Le Beat Root Hank Drum est le fruit du travail de deux frères, Laurent et Julien Puget, qui ont pu concrétiser leur projet en bonne partie grâce à un financement Ulule obtenu en février 2014. Aujourd'hui, le projet est abouti, le produit terminé et en vente dans toutes les bonnes crèmeries sonores, au tarif avoisinant les 300 €.
Bon, je l’avoue tout de go, j’ai pris un risque avec le test de cet instrument : je ne suis pas percussionniste (en-dehors d’un peu de rakata-toum bancal sur une darbouka de temps en temps en fin de soirée, quand il s’agit de faire le bœuf et que je n’ai pas de clavier sous la main, dans un état souvent plus forcément très net…) ! Et pourtant, lorsque Red Led m’a demandé si cela m’intéressait de passer le Beat Root Hank Drum à la loupe et surtout aux esgourdes, j’ai plongé. Pourquoi ? Tout simplement parce que cela me titillait de m’attaquer à un instrument dont j’ignorais tout ou presque, et qu’en plus je m’intéresse en parallèle avec un intérêt croissant aux percussions et aux instruments cousins du Beat Root Hank Drum, et que du coup, cette proposition de test tombait à point nommé. Donc, je vous remercie de considérer cet article comme le premier contact d’un novice avec une famille d’instruments qu’il n’a jamais réellement pratiquée…
Mais avant de poursuivre, je vous propose un petit rappel de l’histoire des percussions mélodiques, dont est issu le Beat Root Hank Drum.
Un peu d’histoire
Le Beat Root Hank Drum Electro est un modèle de Hank Drum, lui-même dérivé du Hang (pas Drum, comme nous le verrons plus bas), lui-même dérivé du Steel Drum, ou Steel Pan. Tous appartiennent à la catégorie des instruments dits « idiophones ». Aucun rapport avec un quelconque déficit d’intelligence, l’idiophonie désignant la caractéristique qui fait que la vibration d’un instrument n’est pas causée par un intermédiaire, tel qu’une corde ou une membrane, mais par l’excitation du corps de l’instrument lui-même (je sais ce que cette phrase vous évoque, bande de petits vicieux !).
Le Steel Drum, donc, l’« ancêtre », est un instrument, finalement pas si ancien que cela, apparu à la fin des années 30 à Trinité-et-Tobago. Les deux îles, anciennes colonies françaises, abritaient jusqu’au 19e siècle des plantations qui employaient leur lot d’esclaves. Ceux-ci, essentiellement originaires d’Afrique de l’Ouest, avaient apporté avec eux leurs traditions et leur culture, notamment en termes de percussions. Leurs maîtres européens, craignant, parfois à juste titre, que les rythmes battus par les esclaves ne servent à échanger des messages en vue d’une éventuelle révolte, interdirent la fabrication et l’utilisation des tambours. Qu’à cela ne tienne, les esclaves employèrent alors des tubes de bambou. Après l’abolition de l’esclavage, les groupes de batteurs, appelés Tamboo Bamboo Bands, défilèrent dans les rues, notamment au moment du carnaval, et se mesurèrent les uns aux autres, de manière pas toujours très amicale, voire sanglante dans certains cas.
Le Steel Drum naquit lorsque ces groupes découvrirent qu’ils pouvaient s’imposer plus facilement au niveau du volume sonore avec des instruments en métal plutôt qu’en bambou. Il fut également rapidement découvert que les Steel Drums, au contraire de leurs prédécesseurs en bambou, pouvaient être façonnés pour produire des notes, en créant à leur surface des cavités de tailles différentes qui pouvaient être ensuite accordées via un savant martelage.
À la fin des années 40 fut créée la Trinidad and Tobago Steel Band Association, qui mit définitivement fin aux rivalités entre les différents « bands » et permit au Steel Drum de prendre enfin son véritable essor comme pur instrument de musique, et non plus comme symbole de supériorité d’un « band » sur l’autre. Intéressante évolution pour un instrument dont les sonorités évoquent aujourd’hui plutôt les ambiances festives et une certaine douceur de vivre !
C’est d’ailleurs dans l’idée de véhiculer un esprit de paix et de sérénité que les Suisses Felix Rohner et Sabina Schärer produisirent le Hang, souvent appelé à tort « Hang Drum » (les créateurs de cet instrument sont farouchement opposés à cette dénomination). Le nom, malgré le parfum d’exotisme extrême-oriental qu’il dégage, désigne en fait la main dans le dialecte de Berne, la ville d’origine des créateurs du Hang. Développé en 2000 et présenté pour la première fois à la Frankfurter Musikmesse de 2001, le Hang a connu de nombreuses évolutions, et s’est révélé à son tour source d’inspiration pour le Hank Drum, dont est directement issu le modèle de Beat Root.
Le Hank Drum a été développé par l’Américain Dennis Havlena (voir photo ci-dessous), et son nom provient d’un jeu de mots entre le nom Hang et le fait que l’invention de Havlena soit à la base taillée dans une bouteille de propane (un « tank ») vide. Taillée, oui, car contrairement au Hang et au Steel pan, les notes ne sont plus créées au sein de cavités façonnées dans la surface de l’instrument, mais via des lamelles découpées dans cette même surface.
Vu de l’extérieur
Le Beat Root Hank Drum reprend directement ce principe de lamelles découpées, ainsi que la forme arrondie des instruments qui l’ont inspiré. Nous avons donc un instrument intégralement creux, réalisé dans en alliage métallique dont les fabricants gardent le secret. La fabrication d’ailleurs est absolument irréprochable, ce qui est bien le moins que l’on puisse attendre dans le cas d’un instrument de conception aussi simple. Ses dimensions de 30×30×20 cm et son poids de 6 kilos en font un beau bébé, de bonne taille et de poids respectable, mais ne le rendent pour autant pas moins ergonomique et agréable à manipuler.
Il est proposé en divers coloris : noir, blanc, rose, jaune, bleu et orange. Dans la plupart des cas, il est ceint d’une élégante « ceinture » noire portant le logo Beat Root, celle-ci devenant blanche pour les versions noires et bleues.
Enfin, il en existe deux versions : l’une uniquement acoustique, et l’autre (celle de ce test), électro-acoustique, avec, comme sur les guitares du même type, un petit micro piezo qui capte le son à l’intérieur de la structure métallique et l’envoie à une sortie jack.
Tout comme le Hank Drum original, il dispose de plusieurs lamelles (huit dans le cas du modèle de Beat Root) taillées dans la structure même. Chaque lamelle produit une note différente. Cela nous amène à parler des caractéristiques musicales de l’engin.
La musique !
Le Beat Root est accordé manuellement, et les modèles sont proposés chacun avec un accordage particulier, que nous allons préciser dans un instant. Toutefois, tout modèle de chez Beat Root peut être réaccordé grâce au kit d’accordage vendu séparément au tarif de 29 €. Celui-ci est constitué d’une douzaine de pièces métalliques aimantées qui, placées sous les lamelles du Hank Drum, permettent d’abaisser la tonalité de chacune d’entre elles d’un demi-ton, ou alors d’un ton entier. Pour retrouver l’accordage d’origine, il suffit de retirer les pièces aimantées.
Et puisque nous parlons des différentes gammes qu’offre le Hank Drum, en voici la liste détaillée :
- La première est la gamme Akebono. Celle-ci est issue de la musique traditionnelle japonaise. Les notes proposées par le Hank Drum concerné sont Sol, Si, Do, Mi, Fa, La, Si et Do. Beat Root la conseille aux débutants, car elle n’a pas de tonique réellement définie et l’on peut donc facilement créer des mélodies, sans connaissance musicale préalable.
- Le second accordage proposé est basé sur une gamme de Sol mineur (sans le Fa toutefois), avec les notes suivantes : Sol, Do, Ré, Mib, Sol, La, Sib, Ré.
- Le troisième accordage par défaut est celui de la gamme pentatonique, avec les notes suivantes : Sol, Si, Ré, Mi, Sol, La, Si, Ré.
- Enfin, le dernier accordage proposé est basé sur la gamme majeure de Do, avec les notes : Sol, Do, Ré, Mi, Sol, La, Si et Ré.
Comme je le disais plus haut, l’ergonomie de l’instrument est extrêmement agréable. Et le son, s’il est globalement plein et riche, saura aussi se faire discret, et avec un peu de pratique on pourra obtenir un jeu très nuancé. Le Hank Drum se joue aussi bien avec les paumes des mains qu’avec les petits maillets livrés avec. Ceux-ci vous permettront d’avoir une attaque plus franche et un son moins étouffé.
Petit aparté concernant lesdits maillets. Ils peuvent s’avérer assez fragiles. Méfiez-vous notamment lors du transport de l’instrument. Le petit sac à dos Beat Root vendu séparément au tarif de 29 € lui non plus ne possède ni rembourrage ni poche séparée pour les maillets. Ceux-ci se trouvent donc à la fois non isolés des chocs externes, et pressés directement contre le Hank Drum. Or comme celui-ci est rond, ladite pression peut entraîner une torsion des maillets et leur éventuelle rupture lors d’un choc.
Enfin, la principale limitation que je verrais dans cet instrument (mais qui est commune à tous les instruments de cette famille) réside dans le fait que l’on n’ait pas accès à toutes les notes d’une gamme au sein d’une même octave. Mais, sur ce type d’instrument, le nombre de lamelles étant par nature limité, il faut faire un compromis entre les notes qui peuvent être jouées et le nombre d’octaves couvertes. Les concepteurs ont préféré, sur un choix de 8 lamelles, laisser la possibilité au musicien de jouer certaines notes sur deux octaves plutôt que d’offrir un accordage diatonique complet sur une seule octave. C’est un choix qui se respecte. Il faudra toutefois alors considérer le Hank Drum plus comme un instrument apte à poser une ambiance qu’à développer des lignes mélodiques.
Pour vous faire une idée par vous-mêmes des qualités audio du Beat Root, il existe de nombreuses vidéos le concernant sur internet, la plupart avec de chouettes démos.
Mais je n’ai pas résisté au plaisir de pondre moi-même une petite compo vite fait. Je précise que l’enregistrement a été réalisé via la sortie jack de l’instrument.
Conclusion
Le Beat Root Hank Drum est assurément un instrument extrêmement agréable à manipuler, et même un néophyte comme moi en termes de percussions a pu trouver rapidement matière à prendre du plaisir… beaucoup de plaisir, même.
Mais n’oublions pas que le Hank Drum sera soumis aux mêmes contraintes et limites et que les autres instruments de ce type. Ainsi, quel que soit l’accordage par défaut du modèle que l’on aura choisi, il sera impossible, même après réaccordage manuel via le kit vendu séparément, de jouer toutes les notes d’une gamme au sein d’une seule octave. On privilégiera donc l’utilisation de l’instrument pour la création d’ambiances et de rythmes, plus que pour le développement poussé de mélodies, bien qu’il puisse s’avérer très inspirant dans le domaine.