4 guitares dont une 12 cordes, 3 ukulélés dont une 6 cordes et une mandoline : voilà qui fait un total de 52 cordes pour un instrument virtuel qui entend bien devenir la référence du domaine. Voyons ce qu’il en est.
Si l’on trouve des équivalents virtuels très crédibles pour la plupart des instruments, force est de constater que la guitare acoustique, en dépit de sa popularité, n’en est pas encore arrivée au point de réalisme des batteries, des pianos, des synthés ou des instruments orchestraux. Un cap a certes été franchi il y a quelques années avec la Real Guitar de MusicLab, puis avec les banques pour Kontakt d’Ilya Efimov ou les instruments d’Ample Sound. Mais malgré des choses très convaincantes chez ces trois éditeurs, force est d’admettre que la guitare acoustique virtuelle ultime n’existe toujours pas, certains pans du jeu guitaristique demeurant très artificiels chez les uns comme chez les autres.
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Avec Ample Sound ou Efimov, on dispose ainsi de leads et d’accords pincés relativement convaincants, mais le soufflé retombe dès qu’il s’agit de reproduire des strumming réalistes. Sensiblement meilleur sur ce point précis, Real Guitar ne parvient pas non plus à être pleinement crédible. Il y a donc une marge de progrès confortable que Vir2 entend bien exploiter en capitalisant sur l’expérience acquise avec ses produits précédents : le pack de guitares acoustiques Acoustic Legend HD et la guitare électrique Electri6ty.
Jeux de cordes
Proposé au format Kontakt 5, Acou6tics est une banque de 13 Go utilisable sans restriction avec le Free Kontakt Player. Si vous ne disposez pas de la version complète de Kontakt, il ne sera donc pas nécessaire d’investir dans le sampleur de Native Instruments pour l’utiliser, ce qui est appréciable compte tenu du prix a priori élevé d’Acou6tics : un peu moins de 300 €.
Notez toutefois que ce prix est à considérer en regard d’un contenu bien plus riche que ce que la concurrence propose en vendant ses guitares à l’unité. Embrassant la guitare acoustique au sens large du terme, Acou6tics vous propose en effet pas moins de 8 instruments à cordes pincées, sans distinction de jeu lead ou strum : une folk jouée aux doigts, la même jouée au médiator, une classique jouée aux doigts, une douze cordes, une mandoline, un ukulele en do, un autre en sol et enfin une Guitalele, hybride à 6 cordes se situant entre la guitare et le ukulele. Il y a de quoi faire donc, même si dans le registre guitaroïde, on aurait préféré troquer un des trois ukuleles contre une guitare à résonateur, un banjo ou, pourquoi pas, un autre modèle de guitare Folk, histoire de varier les plaisirs. Cela n’empêche pas Vir2 de proposer un des meilleurs rapports quantité/prix du marché avec un prix à l’instrument situé sous la barre des 40 €. Examinons à présent le soft dans les détails.
Sac de cordes
Proposé également en version General MIDI et décliné en différentes banques plus ou moins orientées vers une technique de jeu (polyphonique, legato, etc.), chaque instrument dispose d’une interface similaire se divisant en 4 onglets : MICS & FX, CHORDS, KEYSWITCHES et PLAYBACK. Un rapide tour au sein de ces derniers a vite fait de donner le vertige si l’on considère que chaque onglet comprend le plus souvent différents sous-onglets donnant accès à des dizaines de réglages. Touffu ? C’est le mot et on sent bien qu’il faudra de longues heures de pratique avec le manuel sur les genoux pour faire le tour du monstre, le logiciel gérant des aspects extrêmement fins du jeu de guitare comme les résonances sympathiques évidemment, mais aussi la dérive de la main droite lors d’un Strum (soit le fait que la main se déplace légèrement vers le chevalet lors de de son mouvement) ou encore le volume du bruit fait par le doigt lorsqu’après avoir gratté une corde, il butte sur la suivante…
Inutile de dire que mon propos n’étant pas de réécrire la doc, je ne vais pas vous détailler les myriades d’options disponibles, ce qui ne nous empêche pas de faire le tour du propriétaire, en commençant par l’onglet MICS & FX.
Bonjour micros
Cet onglet vous donne accès aux pages Mic1+Mic 2 et Piezo, chaque instrument ayant été enregistré au moyen d’un couple XY et d’un piezo. Sur chacune de ces pages qui permet d’activer/désactiver chacune des trois sources (et d’économiser des ressources lorsque vous en coupez une, les samples étant alors déchargés), on trouve des réglages de volume et de panoramique, mais aussi une section d’effets au chaînage fixe mais dont les éléments ont été judicieusement choisis : Transient Designer, EQ, compresseur, chorus, delay, reverb, distance et room, ces deux derniers permettant de jouer sur la distance des micros et le type de pièces au moyen d’un processeur à convolution.
La possibilité de gérer le panoramique des micros est notamment intéressante si l’on considère qu’avec le réglage par défaut, les guitares remplissent l’intégralité du champ stéréo, ce qui peut être pertinent pour un guitare-voix, mais peut s’avérer gênant dans un mix plus chargé. Notons aussi qu’a priori, dans le couple ayant servi à enregistrer, Mic1 semble être le micro orienté vers le manche même si la différence entre les deux micros n’est pas flagrante de prime abord sur le plan spectral : elle existe bien, mais elle n’est pas très marquée.
La captation des instruments n’en a pas moins été bien faite, et les samples qui en résultent ont été proprement édités. Vir2 a toutefois fait des choix esthétiques dans sa prise de son dont il est assez dur de se départir. Les instruments sont en effet très brillants quels qu’ils soient, et disposent d’une grosse attaque, présente même dans les faibles vélocités. Du coup, même en jouant sur ces dernières, ou sur l’EQ, le transient designer et en mouillant la gratte dans l’ambiance de la pièce et la réverb, on galère pour aller chercher des timbres plus doux sans perdre en définition. Je comptais augmenter le paramètre Distance pour régler cela, mais force fut de constater que, curieusement, celui-ci semble plus inhiber les graves et médiums que les aigus, à l’inverse de ce qui se passe dans la réalité avec un micro (plus on éloigne le micro, plus la prise devient terne a priori). Bref, en passant sur Mic1 uniquement et à force de traitements, il y a sans aucun doute moyen de moyenner avec l’instrument mais ne vous attendez pas non plus à des miracles sur ce point.
Chords raides
Comme dans toutes les guitares virtuelles évoluées, Acou6tics intègre un script de reconnaissance d’accords qui, s’il fonctionne plutôt bien dans ce sens où il reconnaît les accords qu’on lui soumet, tend souvent à compliquer les doigtés pour pas grand-chose, faisant un grand usage des cordes à vide et des barrés sur les accords les plus simples. Voyez ci-dessous les doigtés proposés par le script en prime intention sur un Si mineur et un Ré majeur…
Du coup, on utilisera l’onglet Chords pour préciser soi-même les doigtés à utiliser et revenir à des choses plus conventionnelles. Au moyen d’un potard, on fait défiler sur un diagramme les différentes variantes d’un même accord (voicings) jusqu’à trouver celle qui convient. C’est simple, même si on aurait aimé pouvoir directement cliquer dans le diagramme pour faire ses saisies directement. On aurait aussi aimé se passer de la chose pour les positions de base : à croire qu’aucun vrai guitariste n’a beta testé ce script.
Puisqu’on parle d’accords, précisons par ailleurs que, bien que le logiciel gère énormément de choses, dont les capodastres ou le Drop Tuning, il n’offre visiblement aucune possibilité en termes d’accordages alternatifs : un Drop D oui, mais un DADGAD non. La chose n’a rien de bien grave mais Vir2 semble avoir pensé à tant de détails qu’on est presque déçu de voir cet aspect mis de côté alors qu’il est fondamental dans le blues comme dans le Folk, ou le Rock.
Switch, Switch, Fanta Diallo
L’onglet KEYSWITCHES vous permet quant à lui de gérer les assignations des très nombreuses articulations disponibles aux touches de votre clavier. L’occasion de se rendre compte qu’on aura du mal à jouer d’Acou6tics avec un 25 touches et qu’un 61 voire un 88 touches avec pédales seront même chaudement conseillés pour disposer de suffisamment d’espace pour le jeu et les touches de fonction : bank keyswitches, normal keyswitches, forced keyswitches et Trigger key.
Je dois l’admettre : la consultation de la doc sur ce point m’a déclenché un fou rire nerveux à la première ouverture, non que cette dernière soit mal rédigée ou dans l’intention de faire rire, mais qu’on se dit à sa lecture qu’il va falloir sacrément réviser ses mappings avant de passer l’épreuve de guitare virtuelle. Le réalisme, sans doute, est à ce prix, et on reste songeur lorsqu’on découvre, en avançant dans le soft, que quantité d’options ne sont pas décrites dans le manuel… Songez que sur le modèle de guitare Nylon, Vir 2 vous propose même de paramétrer le positionnement de chaque doigt de la main droite…
Tour de chauffe
Dernier onglet et non des moindre, PLAYBACK et ses multiples sous-pages seront probablement l’endroit où vous passerez le plus clair de votre temps. Sur l’écran principal s’exhibent l’aperçu de l’instrument et surtout son manche qui affiche les notes détectées. En vis-à-vis de cela, 6 potards permettent un premier paramétrage de l’instrument : Pick direction, Pick position, Strum direction, Strum type, Strum speed et Strum voicing, complété par 6 autres réglages sur une deuxième page et par les options avancées dans lesquelles sont rangées un nombre incalculable de paramètres. Évidemment, ces réglages sont susceptibles de changer en fonction de l’instrument ou de la banque sélectionnée mais en vis-à-vis de cela, le jeu proprement dit se fera de la même façon la plupart du temps.
À l’inverse de nombre de ses concurrents, Vir2 n’a pas intégré de séquenceur de rythmique dans son logiciel, privilégiant une approche plus Live du jeu, comme dans le Real Guitar de MusicLab : on plaque un accord sur son clavier à la main gauche, laissant au soft le soin de le reconnaître et de l’adapter à la guitare, et on gratte plus ou moins de cordes avec la main droite grâce aux touches situées entre F5 et C6 qui, selon les cas, font un Strum ascendant ou descendant (mais cette alternance peut aussi être automatisée). Le système est intéressant dans ce qu’il propose une sorte de transposition du jeu guitaristique au clavier, la main gauche s’occupant de fretter, et la main droite de gratter. Quant au fait de savoir comment les notes doivent être jouées, cela dépend évidemment de la banque et de l’articulation choisie : dans le cas d’un patch polyphonique, si les notes sont jouées à moins de 25 ms d’intervalle, Acou6tics passe automatiquement en mode Strumming, cette valeur étant paramétrable.
Vous me direz qu’entre le tout Strum et le jeu legato, il y a un monde et qu’on veut par exemple pouvoir enrichir un accord de ré avec une trille entre le fa# et le sol. Et c’est pour cela que Vir2 a prévu un Forced Keyswitch qui permet d’être dans un mode hybride quand cela est nécessaire, et de jouer une note en hammer-pull off par exemple sans pour autant altérer les résonances de l’accord qu’on vient de jouer juste avant.
Bref, avec ses différentes touches de fonctions et ses articulations, Vir2 offre une solution pour recréer un grand nombre de techniques de jeu.
Voyez ici une trille avec la Nylon puis la Folk (notez au passage les résonances sympathiques sur la note finale à chaque fois)
- trillenylon 00:13
- trillewestern 00:13
Ici des glissandi, dont la vitesse sera évidemment paramétrable
Et un glissé entre trois accords, déjà nettement moins crédible, voire pas du tout, vu qu’on sent bien que les attaques des deux derniers accords ont juste été rabotées au moyen d’une enveloppe ADSR alors que la chose est sans doute un peu plus complexe que cela :
Parmi les plans intéressants, on dispose d’un excellent trémolo dont on contrôle le volume via la molette de modulation :
Évidemment, c’est très à propos pour faire pleurer la mandoline à l’italienne :
Et la vitesse est paramétrable :
Voici enfin un exemple mélangeant Hammers/pull-off et jeu en Palm Mute :
Bref, c’est assez complet et suivant les cas, relativement crédible, même si on déplore certains manques : à moins que je sois passé à côté de quelque chose, je n’ai pas réussi à jouer d’harmoniques autres que naturelles cependant qu’il semble ne pas exister de hammer/pull-off lorsqu’on est en Palm Mute.
Mais ce qui m’a gêné le plus souvent, c’est un manque certain de nuances et l’omniprésence des attaques ennuyeuse dès qu’on veut aller chercher un registre plus doux. Pour vérifier la chose, j’ai donc essayé de voir ce qu’il en était des paliers de vélocité, mais aussi du Round Robin. Et effectivement, il y a sur ce point quelques lacunes.
- mandolin velocity 00:13
- westernpick velocity 00:13
- westernfinger velocity 00:13
- 12strings velocity 00:13
- mandolin roundrobin 00:02
- westernpick roundrobin 00:02
- westernfinger roundrobin 00:02
- 12strings roundrobin 00:02
Comme on l’entend, le roundrobin fonctionne même si, suivant les cas, c’est l’attaque au médiator qui vraiment gênante et produit un « tacatac » vraiment lourd (surtout sur la mandoline et la 12 cordes).
Du côté des vélocités, on voit aussi que Vir2 a fait le job mais qu’il aurait pu faire mieux : si on ne perçoit pas de saut de vélocité proprement dit, on a souvent cette désagréable impression que les pianissimo et piano ne sont que des fortes joués à bas volume, à cause toujours de cette attaque trop marquée et qu’on trouve même sur les notes les plus faibles, là où le doigt ou le médiator devrait caresser la corde…
Inutile de dire que j’ai sauté sur les réglages de bruit de médiator pour corriger cela et je vous laisse apprécier le résultat avec le bruit de médiator à volume normal et 100 % d’occurrence sur le premier extrait, puis les deux paramètres ramenés à zéro sur le second. D’abord sur la Western :
- gtrpicknoisenormal 00:13
- gtrpicknoisezero 00:13
Puis sur la mandoline :
- picknoisenormal 00:13
- picknoisezero 00:13
Avouez que dans ce dernier cas, c’est un euphémisme de dire que le réglage est subtil et que par rapport aux produits concurrents sortis, entre autres, chez 8dio ou Bolder Sounds, on a vraiment l’impression que c’est Hulk qui joue de la Mandoline ici. Et c’est d’autant plus regrettable que ce côté bourrin se retrouve dans tous les instruments.
On s’en rend compte d’ailleurs sur les démos mêmes de l’éditeur comme sur cette vidéo à 1:10 où un passage de notes jouées piano sont clairement trop attaquées : trop d’ongle et pas assez de pulpe…
à comparer à :
La recréation de Vir2 a beau être bluffante au premier abord, elle n’en pêche pas moins sur certains aspects, même si le résultat force tout de même le respect. Mais dans ce genre de registre plus classique, je préfère de loin le rendu velouté et plus nuancé offert par la Nylon d’Efimov, ou par la nylon d’Ample Sound.
Voyons à présent ce qu’il en est du strumming.
Le grand méchant Strum
Bêtement, je m’étais fixé l’objectif de recréer une partie de guitare aussi simple que célèbre : l’intro du What’s Up des 4 Non Blondes. Mais sans doute parce que je suis bête et que l’instrument est trop intelligent pour moi, je ne suis jamais arrivé qu’à quelque chose de pas mal sans parvenir à quoi que ce soit de totalement convaincant. Sur la difficulté particulière du Strum, le soft fait mieux à mon sens qu’Ample Sound ou Efimov qui gèrent mal les attaques, release et les étouffements d’un accord à l’autre, produisant un son souvent trop robotique où l’on grille le MIDI.
Et c’est clair que Vir2 amène sa part de progrès dans le domaine, notamment parce qu’Acou6tics gère certaines choses intelligentes, comme le fait qu’en strum, pour passer d’un accord à un autre, on lâche souvent un accord à vide le temps que les doigts se déplacent. Comme ses concurrents, il offre également quantité de bruits de fond (médiator, glissement des doigts) ou le fait que certaines notes puissent être étouffées lors des strums (encore que j’ai l’impression que ces étouffements dont la quantité est configurable n’interviennent qu’aléatoirement et non en fonction d’un algo modélisant la pénibilité des mouvements du guitariste). On sent certes qu’il y a eu beaucoup de réflexion pour prendre en compte des choses très fines propres à la guitare, mais après avoir peaufiné les programmations, réglé des réglages et paramétré des paramètres, et bien qu’il fasse mieux dans ce compartiment que ses concurrents, Acou6tics ne se départit jamais d’une certaine raideur sur les strums : on entend trop bien toutes les notes, et l’ensemble manque de « glue », offrant cette sensation que l’accord joué est plus une somme de notes jouées en parallèle qu’un tout harmonieux. Et, quand bien même on pousse à fond les réglages d’humanisation, on peine à sentir l’humain derrière.
À titre d’exemple, je vous montre ce à quoi je suis arrivé avec mon What’s up. Un résultat qui peut faire illusion à l’arrière d’un mix mais qui, comme cela, ne trompera personne, et certainement pas un guitariste :
- whatsupfolk 00:16
- whatsupnylon 00:16
évidemment, vu que tout le monde a la chanson originale en tête, c’est d’autant plus dur d’être convaincu. Voici donc un exemple de rythmique lambda faisant usage des différents bruitages de blocage de cordes pour introduire des syncopes, sur la Western Picked, puis sur la 12 cordes. Observez au passage les transitions d’accords où l’on entend les cordes jouées à vide le temps que la main se déplace…
- strum guitar 00:24
- strum guitar12 00:24
Et pour finir un petit morceau que j’ai réalisé avec plusieurs instances de l’instrument, Trilian à la contrebasse, un Vintage Organs de Native et EZdrummer, sans me prendre plus que ça la tête sur le mixage : quelques coupe-bas, une réverb, et c’est marre.
Voyez que même si les choses ne sont pas parfaites, le bougre peut faire la blague, à plus forte raison quand on part du côté des Ukuleles ou de la Mandoline, parce que ces instruments présentent moins de nuances de base, sans doute, et que de ce fait on grille moins leur côté virtuel. On dispose aussi de tellement de paramètres sur lesquels agir qu’avec de la patience et de multiples tests, il y a fort à parier qu’on puisse améliorer encore le réalisme : sur le strum notamment, on a la possibilité de déterminer avec beaucoup de précision les paramètres du mouvement. A quelle vitesse et quelle vélocité commence et finit le mouvement, quelle sera l’influence de la vélocité sur la vitesse, et ce pour les strums ascendants comme descendants… Mais on peut encore jouer sur quantité de facteurs liés à l’humanisation, en définissant les probabilités qu’une corde qui devrait être jouée ne soit pas jouée accidentellement, ou au contraire, que le joueur accroche une corde qu’il n’aurait pas dû jouer, en plus des facteurs de placements et des notes étouffées.
J’en profite pour souligner une fonction bien sympa d’Acou6tics, soit la possibilité de jumeler deux instances du plug pour gérer au mieux le doublage de guitares (le soft s’assure alors de ne pas jouer la même partie des deux côtés). Autre aspect intéressant dans un contexte de doublage, le potard Voicing permet d’obtenir des doigtés alternatifs voire des transpositions des accords : idéal pour doubler à l’octave !
Bref, il y a de quoi faire, et comme en atteste les démos réalisées par l’éditeur, de quoi faire de très belles choses. Mais cette profusion d’options est paradoxalement le plus gros défaut du soft qui déporte sur l’utilisateur quantité de décisions qu’un musicien ne devrait pas avoir à prendre.
Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas à l’utilisateur de bidouiller la trentaine de sliders disponible dans la seule section humanisation pour obtenir quelque chose de crédible. Un unique slide +humain/-humain prenant en compte tous ces paramètres en arrière-plan eut été grandement préférable, pour peu que Vir2 ne se soit pas contenté d’inventorier les facteurs qui interviennent sur un jeu de guitare et de nous les balancer sans même les documenter, mais ait eu à cœur de modéliser les rapports qui existent entre eux.
Pour reprendre l’exemple du strum qui accélère ou ralentit cependant que la main dérive latéralement, j’imagine que ce mouvement correspond à une équation, un modèle physique relativement complexe que des acousticiens et des physiciens de l’IRCAM se feraient un bonheur d’observer et de modéliser en laboratoire. Or, je suis un musicien et non un scientifique, et si jolie et impressionnante soit-elle, je ne veux pas qu’on me tende une calculatrice pour faire un boulot qui n’est pas le mien : trouver parmi les milliards de combinaisons possibles celle qui va se rapprocher le plus de la réalité.
Vous me direz que tous ces réglages ont une valeur par défaut. Soit. Mais le problème, c’est que si ça ne sonne pas mal, ça ne sonne pas vrai pour autant…
Les limites de l’exercice
À n’en pas douter, Acou6tics offre plein de bonnes choses pour un prix somme toute raisonnable et il pourra rendre bien des services ici et là, à plus forte raison quand la plupart des sampleurs et ROMplers tout comme les workstations et arrangeurs hardware sont livrés avec des patches guitare de bien médiocre qualité la plupart du temps. Mais c’est hélas une usine à gaz et il faudra transpirer pour en tirer le meilleur. En outre, avec ses mappings velus et son parti pris de ne pas intégrer de séquenceur de rythmique pour privilégier une approche live, il semble se destiner aux claviéristes de bon niveau.
Reste que même s’il constitue une belle avancée dans sa tentative de gérer des choses très fines du jeu guitaristique, cet instrument virtuel n’en présente pas moins certains défauts : une brillance qui en ravira certains, mais en exaspèrera d’autres, un manque de nuances qui prononce une certaine raideur, et une programmation qui, sous couvert de privilégier le jeu live, n’en demeure pas moins ardue.
Acou6tics nous renvoie ainsi à une épineuse question : peut-on dire qu’un instrument virtuel est réussi quand, sans arriver à proposer un ersatz crédible de son modèle, il s’avère aussi difficile à jouer que ce dernier ? La question se pose d’autant plus qu’il semble que la plupart des éditeurs souhaitant proposer des guitares acoustiques virtuelles cherchent à enfoncer le même clou à chaque fois, avec une reproduction note à note de l’instrument. Or, si cela fonctionne plutôt bien pour les parties lead, ça n’a encore jamais été très convainquant en rythmique parce qu’il faudrait alors faire un peu plus que du sampling et modéliser physiquement des choses très complexes : toutes les variations de pression qu’on peut avoir à la main gauche, que ce soit en frettage ou en hammer/pull-off, toutes les façons qu’on peut avoir de gratter une corde avec la main droite, ou encore le fait que lorsque la main droite étouffe les cordes, le « chtonk » produit ne dégage pas le même son suivant ce qui est fretté à la main gauche… Assurément, j’imagine sans peine que pour prendre tout cela en compte, la recréation d’un unique instrument pourrait facilement nécessiter 30 Go de samples, et qu’il faudrait ensuite être en mesure de trouver des scripts et une interface qui permettent de piloter cela d’une façon humainement compréhensible.
Ce qui est dommage, c’est qu’à l’opposé de cette démarche certes ambitieuse mais ô combien complexe, on entrevoyait jadis des horizons simples et prometteurs avec le bon vieux Virtual Guitarist de Steinberg (qui pêchait surtout par un son daté et des boucles bien trop courtes pour qu’on n’ait pas le sentiment de bouclage), le Funk Guitarist de Scarbee, certes électrique mais parfait en termes de réalisme avec un fonctionnement très éloigné du temps réel (on espère voir le principe appliqué à l’acoustique), ou le Steel Strummer de 8dio qui, hélas, sur les démos écoutables sur le site de l’éditeur, semble avoir été produit à la truelle (les aigus tordent dans tous les sens) et se cantonne à 13 rythmiques quand on en voudrait 80. On mentionnera aussi l’Acoustic Guitar de Pettinhouse qui semble relativement intéressant mais que je n’ai jamais pu essayer…
Pour finir, répondons à la question que tout le monde se pose : Acou6tics fait-il mieux qu’Efimov, Ample Sound, ou le vieux Real Guitar ? Sur le strumming, absolument de mon point de vue, même si c’est encore perfectible, tandis que sur les autres compartiments du jeu et en termes de son comme de nuances, c’est beaucoup moins évident. Il garde toutefois cet avantage certain de proposer 8 instruments en 1 pour un prix attractif, ce qui en fait le pack de guitares le plus complet du moment sans pour autant devenir LA référence qu’on espérait.