par une solution comme le ReGroover d’Accusonus, beaucoup plus à son aise pour le démixage de contenus percussifs.
Mentionnons encore que les développeurs ont eu à coeur d’améliorer la gestion de la dérive du pitch, permettant de rendre les transitions d’une note à l’autre plus ou moins douce et éviter les effets hardtune qui ne manquent jamais de survenir en cas de grosse correction. La dérive du pitch dans la note même est également beaucoup moins altérée par les transpositions, ce qui se traduit là encore par des résultats plus naturels. Enfin, les développeurs ont refondu la partie permettant de rechercher et de gérer les raccourcis claviers personnalisés. Là encore, ça va dans le sens de plus de productivité.
Au-delà de ça, on soulignera toutes les qualités qui étaient celles de Melodyne jusqu’ici, à savoir sa capacité à rendre l’audio malléable, à démixer, mais aussi à détecter assez finement le tempo dans un fichier qui n’a pas été enregistré au clic, à jouer sur les spectre dans une optique corrective ou créative, etc. Bref, le logiciel de Celemony sait sa rendre indispensable, bien au-delà de la correction de justesse vocale…
Reste à parler du prix de tout cela au travers des différentes versions : à 99 euros, Essential qui est livrée gratuitement avec beaucoup de STAN vous propose les outils de base pour gérer le timing et la transposition, mais peut aussi détecter les accords. Avec Melodyne Assistant à 249 euros, on dispose en plus de tous les outils pour éditer le vibrato, le phrasé, les formants et la dynamique, soit une version qui devrait convenir à la plupart des utilisateurs. À 399 euros, la version Editor apporte la capacité à travailler en polyphonique via la technologie DNA. Enfin, pour 700 euros, vous avez le Melodyne complet, capable de travailler en multipiste. « C’est cher » diront certains mais compte tenu de la recherche qu’a dû réclamer le logiciel et des services qu’il peut rendre au quotidien, ce n’est pas une somme qui fera reculer un professionnel, tandis que les amateurs pourront tout à fait se contenter d’Essential ou Assistant en fonction de leurs besoins.
Conclusion
Avec cette cinquième version, Melodyne étend son domaine de compétences bien au delà du pitch shifting et du time stretching, de sorte que des opérations propre à l’editing qui devait jusqu’ici être réalisées avec d’autres outils, qu’il s’agisse de plug-ins ou de fonctions propres à la STAN, peuvent maintenant être réalisée depuis le soft de Celemony. Les nouveaux outils proposés pour la gestion du volume permettent ainsi de s’attaquer au deessing comme aux bruits divers et variés, d’éviter d’avoir recours à des automations ou au clip gain avec la garantie d’obtenir un résultat des plus naturels grâce à la différentiation entre contenu tonal et atonal. Et même si en termes de fonctionnalité, la nouvelle piste accord promet pour l’instant plus qu’elle ne tient, force est par ailleurs de reconnaître qu’elle simplifiera la vie au quoitidien, d’autant que l’algo de détection de Celemony est excellent.