Souvenez-vous, nous avions essayé l’excellente « Ridge » conçue par la marque française Kernom. Aujourd'hui, le fabricant présente la « MOHO », une fuzz avec des capacités originales que nous allons explorer dans ce test.
Caractéristiques
La MOHO est une fuzz d’origine française qui se distingue par son circuit totalement analogique contrôlé numériquement. Par ailleurs, le fabricant qualifie son produit de fuzz analogique « augmentée » du fait de l’utilisation d’une technologie brevetée appelée « Analog Morphing Core ». Cette dernière permet de reproduire un large éventail de variations sonores. La MOHO présente des caractéristiques esthétiques similaires à celles de la Ridge, sa grande sœur. Le boîtier est réalisé en aluminium avec une finition jaune orangé et mesure 11,2 cm x 16,4 cm x 5,2 cm pour un poids total de 850 grammes. Le design continue d’afficher un aspect futuriste avec des angles originaux et des petits symboles plutôt mystérieux. La face principale est composée de six potentiomètres en aluminium : VOLUME, POST TONE, PRE TONE, FUZZ, ELECTRICITY et MOOD. Ces derniers sont accompagnés de deux footswitches ON/OFF et PRESET. Deux petites LEDs complètent le tout.
La connectique se trouve sur la tranche supérieure et dispose d’une entrée et d’une sortie de type instrument. Il ne semble d’ailleurs pas possible de basculer sur un niveau ligne, contrairement à ce qui était le cas sur la Ridge. La prise « EXP » permet quant à elle de recevoir une pédale d’expression qui sera bien pratique pour passer en temps réel et de manière progressive du son réglé avec les potentiomètres à celui qui est sauvegardé dans la mémoire de la pédale. La MOHO est également dotée d’une connectique MIDI avec une double connexion IN/OUT au format TRS mini Jack de type A. En utilisant le protocole MIDI, il est possible de stocker 128 préréglages dans la mémoire interne et de les rappeler avec le contrôleur de son choix (Program Change). Par ailleurs, il sera possible d’agir sur l’ensemble des réglages de la MOHO en transmettant une information de type Control Change (CC). Pouvoir disposer du MIDI fait ici d’autant plus sens que, comme nous le verrons un plus loin dans ce test, cette fuzz ne manque pas de ressources créatives. C’est pourquoi pouvoir l’intégrer à un écosystème plus ou moins sophistiqué est bien vu. Toujours sur cette tranche supérieure, on retrouve la prise d’alimentation de type 9 VDC qui nécessite pas moins de 250 mA. Toutefois, la marque ne fournit pas le bloc d’alimentation. Enfin, la MOHO est une pédale de type True Bypass.
Il convient de souligner que Kernom conçoit ses pédales en France, mais elles sont fabriquées en Chine. Cependant, la qualité est tout simplement remarquable. Les matériaux sont robustes et la pédale est lourde. Le prix de vente observé au moment de la rédaction de ce test est de 349 euros.
Tout est dans le mood !
Tout comme pour sa grande sœur, le cœur du fonctionnement de la MOHO repose sur le potentiomètre MOOD. Celui-ci permet de basculer entre 5 types de fuzz en faisant varier le comportement des transistors. Kernom décrit de la manière suivante l’esprit de ces différents modes :
- MOOD 1: Early Fuzz
- MOOD 2: Psychédélique vintage
- MOOD 3: Grunge
- MOOD 4: Moderne à gain élevé
- MOOD 5: Ring-mod
Ce potentiomètre n’est pas cranté et chaque mode dispose d’une quasi-infinité de variations. Ainsi, en agissant sur le potentiomètre MOOD à l’intérieur d’un mode, on va venir progressivement modifier sa nature pour se rapprocher du mode suivant. C’est pourquoi les exemples disponibles dans ce test ne sont finalement que quelques idées parmi des centaines de combinaisons. Cela peut même être déroutant lors de la première utilisation, car le moindre mouvement du potentiomètre a tendance à modifier la nature du son. Le réglage noté PRE TONE joue également un rôle majeur. Lorsqu’il est tourné complètement à gauche, le son est renforcé en basses et a tendance à devenir très compressé. À l’inverse, en progressant vers la droite, le son va s’ouvrir et gagner en dynamique. En combinant simplement ces deux réglages, il est possible d’explorer un large éventail de textures sonores. En ce qui concerne le réglage POST TONE, il est plus classique et va agir sur la brillance globale. Le potentiomètre le plus original reste sans aucun doute celui qui est noté ELECTRICITY. Dans les quatre premiers modes, il agit comme un octaver qui vient se superposer au son original, avec une octave en moins dans un sens et une de plus dans l’autre. Dans le dernier mode, il va jouer sur la fréquence de modulation du ring modulator. Enfin, le potentiomètre noté FUZZ permet tout simplement de doser la quantité de gain. Afin que tout ceci soit plus parlant, je vous propose d’écouter quelques extraits sonores qui illustrent une fraction des possibilités offertes par la MOHO :
- 1 – MOOD 1 – PRE TONE 6 – POST TONE 5 – ELEC 5 – FUZZ 500:37
- 2 – MOOD 1 – PRE TONE 6 – POST TONE 4 – ELEC 10 – FUZZ 600:29
- 3 – MOOD 1 – PRE TONE 10 – POST TONE 10 – ELEC 1 – FUZZ 600:31
- 4 – MOOD 2 micros simples – PRE TONE 7 – POST TONE 6 – ELEC 5 – FUZZ 600:31
- 5 – MOOD 2 micros simples – PRE TONE 8 – POST TONE 7 – ELEC 2 – FUZZ 400:38
- 6 – MOOD 2 – PRE TONE 3 – POST TONE 10 – ELEC 10 – FUZZ 400:30
- 7 – MOOD 3 – Tout à midi00:24
- 8 – MOOD 3 micros simples – PRE TONE 3 – POST TONE 6 – ELEC 2 – FUZZ 300:31
- 9 – MOOD 4 – PRE TONE 5 – POST TONE 5 – ELEC 5 – FUZZ 700:24
- 10 – MOOD 4 micros simples – PRE TONE 10 – POST TONE 10 – ELEC 10 – FUZZ 400:31
- 11 – MOOD 4 – PRE TONE 4 – POST TONE 0 – ELEC 3 – FUZZ 600:45
- 12 – MOOD 4 – PRE TONE 4 – POST TONE 7 – ELEC 10 – FUZZ 800:29
- 13 – MOOD 5 – PRE TONE 3 – POST TONE 7 – ELEC variable – FUZZ 201:03
La prise en main de cette fuzz n’est pas forcément immédiate, car chaque potentiomètre va venir influencer la réaction globale de la pédale, parfois de manière drastique. En revanche, la quantité de sons pouvant être obtenus est tout simplement phénoménale. Par exemple, rien que sur les trois premiers extraits où le paramètre MOOD est réglé sur le premier mode, j’ai réussi à passer d’un son à peine saturé (MOOD à 0), très agréable à jouer du fait de sa légère compression, à une fuzz teintée d’un esprit très vintage (MOOD qui se rapproche du second mode). En réalité, on obtient ici la couleur d’une fuzz sous-alimentée à la texture velcro qui permet, sans trop d’efforts, de se retrouver avec un effet de gate presque incontrôlable selon comment sont ajustés les potentiomètres PRE TONE et FUZZ.
J’ai également été surpris par le comportement du réglage ELECTRICITY. S’il agit effectivement comme un octaver sur les quatre premiers modes, sa réaction peut parfois être imprévisible, comme on peut l’entendre dans le cinquième exemple joué sur le MOOD numéro 2 (fuzz vintage plus classique). La grande sensibilité de l’octaver à la dynamique de jeu est à l’origine des réactions qui semblent parfois aléatoires. Malgré tout, on arrive tout de même à obtenir un son d’octaver plutôt commun et stable en jouant sur les différents réglages. J’ai surtout préféré l’utiliser dans sa position la plus élevée, comme dans les exemples 2, 6 et 12. D’autre part, l’extrait numéro 13 montre comment ce potentiomètre va influencer la fréquence de modulation du ring modulator. Ce dernier mode est très particulier à utiliser avec des résultats parfois surprenants et absolument incompatibles avec un jeu de guitare conventionnel. Notez que l’action du potentiomètre MOOD est ici un peu altérée : il va agir sur le mélange des harmoniques générées par le ring modulator et le son original. En d’autres termes, ça réveille les voisins !
Les modes 3 et 4 sont quant à eux assez modernes et font référence à des sonorités de type Big Muff. Ici encore, la palette de textures sonores est conséquente, mais ces deux sections se sont révélés être plus faciles à contrôler. Par exemple, sur l’extrait numéro 7, j’ai laissé tous les réglages en position neutre et force est de constater que cela sonne très bien comme ça. J’ai d’ailleurs noté un phénomène assez intéressant : en montant le gain à fond avec le potentiomètre FUZZ, cela génère un larsen (même au casque) !
La MOHO a toujours su rester pertinente et très organique dans les sons qu’elle produit, même lorsque ces derniers se rapprochent de textures plutôt expérimentales et disons… bruyantes. Les sensations de jeu sont tout aussi excellentes. J’en ai profité pour tester la pédale sur des configurations différentes en branchant la fuzz dans un amplificateur à transistors (l’incontournable Peavey Bandit 112 du début du siècle), puis dans le canal clair du plugin Plini X de Neural DSP. Dans les deux cas, j’ai été agréablement surpris de constater à quel point la pédale s’adapte bien et préserve son identité sonore.
Pour finir, j’ai branché une pédale d’expression dans la prise « EXP ». L’utilisation est très simple : le mouvement de la pédale va basculer progressivement des réglages réels des potentiomètres aux réglages sauvegardés auxquels on accède grâce au footswitch PRESET. La pédale d’expression peut également être utilisée dans un contexte MIDI. Dans cette configuration, il sera possible de définir les valeurs de départ et d’arrivée d’un préréglage pour les faire varier progressivement. De surcroît, il est plutôt facile de procéder aux réglages MIDI et la documentation fournie par Kernom est très précise quant aux valeurs et aux actions des différents Control Change. Voici un exemple dans lequel je passe d’un ensemble de réglages à un autre :
La fuzz qui met tout le monde d’accord ?
Avec la MOHO, la marque française Kernom propose, une fois de plus, une pédale très singulière. Pouvoir disposer de variations quasi infinies de fuzz, des plus vintages aux plus modernes, avec toutes les nuances qui peuvent exister entre ces deux mondes, est une valeur ajoutée indéniable. Les sons délivrés par la MOHO sont organiques et les sensations de jeu sont excellentes. De plus, la MOHO gagne quelques points en raison de la disponibilité du protocole MIDI et de la possibilité d’utiliser une pédale d’expression pour passer progressivement d’un préréglage à un autre. Toutefois, cette machine aux multiples facettes demandera un petit temps de familiarisation avec les réglages qui, s’ils sont peu nombreux, ont une influence très « analogique » sur le son. Enfin, la qualité de fabrication est irréprochable et vient conforter l’idée que débourser 350 euros pour une fuzz est finalement tout à fait justifié.