Plus de 10 ans après sa sortie, l’étonnante guitare à modélisations de Line 6 continue de connaître des évolutions.
Le dernier grand bouleversement date de 2013 et de la sortie des simulations « HD », mais Line 6 ne s’en est pas arrêté là pour autant, modifiant son instrument sous l’égide de Yamaha. Le constructeur japonais a en effet racheté le spécialiste des solutions numériques pour guitaristes en 2013. De cette union est née une collaboration étroite entre les différentes équipes des deux structures, et cela s’est concrétisé dans le cadre de la Variax par la sortie du modèle Standard en 2015. Cette guitare conservait les sonorités classiques du système Variax, mais proposait une lutherie complètement remaniée calquée sur la gamme Pacifica de Yamaha. Nous n’avions pas encore eu l’occasion de tester l’instrument, et il était grand temps de combler notre retard.
Pacific Riff
La Variax est une guitare embarquant un système numérique lui permettant de simuler d’innombrables modèles de guitares électriques et acoustiques, et d’instruments plus ou moins exotiques (Dobro, 12 cordes, sitar, etc.). Cet instrument intègre donc « nativement » de multiples possibilités contrairement aux systèmes MIDI et aux différents multi-effets disponibles sur le marché, et c’est là sa grande force.
La Variax Standard s’inscrit dans la continuité des modèles JTV (James Tyler Variax). Elle conserve donc le système numérique de ses prédécesseurs, ainsi que de véritables micros magnétiques à l’inverse des anciennes Variax 300, 500, 600, et 700 qui en étaient dépourvues. La Standard reprend les courbes et la construction des très réputées guitares Pacifica de Yamaha. Pour rappel, ces modèles se sont rapidement imposés comme les guitares d’étude par excellence, voire un peu plus sur certains modèles haut de gamme.
Notre Variax est donc un instrument stratoïde au design un peu plus affuté que la version fabriquée par Fender. Côté bois, le corps est en aulne léger, le manche en érable, et la touche en palissandre. À l’image de son illustre modèle, elle est dotée d’un manche vissé et de trois micros simples. Il s’agit de single coils Alnico V. Elle embarque également un sélecteur à 5 positions, un potard de volume, un potard de tonalité, un chevalet vibrato typé vintage, des mécaniques à bains d’huile, et un sillet GraphTech. Notons aussi que la partie du corps de l’instrument sur laquelle repose le bras droit du guitariste est biseautée de façon à améliorer le confort.
Tout cela est très classique, mais il est particulièrement appréciable de pouvoir bénéficier d’une « vraie » guitare parfaitement fonctionnelle et indépendante lors de l’achat d’une Variax. Cette guitare est plutôt légère et confortable, même s’il aurait été agréable de bénéficier d’échancrures supplémentaires notamment au niveau de la poitrine. Le manche est ultra confortable, sans être trop typé « shredding » façon Ibanez. Il est un peu rond, mais plutôt fin, la touche est plate avec son radius de 13.25", et l’arrière est satiné. Il devrait vraiment convenir à la plupart des guitaristes. Le talon est proéminent, à la manière de la Strat classique, mais, personnellement, je m’en suis toujours accommodé. Enfin, les finitions sont impeccables, les mécaniques précises, et la guitare tient bien l’accord. Il faudra seulement veiller à ne pas trop user et abuser de la tige du vibrato. Hormis cela, la Variax Standard est clairement une réussite niveau conception et fabrication.
T.N.T.
Pour faire fonctionner son processeur numérique DSP, la Variax Standard embarque une batterie logée dans le dos de la guitare. L’autonomie annoncée est de plus de 12 h, ce qui devrait être largement suffisant. La nagivation entre les différents instruments simulés s’effectue par l’intermédiaire d’un potard rotatif cranté. Il vous donne accès à 10 banques de 5 sons, plus deux autres banques dédiées aux presets. Les 5 sons par banque sont accessibles via le sélecteur de micro. Voici la liste des 10 banques et les instruments reproduits :
T-Model
- Modèle basé sur une Telecaster Custom Fender de 1960
Spank
- Modèle basé sur une Fender Stratocaster de 1959
Lester
- Modèle basé sur une Gibson Les Paul Standard de 1959
Special
- Positions 1/3/5 basées sur une Gibson Les Paul Special de 1955
- Positions 2/4 basées sur une Gibson Firebird V de 1976
R-Billy
- Positions 1/3/5 basées sur une Gretsch 6120 de 1959
- Positions 2/4 basées sur une Gretsch Duo Jet de 1959
Chime
- Positions 1/3/5 basées sur une Rickenbacker 370 de 1966
- Positions 2/4 basées sur une Rickenbacker 360–12 de 1966
Semi
- Positions 1/3/5 basées sur une Gibson ES-335 de 1961
- Positions 2/4 basées sur une Epiphone Casino de 1964
Jazz Box
- Positions 1/3/5 basées sur une Gibson ES-175 de 1954
- Positions 2/4 basées sur une Gibson Super 400 de 1953
Acoustic
- Position 1 basée sur une Martin D-28 de 1959
- Position 2 basée sur une Martin D12–28 de 1970
- Position 3 basée sur une Martin O-18 de 1967
- Position 4 basée sur une Guild F212 de 1966
- Position 5 basée sur une Gibson J-200 de 1995
Reso
- Position 1 basée sur un Dobro Model 32 de 1935
- Position 2 inspirée du Coral Sitar
- Position 3 basée sur une Jerry Jones Shorthorn de 1999
- Position 4 inspirée d’un banjo Gibson Mastertone
- Position 1 basée sur un Tricone National de 1928
Pour les modèles de Telecaster (T-Model) et de Les Paul (Lester), les positions 2 et 4 simulent de micros différents (humbuckers pour la Tele, P90 pour la LP). Pour les modèles Acoustic et Reso, le potard de tonalité agit de la même façon que si vous bougiez le micro captant l’instrument. Il s’agit donc d’un réglage de tonalité classique uniquement avec les modèles de guitares électriques. Quant aux deux banques Custom, elles offrent 10 emplacements pour sauvegarder les modèles et accordages de votre choix. Vous pourrez ainsi facilement alterner entre vos sons favoris et ainsi vous adapter à votre set-list par exemple.
Un second potard rotatif cranté permet de modifier l’accordage à la volée. Le son de vos cordes sera ainsi traité numériquement, et vous obtiendrez une « simulation » d’accordage différent. Voici les accordages embarqués de base dans la Variax Standard :
- STANDARD E A D G B E
- DROP D D A D G B E
- 1/2 DOWN Eb Ab Db Gb Bb Eb
- DROP Db Db Ab Eb Gb Bb Eb
- 1 DOWN D G C F A D
- DADGAD D A D G A D
- OPEN D D A D F# A D
- BLUES G D G D G B D
- RESO G G B D G B D
- OPEN A E A C# E A E
- BARITONE B E A D F# B
Il est également possible de créer à tout moment n’importe quel accordage personnalisé. Il suffit de manipuler le potard d’accordage d’une certaine manière puis de jouer chaque corde référence de votre nouvel accordage. En barrant toutes les cordes d’une case de votre guitare et en les égrenant, vous créerez ainsi un accordage simulant l’utilisation d’un capodastre. C’est très facile à faire, et cela fonctionne à merveille.
Enfin, la Variax Standard possède deux sorties différentes : une sortie jack classique et une sortie numérique RJ45 pour connecter l’instrument à un ordinateur (grâce à un adaptateur USB) ou à des machines Line 6 compatibles.
How does it sound?
Vous le savez peut-être, la série de vidéos How Does It Sound d’Audiofanzine revient bientôt, et c’est aux pédales d’overdrive que nous nous attaquerons. En attendant, voici un comparatif de l’ensemble des modèles de la Variax Standard. Bon, d’accord, il n’y a en réalité qu’un seul instrument… Ce n’est pas vraiment un How Does It Sound, mais c’est quand même rigolo, non ?
Commençons avec le son pur des micros magnétiques.
- 1 Son Strat sans modélisations Clean 01:44
- 2 Son Strat sans modélisations Saturé 02:18
L’esprit Strat est clairement là. L’on retrouve le son des deux positions intermédiaires si typique. Les micros sont précis, claquants, et s’éclaircissent bien lorsque l’on baisse le potard de volume.
Passons à présent aux modélisations de guitares électriques.
- 3 Sons T Model Clean 01:52
- 4 Sons T Model Saturé 01:18
- 5 Sons Spank Clean 01:16
- 6 Sons Spank Saturé 02:12
- 7 Sons Lester Clean 01:12
- 8 Sons Lester Saturé 01:08
- 9 Sons Special Clean 01:24
- 10 Sons Special Saturés 01:20
- 11 Sons R Billy Clean 00:54
- 12 Sons R Billy Saturés 02:26
- 13 Sons Chime Clean 01:14
- 14 Sons Chime Saturé 00:58
- 15 Sons Semi Clean 01:42
- 16 Sons Semi Saturé 01:14
- 17 Sons Jazzbox Clean 01:18
- 18 Sons Jazzbox Saturé 01:04
Tout d’abord, il est important de noter la bonne réponse à la dynamique des modélisations. De plus, le son n’est jamais trop baveux ou trop criard. L’on sent une maîtrise réelle de la part de Line 6. Pour rentrer dans les détails, je regrette déjà l’absence d’un son de Tele vraiment brillant et agressif. Le son de la modélisation de Stratocaster pourrait être redondant avec les micros magnétiques, mais ce n’est pas le cas. Les sonorités sont plus feutrées, un peu moins funk, et devraient se prêter aisément à des morceaux bluesy. À propos du modèle Lester, c’est une Les Paul, et ça doit se savoir ! Le niveau de sortie est très élevé, et le son est puissant et gras. La guitare est littéralement boostée et les saturations bien plus épaisses. Les positions avec P90 sont dotées d’un gain évidemment plus mesuré, mais leur personnalité est aussi réellement différente. On retrouve d’ailleurs ces P90 sur la Special. J’aime bien ce modèle, on ressent vraiment les subtilités du P90 : c’est un micro simple à l’aise avec la finesse tout en offrant plus de grain et de chaleur. C’est assez bien retranscrit.
Les modèles R-Billy proposent des sons assez gras, mais moins puissant que la Les Paul. J’ai même cru percevoir le fameux Twang des Gretsch simulées. Toutefois, l’on ressent peut-être un peu trop la nature de la Variax Standard, qui reste avant tout une Strat avec les sonorités typiques de cet instrument. La Rickenbacker 12 cordes de la catégorie Chime est étonnante. Je suis trop peu expert en guitare de 12 cordes pour juger si la simulation est convaincante, mais l’effet a le mérite d’être là. Il pourra agrémenter quelques compositions, mais je le vois mal porté à lui seul une chanson tant les sonorités sont étranges. L’effet uni-son typique de la 12 corde est là, mais je le trouve un peu synthétique.
Enfin, j’ai été un peu déçu par les guitares hollow et semi hollow. Sur les modèles Semi, les sonorités sont certes agréables, mais les vibrations de la caisse et sa résonance si particulière manquent cruellement. Quant aux modèles Jazz Box, ils sont plutôt convaincants lorsque l’on se rapproche du micro manche, mais manquent tout de même de rondeur et de cette chaleur si caractéristique.
Écoutons maintenant les modèles Acoustic et Reso. Pour enregistrer ces sons, j’ai directement branché la Variax dans ma carte son UR22 pour ne pas passer par les simulations d’amplis du Kemper. Après tout, il s’agit d’instruments… acoustiques ! J’utilise parfois le bouton de tonalité pour modifier virtuellement le placement du micro.
- 19 Sons Acoustic 6 cordes 02:12
- 20 Sons Acoustic 12 cordes 01:00
- 21 Sons Reso Dobro (accordage Blues G) 01:02
- 22 Sons Reso Coral Sitar 00:38
- 23 Sons Reso Jerry Jones 00:44
- 24 Sons Reso Banjo 00:30
- 25 Sons Reso Tricone National (accordage DADGAD)(2) 01:32
Les guitares acoustiques sont parfois bluffantes, parfois frustrantes. Le strum un peu vif met à jour les petits défauts de la Variax. Il y a notamment encore des progrès à faire dans la gestion des fréquences basses. À l’inverse, j’ai été conquis dans le cadre d’un jeu plus subtil. Certaines finesses de la guitare acoustiques sont bien reproduites, et le plaisir est immédiat. Par curiosité, j’ai voulu comparer les sons acoustiques de la Variax Standard avec ses modèles HD, et ceux d’une Variax 600 sans ces fameux modèles HD. La différence était nette : le son est moins sourd et plus subtil. Le niveau de sortie de l’ancienne Variax est aussi plus fort.
Je suis un peu moins convaincu par le banjo et les deux guitares à résonateur. Ce sont des instruments trop différents d’une guitare électrique classique ! Les cordes sont différentes, l’action est différente, etc. Par exemple, l’attaque est bizarre sur le banjo. Il y a une petite saturation étrange, peut-être est-ce pour simuler une attaque façon picking ? Le jeu en slide pour la Dobro était difficile à cause de l’action assez basse de la Variax Standard. Pour autant, j’ai trouvé que le son faisait illusion. Il faut dire que je ne sais absolument pas comment me servir correctement d’un bottleneck, et que je n’ai pas pu exploiter ce modèle de façon optimale. Malgré toutes ces réserves, j’imagine qu’avec un peu de travail sur le mix il est possible de s’amuser et d’obtenir un morceau crédible.
Enfin, j’ai trouvé le changement d’accordage efficace, et toujours juste. Pourtant, j’avais parfois l’impression de percevoir le côté « cheat » numérique du système. Peut-être est-ce simplement dans ma tête (et mes a priori), ou peut-être ne retrouve-t-on pas complètement l’aspect naturel et l’harmonie d’un véritable accordage en open. Les sonorités de la guitare à vide perturbent aussi beaucoup la perception du son. Quoi qu’il en soit, je mettais rapidement mes réserves de côté dans le feu de l’action, notamment avec des sons saturés. Dans l’exemple qui suit, je reste presque toujours sur des accords de La, Sol, et Ré. La tonalité change, car je modifie les accordages, mais je joue pratiquement toujours les mêmes riffs sur ma guitare, au même endroit sur le manche.
Dans la Matrice
Les Variax sont compatibles avec le logiciel Workbench HD dédié au paramétrage des modèles. Il est donc possible de créer ses propres sonorités à partir d’un ordinateur, et ce, de façon bien plus fine qu’avec la guitare seule. Pour découvrir cela, je vous propose une vidéo dans laquelle je vous présente Workbench HD.
Est-ce que ça l’fait ?
La Variax Standard est une excellente surprise. Pour 649 euros, vous aurez une bonne guitare embarquant des simulations maîtrisées. Évidemment, il faudra être sensible à ce type de sonorités. En effet, toutes ces simulations n’ont pas vocation à remplacer de véritables instruments. Par exemple, le manche d’une Les Paul fait partie intégrante de sa personnalité, et l’on joue différemment sur une telle guitare. Le son est donc forcément différent ! Mais dans la plupart des cas, j’ai trouvé les sonorités convaincantes.
Je regrette principalement le manque de corps des modèles hollow et semi-hollow et la gestion du bas dans le cadre des simulations d’acoustiques. Quant aux instruments à cordes plus exotiques, Line 6 ne peut pas faire des miracles. Leur conception est radicalement différente, et il est impossible de jouer de la même manière sur une guitare électrique. Toutefois, en travaillant le mix et en adaptant son jeu de guitare il est envisageable d’obtenir un bon résultat pour agrémenter quelques chansons. Si vous souhaitez composer des morceaux véritablement centrés sur ces instruments, rien ne remplacera les vrais ! Je trouve aussi dommage qu’il n’y ait pas de simulations de guitares avec des cordes en nylon, ou de ukulélé. Et que dire de l’absence de guitares typées métal ou de simulations de micros actifs façon EMG ?
Pour revenir à des choses plus positives, j’ai vraiment apprécié le logiciel Workbench HD. La Variax est déjà un instrument très complet, mais les possibilités sont encore plus impressionnantes une fois la guitare connectée à un ordinateur. L’intégration avec les produits Line 6 compatibles est aussi impressionnante. J’ai pu tester cela avec le Helix, et la Variax Standard était une véritable extension du pédalier. Je pouvais la piloter depuis le multi-effets, l’intégrer à des presets avec des réglages spécifiques, etc.
Au final, je vois la Variax comme un instrument à part, et d’une polyvalence extrême. C’est le fantasme ultime des guitaristes polygames, des fous de l’accordage alternatif, des home studistes aventureux, et des artistes dont les compositions originales nécessitent de nombreux instruments en live. Si vous rentrez dans l’une de ces catégories, vous devriez sérieusement envisager son achat.