Guitare de légende, la Fender Telecaster s'est vue déclinée en des dizaines, voire centaines de modèles à travers les décennies. De Keith Richards en passant par Status Quo et même Jim Root, nombreux sont ceux ayant succombé aux charmes de cette guitare pleine de caractère.
C’est donc une nouvelle itération de cette grande dame que nous allons tester ici, en version American Performer, série constituant l’entrée de gamme made in USA. Pour avoir testé la version Stratocaster dans nos colonnes, nous avons pu constater la belle tenue de sa grande sœur malgré un prix étudié et une fabrication américaine. En sera-t-il de même pour une Tele dont la relative originalité vient de la présence d’un micro à double bobinage en position manche ?
Auprès de ma blonde
Au premier abord, il s’agit d’une Telecaster assez classique, au Vintage White que ne renierait pas Yngwie Malmsteen s’il n’était pas borné à jouer sur ses Strats iconiques. Le corps en aulne est découpé de façon classique et nous ne notons la présence d’aucun chanfrein de confort. Une vraie Tele de bonhomme donc ! Le manche érable en une seule pièce attire d’ores et déjà l’œil, le bois étant absolument sublime sur le modèle testé. Ondé et blond comme les blés, c’est un ravissement pour les yeux. Certains modèles de série peuvent en effet bénéficier de cette chance mais il s’agit malheureusement d’une dotation assez aléatoire en fonction du bois et de l’endroit du tronc dans lequel il a été coupé. Il n’en est pas moins que le manche est sublime, un point c’est tout. Le frettage aurait peut-être mérité d’être à la même hauteur : les 22 frettes sont finies de manière correcte mais pas transcendante. Un peu recouvertes de vernis (c’est un classique chez Fender quand les touches sont en érables), cela ne gêne pour autant pas le jeu. Le sillet en os synthétique est bien taillé, aucune friction néfaste ne se manifeste.
Le réglage de manche se fait au niveau de la tête, elle-même ornée de 6 mécaniques de type Kluson répondant au nom de ClassicGear. La police du logo Fender date des 70s, on aurait aimé la police 60s mais cette coquetterie est réservée aux modèles US Professional. Ce manche est vraiment le point fort du modèle, avec une finition satinée très agréable et un bois exceptionnel, rappelons-le.
L’électronique est un peu originale dans le sens ou un humbucker est présent en position manche, alors que l’on s’attendrait en toute logique à trouver le fameux micro manche single coil typique. Ce humbucker DoubleTap est un micro maison réalisé par Fender présentant un niveau de sortie raisonnable intermédiaire. Le micro chevalet reste par contre un simple bobinage, un Yosemite. Ces micros ont fait leurs preuves sur la Stratocaster American Performer, gageons qu’il va en être de même pour cette Tele lors du test. Les contrôles se situent sur une bande métallique chromée comme il est d’usage avec un sélecteur à trois positions, un volume et une tonalité Greasebucket, censée garder la dynamique de jeu même totalement baissée. Un split est aussi présent sur le même potard de tonalité, se chargeant uniquement de splitter le micro manche pour n’activer que la bobine la plus proche du manche et donc la position équivaut à celle d’un micro Tele traditionnel. Pour terminer l’examen cosmétique, terminons par un chevalet « cendrier », garant d’un twang que l’on vérifiera (ou non !) au cours du test, garni de 3 pontets en laiton ayant un son bien à eux et contribuant à la légende. Certaines âmes tristes regrettent le peu de précision de ces pontets lors du réglage de l’intonation mais que voulez-vous, on ne peut pas garder les traditions sans consentir à leurs petits défauts !
Contradition
Pour ce test, la tête Colt d’Ace Amps semble la mieux convenir. Des crunchs épais à très saturés combinés à des sons cleans purs, rien de tel pour faire sonner une Telecaster. Le baffle est un Marshall 4×12 équipé de haut-parleurs Celestion G12T75 pour garder la tonalité classique d’un ampli simili-Marshall. Le son est capté avec un micro Shure SM57 directement dans une Focusrite Scarlett 18i8, sans aucune modification d’EQ dans Cubase. Une petite réverbe Hall of Fame Mini sert juste à mouiller le son.
En clean, les caractéristiques attendues d’une Telecaster de bonne qualité sont présentes. Le micro chevalet est assez criard sans trop l’être, un équilibre assez tendu à respecter avec un chevalet qui privilégie les aigus acides qui transpercent le mix. Le son semble moins caricatural sur ce modèle, tout en restant viscéralement traditionnel. La réponse aux attaques du médiator est parfaite quelle que soit la position du sélecteur enclenchée. La belle surprise vient du micro manche, assez polyvalent pour s’adapter à toutes les musiques, même le jazz grâce à une tonalité très efficace qui confirme la mise en avant du système Greasebucket. Il est possible de réaliser des effets sympathiques comme dans l’exemple basé sur Cocain, la tonalité servant presque de wah ou en tout cas de filtre très musical. Le split quant à lui reste classique sans égaler la présence d’un vrai micro Telecaster single coil en manche mais demeure une bonne alternative pour rendre cette guitare plus polyvalente qu’il n’y paraît. De belles prestations en son clair donc.
- clean01:39
- testsplitcleanmanche00:49
- testdoigts00:51
- testtwang00:55
- testtonalitÇ01:12
- testsplitmanche01:10
- testmicros01:32
Les sons crunchs sont le domaine de prédilection de beaucoup de Telecaster et ce modèle ne va ni changer son fusil d’épaule, ni ternir l’excellente réputation de la marque. La dynamique de jeu est au rendez-vous et le potard de volume se révèle être une arme ultime pour ceux et ceusses désirant faire chanter l’instrument dans toute l’étendue de ses possibilités. Le micro manche continue sur sa lancée, il est assez claquant pour faire entendre le twang de la Tele sans être nasal ni nasillard. Le jeu aux doigts est particulièrement mis en valeur, les nuances sont belles et le slap sonne bien avec un taux de saturation aussi peu élevé. Comme pour sa sœur la Strat Performer de la même série, le micro Yosemite montre de beaux atours. Le DoubleTap en full humbucker au manche se montre un poil sourd en crunch, on aurait préféré un peu plus d’aigus mais la prestation est bonne avec toujours autant de dynamique et de réactivité au volume. Le type d’attaque est réellement prépondérant sur cette Tele, toute nuance sera audible. Jeu au médiator plus ou moins proche du chevalet, jeu aux doigts, en hybrid picking, tout passe et tout s’entend. En split, le micro manche retrouve des couleurs et offre un flûté très agréable, plus convaincant qu’en son clair. La position intermédiaire mélange avantageusement les deux signaux pour encore plus de variété et de polyvalence.
En disto, ce n’est pas le fameux « dentiste » qui vous ouvrira la porte. La très grande majorité des Telecaster ne sont pas du tout adaptées à la haute saturation, ce qui n’est pas le cas ici. Le micro est même assez silencieux pour un simple bobinage, luxe ultime ! Le métal n’est peut-être pas à envisager mais le rock velu est le bienvenu. Notons le beau sustain apporté par les pontets en laiton qui, même s’ils rendent la guitare potentiellement fausse après la 12e case, apportent une vraie tonalité et de la personnalité. Le confort du manche se vérifie avec un jeu plus rapide, votre serviteur étant beaucoup plus friand de la finition satinée au détriment d’une finition brillante. Le passage en micro manche révèle à nouveau une tonalité sonore assez sombre sans être un souci toutefois. Profitons de ce jeu plus brutal pour constater une excellente tenue d’accord, les mécaniques et le sillet bien taillés en étant totalement responsables. Le vernis présent sur les frettes n’est pas gênant non plus, la zone de contact entre les cordes et le frettage n’étant pas concernée.
Un usage avec un backing en contexte blues montre la parfaite pertinence de la guitare. Micro aigu, grave, splitté et jeu au volume, tout sonne convenablement quand on y met l’énergie. La Telecaster est une guitare qui nécessite d’envoyer un minimum pour avoir un résultat convaincant !
Tele pris qui croyait prendre
Soyons objectifs : il ne s’agit pas du tout d’une sous-Tele. La dénomination Performer ne doit pas cantonner ce modèle au rang des guitares au coût mesuré au vu de ses prestations très honnêtes. Les choix effectués sont le résultat d’une proposition qui ouvre la Telecaster à des horizons aux styles variés grâce à son micro à double bobinage en position manche, à son split et son excellent micro chevalet. Le prix public constaté de 1 149 Euros la place intelligemment sur le marché autant au niveau des finitions que du son. On aurait apprécié une housse pour enrober la belle mais qu’importe, même si les premiers pocs font mal au cœur il faut avouer qu’une vieille Telecaster bien usée reste charmante. Avec à nouveau une mention spéciale pour le bois du manche réellement fantastique, il convient de considérer cet achat si vous êtes en recherche d’une Telecaster qui sort de l’ordinaire tout en invitant la tradition autour de la table. Polyvalence, sérieux de la fabrication, parti pris sonore, en voilà une guitare qu’elle est belle.
Un grand merci au magasin Hendrick Music de Blois pour le prêt de l’instrument.