Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou
Pédago
154 réactions

Enregistrement analogique Vs numérique - Choisir entre audio analogique et audio numérique

Chose promise, chose due : avant de nous décider sur le dispositif d'enregistrement qui sera le coeur de notre home studio, mieux vaut savoir ce qu'il en est de cette terrible question qui ne manque jamais d'échauffer les esprits.

Choisir entre audio analogique et audio numérique : Enregistrement analogique Vs numérique
Accéder à un autre article de la série...

Le sujet n’est d’ailleurs pas chaud, il est brûlant si l’on en croit les houleux débats qu’il n’a jamais cessé de soule­ver sur Audio­fan­zine comme au-delà à tout propos : de l’en­re­gis­tre­ment aux synthés en passant par les amplis guitare, il y a toujours quelqu’un pour dire que l’analo sonne mieux que le numé­rique, un autre pour penser l’in­verse du contraire opposé et un trou­peau de badauds qui vont alimen­ter la discus­sion de vrais argu­ments en sarcasmes jusqu’à atteindre le point Godwin où tout le monde se traite de nazi et repart en claquant la porte virtuelle du forum de discus­sion.

Essayons donc de garder notre sang froid et, en nous en tenant au sujet qui nous occupe : l’en­re­gis­tre­ment, sachant que nous aurons proba­ble­ment à reve­nir sur le sujet Analo­gique vs Numé­rique au moment de parler d’ef­fets et de trai­te­ments ou encore d’ins­tru­ments.

Analo­gique vs Numé­rique : les bases

Exami­nons donc posé­ment la façon dont les choses se passent sur un banal cas d’école : l’en­re­gis­tre­ment d’une voix avec un micro, en utili­sant un enre­gis­treur analo­gique (un magné­to­phone à bandes) et un enre­gis­treur numé­rique.

Le chan­teur, en faisant vibrer ses cordes vocales, crée des ondes sonores. Ces dernières vont frap­per la membrane du micro­phone qui va trans­for­mer ces vibra­tions en signal élec­trique (pour cette raison, on dit de lui qu’il est un trans­duc­teur). Ce signal élec­trique est très faible et il va donc devoir être ampli­fié avant d’être enre­gis­tré. C’est une fois cette ampli­fi­ca­tion réali­sée par un préam­pli­ca­teur micro que, selon qu’on enre­gistre en analo­gique ou en numé­rique, les choses vont diffé­rer :

  • Lors d’un enre­gis­tre­ment analo­gique, sur le magné­to­phone à bande donc, le signal élec­trique va être utilisé pour faire varier un champ magné­tique dont les oscil­la­tions vont être inscrites sur la bande recou­verte d’oxyde magné­tique. Dès lors que le signal sera ainsi enre­gis­tré, une tête de lecture pourra lire le contenu enre­gis­tré et le retrans­for­mer en courant élec­trique qui sera à nouveau ampli­fié et conduit vers le dispo­si­tif d’écoute (enceintes ou casque) qui, en bon trans­duc­teur, utili­sera le courant pour faire vibrer les membranes des HP et produire de la sorte des ondes acous­tiques.

recordingchainanalo

 

  • Et lors d’un enre­gis­tre­ment numé­rique ? C’est à peu de chose près la même chose, si ce n’est qu’avant d’être écrit sur le support (disons un disque dur, cette fois), le signal est numé­risé, c’est à dire trans­formé en 0 et en 1 par un conver­tis­seur. On parle alors de conver­sion AN (Analo­gique > Numé­rique) ou encore AD chez les anglo­phones (Analog > Digi­tal). Et lorsqu’on voudra lire ce qui est enre­gis­tré ? Vous vous en doutez, il va falloir recon­ver­tir les données numé­riques en signal analo­gique via un conver­tis­seur NA (Numé­rique > Analo­gique) appelé DA par les anglo­phones (Digi­tal > Analog). Le signal élec­trique ainsi restauré sera ensuite ache­miné vers le dispo­si­tif d’écoute, comme précé­dem­ment.

recordingchaindigital

Vous le voyez : toute la diffé­rence tient dans cette fameuse conver­sion en numé­rique qu’il va nous falloir détailler un peu plus.

Comment fonc­tionne une conver­sion numé­rique ?

Que fait un conver­tis­seur AN ? Il va échan­tillon­ner le signal élec­trique, c’est à dire le décou­per en des milliers de tranches par seconde, et affec­ter une valeur d’am­pli­tude à chacune de ces tranches.

Le nombre de tranches que le conver­tis­seur découpe dans une seconde est appelé la fréquence d’échan­tillon­nage, et on la mesure en Hertz. Un Hertz corres­pond à une tranche pour une seconde. 10 Hertz à dix tranches pour une seconde. 10 kHz (kilo­Hertz) à 10 000 tranches par seconde, sachant que la norme d’échan­tillon­nage rete­nue pour le CD audio est de 44,1 kHz, soit 44 100 tranches par secondes, mais qu’il n’est pas rare que les pros enre­gistrent en 96 kHz, et que pour certaines appli­ca­tions scien­ti­fiques ou indus­trielles, on recourt même à une fréquence d’échan­tillon­nage de 192 kHz voire 384 kHz.

Comme nous l’avons dit, chaque tranche se voit affec­ter une valeur qui corres­pond à l’am­pli­tude de l’onde sonore à cet instant. La préci­sion de cette valeur dépend du nombre de bits utili­sés par l’or­di­na­teur pour l’en­co­der. Avec 1 bit, l’or­di­na­teur ne peut stocker que deux valeurs : soit 0 (silence), soit 1 (ampli­tude maxi­mum). En combi­nant 8 bits (ce qu’on appelle un octet), on peut obte­nir 256 valeurs diffé­rentes (2puis­san­ce8) et en combi­nant 16 bits, on peut obte­nir 65536 valeurs diffé­rentes, ce qui est la réso­lu­tion rete­nue pour la norme du CD audio. Mais on peut évidem­ment aller vers des réso­lu­tions supé­rieures : nombre de profes­sion­nels de l’au­dio travaillent en 24 bits qui permettent 16 777 216 valeurs diffé­rentes.

C’est bien beau tous ces chiffres, mais dans les faits, à quoi cela corres­pond-il ? Disons que la fréquence d’échan­tillon­nage (Sampling rate en anglais) permet de défi­nir la bande passante du signal enre­gis­tré (soit la diffé­rence en Hertz entre la fréquence du son le plus grave et la fréquence du son le plus aigu) et que la réso­lu­tion (bit rate en anglais) permet de défi­nir sa dyna­mique (soit la diffé­rence en dB entre le son le plus faible et le son le plus fort).

Notez qu’à cause du lecteur audio de notre site qui ne gère que le MP3, tous les extraits suivants ont été conver­tis dans ce format en 512 kbps, ce qui n’est pas gênant pour notre démons­tra­tion qui vise à vous faire gros­siè­re­ment entendre l’in­fluence de la fréquence d’échan­tillon­nage et celle de la réso­lu­tion sur un enre­gis­tre­ment.

Pour notre démons­tra­tion, nous parti­rons d’un enre­gis­tre­ment de CD (au format 44,1 kHz / 16 bits donc) :

libe­rian­girl-44–16
00:0000:31

Sans toucher à la réso­lu­tion de l’en­re­gis­tre­ment, nous allons dégra­der son échan­tillon­nage en le passant succes­si­ve­ment à 22 kHz, puis à 8 kHz, puis à 4 kHz. Obser­vez notam­ment comme les aigus dispa­raissent à mesure qu’on dégrade la fréquence d’échan­tillon­nage

Libe­rian­Girl-22–16
00:0000:31
  • Libe­rian­Girl-22–1600:31
  • libe­rian­girl-8–1600:31
  • Libe­rian­Girl-4–1600:31

Reve­nons à présent à 44,1 kHz et bais­sons la réso­lu­tion de l’échan­tillon­nage à 8, 4 puis 1 bits, sachant que cette fois, la diffé­rence la plus notable tient dans le niveau de bruit qui monte :

Libe­rian­Girl-44–8
00:0000:31
  • Libe­rian­Girl-44–800:31
  • Libe­rian­Girl-44–400:31
  • Libe­rian­Girl-44–100:31

Vous l’au­rez compris avec ces exemples : plus on augmente la fréquence et la réso­lu­tion d’échan­tillon­nage et meilleure sera la qualité de l’en­re­gis­tre­ment. Le problème, c’est que plus on augmente ces deux facteurs et plus les données sont volu­mi­neuses pour une seconde de son. Or, si n’im­porte qui entend le saut quan­ti­ta­tif opéré par le passage du 8 au 16 bit ou du 22 kHz au 44,1 kHz, l’oreille humaine ne perçoit plus d’amé­lio­ra­tion de qualité passé un certain stade, à plus forte raison sur un système d’écoute lambda.

Dans l’écra­sante majo­rité des cas, et même si les instru­ments de musique génèrent des fréquences de plusieurs centaines de kHz, on se contente donc d’al­ler jusqu’à 96 kHz en 24 bits (appelé plus couram­ment 24/96), sachant qu’à part pour des appli­ca­tions parti­cu­lières, il n’y a pas d’in­té­rêt à augmen­ter la défi­ni­tion d’échan­tillon­nage pour l’au­di­tion humai­ne…

schema-perte-auditiveParlons-en d’ailleurs de cette dernière : on consi­dère de manière très opti­miste que l’oreille humaine peut entendre jusqu’à 20 kHz, sachant que qu’à cette fréquence se situent des sons surai­gus… que seuls les enfants peuvent entendre ! Si en effet notre cerveau peut apprendre à mieux discer­ner les sons, amélio­rant notre capa­cité d’écoute, il doit en effet le faire avec un appa­reil audi­tif qui ne cesse de se dégra­der avec l’âge, même en l’ab­sence de tout trau­ma­tisme. Sur le plan de la bande passante, l’au­di­tion d’un homme de 20 ans est ainsi déjà moins bonne que celle d’un enfant de 10 ans. Et inutile de vous dire que cette dégra­da­tion des capa­ci­tés audi­tives avec l’âge, qu’on appelle pres­bya­cou­sie, est expo­nen­tielle, comme le montre la courbe ci-contre qui, hélas, ne se concentre comme tous les audio­grammes que sur la zone de la parole.

Oui, du point de vue des oreilles comme des yeux, ce n’est pas beau de vieillir, et il y a tout à parier que cette courbe moyenne de perte d’au­di­tion devrait être plus raide encore dans les prochaines années vu que l’usage du casque, la pollu­tion sonore et les niveaux débiles pratiqués dans nombre de concerts risquent de préci­pi­ter l’homme vers une surdité de plus en plus précoce.

Reve­nons toute­fois à nos illu­soires 20 kHz. En admet­tant que l’homme entende jusque là, pourquoi, me direz-vous, avoir fixé la bande passante du CD à 44,1 kHz ? À cause de la décou­verte faite par l’in­gé­nieur élec­tro­ni­cien Harry Nyquist et qui fut publiée par le fasci­nant Claude Shan­non. Que nous dit le théo­rème de Nyquist-Shan­non ? Que « La repré­sen­ta­tion discrète d’un signal exige des échan­tillons régu­liè­re­ment espa­cés à une fréquence d’échan­tillon­nage supé­rieure au double de la fréquence maxi­male présente dans ce signal. »

La chose est très facile à comprendre lorsqu’on regarde ce qui se produit pour une onde dont la fréquence est de 200 Hz :

waveform-nyquist

La longueur d’onde étant de 200 Hz, si on échan­tillonne à cette même valeur, on ne pourra pas rendre compte des chan­ge­ments d’am­pli­tude (sur le schéma du haut, seul les pics supé­rieur de la courbe sont relé­vés par le conver­tis­seur). À 400 Hz en revanche, soit le double de la fréquence à échan­tillon­ner, on dispose des données rela­tive à l’am­pli­tude. Voilà : ça semble simple comme ça mais encore fallait-il le formu­ler. Merci Messieurs Nyquist et Shan­non.

Pour repré­sen­ter fidè­le­ment une onde de 20 kHz, il faut donc échan­tillon­ner à 40 kHz et comme pour éviter certains arte­facts (le créne­lage, appelé alia­sing par les anglais), le conver­tis­seur doit effec­tuer un filtrage du signal, il fallait une réserve de bande passante à affec­ter à ce dernier. Du coup, on peut comprendre les 44 kHz, mais d’où vient alors ce chiffre bizarre de 44,1 ? Simple­ment du fait que lorsque Sony et Philips ont colla­boré pour défi­nir les spéci­fi­ca­tions de base du CD audio (plus connues sous le nom de Red Book parce que le livre les conte­nant était… rouge !), ils ont veillé à ce que la bande passante de ce dernier soit compa­tible avec les formats vidéo PAL (acro­nyme de Phase Alter­na­ting Line) et NTSC (acro­nyme du Natio­nal Tele­vi­sion System Commit­tee). Et 44,1 kHz est une valeur qui corres­pond à ces deux stan­dards.

Le grand malen­tendu de la conver­sion AN/NA (3615 code ANNA)

Notez que je me suis bien gardé d’uti­li­ser un schéma pour vous expliquer dans le détail comment s’opé­rait la conver­sion analo­gique > numé­rique. Pourquoi ? Parce que le shéma qu’on a utilisé pendant des années pour expliquer cela a été source de bien des malen­ten­dus et de mauvais procès à l’égard du numé­rique. Ce shéma, le voici :

echantillonnage

Où l’on comprend aisé­ment comment se produit la conver­sion : la belle forme d’onde analo­gique bien lisse est ainsi décou­pée en tranches auxquelles on fait corres­pondre des valeurs, obte­nant une sorte d’es­ca­lier qui suit tant bien que mal la courbe.

Or, de ce bon support de vulga­ri­sa­tion mal compris par certains est née l’idée que les appa­reils numé­riques étaient inca­pables de resti­tuer des signaux aux belles courbes bien lisses, que ce qui sortaient d’un CD, c’était du son « en esca­lier ». C’est pour­tant grave­ment mécon­naître la physique et le fonc­tion­ne­ment des conver­tis­seurs que de penser la chose ainsi. De fait, si les données sont effec­ti­ve­ment stockées sous formes de « tranches » après conver­sion AN, nous rappro­chant de l’idée de l’es­ca­lier, lorsque la conver­sion NA a lieu, les données numé­riques servent à bâtir un signal analo­gique qui a les mêmes quali­tés que n’im­porte quel signal élec­trique, avec des jolies courbes bien lisses sur notre oscil­lo­scope. Le signal recons­ti­tué n’est pas le même que le signal origi­nal, vu qu’il y a eu conver­sion, mais il n’est pas moins analo­gique pour autant. Et à la défi­ni­tion dans laquelle on travaille en audio­nu­mé­rique aujour­d’hui, avec la qualité des conver­tis­seurs modernes, inutile de dire que ces chan­ge­ments sont indé­ce­lables pour la physio­lo­gie humaine.

Espé­rant que votre anglais sera suffi­sant pour comprendre la démons­tra­tion (et que la chemise du démons­tra­teur ne vous fera pas trop peur), je vous renvoie à cette excel­lente vidéo sur le sujet :

Bref, oubliez cette histoire d’es­ca­lier. Et s’il vous restait encore des doutes sur le sujet, essayez de trans­po­ser le problème dans l’image : voyez vous vrai­ment la diffé­rence entre une image issue d’un appa­reil photo numé­rique et la même image prise par un appa­reil photo argen­tique ? Entre un film filmé en numé­rique (tous les films le sont aujour­d’hui ou presque) et un film à la bonne vieille pelloche ?

Certes, me direz-vous, mais conver­tir le son, et le recon­ver­tir encore, ce n’est pas l’idéal en termes de fidé­lité, non ? Certes, vous répon­drai-je car, en théo­rie, moins on fait subir de trai­te­ment à un signal, et moins on a de chances de le dégra­der. On tien­drait là la preuve de la supé­rio­rité de l’en­re­gis­tre­ment analo­gique ? Pas si vite ! Car en face des défauts d’une conver­sion, il convient à présent de parler des défauts du support et de la façon dont ceux-ci pèsent sur l’en­re­gis­tre­ment analo­gique ou numé­rique. 

Analo­gique vs Numé­rique du point de vue de la conser­va­tion du signal

En faisant l’éco­no­mie d’une conver­sion, l’en­re­gis­tre­ment analo­gique devrait a priori consti­tier la méthode la plus fidèle qui soit. Mais c’est sans comp­ter avec le problème du support et du lien physique qu’il entre­tient avec son contenu, notre précieux signal. Sur ce point précis, analo­gique et numé­rique ne fonc­tionnent pas du tout de la même manière.

Informatique musicale : badtvSortons un instant du contexte de l’en­re­gis­tre­ment pour exami­ner celui de la diffu­sion télé. Autre­fois, lorsque les chaînes de télé émet­taient leur programmes au format analo­gique, on pouvait capter plus ou moins bien une chaîne : suivant la qualité de l’an­tenne et du poste mais aussi suivant la situa­tion géogra­phique ou la météo, l’image pouvait être plus ou moins nette, dédou­blée ou bien neigeuse et le son pouvait être plus ou moins para­sité. Aujour­d’hui que la télé émet en numé­rique, nous ne connais­sons plus ces états de mauvaises récep­tion : soit on capte la chaîne et l’image comme le son sont parfaits, soit on ne la capte pas et rien ne s’af­fiche ou ne s’en­tend sur le télé­vi­seur. 

C’est exac­te­ment la même chose avec l’en­re­gis­tre­ment audio : si vous rayez profon­dé­ment un CD audio, il va être tout bonne­ment illi­sible. Alors que si vous pratiquez la même entaille sur un vinyle, vous ferez certes sauter votre saphir, occa­sion­nant un « poc » à chaque fois qu’il passe sur la rayure voire un saut qui le fasse reve­nir en arrière, mais la majo­rité du contenu du disque restera lisible. Même chose pour une cassette conte­nant un enre­gis­tre­ment analo­gique : si cette dernière a pris le chaud sur la plage arrière d’une voiture en plein soleil, le son sera évidem­ment dégradé, mais vous pour­rez toujours entendre quelque chose. Alors que sur une cassette conte­nant des données numé­riques comme une DAT, vous pouvez être sûr que vous ne pour­rez plus rien lire.

Bref, avec le numé­rique, on est dans le tout ou rien : soit le son est « parfait » (au sens où il est comme à l’ori­gine), soit il n’y a pas de son du tout. Pour l’ana­lo­gique au contraire, la dégra­da­tion du support n’im­plique pas néces­sai­re­ment l’an­ni­hi­la­tion du signal. Une preuve de la supé­rio­rité de ce dernier ? Pas vrai­ment, car le grand défaut de l’en­re­gis­tre­ment analo­gique, c’est juste­ment le fait qu’il se dété­riore à mesure que son support se dégrade.

Imagi­nons que vous ache­tez un disque vinyle. Vous avez beau être soigneux, à chaque fois que vous l’écou­te­rez sur votre superbe platine, le disque se dété­rio­rera un peu plus et le signal qu’il contient sera un peu moins fidèle à ce qu’il était lors de la première écoute. Le support s’use et, avec lui, le signal. Avec un CD en revanche, ce n’est pas du tout la même affaire : tant que le support n’a pas une usure qui compro­mette son fonc­tion­ne­ment, vous pouvez être sûr que le son qui en sortira sera exac­te­ment le même que celui du premier jour. Pourquoi ? Parce qu’un zéro ne peut pas être autre chose qu’un zéro, un un autre chose qu’un un (hein ?). Soit le bit est parfai­te­ment lisible et parfai­te­ment lu, soit il ne l’est plus et alors aucun son ne sort.

Évidem­ment, un CD ou un disque dur ne sont pas forcé­ment plus résis­tants dans le temps qu’un vinyle ou une bande (les disques durs, hors SSD, sont utilisent d’ailleurs des plateaux magné­tiques), mais tant que le signal numé­rique demeure lisible et les contrôles de redon­dance cyclique sont là pour s’en assu­rer (voir enca­dré ci-contre), alors il est parfai­te­ment conforme à la première conver­sion AN qui a été réali­sée, et peut donc être utilisé pour réali­ser une copie parfaite de cette dernière, un clone, sur un support plus récent, que l’on pourra lui-même cloner encore dès qu’il montrera des signes d’usure. C’est là la grande force du numé­rique : ce que vous avez enre­gis­tré il y a 10 ans sonnera exac­te­ment pareil si vous avez pris le soin de le conser­ver sur un support lisible. Essayez, à côté de cela, de relire une cassette audio que vous avez enre­gis­trée il y a 10 ans : vous risquez d’avoir bien des mauvaises surprises. Souli­gnons-le par ailleurs : une bande magné­tique n’est pas clonable en ce sens où la copie d’une bande ne sonnera jamais exac­te­ment pareille que l’ori­gi­nal. Et évidem­ment, à mesure qu’on multi­plie les dupli­ca­tions, en faisant des copies de copies de copies, on dégrade toujours plus le signal…

Sans parler de ce problème de dupli­ca­tion, on m’objec­tera à raison qu’on peut tout à fait amélio­rer la conser­va­tion des bandes comme des vinyles en veillant à leur condi­tions de stockage dans une pièce évitant toute varia­tion de tempé­ra­ture ou d’hu­mi­dité et tout micro-orga­nisme dange­reux. Oui, on peut de la sorte amélio­rer les choses. Mais même de cette façon là, on ne pourra pas lutter contre sa dégra­da­tion natu­relle qui entrai­nera une dégra­da­tion de l’en­re­gis­tre­ment. Les chaînes de télé se mordent encore les doigts d’avoir utilisé des bandes de piètres qualité dans les années 80 pour l’en­re­gis­tre­ment vidéo, de sorte que des milliers d’heures du patri­moine audio­vi­suel français doivent encore faire l’objet d’une restau­ra­tion… passant par une numé­ri­sa­tion en bonne et due forme…

Mais au-delà de ces histoires de conser­va­tion dans le temps, les proprié­tés même des supports pèsent sur notre ques­tion­ne­ment entre l’ana­lo­gique et le numé­rique. Et c’est sur ce point précis que va se jouer tout l’af­fect contenu dans notre sujet.

Analo­gique vs Numé­rique du point de vue de la qualité et de l’es­thé­tique audio

Ce que le signal numé­rique a de pratique, c’est que le son qu’il produit ne dépend abso­lu­ment pas de la nature du support de stockage. Que ce soit sur CD, sur disque dur, sur bande magné­tique DAT, sur une clé USB, grave sur du sili­cium ou même impri­mée sur une feuille de papier, la même séquence de zéros et de uns donnera toujours le même son à l’ar­ri­vée.

L’en­re­gis­tre­ment analo­gique est quant à lui lié aux carac­té­ris­tiques de son support : un même album ne propose ainsi pas tout à fait le même son suivant qu’on l’écoute sur disque vinyle, sur cassette ou sur grosse bande magné­tique. Pourquoi ? Parce que tous ces supports ont des carac­té­ris­tiques physiques diffé­rentes, qu’ils ne présentent pas la même bande passante par exemple (diffé­rence en kHz entre le son le plus grave et le son le plus aigu que l’on puisse enre­gis­trer), n’ont la même capa­cité à resti­tuer la dyna­mique (diffé­rence en dB entre le son le plus faible et le son le plus fort), le même rapport signal/bruit ou encore la même sépa­ra­tion des canaux stéréo. Certains posent même des problèmes de réma­nence. (voir enca­dré)

Alors ? Quel est le meilleur élève ? En termes de haute fidé­lité, de qualité audio pure et dure, disons le tout net : le vinyle comme la bande sont très loin d’of­frir le moindre avan­tage par rapport à l’au­dio­nu­mé­rique si ce n’est sur le cas précis de la bande passante qui, en théo­rie, ne connait pas de limites en analo­gique quand elle demeure tribu­taire du nombre de données enre­gis­trées en numé­rique (je dis en théo­rie car dans les fait, les défauts physique d’un support comme le vinyle posent de gros problèmes en termes de bande passante : cette dernière se réduit en effet à mesure qu’on progresse vers le centre du disque, chose qu’est char­gée de compen­ser la fameuse courbe d’éga­li­sa­tion RIAA et on observe de grosse varia­tions en termes de bande passantes suivant la qualité de pres­sage et de maste­ring réali­sée sur les vinyles). Vues les limites de l’au­di­tion humaine dont nous parlions plus haut, cet avan­tage ne présente toute­fois pas grand inté­rêt (si vous trou­vez un audio­phile de plus de 8 ans capable d’en­tendre à 20 kHz, persua­dez-le de faire don de ses oreilles à la science), tandis que tous les autres points devraient nous faire fuir les enre­gis­tre­ments analo­giques.

Alors quoi, Jack White et Lenny Kravitz seraient des imbé­ciles ? Évidem­ment non. Il se trouve juste… qu’ils aiment préci­sé­ment les défauts des anciennes tech­no­lo­gies, comme on peut aimer les Cadillacs ou les 2CV bien que ces voitures soient parfai­te­ment dépas­sées du point de vue du confort, des perfor­mances ou de la consom­ma­tion. Dès lors, c’est sur une ques­tion de goût et de culture que tout cela se joue. La haute fidé­lité est en effet une chose, mais l’art en est une autre et les 1001 défauts du vinyle ou de la bande ont vite fait de deve­nir des atouts de ce point de vue.

revoxC’est ainsi que lorsqu’on enre­gistre sur bande, à plus forte raison si l’on tape un peu dans le rouge (c’est à dire en envoyant un niveau élevé qui va provoquer une satu­ra­tion sur l’en­re­gis­tre­ment), on se rend compte que cette dernière modi­fie le signal tant que le plan spec­tral que dyna­mique : les graves sont légè­re­ment glon­flés, les aigus adou­cis et à la faveur d’une compres­sion natu­relle de la dyna­mique, on observe une jolie satu­ra­tion sur les pics de volume. On dit alors que la bande « colore » la son qui nous semble plus « chaud » et c’est cette pâte sonore que vont recher­cher ceux qui travaillent encore avec des vieux magné­to­phones (et que de nombreux logi­ciels essayent de repro­duire numé­rique­ment), Jack et Lenny en tête. 

vinylesCôté vinyle, c’est encore plus flagrant car on s’aperçoit que les nombreux bruits inhé­rents à cette tech­no­lo­gie parti­cipent du charme qu’elle dégage et on trouve d’ailleurs des logi­ciels pour ajou­ter des craque­ment à un signal numé­rique, tout comme on trouve des logi­ciels pour repro­duire le pleu­rage des bandes. Car c’est un fait, les limites mêmes des tech­no­lo­gies du passé ont un pouvoir évoca­teur très fort qui parti­cipe gran­de­ment de l’oeuvre d’art : Le son de Django Rein­hardt, c’est ainsi autant celui de sa guitare que celui des micros à char­bons et du stylet qui gravait ses oeuvres dans l’acé­tate de cellu­lose. Le son est « pourri » d’un point de vue scien­ti­fique, certes, mais c’est aussi cela qui nous trans­porte immé­dia­te­ment dans les années 30/40 dès qu’on écoute le fabu­leux guita­riste. Du coup, il n’est pas pourri du tout, fina­le­ment.

Et c’est sans même parler des à-côtés de ces tech­no­lo­gies : le charme des pochettes de 30cm, la nostal­gie des bons vieux juke box, tout ce qui nous renvoie aux glorieuses années 50, 60 et 70, ces décen­nies réso­lu­ment optis­mistes que les moins de vingt ans auraient rêvé de connaître et qu’ils vivent par procu­ra­tion au travers d’une forme de gentil passéis­me…

Bref, s’il fallait une réponse claire en termes de haute fidé­lité (c’est à dire l’ap­ti­tude de la tech­no­lo­gie à repro­duire et conser­ver le signal enre­gis­tré), elle n’est pas bien compliquée : pour ce qui est de l’en­re­gis­tre­ment, la tech­no­lo­gie audio­nu­mé­rique (et je ne parle pas que du CD) enterre litté­rament l’au­dio analo­gique. Mais s’il s’agit de savoir ce qui sonne le mieux, c’est une autre affaire qui ne se discute pas : vous êtes plutôt vanille ou choco­lat, café allongé ou ristretto ? Si vous préfé­rez le son d’un album sur vinyle ou sur bande, vous pensez comme Jack White et Lenny Kravitz et vous avez autant raison que ceux qui préfèrent le numé­rique. Il s’agit juste de ne pas utili­ser l’alibi de la haute fidé­lité pour assu­mer ce goût esthé­tique, de dire qu’il y a dans la bande ou dans le vinyle une défi­ni­tion qui blabla­bla… et une préci­sion qui blabla­bla… Encore une fois, il serait vrai­ment vain de vouloir discu­ter des mérites du VHS face au 8K pour autre chose que le charme parfai­te­ment défen­dable du Vintage.

Alors quoi ? Tout ne serait qu’une ques­tion de goût ? Et votre beau-frère qui a investi des dizaines de milliers d’eu­ros dans son équi­pe­ment audio­phile serait à côté de la plaque lorsqu’il vous explique l’in­fi­nie supé­rio­rité du grand vinyle sur le détes­table CD ? Oui et non car s’il aura bien du mal à prou­ver ses dires d’un point de vue tech­nique et scien­ti­fique, bien des écoutes compa­ra­tives d’al­bum pour­raient lui donner raison…

Pourquoi certains albums sonnent mieux en vinyle qu’en CD 

Disons le clai­re­ment : les débuts du CD et sa rencontre avec le grand public ont été quelques peu labo­rieux, quan­tité de mélo­manes souli­gnant alors les défauts du support sur le plan de la musi­ca­lité par rapport au bon vieux vinyle. Certains dénoncent alors de froi­deur du son, son manque de finesse voire son agres­si­vité. Bien sûr, les conver­tis­seurs et filtres utili­sés à l’époque n’étaient pas aussi perfor­mants qu’ils ne le sont de nos jours, et bien sûr, les tech­ni­ciens du son n’étaient pas encore tous très fami­liers de l’au­dio­nu­mé­rique. Mais au-delà de ces aspects et du conser­va­tisme auquel se heurte toute nouvelle tech­no­lo­gie (ou toute nouvelle itéra­tion car on a toujours tendance à préfé­rer ce qu’on s’est habi­tué à entendre), la faute en revient surtout aux maisons de disques qui ont bien souvent bâclé la numé­ri­sa­tion de leur cata­logue en faisant l’éco­no­mie d’un vrai nouveau maste­ring adapté au support numé­rique : songez qu’on trou­vait même alors dans le commerce des CD enre­gis­trés au cul de l’élec­tro­phone, avec tout ce que cela implique de craque­ments et d’éga­li­sa­tion RIAA ! Et lorsqu’après avoir vendu à prix d’or ces mauvais trans­ferts (sans que rien ne justi­fie un surcoût, le CD était vendu bien plus cher que le vinyle), il fut ques­tion d’en­fin remas­te­ri­ser les albums pour pous­ser le consom­ma­teurs à les rache­ter encore, souli­gnons qu’il fut surtout ques­tion d’aug­men­ter le volume global des morceaux en compres­sant le signal à son maxi­mum parce que, par le biais d’un effet psychoa­cous­tique observé dès les années 50, ce qui sonne plus fort nous semble toujours sonner mieux et se vend par consé­quent mieux.

La Loud­ness War, comme on a coutume de l’ap­pe­ler, abou­tit ainsi à un fameux para­doxe : alors que la dyna­mique de l’au­dio­nu­mé­rique en 44/16 est large­ment supé­rieure à celle du vinyle ou de la bande magné­tique, les réédi­tions numé­riques proposent souvent une dyna­mique moins grande que sur les supports analo­giques (et donc moins de nuances dans la musique) et présentent même de la distor­sion dans certains cas qui ont fait scan­dale (Death Magne­tic de Metal­lica ou encore Cali­for­ni­ca­tion des Red Hot Chili Peppers). À l’heure actuelle, quan­tité de chefs d’œuvres n’ont d’ailleurs toujours pas fait l’objet d’une édition numé­rique digne de ce nom, d’où la mauvaise répu­ta­tion du CD chez certains mélo­manes qui incri­minent le format et plus globa­le­ment l’au­dio­nu­mé­rique au lieu d’in­cri­mi­ner les maisons de disques, vrais coupables dans cette affaire. Suprême ironie de la chose : comme il n’y pas de raison de ne pas prendre le consom­ma­teur pour un imbé­cile jusqu’au bout, on réédite aujour­d’hui des vinyles en partant parfois, faute de bandes masters, du CD… 

Bref, autant il est vain de défendre la supé­rio­rité du vinyle sur le CD d’un point de vue tech­no­lo­gique, autant on trouve dans les faits bien des albums qui sonnent moins bien en CD qu’en vinyle parce que le trans­fert a été bâclé. Pour le reste, on en revient aux goûts et aux couleurs concer­nant la colo­ra­tion que peut appor­ter un support et ses « défauts ». Chab, ingé­nieur ayant réalisé le maste­ring vinyle de l’al­bum Random Access Memo­ries de Daft Punk, explique que par rapport au master numé­rique, il s’est contenté de couper dans le grave et l’aigu pour s’adap­ter aux limites du vinyle, ce qui n’a pas empê­ché nombre d’au­di­teurs de préfé­rer le son sur ce format, non parce qu’ils sont forcé­ment passéistes ou idiots, mais parce que le travail réalisé par l’in­gé­nieur et les parti­cu­la­ri­tés du vinyle ont accou­ché d’une pâte sonore qui leur plait plus que celle du CD (au point que certains étaient persuadé qu’un travail avait été fait sur la dyna­mique du master, ce qui n’est pas le cas). On en revient alors aux termes cités plus haut et à ce qu’ils cachent en réalité : la chaleur n’est autre que la « jolie » satu­ra­tion natu­relle appor­tée par le support, tandis que l’agres­si­vité suppo­sée de l’au­dio­nu­mé­rique tient dans le fait que contrai­re­ment à nombre de pres­sages vinyles où les aigus culmi­naient à 15–16 KHz, les version CD des albums montaient jusqu’à 20 KHz. Et oui, à l’oreille, les aigus, c’est agres­sif…

Soyons prag­ma­tique : soyons numé­rique ?

Vous l’au­rez compris : il ne m’ap­par­tient certai­ne­ment pas de discu­ter du goût des uns et des autres en matière d’es­thé­tique sonore, mais comme nous le souli­gnions plus haut, le choix entre enre­gis­treur analo­gique ou enre­gis­treur numé­rique pour votre home studio n’est pas qu’une ques­tion de goût, il est aussi une ques­tion de budget et de commo­dité. Pourquoi renon­cer à la solu­tion analo­gique ? Tout simple­ment parce que les gros magné­to­phones à bandes multi­pistes qu’on a utilisé en studio pendant des décen­nies ne sont plus fabriqués depuis long­temps et que le seul moyen d’en acqué­rir un serait de l’ache­ter d’oc­ca­sion. Si la chose demeure bien évidem­ment envi­sa­geable, il faut en outre avoir à l’es­prit les nombreuses contraintes que ce choix implique et qui ne sont pas forcé­ment gérables dans le contexte d’un home studio.

Citons en quatre que nous avons pour certains déjà évoqué :

  • Le coût de main­te­nance du magné­to­phone
    Un magné­to­phone multi­piste réclame un entre­tien régu­lier, voire des répa­ra­tions qui peuvent être d’au­tant plus compliquées lorsque les pièces déta­chées ne sont plus fabriquées. Et à moins d’être brico­leur, songez que cet entre­tien comme ces répa­ra­tions devront être faites par un spécia­liste dont le coût n’est proba­ble­ment pas dans le budget d’un home studiste.

  • Le coût de la bande
    Si un bon disque dur interne de 3 To ne coûte guère plus qu’une centaine d’eu­ros et vous permet­tra de stocker pas mal de données numé­riques (à titre d’exemple, avec une réso­lu­tion d’en­re­gis­tre­ment CD de 44,1 kHz / 16 bits, vous pour­rez stocker plus de 9000 projets conte­nant chacun 6 pistes mono d’une durée de 4 mn), l’équi­valent en bandes magné­tiques aura vite faite de vous coûter beau­coup plus cher si vous souhai­tez conser­ver vos oeuvres… Et même dans le cas contraire, ne comp­tez pas trop sur l’as­pect réins­crip­tible de la bande magné­tique : contrai­re­ment à un support numé­rique exem­plaire sur ce point, une bande magné­tique va garder, comme nous l’avons vu, des traces des enre­gis­tre­ments passés à mesure qu’elle vieillit, ce qui se traduire par une sorte de réma­nence.

  • Le stockage des bandes
    Encore une fois, si l’on compare la taille d’un disque dur à son équi­valent en bandes, on comprend vite qu’il va falloir prévoir un espace non négli­geable pour ranger ces dernières, un espace qui se devra en outre d’être le plus idéal possible en termes de tempé­ra­ture comme d’hu­mi­dité.

  • La simpli­cité d’uti­li­sa­tion
    Inutile de dire qu’on ne peut pas faire de clic droit sur une bande pour savoir ce qu’elle contient : travailler avec des bandes, cela implique donc de docu­men­ter préci­sé­ment tout leur contenu à la seconde près (voire la milli­se­conde) pour retrou­ver faci­le­ment telle piste ou tel projet faci­le­ment par la suite. Par ailleurs, il ne suffit pas de cliquer sur une icône pour reve­nir au début d’une bande : il faut la rembo­bi­ner et si le temps requis par la chose ne gênera que les impa­tients, les contraintes que le support pose au montage sont toutes autres : le bon vieux couper/coller que l’on fait en deux raccour­cis-claviers dans un trai­te­ment de texte repren­dra ici son sens litté­ral vu qu’il s’agira de couper la portion de bande à dépla­cer au cutter pour la recol­ler à un autre endroit. Des gestes à apprendre et à répé­ter avant de bien les maîtri­ser et de réali­ser des montages parfaits.

Tout ça pour quoi au fait ? Pour avoir le fameux son de la bande, sachant que de toutes façons, lorsque vien­dra le moment de diffu­ser vos oeuvres, il faudra de toutes façons les numé­ri­ser parce que tous les médias audio­vi­suels sont passés au numé­rique et qu’au-delà des radios et des télés, c’est aujour­d’hui sur Spotify, Youtube, iTunes ou Amazon que se joue le succès d’une chan­son ? Allons bon, faites vos comptes et esti­mez votre budget : vous vous rendrez vite compte que oui, Lenny Kravitz et Jack White peuvent se permettre ce genre d’ex­cen­tri­ci­tés, mais pas vous.

Informatique musicale : 4pistesEt si vous teniez vrai­ment à l’en­re­gis­tre­ment analo­gique malgré tout, je ne saurais que trop vous conseiller alors d’aban­don­ner l’idée de faire cela vous-même et de vous rendre dans un studio dont c’est la spécia­lité, comme Kerwax en Bretagne, où vous trou­ve­rez le maté­riel qui vous fait sali­ver et des gens sachant l’uti­li­ser. Vous ferez non seule­ment des écono­mies mais obtien­drez à la fin un résul­tat bien meilleur tout en gagnant du temps.

Les plus rageux de la bande me diront que dans le contexte d’un home studio roots et vintage, on peut tout à fait aussi s’équi­per d’un 4 pistes à cassettes que l’on déni­chera pour pas cher dans les occa­sions d’Au­dio­fan­zine ou dans un vide grenier. C’est vrai : on peut le faire car, après tout, le Nebraska de Spring­steen a été enre­gis­tré de la sorte. Mais compre­nez bien que sans avoir ni la qualité sonore de la bonne grosse bande ni sa souplesse (le montage sur cassette est un sport qui compte moins de licen­ciés que le culring subaqua­tique), vous limi­te­rez gran­de­ment vos possi­bi­li­tés… ce qui, nous le verrons toute­fois ulté­rieu­re­ment, n’est pas forcé­ment inin­té­res­sant.

Ceci étant dit, reve­nons à nos moutons numé­riques (dont on se demande bien à quoi ils rêvent) en détaillant l’op­tion la plus évidente qui se présente à nous : l’en­re­gis­tre­ment via un enre­gis­treur numé­rique ou un ordi­na­teur.

L’or­di­na­teur roi

C’est un fait : quasi­ment tous les studios d’en­re­gis­tre­ment s’ar­ti­culent aujour­d’hui autour d’un ordi­na­teur et, à moins d’être fonciè­re­ment aller­gique à l’in­for­ma­tique, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas aussi le cas de votre Home Studio. Depuis les années 90 en effet, ce dernier s’est peu à peu installé dans l’écra­sante majo­rité des studios où il n’a cessé de se rendre de plus en plus indis­pen­sable, profi­tant de péri­phé­riques et de logi­ciels toujours plus puis­sants, ergo­no­miques et poly­va­lents.

homestudiordinateurPrin­ci­pal logi­ciel utilisé pour la produc­tion musi­cale, la STAN (ou DAW en anglais – voir l’en­ca­dré) était, dès son inven­tion, bien plus qu’un simple enre­gis­treur multi­piste : elle révo­lu­tion­nait le montage et l’édi­tion audio avec des fonc­tions aussi « bêtes » que le couper/copier/coller et la possi­bi­lité de sauve­gar­der autant de versions d’un projet que néces­saire sans aucune dégra­da­tion du signal origi­nal, ou encore la possi­bi­lité d’an­nu­ler une ou plusieurs opéra­tions malheu­reu­ses… voire de reve­nir sur ces annu­la­tions. Comme nous l’avons vu, avant l’es­sor du numé­rique et de l’in­for­ma­tique, tout se faisait sur bande de manière destruc­tive (mieux valait ne pas se rater !) tandis qu’on passait son temps à rembo­bi­ner les bandes magné­tiques et à docu­men­ter préci­sé­ment le minu­tage de ce qu’elles conte­naient pour ne pas perdre de temps ensuite dans les multiples opéra­tions de calage. Rien qu’à cause de ces dernières, on comprend qu’un studio ne pouvait autre­fois fonc­tion­ner de manière opti­male sans la présence d’as­sis­tants prenant en charge ces basses besognes, ce qui a un coût.

Au fil des années, les STAN n’ont en outre cessé de faire des progrès, ne se conten­tant plus d’être de simples magné­to­phones et banc de montage logi­ciels mais cumu­lant des fonc­tions réser­vées à quan­tité d’autres équi­pe­ments. C’est ainsi qu’on trouve dans les STAN une table de mixage en plus de myriades de fonc­tions toutes plus intel­li­gentes les unes que les autres : auto­ma­ti­ser des réglages (on appelle cela des auto­ma­tions), jouer après coup sur le tempo ou la hauteur tonale des enre­gis­tre­ments (via des algo­rithmes de Time Stret­ching ou de Pitch Shif­ting), reca­ler des enre­gis­tre­ments sur les temps ou sur un groove parti­cu­lier (ce qu’on appelle la quan­ti­sa­tion), produire des parti­tions, etc.

Et c’est sans même parler des effets (égali­seurs, compres­seurs, réver­bé­ra­tions, amplis guitare, etc.) ou encore des instru­ments de musique : de la batte­rie aux synthés en passant par les pianos ou l’or­chestre sympho­nique au grand complet, les instru­ments virtuels ont envahi la musique, au niveau amateur comme profes­sion­nel. Vous vous souve­nez des synthés du Night Call de Kavinski ? Ils sont logi­ciels ! Tout comme quan­tité d’or­chestres sympho­niques qu’on entend sur les BO de jeux vidéos, de films ou de séries.

De fait, en dehors du local, les seules choses qui relèvent encore exclu­si­ve­ment du domaine du maté­riel sont les micro­phones, les enceintes, les casques, les câbles (encore que le nombre de ces derniers dimi­nue gran­de­ment avec les logi­ciels) et… l’or­di­na­teur donc, flanqué d’une inter­face audio ! Pour le reste, le soft a réponse à tout, au point d’avoir réel­le­ment boule­versé la manière dont on produit la musique à tous les niveaux : le temps, le budget, le person­nel néces­saires sont sans commune mesure avec ce qu’on obser­vait dans les années 70, avant l’ar­ri­vée de l’in­for­ma­tique. Et si les profes­sion­nels de l’au­dio demeurent malgré tout atta­ché à quan­tité d’équi­pe­ments maté­riels dont la table de mixage, s’ils sont encore nombreux à chan­ter les louanges de l’ana­lo­gique, il n’est pas rare de nos jours d’ap­prendre au détour d’une inter­view d’in­gé­nieur du son célèbre que le dernier disque de telle ou telle vedette a été mixé « in the box », c’est-à-dire avec des logi­ciels exclu­si­ve­ment, et sans le concours du moindre assis­tant.

Parce que l’or­di­na­teur est désor­mais lié à Inter­net, il n’est pas rare non plus d’ap­prendre qu’un album a été réalisé via une multi­tude de colla­bo­ra­tions à distance : on enre­gistre les batte­ries ici, les voix là, sachant que les titres seront mixés autre part et maste­ri­sés encore ailleurs, tandis que le client suit le bon dérou­le­ment de tout cela via son e-mail, sa Drop­box ou une plate­forme dédiée dans le Cloud. Bref, il n’y a rien d’exa­géré à parler de révo­lu­tion du studio et du home studio après l’avè­ne­ment de l’in­for­ma­tique musi­cale car que ce soit au niveau des tâches mêmes de la produc­tion audio comme du coût d’un album, de l’ac­cès aux outils ou de la façon dont on colla­bore désor­mais, l’or­di­na­teur a tout changé.

A ce point précis, alors que mon propos sur la MAO (Musique Assis­tée par Ordi­na­teur) fait montre d’un enthou­siasme zélé et, avouons-le, un brin provo­ca­teur, j’ima­gine une grosse veine battre sur la tempe des aficio­na­dos du bon vieux maté­riel. Aussi n’al­lons nous pas nous dégon­fler en sautant à pieds joints dans le plat de lasagnes de cheval, et en abor­dant l’un des plus terribles débats ayant secoué (et secouant encore) le petit monde de l’au­dio après Analo­gique Vs Numé­rique… Maté­riel Vs Logi­ciel !

← Article précédent dans la série :
Petite histoire des enregistreurs audio
Article suivant dans la série :
Comment meubler son home studio ? →

Vous souhaitez réagir à cet article ?

Se connecter
Devenir membre