Après le test de la belle BST-700B/M toujours disponible dans nos colonnes, c’est au tour de l’interprétation de la Telecaster par Bacchus de passer au crible du test sans concession.
Les instruments Bacchus jouissent maintenant d’une assez belle réputation parmi les guitaristes avec des propositions alternatives aux canons du genre de chez Fender avec des modèles certes clairement inspirés, mais fort bien dotés et aux finitions qui laissent paraître des bois très souvent aguicheurs. C’est le cas de cette PLD qui s’inscrit dans la série Global Tactics, des instruments fabriqués aux Philippines avec un cahier des charges japonais.
À la prise en main, un sentiment de qualité. La guitare est d’un poids raisonnable et offre des chanfreins absents de la légendaire inspiratrice au niveau de l’avant-bras droit et de l’accès aux aigus avec un talon subtilement creusé à côté de la plaque de vissage de manche en quatre points. Ce même talon est aussi chanfreiné et affiné vers le manche. Le corps est constitué de deux pièces d’acajou fort bien assemblées et dont les délimitations sont assez difficiles à distinguer. Le bois est vraiment beau, les pores sont visibles et participent au look spécifique des instruments Bacchus. Un choix malin, car en plus de proposer de beaux instruments, ceux-ci coûtent moins cher à la production (une finition vernie étant plus ardue à réaliser). Vernis en polyuréthane, ce corps est chaud, agréable au toucher et très résonant.
Le bois du manche en érable dur est un peu plus quelconque. Très clair, il semble toutefois bien séché et stable. Il accueille une touche rapportée du même bois sertie de 22 frettes qui auraient mérité une meilleure finition et un bon polissage. Le radius n’est pas précisé sur la fiche technique ni même sur le site internet de Bacchus et c’est bien regrettable… Néanmoins on peut affirmer sans risque qu’il s’agit d’un 12 pouces, plus plat qu’une Telecaster Fender. Le réglage de truss rod s’effectue au talon du manche par l’intermédiaire d’une petite roue de type Music Man sans besoin de le démonter, ce qui explique le choix d’une touche rapportée pour y glisser ce type de rod.
Les mécaniques en ligne à bain d’huile sont totalement standards, sans aucune bonne ni mauvaise surprise. Leur réglage est très correct (oui, des mécaniques ça se règle avec la vis latérale, monsieur !), elles permettent d’installer un tirant assez important sans risque qu’elles ne bougent. Notons au passage que les cordes d’origine sont des D’Addario 10/46, choix intelligent pour bien faire sonner une guitare de type Tele. Le sillet est en os, fait assez rare pour être signalé surtout pour un instrument au tarif approximatif de 750 euros. Bien taillé, il ne présente aucun accroche pour les cordes et est bien secondé par un œillet de rétention pour les cordes de Mi et Si destiné à plaquer correctement ces dernières contre le sillet pour une bonne intonation générale. La forme de la tête est plutôt belle, mais nous touchons une fois de plus à un domaine très subjectif que chacun appréciera.
Cette belle bête est équipée de deux microphones simple bobinage dont l’un des deux est un P90. Situés en position manche, les P90 proposent généralement des sonorités plus épaisses et denses qu’un single coil. Il s’agit là de la petite originalité qui pourrait vous faire craquer, la présence de P90 en grave pour un type Tele n’étant pas si fréquent. L’autre micro est un simple bobinage plus traditionnel entouré d’un chevalet « cendrier » typique. Les pontets sont traditionnels dans leur fonction par paire de cordes, mais pas au niveau de la matière : ils ne sont pas en laiton, mais dans le même métal chromé que le reste de l’accastillage. Les contrôles sont au nombre de trois : un sélecteur trois positions pour les micros, un volume et une tonalité, le tout orné d’une plaque tortoise aux reflets nacrés qui décore assez bien la guitare et éclaire un peu le corps. La prise jack est située sur le côté du corps et n’est pas celle d’une Tele classique.
P90 power
Commençons avec un son saturé raisonnablement, il est évident que cette guitare n’est pas faite pour le métal ! Nous allons donc jouer avec une distorsion pouvant s’éclaircir aisément vers le crunch épais à l’aide du potard de volume de la guitare. De suite, on remarque que le micro chevalet single coil n’est pas aussi brillant et acide qu’une Tele. Le twang est présent tout de même, mais en des proportions plus « musicales » et exploitables en ce sens qu’avec une égalisation intelligente il est possible de ne pas l’entendre (amateurs de Tele, ne me tuez pas ! Chacun ses affinités).
Les micros sont fabriqués par Bacchus eux-mêmes et ils délivrent des prestations saturées réellement satisfaisantes, au point qu’il ne sera pas du tout nécessaire de les changer. En effet, le micro P90 en manche encaisse les saturations de fort belle manière. Dans la vidéo jointe à ce test, vous pouvez observer le jeu au volume et constater le crunch de départ à partir d’une grosse saturation quand le volume est à fond ! C’est assez étonnant, le bruit de fond étant aussi quasiment absent. La précision est bien présente et l’épaisseur du P90 au rendez-vous. En jeu un peu plus spectaculaire, l’accès aux aigus se révèle fort bien étudié pour accéder à la 22e case et ainsi atteindre le Mi avec un bend d’un ton. Le profil du manche s’avère lui aussi agréable, il permet tous les démanchés et toutes les positions incluant des écarts importants. Pour résumer, les prestations dans le domaine du son velu sont totalement validées. Passons maintenant en son clair !
Dis-moi oui, Andy !
Allez savoir pourquoi, l’envie a pris votre serviteur d’enclencher compression et chorus avec cette Bacchus… Et grand bien m’en a pris ! C’est très clairement un de ses points forts, le son clair étant parfaitement adapté au répertoire de The Police par exemple. En position de micros intermédiaires, les accords Sus9 parfaitement. Le mix des deux micros est bien équilibré, le P90 ne prend pas le dessus comme on aurait nous y attendre et le rendu est naturel. Joué seul, le P90 en manche est plus velouté, mais ne perd pas en définition. Bien entendu il évoque le blues par son voicing plein et chaud, les bends s’en trouvent magnifiés. Il est souvent de tradition de constater des différences de volume en clean entre des micros d’une référence différente, ce n’est pas le cas ici. Les micros sont parfaitement cohérents l’un avec l’autre en termes de puissance et ne perturberont pas le volume quand on switche de l’un à l’autre même sans compression et en son clair. La bonne tenue sonore se confirme avec un son clean tout simple sans chorus et avec une seule reverb. La dynamique est au rendez-vous, les variations d’attaque s’entendent sans coup férir pour une expressivité mise en valeur à tout moment. La tonalité est efficace, le sélecteur de micros n’est pas cheap et le réglage d’usine très correct. Il suffit de brancher et de jouer en fait !
Tactique globale
À aucun moment le « made in Philippines » ne s’est fait ressentir lors de ce test. Il est simplement agréable de jouer avec une bonne interprétation de la Telecaster, moins extrême et twangy dans ses sonorités et donc plus polyvalente. Les amoureux de Teles ne seront pas les seuls à trouver cet instrument intéressant, capable de passer de Status Quo à des rocks beaucoup plus énervés, il comblera les guitaristes envieux d’un outil à plusieurs facettes et aux finitions de bon niveau. Le tarif de 750 euros fait regretter l’absence d’une petite housse de transport, mais le rapport qualité/prix est suffisamment élevé pour ne pas ronchonner outre mesure. En l’état, cette Bacchus Tactics PLD est une bonne guitare, fiable et sans fioritures inutiles. Allez, soyons prompts à lui accorder un bonus de charme supplémentaire grâce à ce beau bois naturel qui n’est pas noyé dans vernis épais comme un crêpe Bretonne. Un très bon investissement sans aucune modification à prévoir.
Un grand merci au magasin Hendrick Music pour le prêt de l’instrument (page Facebook du magasin).