Sans refaire toute son histoire, la Telecaster est la première guitare « solid body » qui a été produite en série. Sa très grande réussite commerciale vient d’une part, de son côté « plug and play », et d’autre part de sa très grande robustesse de fabrication qui se résume à un corps simplement vissé à un manche par 4 vis. Cette simplicité lui a permis de traverser tous les styles, les genres et les âges.
La version que nous vous proposons aujourd’hui en test fait partie de la nouvelle mouture par Fender de sa série : « Vintage Reissue Series ». L’instrument affiche un prix en boutique de 1900€ environ. Sa conception et sa fabrication sont entièrement « MADE IN USA ». Même si les formes du corps et du manche de la Telecaster paraissent inchangées depuis sa création, au début des années cinquante, Fender n’a cessé de changer le galbe, mais également le radius de son manche, les contours du corps, les détails de la tête, les micros (simples ou doubles), les câblages, etc. Afin de concevoir cet instrument, la marque californienne s’est penchée (comme pour la réédition deStratocaster 56) sur de nombreux modèles originaux de l’époque. Les luthiers les ont soigneusement démontés, analysés, scrutés dans le moindre détail afin d’en capter toutes leurs subtilités et leur originalité.
La Telecaster 58 est disponible en deux finitions : « Aged White Blonde » et Sunburst 2 tons. La guitare est livrée dans un très beau flight case Deluxe Vintage de couleur marron. À l’ouverture ce celui-ci, le tissu orange fait ressortir le magnifique et très lumineux Sunburst 2 tons de l’instrument. Le corps de la guitare est en frêne. J’ai été très surpris par sa très grande légèreté. Rien à voir avec ma Telecaster 52 Vintage Reissue de 1994 qui pèse aussi lourd qu’un âne mort ! Un certain nombre de goodies accompagnent cette Telecaster 58 Vintage Reissue. Ainsi, on trouvera dans le rangement intérieur du flight case une sangle en cuir véritable marron, un câble jack/jack de 3 mètres, un chiffon doux, un capot de chevalet chromé dit « ash tray », une petite clé Allen et enfin une pochette contenant le mode d’emploi de l’instrument, sa garantie et un schéma des câblages qui vous permettra de reconfigurer les câblages d’origine (1958) de l’instrument. Je trouve cependant dommage de proposer une guitare avec l’appellation « Vintage Reissue 1958 » avec des câblages modernes. Tout l’intérêt d’une guitare électrique n’est-il pas d’être amplifié ?
Passage en revue des troupes…
Le manche (avec réglage du truss rod au talon) est fixé au corps avec 4 vis. Les mécaniques Fender Single Line « Deluxe » Vintage Style contribuent à renforcer l’authenticité de cette série qui penche vers un retour aux sources. Elles tiennent correctement l’accord. La finition est de très bonne qualité, on ne repère aucun défaut ou vice de fabrication. Les repères de touche sont noirs et de type « point ». Le manche est en érable massif sans touche rapportée, ce qui donne un son sec, net, précis et relativement brillant. Il possède à peu de choses près les mêmes caractéristiques que celui d’une Vintage 52 Butterscotch « Made in USA ». En effet, sa largeur au sillet (en os) est de 1.650” (soit 42 mm), son diapason est de 25.5" (648 mm) et il possède un radius de 7.25" (18.41 cm). Les frettes, au nombre de 21, sont de type « vintage » et il adopte, contrairement à la Vintage Reissue de 52, un profil en « D ». Il faut rappeler que c’est en 1958 que Fender abandonna le profil de manche en « U » pour un profil en « D ». Ce dernier est très fin, plus ergonomique et plus profilé, rendant à mon goût le tout beaucoup moins éprouvant pour le poignet qu’un manche en « U » (des Vintage Reissue précédentes) qui est, lui, plus rond et plus épais. Son épaisseur est régulière sur toute sa longueur. Son vernis n’est pas glissant ni collant avec la transpiration. Ce dernier est tellement fin qu’il permet de sentir le relief de la surface du bois et d’en percevoir toutes ses aspérités. On est, dans la sensation, à mi-chemin entre une finition satinée et une finition huilée. Son contact est très agréable. Il donne presque l’illusion d’un manche qui a déjà des années de route derrière lui .
Le corps quant à lui est en une seule pièce de frêne. Il faut l’avouer, une fois le flightcase ouvert, la guitare brille de mille feux. Son Sunburst 2 tons est de toute beauté. Comme sur tous les autres modèles de cette nouvelle mouture des « Vintage Reissue Series », Fender a innové en appliquant le vernis en de très fines couches avec juste ce qu’il faut afin de protéger l’instrument. Cela permet de sentir et de voir la profondeur des veines du bois. Lorsqu’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le vernis a, par endroits, déjà commencé à pénétrer entre les fibres du bois. La partie centrale est très claire, le dégradé étant très proche des bords sur les deux faces du corps. Le pickguard de couleur blanche à 1 pli est fixé grâce à 5 vis et contribue à davantage faire ressortir la beauté du Sunburst. La qualité du plastique est supérieure à celui de la Stratocaster 56 Vintage reissue testée précédemment par nos soins.
La guitare est montée avec un jeu de cordes Fender ST250R NPS de tirant 10/46 qui traverse le corps pour un meilleur sustain. L’instrument est bien réglé, les cordes ne frisent pas. Tout l’accastillage est en finition chromée. Le chevalet de type « vintage » est affublé de l’inscription Fender PAT. PEND avec la calligraphie originale de la fin des années cinquante. Les pontets, au nombre de 3, sont de forme cylindrique et en acier. Ils sont réglables en hauteur grâce à 2 petites vis situées à chaque extrémité de chacun d’entre eux. Ici encore, cette réédition est fidèle aux modèles d’époque. C’est en effet vers le milieu des années cinquante que Fender remplaça les fameux pontets en laiton des premières Telecasters par des pontets en acier. Le rendu sonore avec ces pontets en acier est moins agressif qu’avec ceux en laiton. Du coup, je trouve que le timbre manque légèrement de précision dans les attaques. De la même façon, le capuchon du sélecteur de type chapeau ou « top hat » ainsi que les potentiomètres moletés à dômes plats sont fidèles à ceux de l’époque.
The sound of music
Conforme à la tradition, la guitare a deux micros simple bobinage de conception résolument moderne, mais d’après Fender, directement inspirés des micros d’époque. Voyons ce qu’il en est…
Cette Telecaster est câblée avec un sélecteur à 3 positions de type vintage « Made in USA ». Le potentiomètre de volume agit sur le volume de sortie général de la guitare. La course du potentiomètre de la tonalité est linéaire et très efficace. Du côté des composants électroniques, nous avons un condensateur d’une capacité de 0.05 micro Farad. Je ne remarque aucun craquement ni bruit parasite lorsque l’on passe d’une position à l’autre. De la même façon, il n’y a ni bruit ni problème de masse lorsqu’on touche le chevalet, la plaque de contrôles ou lorsqu’on relie la guitare à des pédales d’effets. Tout est simple pour ne pas dire rudimentaire, mais d’une efficacité à toute épreuve.
La guitare est livrée d’usine avec un câblage moderne comme suit : la position 1 permet d’obtenir le micro chevalet seul, en position 2 on a le micro chevalet ET le micro manche et enfin en position 3 on obtient le micro manche seul. Le potentiomètre de tonalité fonctionne dans toutes les positions. Pour les puristes, un schéma détaillé des câblages originaux (caractéristique de la fin des années cinquante) est fourni dans une petite pochette contenant tous les documents accompagnant l’instrument. Pour information, on obtient avec cette configuration d’origine en position 1 le micro chevalet seul, en position intermédiaire le micro manche seul (sans le contrôle de la tonalité) et enfin en position 3 le micro manche seul avec un son très sourd « censé imiter [à l’époque] un son de basse ». N’en déplaise à certains, c’est ainsi que Fender présentait cette position dans ses catalogues de l’époque…
Les plots des cordes de Sol et de Ré ont été légèrement surélevés afin de correctement rééquilibrer le niveau de toutes les cordes de l’instrument. Je n’ai pas franchement remarqué une différence significative par rapport à une Telecaster avec un micro chevalet à plots non étagés. Je remarque d’emblée que le rendu des micros est beaucoup moins incisif que sur une Telecaster 52 Vintage Reissue. J’ai également trouvé son niveau de sortie général un peu plus faible que d’ordinaire. En revanche, je ne remarque pas de différence de niveau de sortie d’une position à une autre.
Cette guitare a du corps, mais je trouve que ce kit de micros sacrifie les aigus bien tranchants que l’on aime tant sur ce modèle de guitare. Le haut du spectre est moins percutant que d’ordinaire. On a également un petit peu de mal à retrouver ce fameux « twang » qui lui est si cher. J’ai trouvé qu’elle manquait un peu de dynamique, que le son n’était pas très ouvert et que le spectre de fréquences obtenu avec ce kit de micros était assez étroit. Les basses et des aigus ont été diminués (ou sacrifiés ?) afin de davantage renforcer les fréquences médiums.
On retrouve en première position le côté assez claquant qui est propre à la Telecaster, mais qui est toutefois beaucoup plus arrondi voire retenu. Son timbre est plus rond, chaud et moelleux. Elle manque un petit peu d’agressivité surtout lorsque l’on attaque sévèrement les cordes en son clair. Le condensateur de 0.05 micro Farad a sa part de responsabilité dans cette couleur de timbre, mais également les pontets en acier qui, contrairement aux pontets en laiton, donnent une couleur moins tranchante et saillante au son de l’instrument. Le micro chevalet en saturation permet néanmoins d’obtenir un timbre épais très musclé sans être criard, surtout en rythmique. Ce côté très creux du son ainsi obtenu se fondra bien dans un mix. La position n°2 est très sèche et intéressante pour certaines rythmiques. Elle sera également parfaite pour un solo saturé avec un son gras. La position micro manche seule manque à mon goût un petit peu de caractère. Son timbre est très lourd voire un petit peu sourd. Même en jouant avec la tonalité sur l’amplificateur, je n’ai pas vraiment été convaincu par cette position aussi bien en clair qu’avec un petit crunch ou même une grosse saturation.
- Clean01:15
- Crunch01:04
- Crunch 200:44
- Crunch 301:04
- Crunch 400:44
Long live the Telecaster
Concernant les finitions et l’effort mis par Fender dans la facture de cette Telecaster 58, on ne peut rien dire, c’est vraiment une réussite, pour ne pas dire un sans-faute. Tout y est, le manche, les frettes, les contours du corps, le vernis extrêmement fin. Néanmoins, je suis un petit plus mitigé sur ce kit de micros qui enlève quand même la signature sonore si caractéristique de la Telecaster au profit d’un son que je trouve davantage « passe-partout ». Qu’il n’en déplaise à certains, même si Fender nous donne ici l’impression de sortir une énième déclinaison d’un modèle connu et reconnu depuis de nombreuses années, il faut avouer que cette guitare se distingue nettement des versions antérieures de la famille des American Vintage Reissue Series introduite pour la première fois en 1982 avec la Telecaster Butterscoth '52. Dernier point et pas des moindres, je pense qu’il aurait été plus intéressant de câbler la guitare de série avec sa configuration d’origine afin de coller fidèlement à l’original. Elle aurait alors dignement mérité son appellation de (vraie) Vintage Reissue.
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