Après son excellente Orchestral String Runs, l’éditeur Orchestral Tools présente Symphonic Sphere. Quel nouvel «outil orchestral» est-il donc mis à disposition du compositeur ?
Face aux deux mastodontes de la banque orchestrale généraliste que sont VSL et EastWest, et malgré quelques outsiders plus ou moins connus (SONiVOX ex Sonic Implants, Kirk Hunter, etc.), les éditeurs récemment arrivés ne peuvent qu’avoir du mal à lutter sur le terrain des deux premiers. Les moyens ne sont en général pas les mêmes, ni techniques, ni du point de vue du marketing. Il faut donc, c’est le B.A.-BA du commerce (pour autant que je m’y connaisse…), chercher à occuper un autre terrain, soit technologique (comme la modélisation, comme Wallander ou Synful Orchestra), soit par destination ou approche (Garritan Orchestra, conçu pour les petits budgets et un public amateur ou semi-pro). Ou envisager des solutions regroupant ces deux solutions, plus d’autres (liste non exhaustive) : ainsi Project SAM, avec ses Symphobia et son récent Orchestral Essentials (voir test ici), ou AudioBro et son LASS et son principe de divisi, fondamental en écriture pour ne pas se retrouver avec des phrases à deux voix jouées par 28 violons, ou USB et ses IRCAM Solo Instruments aux nombreuses articulations ou encore Orchestral Tools avec son Orchestral Strings Run, étonnante solution de création de runs, traits aux cordes (test ici).
Bref, choisir une approche qui propose des sons rarement entendus, ou des solutions à des problématiques d’écriture et de jeu. L’éditeur Orchestral Tools nous propose avec Symphonic Sphere sa deuxième production suivant cet axe, avec un accent mis sur les trilles, qui jusqu’à présent, sont souvent proposés de façon figée (tempo fixe, sans nécessairement de variations) et sur une tessiture limitée. Mais n’allons pas trop vite…
Introducing Orchestral Tools Symphonic Sphere
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La bibliothèque est au format Kontakt (à partir de la version 4.2.3, Kontakt Player inclus), est disponible directement sur le site de l’éditeur pour la somme de 399 euros. La compatibilité plug-in/système est celle de Kontakt, c’est-à-dire plutôt vaste. On pourra donc ainsi l’utiliser soit sous forme d’applications autonomée, soit sous forme de plug-in dans sa DAW préférée.
L’éditeur envoie le numéro de série ainsi qu’un lien vers la page de téléchargement (protégée par identifiant et mot de passe), d’où l’on téléchargera 16 fichiers .rar, l’un contenant les programmes, documentation et fichiers info pour Kontakt, les 15 autres (2,15 Go chaque sauf le dernier, 1,49 Go) regroupant les 43 Go d’échantillons 24 bits/48 kHz (ramenés à 29 Go grâce à la compression non destructive de Native Instruments). Il faut donc s’armer de patience, mais avec une bonne connexion, les choses vont (relativement) vite.
Téléchargement et installation s’effectuent sans problème, et suivant la procédure habituelle de ce type de bibliothèque. Il faudra l’autoriser via l’onglet Libraries de Kontakt et la fonction Add Library, le Service Center, bref, la routine.
Symphonic Sphere est constituée de sept dossiers, Violins, Violas, Celli, Basses, Woodwind Ens, Harp et Percussion. Chacun offre de trois à 18 programmes, le dossier Percussion étant lui divisé en huit dossiers correspondant à un instrument précis, contenant de un à trois programmes, pour un total de 80 instruments.
Articulations particulières
L’éditeur a fait appel au même orchestre employé lors de la précédente bibliothèque, que l’on suppose enregistré dans la même salle, et a repris le principe de prises de son multiples, à savoir en proximité (Close), avec la réverbération naturelle de la salle (avec un arbre Decca) et en position moyenne (avec un couple ORTF). On retrouve donc trois rotatifs sur chaque interface, ainsi que la plupart du temps un bouton Release Volume permettant de gérer le volume des échantillons de relâchement.
Même si l’attention a été portée aux articulations plus rares, l’éditeur nous offre quand même quelques programmes de base par instruments, afin de faciliter l’intégration des articulations entre elles, ainsi qu’avec d’autres bibliothèques (on trouvera la liste complète des articulations ici). La précédente banque avait montré qu’elle pouvait être facilement mixée avec celles d’autres éditeurs, et Symphonic Sphere répond exactement de la même manière ; c’est un des premiers points forts du produit.
Voici un exemple des 16 Violins Sustain Xfade, l’éditeur ayant inclus un réglage accessible de l’interface (Fade Vol.) et donc par contrôleur Midi afin de passer d’un layer de vélocité à l’autre (trois pour ce programme), ce qui est parfois plus réaliste qu’une simple réponse à la vélocité. Parfois, car on peut vouloir maintenir une note jouée forte par exemple, et jouer une deuxième voix avec des notes mp. Avec le système de volume par fade, ce n’est pas possible, à moins d’ouvrir un deuxième préset sur un autre canal Midi.
Autre ajout que l’on retrouvera sur de nombreux présets, des échantillons dits « loose », c’est-à-dire ne répondant pas normalement aux critères de qualité (mauvaise attaque, problème de justesse, de tenue, etc.), mais qui ont été inclus avec possibilité d’ajout (bouton Add Loose) ou de jeu seul (bouton Only Loose). Dans le cas d’un programme RR, pour Round Robin, le nombre d’échantillons disponibles s’ajoute à celui du programme normal.
Exemple avec ces violons Staccato RR, d’abord sans Loose, puis avec, et Loose seul pour finir.
Dans le cas des 16 Violins Pizzicato RR, on passe ainsi de deux échantillons RR à quatre si l’on active Loose. Si l’on sait se servir de Kontakt autrement que comme un simple lecteur, on peut tout bidouiller pour choisir ses groupes, échantillons, etc.
À propos de Pizzicato, voyons l’une des premières articulations plutôt rares, les Pizzicato Tremolo, quasi impossibles à programmer correctement à partir de simples échantillons de Pizz. L’exemple suivant fait entendre les trois pupitres de cordes, les contrebasses ne disposant pas de l’articulation.
Autre articulation intéressante, les trémolos sur le chevalet (sul ponti, sul ponticello). Ici le même exemple, avec l’ajout des contrebasses et montée des fades sur les trois premiers pupitres (les 6 Basses en étant dépourvues).
On apprécie le placement dans l’image stéréo dès l’ouverture d’un préset, ainsi que les volumes équilibrés, c’est un gain de temps certain, même si la main est laissée au compositeur (un peu moins en ce qui concerne les panoramiques, les enregistrements ayant été effectués selon la place habituelle des pupitres). Les bouclages sont très propres, rien à redire.
On dispose aussi de trémolos, de glissandi et de sustain pour les harmoniques (Flageolet, naturelles et artificielles).
Ici les violons.
Selon les pupitres, on trouve aussi des trémolos courts et longs, des trilles et trémolos en crescendos/decrescendos (nommés Sweeps), des trilles sul ponti, etc.
Script de génie ?
Trilles par ci, trilles par là, on en arrive au gros morceau de la bibliothèque, celui mis en avant par l’éditeur : le Trills Orchestrator. Si l’on trouve cette articulation, cet ornement, dans quasi toutes les banques orchestrales, c’est souvent dans des configurations au demi-ton et au ton, à un tempo figé. Ce que propose là Orchestral Tools, c’est un outil faisant appel aux possibilités de script de Kontakt (dont on ne dira jamais assez l’extraordinaire potentiel), et qui va permettre au compositeur non seulement d’effectuer des trilles de façon classique, par demi-ton et ton, mais aussi suivant tous les intervalles par demi-tons jusqu’à la quinte.
L’interface maison affiche les deux notes jouées. Il faut légèrement arpéger l’accord pour que le trille soit déclenché.
Voici un exemple de chaque trille des 8 Celli, avec progression par demi-tons.
Quand on ouvre l’éditeur, on s’aperçoit que chaque intervalle a été enregistré, puis mappé sur le clavier en prenant comme root note (la note de base) la plus basse du trille. Ainsi, on voit bien nos sept échantillons superposés. Le script appelle donc l’échantillon idoine après avoir reconnu l’intervalle joué. Pas de réponse à la vélocité ou via un Fade, il faudra donc utiliser l’expression ou le volume.
Là où l’éditeur fait fort, c’est que ces trilles ne se limitent pas à deux notes, mais sont capables de reproduire des accords trillés (chers à Messiaen ou Debussy, par exemple) et, en plus, selon deux modes (et ce jusqu’à 20 notes simultanées !).
Ainsi le premier, End-Tone=Start-Tone, permet d’additionner les notes les unes aux autres, en fonction de la dernière jouée, et ce deux par deux. Ainsi un Mi b–Fa sera trillé, puis quand on rajoutera par exemple un La b, le Fa déjà présent aura aussi fonction de note de départ. On entendra alors Mi b-Fa, et Fa-La b. Et ainsi de suite en prenant toujours la dernière note comme départ du trille.
Voilà ce que ça donne (avec plusieurs notes s’additionnant) sur le Woodwind Ensemble (on trouvera aussi dans cette famille un programme Staccato RR et un Sustain).
Le second mode, Start-Tone=Always New, permet de superposer de façon indépendante des accords de deux notes : en reprenant le premier exemple, on aura Mi b-Fa, puis si on joue le La b, il ne se passera rien d’autre que le trille Mib -Fa, tant qu’on n’aura pas rajouté une note au La b. Etc. Les notes fonctionnent deux par deux.
Voici le même exemple que précédemment.
Très belle réussite que ce programme, pas de keyswitches, pas de raccourcis ou de nécessité de charger plusieurs programmes pour un seul type de phrasé… On pourra tout juste dire qu’il y manque un ajustement au tempo de l’hôte. En l’état, rien n’empêche de faire un Bounce in place, et de traiter l’audio ainsi obtenu avec un plug ou un standalone de time-stretch (voir à ce sujet le comparatif qui se trouve ici).
Côté percus, et la surprise
Dans la famille percussions, on trouve de belles choses, comme cette Bassdrum dotée de trois programmes, dont Dynamics, qui propose trois roulements, long, moyen, court. Attention les basses…
Ou de beaux glissandos de Chimes, de Rainmaker, de Vibraphone. Ou encore un beau TamTam Tremolo.
Ou de très brillantes Finger Cymbals, des cloches ou divers roulements de cymbales effectués avec diverses mailloches.
Très beau son pour l’ensemble, rien à redire (si, on en voudrait plus…). L’éditeur aurait pu s’arrêter là, les articulations, sons et scripts proposés étant déjà fort bienvenus.
Mais non, il a souhaité inclure une harpe, mais dans une optique encore jamais proposée. Si l’on est toujours content de disposer des notes séparées d’une harpe, rien ne vaut, concernant glissandos et bisbigliandos réellement interprétés, notamment quand il s’agit pour les premiers de les faire dans des modes précis.
Orchestral Tools nous offre donc un programme Glissandi, permettant de passer par Keyswitch d’une tonalité à l’autre (touches roses), et par d’autres Keyswitches d’un mode à l’autre (touches vertes), les notes jouables (bleues) déclenchant alors sur le clavier neuf glissandos différents. Sur l’interface, deux champs indiquent la tonalité en cours, et le mode, mineur, majeur, pentatonique ou par tons (Do et Do # seulement, bien sûr). En voici quelques exemples.
Le programme Glissandi Beds propose quant à lui le même principe, mais avec des glissandos d’une durée de 40 secondes… On trouve ensuite une harpe dite normale, qui nous offre six octaves et une quarte d’échantillons très bien réalisée, avec échantillons de relâchement et quatre layers de vélocité.
Jusque-là, pas vraiment de surprise, me direz-vous, on trouve plus ou moins ce genre de programme chez d’autres éditeurs. Certes. Mais alors, que dire du programme Harp Normal PEDAL (c’est l’éditeur qui met des capitales…) ?
Eh bien, nous avons droit à une harpe virtuelle parfaitement fonctionnelle, à l’identique d’une vraie harpe. C’est-à-dire offrant un jeu de pédales complet à double mouvement (trois notes chaque, Ré, Do, Si, Mi, Fa, Sol, La), et ne disposant que de sept cordes par octave (les altérations étant donc possibles grâce aux pédales). L’intéressant étant alors la possibilité de créer des gammes particulières grâce à l’interface de l’éditeur, qui permet de stocker des préréglages de pédales pouvant être rappelés à n’importe quel moment.
Partons ici d’une phrase diatonique en Do, puis faisons-la jouer avec différents réglages de pédales.
Un très bon outil donc, pour jouer d’abord des parties de harpe réalistes, mais aussi pour essayer des phrasés différents.
Téléchargez les sons ici : wav.zip
Bilan
Que ce soit au niveau de la harpe ou des divers programmes des instruments à cordes, des vents et des percussions, l’éditeur nous propose encore une bibliothèque très bien enregistrée, dans l’exacte continuité d’Orchestral String Runs, et tout aussi capable que cette dernière de s’intégrer aux produits d’autres éditeurs. La triple prise de son permet de sculpter précisément une « acoustique » en profitant du son d’une salle réelle, enregistré avec d’excellents micros.
Le choix des articulations répond encore à des problématiques orchestrales souvent laissées de côté ou seulement accessibles dans le haut de gamme des concurrents. Quant au script de trilles et celui de harpe, ils sont aussi efficaces et performants que celui des Runs du précédent produit de l’éditeur.
Seul défaut constaté, l’action du pitchbend qui fait certes varier les notes, mais les fait se dédoubler : la note est maintenue, et l’on entend en même temps celle pitchée…
Cette banque n’est pas forcément prévue pour tous les utilisateurs et ne se prétend absolument pas généraliste. Mais celui qui travaille à base de mock-ups orchestraux ou réalise des productions définitives avec des orchestres virtuels sera ravi de trouver autant d’outils immédiats, ergonomiques, résolvant nombre de problématiques et qui sonnent sous les doigts. Deuxième produit seulement, mais un éditeur à suivre, assurément.