Après une série d’instruments à cordes remarquée, l’éditeur Orange Tree Samples se diversifie, avec notamment sa version virtuelle d’une flûte traversière.
On connait les éditeurs mastodontes d’instruments virtuels et de bibliothèques d’échantillons notamment par leur puissance de communication, dont toutes les sorties sont relayées par la presse magazine et internet. Ce même internet, et notamment AF, permet aussi de faire connaître des éditeurs plus discrets, mais pas forcément moins compétents. Certains dament même le pion aux installés, grâce à une démarche ayant précisément ciblé les manques ou le désintérêt envers tel instrument, tel genre, telle technique, etc.
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Parmi ces éditeurs, Orange Tree Samples, qui s’est au départ consacré aux banques d’échantillons de guitare, puis a attaqué le domaine des basses avec notamment la (superbe) Iconic Bass. Il s’est aussi orienté vers des instruments plus exotiques dans sa série World Instruments. Son dernier produit en date est une banque d’échantillons de flûte traversière, hors du son classique que l’on peut trouver chez les éditeurs de banques orchestrales, et dont le nom continue à montrer le goût de l’éditeur pour les fruits, Passion Flute.
Introducing Orange Tree Samples Passion Flute
La bibliothèque sera achetée directement sur le site de l’éditeur (92,39 euros), est compatible Kontakt, à partir de la version 4, et exclusivement pour la version complète. Dès l’achat, l’éditeur envoie un mail contenant les liens permettant de télécharger les fichiers relatifs à l’instrument (Core Engine Files), ainsi que les trois fichiers contenant les échantillons, le tout pesant un peu moins de 800 Mo (1,15 Go de samples).
L’installation est très simple, la documentation, les programmes spécifiques à Kontakt ainsi que le dossier des échantillons (en 24 bits, 48 kHz) prennent leur place automatiquement. On ne dispose que d’un seul préset, Passion Flute.nki, chargeons-le.
Recettes du soufflé
L’instrument offre une interface dotée de trois fenêtres Perform, Mixing et Settings. La première, très simplifiée, présente une symbolisation des clés de l’instrument, en surimposition sur un quasi-cercle, qui nous informe sur la durée de souffle de l’instrumentiste (en simulant la disparition de la couleur brune dans le sens inverse des aiguilles d’une montre), afin de ne pas jouer des notes ou phrases trop longues. Dans la réalité, la technique de respiration circulaire permet de s’affranchir de ces limites, mais on apprécie l’information. Tout comme on apprécie la visualisation en temps réel des doigtés suivant les notes, ce qui peut aider à comprendre quand un enchaînement de notes peut être trop acrobatique.
La seconde, Mixing, nous révèle les quatre prises de son différentes, les trois premières, mono, assurées par un Rode NT2-A, un RCA77 et un Earthworks QTC1, la dernière, stéréo, confiée à une paire d’Audix SCX25. Chaque source est dotée d’un Fader de volume, d’un Mute, d’un Solo et d’un Pan. Les deux premières sont effectuées en proximité, la troisième à distance moyenne et la dernière prend le son du studio hôte.
On charge/vide les échantillons en cliquant en deux fois sur l’icône du micro. L’impossibilité dans un premier temps de charger ceux de la voix RCA a laissé croire à un bug. Mais après réinstallation des fichiers Core Engine Files, mise à la poubelle des préférences Kontakt, tout est rentré dans l’ordre.
Voici une petite phrase faisant entendre les différentes prises de son dans l’ordre spécifié ci-dessus.
On reprend la même phrase avec différents présets accessibles via l’interface, mémorisant tous les réglages, une bonne idée plutôt que de se retrouver avec de multiples .nki dans le dossier maître.
La fenêtre présente encore pour chaque prise des réglages de sortie (dépendants de celles configurées dans Kontakt), et de deux slots d’effets (avec Bypass), effets à choisir entre Inserts (EQ, compression, saturation, distorsion) et Sends (Flanger, Delay et Reverb). Les Inserts sont communs, mais les réglages (y compris Bypass) se font micro par micro. Les Sends sont eux globaux. Les effets étant les classiques intégrés à Kontakt (3-band EQ, Skreamer, etc.), on ne détaillera pas leur comportement.
Dernière page, très importante, Settings, permet de sélectionner les réactions de l’instrument. Expression pourra être pilotée par une pédale ou un fader sur Midi CC 11, mais aussi via un breath controller (CC2), l’éditeur ayant pris soin de rendre compatible sa banque avec ce type de contrôleur. Quatre curseurs disposent de possibilités d’asservissement automatique, Dynamics, Vib Speed, Vib Depth et Vib Delay. Ce vibrato est modélisé, et est assez étonnant grâce à de bonnes détection et interprétation du jeu en temps réel.
Le dernier curseur, Harmonics, permettra d’ajouter les… harmoniques.
Le son du soufflé
Un coup d’œil dans les menus d’édition montre un mapping touffu. On peut visualiser les dix groupes, cinq Mains regroupant les différentes prises et cinq Effects fournissant les effets et phrases intégrés par l’éditeur. Ces derniers éléments ont été ajoutés à la banque, certains phrasés étant difficiles à reproduire (pour le moment ?) avec du virtuel. On y accède via KeySwitch (sur trois notes, différents effets et phrases). Ces KeySwitches, ainsi que celui permettant d’appeler un son de respiration (C-2) sont les seuls de l’instrument, tout le reste se faisant en direct, par analyse du jeu et par un scripting intensif (on apprécie le fait que l’éditeur ait laissé l’accès libre aux scripts, cela peut donner des idées, aider à comprendre, etc.).
On dispose, par prise de son, de cinq layers de vélocité avec morphing de l’un à l’autre, et de quatre échantillons de Round Robin par layer. Legato, doigtés et doigtés alternatifs sont modélisés plutôt que faisant appel à des échantillons dédiés. Voici d’abord quelques notes faisant entendre les passages d’un layer à l’autre.
L’exemple suivant fait entendre une note tenue et montée dynamiquement via l’Expression, avec le léger effet de pitch produit par la diminution du souffle, bien vu. On peut aussi entendre le bruit de respiration placé par le script.
Puis quelques exemples de Round Robin.
On voit que l’on pourra facilement réussir les notes répétées, typiques de certains flûtistes. Enfin, voici une petite séquence (largement inspirée par…) faisant appel à plusieurs des ressources de l’instrument.
On apprécie les notes en « overblowing » et la sonorité globale de l’instrument, un peu moins sauvages que celles de R.R. Kirk, plutôt réminiscentes des flûtistes jazz et fusion comme Jeremy Steig, Herbie Mann ou James Moody, d’un inclassable comme Hermeto Pascoal et bien sûr, dans un tout autre genre, de Ian Anderson de Jethro Tull. Seul petit défaut, quelques très rares notes ont un bouclage un peu trop audible au niveau de la modulation de la note seulement, car il n’y a pas de clics (en même temps, je ne suis pas sûr d’avoir entendu les plus de 4600 échantillons, mais rien d’immédiatement notable comme dans d’autres produits).
Téléchargez les sons ici : flac.zip
Bilan
Le principal atout de la bibliothèque est sa très grande et immédiate musicalité. Au lieu de concevoir un instrument faisant appel à une foultitude de KeySwitches, de contrôles via molettes, curseurs et autres éléments à manipuler pendant le jeu, l’éditeur a développé un instrument direct, avec une utilisation particulièrement bien pensée des scripts (notamment pour le vibrato, et ce même si on peut souhaiter prendre la main), son utilisation étant un réel plaisir avec un breath controller ou une simple pédale d’expression. Et le son est exactement celui que revendique la bibliothèque, à savoir une flûte parfaite pour les contextes jazz et moderne, ce dernier terme allant du progressif des 70’s aux contextes plus formellement libres actuels, la prise de son multiple permettant de sculpter le son désiré. Une belle réussite.