Les BM6A sont des enceintes de monitoring actives signées par le danois Dynaudio Acoustics. Premières impressions, qualité sonore, utilisation à long terme : nous allons faire le point sur ces enceintes et, au passage, préciser le sens concret de certaines caractéristiques d'une enceinte de monitoring.
Jusque là, je disposais de petites enceintes passives de monitoring, des Tannoy Reveal (qui, pour leur petit prix, font un excellent travail). Les enceintes de monitoring étant un élément essentiel pour bien mixer (tout comme la souris d’un ordinateur est une troisième main, les enceintes sont une seconde paire d’oreilles), il me fallait passer à un niveau d’écoutes supérieur : je voulais des enceintes de monitoring qui descendent plus bas dans le spectre grave, et qui soient plus précises dans les aiguës. Il me fallait aussi, pour m’assurer d’un couple ampli + enceintes optimal, des enceintes [def]active[/def]s. Enfin, il me fallait des enceintes qui respectent les basses sans pour autant les mettre en avant de manière « flatteuse », pour éviter une fatigue due à trop de basses.
Après avoir jeté une oreille à quelques enceintes dans le budget de 1500–2000 € la paire, je me décidais à écouter en « conditions réelles » (c’est-à-dire dans mon studio, dans le silence, et pendant une longue période) des BM6A de Dynaudio Acoustics. Ces enceintes ne sont pas « des enceintes dernier cri à la mode » sorties il y a moins d’un mois (elles existent depuis déjà quelques années…), ce sont des enceintes qui ont déjà un vécu dans certains studios et qui sont toujours d’actualité.
Assouplissements ? Lorsque l’on vient d’acheter de nouvelles enceintes, la première envie est d’écouter un morceau que l’on connaît à fort volume. Attention cependant, les BM6A, comme de nombreuses enceintes, doivent être rôdées (comme une voiture !) pendant 24 heures d’écoute, afin d’assouplir les éléments en caoutchouc. Pendant cette période, il ne faut pas pousser le niveau trop fort. Il est un peu dommage que Dynaudio Acoustics ne donne pas plus de détails (notamment le niveau à respecter dans pendant la période de rodage). Dans le doute, j’ai donc laissé les enceintes tourner à un niveau très faible et je ne pourrais que vous conseiller de faire de même avec vos enceintes pour éviter d’en abîmer prématurément la partie mécanique. |
Au déballage, ce qui surprend tout d’abord, c’est la masse du paquet (11 Kg par enceinte. Des gros bébés au vu de leur taille…). La robustesse des enceintes, dont j’avais eu l’intuition en ouvrant le carton, s’est confirmée lorsque je les ai sorties : petites mais massives, avec un gros dissipateur à l’arrière (pour l’ampli). Leur taille reste cependant étonnamment petite (338 × 216 × 285 mm). Les BM6A sont à peine plus grandes que mes Tannoy Reveal, alors qu’elles contiennent en plus un double amplificateur !
Un peu de technique
Je ne vais pas vous déballer les caractéristiques techniques des BM6A, la fiche technique a cette fonction et je vous invite à vous y reporter. De plus, vous donner ces caractéristiques telles quelles ne vous avancerait certainement à rien. En revanche, il est intéressant de savoir ce qui se cache concrètement derrière certaines d’entre elles. Nous allons donc les détailler.
Bi-amplification et transistors HexFet
Les BM6A sont bi-amplifiées : le [def]tweeter[/def] et le [def]boomer[/def] sont alimentés par deux amplificateurs séparés. Cela permet une restitution plus précise dans chaque bande de fréquences et surtout une meilleure dynamique, notamment du fait que les [def]transitoire[/def]s sont majoritairement amplifiées par l’ampli hautes fréquences alors que les sons graves comme ceux provoqués par la grosse caisse ou la basse – nécessitant plus d’énergie – sont amplifiés par l’ampli basses fréquences.
Les deux amplificateurs sont composés de HexFet. Ces transistors fonctionnent comme les classiques MosFet, mais leur différence principale vient de leur géométrie qui est « hexagonale » au niveau de l’entrée du transistor. Les principaux avantages sont :
- La puissance supérieure qu’ils peuvent délivrer pour une même taille par rapport à un MosFet classique,
- Le fait que leur entrée est bien plus sensible aux petits signaux, garantissant un meilleur rendu à faible volume,
- Ils commutent plus rapidement que les MosFet, ce qui leur permet de respecter les [def]transitoire[/def]s très rapides avec davantage de fidélité.
Crossover du 4ème ordre
C’est certes une bonne idée de vouloir envoyer le signal dans deux amplis différents, mais si l’on veut une réponse fréquentielle plate, il ne faut pas que le tweeter et le boomer restituent la partie du signal qui ne leur est pas allouée ! Ici par exemple, le crossover se fait à 2,2 KHz. Le boomer ne doit rien restituer au dessus de cette fréquence, et le tweeter ne doit rien restituer en dessous de cette fréquence, pour éviter une bosse d’amplification autour de cette fréquence. Les BM6A incluent donc un filtre du quatrième ordre (qui induit donc une pente de 24 dB par octave), le boomer et le tweeter étant alignés en phase, permettant de bien séparer les signaux aigus des signaux graves.
Personnalisation des paramètres
Au dos des enceintes, on trouve deux petits potentiomètres permettant de régler la réponse des enceintes dans les basses et les aiguës. Ce qui est intéressant (cf. le graphe ci-dessus), c’est qu’en coupant une partie des fréquences les plus basses (entre 20 Hz et 50 Hz), on gagne en homogénéité au-delà des 50 Hz : la courbe de réponse est plus plate entre 50 et 100 Hz.
Mettre le potentiomètre à 0 (le maximum) permet donc à l’amplificateur du boomer de « respirer », c’est-à-dire de ne pas utiliser toutes ses réserves pour amplifier des fréquences tellement basses qu’elles en sont quasiment inaudibles (entre 20 et 50 Hz). Cette option est à utiliser surtout si vous mixez à fort volume : dans ce cas, les réserves ponctuelles (condensateurs) d’énergie des amplificateurs de l’enceinte sont plus rapidement épuisées.
Si comme moi vous mixez à un niveau raisonnable, je vous conseille de laisser ce potentiomètre à 0. En effet, j’ai pu constater dans un morceau de Deepsound (artiste talentueux et pourtant peu connu du grand public…) qu’une basse très sourde (type Sin bass) n’était audible sur une note (à 60 Hz) que lorsque le potentiomètre était sur zéro.
Le potentiomètre des aiguës est plus classique, puisqu’il s’agit d’un simple passe bas. L’utiliser est une histoire de goûts. Ce qui est sûr, c’est que les BM6A ont un son tellement brillant que certaines personnes (venant du soft rock, notamment) voudront légèrement adoucir les fréquences aiguës à l’aide de ce potentiomètre. Personnellement, je les ai laissées telles quelles pour le moment. J’ai pu, dans ce mode, entendre une sinusoïde générée par Sound Forge à la fréquence de 18,8 KHz (les BM6A sont censées monter à 21 KHz, mais je ne doute pas que mon oreille s’arrête avant. Le fait que je n’entende pas la sinusoïde lorsqu’elle est à 19 KHz doit certainement être une limite de mes oreilles).
Ecoute & utilisation
Assez parlé technique, passons à l’écoute des enceintes ! Pour effectuer le « test audif », je me suis placé à 1 mètre des enceintes, celles-ci formant quasiment un triangle équilatéral avec ma tête. A cette distance, la réverbération causée par les murs et autres objets est négligeable par rapport au signal direct. De plus, mes oreilles étaient placées un tout petit peu au dessus des tweeters. La position m’a donc semblé optimale pour une écoute de qualité.
A l’allumage de chaque monitor, j’ai été tout d’abord étonné par un léger bruit de fond que j’entendais en absence de source sonore, alors que la sortie [def]symétrique[/def] de ma table de mixage numérique était directement branchée dessus (sorties symétriques XLR de ma Ramsa DA7)… Je compris rapidement le pourquoi de la chose, lorsque je décidai d’écouter le premier morceau : pour écouter à un niveau raisonnable, je ne devais pas laisser le master de la table à 0 dB mais à –40 dB ! A ce niveau là, bien sûr, aucun [def]bruit blanc[/def] n’est audible en l’absence de source sonore.
Les BM6A ne possèdent pas de potentiomètre de volume, c’est le niveau du signal en entrée qui régit le niveau de sortie. C’est bien et pas bien. L’inconvénient, c’est qu’il faut penser à faire entrer un signal assez faible pour ne pas s’abîmer les oreilles, l’ampli faisant tout de même 2 × 100 Watts. L’avantage est qu’en empêchant de régler un niveau sonore sur les enceintes, on est certain du bon appariement des deux enceintes, c’est-à-dire que le niveau à gauche et à droite est le même. Un potentiomètre sur chaque enceinte réglé légèrement différemment poserait ce problème de non appariement.
Ecoute de morceaux masterisés
Comme à mon habitude lorsque j’écoute une nouvelle paire d’enceintes, j’ai commencé par mettre le CD « The best of Sting ». En effet, je connais les musiques de ce CD par coeur… C’est du moins ce que je croyais. A vrai dire, j’ai tout simplement redécouvert certains des morceaux du CD, tellement le son des BM6A est précis par rapport à mon ancienne paire d’enceintes, à la fois dans le spectre sonore et au niveau de l’espace sonore. Une multitude de petits détails, que je n’entendais pas avec mes Tannoy Reveal passives, sont apparus. Par exemple, un instrument en fond, à peine audible, lors d’un break, qui passe de gauche à droite des enceintes, était passé inaperçu sur les Reveal et n’ont pas échappé à la précision des BM6A.
J’ai ensuite écouté une multitude de musiques différentes pour avoir un panel assez représentatif de la réponse des BM6A : du classique, de la musique électronique, de la pop et du rock.
Bjork – Army of me
La voix de Bjork, déjà tranchante comme un sabre, est encore plus claire et précise sur les BM6A. La grosse caisse et la ligne de basse électronique sont un peu floues sur les Reveal là où les basses sont bien détachées du reste sur les BM6A. Le bas médium des Reveal est mis un peu plus en avant que sur les BM6A, qui finalement n’exagèrent pas du tout les basses et les médiums (on pourrait presque leur reprocher d’avoir un petit manque dans les bas médiums). On entend l’ensemble du signal, certes, mais avec des médiums et un bas relativement discrets.
Ben Harper – Alone
Alors là, c’est criant de précision : les guitares sèches ressortent, l’attaque des cordes est très précise. Les [def]transitoire[/def]s des BM6A sont donc très rapides.
Moby – Natural Blues
On pouvait s’en douter, le petit gémissement sur le 2ème temps caché derrière la voix (« Trouble So High ») dans son morceau s’entend parfaitement sur nos BM6A. Mais, plus inattendu, d’autres « effets » ressortent, que je n’avais jamais remarqués auparavant. Les défauts du compresseur utilisé par Moby et surtout ceux de la prise de son de la voix sont bien mis en relief. A chaque fin de phrase, on entend le compresseur qui augmente le niveau général du son et le bruit de fond qui en résulte. Ce bruit au travers des BM6A est tout sauf discret ! Quand on sait que le morceau est passé à la radio sans que ces petits défauts soient remarqués, on doit en déduire une chose : si votre morceau souffle légèrement sur les BM6A, ce n’est pas grave a priori. Le souffle en question ne s’entendra pas sur 99% des enceintes. On pourrait aussi en déduire que Moby est un sacré farceur : il s’est enregistré dans son home studio ? (La réponse est oui).
Britney Spears – Oops I did it again
Oops… Même Britney est passée au test auditif (si si !), et pour cause : si vous n’aimez pas la chanteuse, avouez tout de même que le gros studio américain qui mixe ses morceaux sait avoir un… GROS son américain. Je me rends encore plus compte de ce son caractéristique avec les BM6A. A vrai dire, j’ai l’impression d’être dans le studio américain en question tellement le son du couple basse / batterie est précis et puissant… Troublant ! Les médiums et bas médiums restent en retrait par rapport aux Tannoy Reveal qui ont définitivement tendance à colorer un peu le son dans ces fréquences.
Hallucinogen – Shaky Shaker
Ce morceau est intéressant à écouter sur une nouvelle paire d’enceintes pour plusieurs raisons :
- Il balaye le spectre de bas en haut (certains synthétiseurs montent très haut dans les aiguës jusqu’aux limites audibles, 16 à 20 KHz selon les personnes)
- L’image stéréophonique change tout le temps (certains sons monos passent en stéréo et inversement)
- Ce morceau est très chargé, et bien capter tous ses détails nécessite des enceintes précises.
En pratique, ce morceau, qui était assez « bordélique » sur les Reveal (surtout dans les médiums) s’avère bien défini sur les BM6A. Au niveau des aiguës, ce qui devait arriver arriva : les sons très métalliques utilisés dans « Shaky Shaker » en deviennent à la limite du supportable sur les BM6A. Notamment, la moindre saturation ou le moindre clic très sec et très brillant est aussi agréable qu’une saturation numérique…
Chris Isaak – Wicked Game
Les attaques des guitares, présentant un décalage entre les monitors droite et gauche, donnent l’impression d’un léger « clic » tellement les transitoires sont amplifiées rapidement.
Psycom – hum…
Après m’être régalé de musique « haute définition », j’ai écouté mes anciens albums… « Aïe, je n’aurais jamais dû ! Il ne me reste plus qu’à tout remixer ».
Cela s’explique simplement : des enceintes de monitoring précises comme les BM6A, c’est comme un photo haute résolution prise par un professionnel et que vous verriez sur un écran 21 pouces : on voit TOUS les défauts. La peau d’orange, le petit point noir de la photo se transforment au niveau sonore en recouvrement spectral et en manque de présence dans l’espace sonore, de relief (quelle belle image, Psycom).
Travail pendant une demi journée sur un mix personnel
Pour pouvoir conclure, il fallait travailler sur un morceau à soi pour se rendre compte de l’efficacité de l’outil.
En pratique, la précision de l’espace sonore est redoutable. Ce qu’on entendait au centre sur mes anciennes enceintes, on le retrouve parfois complètement décentré… A tel point que je me suis demandé si la phase n’était pas un peu exagérée par les enceintes.
Ce qui m’a également étonné, c’est la précision d’écoute des réverbérations. Il est d’ailleurs logique d’avoir cette précision, puisque la réverb est stéréophonique dans la plupart des cas, et que justement la retranscription de l’espace sonore est l’un des points forts des BM6A.
Enfin, signalons qu’après un mix d’une demi-journée à volume « ni trop fort ni trop faible », je n’ai pas du tout été fatigué par le son.
Petite remarque pour finir : les radiateurs ont tendance à chauffer légèrement, même si on n’écoute pas à fort volume et même au repos. Rien d’alarmant cependant, en ce jour assez chaud de juin.
Conclusion
Certains trouveront peut-être que les BM6A manquent un peu de chaleur et que les aiguës sont un peu agressifs. Pour ce dernier point, je dirais que c’est tant mieux. Je pense en effet que les BM6A font leur travail : donner tous les détails du son avec le maximum de précision possible, sans le rendre plus « musical » qu’il n’est réellement. Si vous avez une saturation, un clic, un bruit de fond, vous l’entendrez clairement sur les BM6A. Si vous arrivez à enlever ce genre de défauts sur vos morceaux en utilisant ces enceintes de monitoring, c’est que votre mix sera propre et non métallique ! Ce qui est rassurant avec les BM6A, c’est de sentir que l’on contrôle parfaitement le signal, à la fois dans le spectre et dans l’espace. Rien ne nous échappe.
Comme souvent dans mon cas, le test d’un produit comme les BM6A cache en fait la volonté, en cas de coup de foudre, d’acheter le produit en question… Devinez quoi ? Je l’ai acheté. Lorsque mon prochain CD sortira, je n’aurai pas de mauvaise surprise à cause d’un détail que je n’aurais pas entendu ! Pour dire vrai, avoir cette nouvelle « paire d’oreilles » m’a motivé à retravailler tous mes morceaux et m’a décidé à me remettre sérieusement à travailler mon 3ème album…