La jeune marque française Tampco a encore frappé fort. Avec la All-Bender, ce n'est pas un, ni deux, ni trois, mais bien quatre circuits de Tone Bender rassemblés au sein du même châssis. Voyons ce qui se cache dans les entrailles de cette pédale made in France.
S’il y a bien une pédale légendaire dans le petit monde des effets pour guitare, c’est bien la Tone Bender. Apparue en Angleterre en 1965 et conçue par l’ingénieur électronicien Gary Stewart, la pédale est une réponse made in UK à la Gibson Maestro Fuzz-Tone. Ce circuit a connu beaucoup d’évolutions au fil des années, toutes aussi légendaire les unes que les autres. Quand Rodolphe Puccio, créateur de la marque Tampco m’a contacté à propos d’une pédale de fuzz qui regroupait les quatre circuits de Tone Bender, j’étais aux anges et n’avais qu’une hâte : recevoir la bête !
Le tour du propriétaire
Le châssis de l’All-Bender est assez stylé, il faut l’admettre. Son format est un peu encombrant, mais les connectiques placées sur le dessus permettent de lui trouver une place facilement sur un pedalboard bien chargé (je parle en connaissance de cause). Une jolie plaque en alu brossé imprimée au laser décore la pédale et porte le logo de la marque, le nom de la pédale et le joli sobriquet « Multifuzz Unit » ; tout un programme ! Sur la tranche inférieure de la pédale se trouve une autre plaque métallique portant le numéro de série. J’ai la chance d’avoir un exemplaire spécialement fait pour moi et qui porte le numéro « HUSH ».
Les contrôles de la pédale sont assez simples à comprendre. On a un réglage de volume de sortie (Level), un sélecteur rotatif à quatre positions qui permet de choisir quel circuit on souhaite utiliser (I, I.V, II ou III) et un réglage de gain par circuit. Comme la Tone Bender MKIII originale, le circuit labellisé III dispose de son réglage de tonalité. On alimente cette jolie réalisation made in France avec une tension de 9 volts centre négatif.
Les circuits utilisent tous des transistors au Silicium, transistors qui ne craignent donc pas les changements de température. Les modèles originaux utilisaient des transistors au Germanium qui offraient des performances différentes selon leur température. On connaît tous l’anecdote d’Eric Johnson qui plaçait ses fuzz au congélateur avant d’enregistrer… La pédale utilise des composants CMS pour ses quatre circuits indépendants et elle est True Bypass avec un relai.
C’est la première pédale Tampco que j’ai le plaisir d’avoir entre les pattes et la qualité de fabrication est impeccable. Le châssis a l’air très robuste et les potentiomètres exercent une bonne résistance ce qui permet des réglages fins (bien qu’une Tone Bender ne s’utilise globalement qu’avec tous les réglages à fond). Le sélecteur à quatre positions est lui aussi de bonne facture et verrouille bien les quatre positions. La LED d’activation change de couleur en fonction du circuit qu’on utilise, c’est très chouette. C’est une pédale que Rodolphe avait en tête depuis un moment et dont vous avez pu entendre un prototype il y a quelques semaines sur la chaîne YouTube de nos confrères niçois de chez PALF.
Multifuzz Unit
Bien que légendaire, la Tone Bender, quelle qu’en soit la version, n’a pas été beaucoup copiée. Beaucoup de circuits de fuzz modernes s’en inspirent, mais peu de fabricants se risquent à copier ces circuits pourtant à l’origine de la fuzz, au moins du côté britannique de l’Histoire. Sans plus attendre, j’attrape deux câbles de patch, un câble d’alimentation et j’installe l’All-Bender sur mon pedalboard pour rentrer dans le vif du sujet. Pour ce test, j’ai joué individuellement chaque circuit armé de ma fidèle Fender American Original Custom Telecaster ’62 et ai réalisé un dernier extrait audio dans lequel je joue le même riff en passant d’un circuit à l’autre, cette fois-ci avec ma Gibson SG ’61, fraîchement acquise.
Je n’ai pas trop trituré les réglages dans la mesure où j’ai trouvé que celui qui sonnait le mieux était le volume à fond et le gain (ou « Attack ») à fond aussi. Le circuit I qui reprend celui de la première version de la pédale, génère un son bien compressé et développe une quantité impressionnante de saturation. On entre presque sur le territoire de la grosse distorsion. Le grain est cependant très chouette et le circuit répond bien au volume de la guitare ce qui n’est pas forcément le cas sur l’originale. On reconnaît bien le son gras de la MKI et son côté un peu capricieux. Le réglage de gain est ici un vague réglage de Bias qui joue sur la tension d’alimentation des transistors sans trop changer le son.
Je passe sur le circuit I.V qui reprend donc les sonorités de la Tone Bender MKI.V. Le circuit d’époque est assez original parce qu’il n’utilise que deux transistors. Cette particularité en fait un cousin très proche d’une certaine Fuzz Face. Et en jouant avec ce circuit, ce lien de parenté est évident. On obtient véritablement un son de Fuzz Face, riche, bien chargé en basses et très réactif au potentiomètre de volume de la guitare. C’est très chouette. Les sensations de jeu sont au rendez-vous, je me suis régalé. Rodolphe a repris la structure précise du circuit de la Tone Bender MKI.V originale et ça se sent. Encore une fois, je suis très agréablement surpris par ce circuit.
- MKI.V01:59
- MKII02:28
Je bidouille le sélecteur et m’attaque au circuit II. Historiquement, peu de Tone Bender MKI.V ont été produites et la marque est passée rapidement à la version MKII. On retrouve donc l’architecture à trois transistors, mais avec cette fois-ci un côté beaucoup plus musical que la MKI à mon sens. On peut gérer le niveau de gain avec le volume de la guitare (raison pour laquelle on laisse le réglage à fond sur la pédale), c’est très sympa. À l’époque on retrouvait ce circuit dans les pédales Vox et JMI Tone Bender, Marshall Supa Fuzz et Park Fuzz Sound. Ce circuit réagit à merveille dans les aigus et se montre capricieux dans les basses, comme s’il avait du mal. C’est CE son que je trouve fantastique et on l’entend bien dans l’extrait audio. On retrouve cette sonorité grasse, épaisse et avec une couleur très vintage. En attaquant les cordes avec conviction (pour ne pas dire avec violence), on a l’impression que le circuit souffre un peu, ça se traduit par un son à la limite de l’explosion ; le même phénomène apparaît lors des gros glissés sur les cordes graves, c’est très satisfaisant. J’enclenche une dernière fois le secteur rotatif pour me diriger vers l’ultime circuit, reproduction de celui de la Tone Bender MKIII de 1968 apparue chez Vox et plus tard Sola Sound. Comme spécifié plus haut, ce circuit est le seul des quatre à disposer d’un réglage de tonalité. C’est également le seul dont j’ai baissé le niveau de gain au début, justement pour entendre précisément l’action de ce réglage de tonalité. Il agit un peu plus, selon moi, comme une sorte de « contour » des fréquences médiums. Sa course est moyennement longue, mais on peut quand même atteindre quelques variétés de sons. Cependant, j’ai préféré la sonorité avec ce réglage à fond (et le gain à fond également). Le son que développe ce circuit rappelle un peu celui d’une Fuzz Face (et de la Tone Bender MKI.V), mais avec plus de gain. L’architecture est assez semblable : un premier étage de gain qui amplifie le signal qui vient faire saturer le dernier transistor pour créer la fuzz.
Le premier étage de gain est ici occupé par deux transistors (on appelle cela un montage Darlington). Le son est assez chouette et rappelle une Fuzz Face survitaminée. Le réglage de tonalité ajoute un peu de polyvalence à l’ensemble. Le circuit réagit très bien au volume de la guitare et développe cette sonorité « au bord de l’explosion » que j’affectionne tout particulièrement. Les accords sonnent de manière vraiment énorme et les attaques sont retranscrites de façon moelleuse, grasse et spongieuse sauf quand on attaque très fort.
All-Bender all winner !
Si le concept est séduisant, le résultat final l’est tout autant. Disposer de quatre réinterprétations modernes des quatre circuits légendaires de Tone Bender est très agréable et permet de varier les plaisirs à volonté. J’ai eu une préférence pour le circuit I.V et ses sonorités très « Fuzz Facesques », mais chaque circuit possède son charme bien à lui. J’ai d’abord essayé la pédale sur un son clair très cristallin, mais ai finalement décidé d’enregistrer les extraits audio sur un très léger crunch typé Fender Tweed ce qui, à mon sens, fonctionne à merveille. La pédale s’est très bien entendu avec des micros simples, mais aussi avec les PAF installés dans ma SG. Si vous cherchez une Tone Bender typée, fiable et attachante, courez essayer cette All-Bender signée Tampco ! La pédale est disponible dès aujourd’hui sur le site PALF.FR et directement sur le site de la marque. Les 250 premiers exemplaires sont proposés au tarif de 199 €, la pédale passera ensuite à 249 € ce qui est très raisonnable.