La fin approche à grands pas mes ami(e)s ! Pour cet antépénultième chapitre de notre guide de l'enregistrement, nous allons aborder le cas de la grande famille des percussions.
Afin d’être efficace et de profiter de toutes les connaissances accumulées depuis le début de cette aventure au long cours, je vous propose un découpage en quatre parties, mais réunies un seul épisode, rassurez-vous ! Plutôt que de m’appuyer sur la typologie classique de ce groupe ô combien hétéroclite (membranophones, idiophones, cordophones et électrophones), j’ai préféré envisager la chose selon les différents rôles pouvant être attribués à ces instruments, avec en sus deux paragraphes pour traiter certains cas particuliers. Sur ce, en voiture Simone !
Les percussions rythmiques
Commençons par les instruments occupant essentiellement une place rythmique. Ici, la note importe peu, voire pas du tout. L’élément qui prime, c’est surtout l’attaque du son, avec parfois le « corps », notamment pour les instruments les plus charnus dans le grave, mais encore faut-il que cela soit pertinent dans le cadre de l’arrangement du titre en cours de production. Or, quel est l’instrument rythmique par excellence que nous avons déjà longuement traité tout au long du premier semestre 2017 ? Je vous le donne en mille : la batterie. Ainsi, je vous invite à relire attentivement l’ensemble de ces articles, puisqu’aujourd’hui, nous allons nous contenter d’une piqûre de rappel.
Pour capturer la frappe, rien de plus simple : utilisez une technique de « close miking », ou prise de proximité en bon français, avec un micro cardioïde capable d’encaisser de forts niveaux de pression acoustique, typiquement un dynamique, même si certains statiques peuvent diablement bien tenir le choc, avec la capsule pointant vers le point d’impact entre l’instrument et la main ou la baguette. Pour la distance de placement, il convient d’être suffisamment proche pour ne pas trop capter de « repisse » provenant d’autres éléments du kit, mais en veillant bien à ne pas gêner les faits et gestes de l’interprète.
Pour enregistrer le corps, lorsque cela est nécessaire, un deuxième micro placé de l’autre côté de l’instrument fera la blague. Pour être plus clair, il s’agit d’une manoeuvre similaire à celle décrite dans cet article. Faites très attention aux éventuels problèmes liés à la phase lors du mélange entre les signaux provenant du premier et du deuxième micro, sous peine d’obtenir un son plat sans aucune énergie. Pour en savoir plus à ce sujet, je vous renvoie vers ce dossier consacré à la phase.
Enfin, une prise d’ambiance peut grandement améliorer l’ordinaire, surtout lorsque vos percussions ne se limitent pas à un basique élément de décorum au sein de la composition. En effet, une simple prise « Room Mono » suffira à donner une belle ampleur à votre son en lui ajoutant une certaine « profondeur de champ ». De plus, une prise stéréo réalisée selon l’une des techniques évoquées à l’occasion de l’enregistrement des « Overheads » pourra également vous permettre de travailler la largeur sonore de votre captation. Attention toutefois, ne péchez pas par excès ! Une image stéréo trop large est rarement pertinente sur des percussions rythmiques. Et bien entendu, veillez bien à étouffer dans l’oeuf les éventuels soucis liés à la phase entre les captations d’ambiance et les prises de proximité.
Les percussions mélodiques
Passons à présent aux percussions dont le rôle au sein de votre composition est plutôt mélodique, comme c’est souvent le cas pour le xylophone, le vibraphone et autre marimba. Je vais commencer par une lapalissade de haut vol, mais il me semble cependant nécessaire de rappeler un détail de taille, quitte à enfoncer des portes ouvertes… Le principal levier dont vous disposez pour influencer la pâte sonore de vos prises pour ce genre d’instrument n’est ni le matériel d’enregistrement utilisé, ni le placement des micros, mais tout simplement l’outil employé pour « exciter » l’instrument, qu’il s’agisse de baguettes, de maillets, voire d’un archet. En effet, ce sont eux qui déterminent la « qualité », la « texture » de l’attaque sonore qui entraine la vibration de l’instrument, ce qui influence de fait le sustain de la note. Ainsi, mieux vaut d’abord réfléchir au son souhaité en amont afin de choisir l’outil le plus adapté de façon à être au plus proche du résultat final avant même de poser le moindre micro. Pour la petite anecdote, lors d’une résidence création avec un groupe de jazz, le vibraphoniste revenant des courses avec des concombres pour la salade du midi a littéralement tapé un délire en rejouant sa partie enregistrée de façon plus traditionnelle la veille, mais cette fois-ci en utilisant les infortunés légumes. Eh bien figurez-vous que c’est cette prise qui a fini sur l’album tant le gentil « poc » végétal sur les lames de l’instrument était pile-poil ce qu’il fallait pour intégrer le vibraphone au mixage sans triturer outre mesure les transitoires du signal. Comme quoi, l’expérimentation a du bon !
Mais revenons à nos moutons et discutons de la captation à proprement parler. Une fois de plus, il se trouve que nous avons déjà longuement traité d’un sujet très proche, il y a peu qui plus est : je fais bien entendu référence au chapitre consacré à l’enregistrement du piano. Mine de rien, le piano fait partie de la famille des percussions ! Il s’agit en effet d’un cordophone, puisqu’il repose sur un système de cordes frappées. Moralité, les techniques de captation monophoniques et stéréophoniques vues précédemment constituent une excellente base de travail lorsqu’il s’agit d’enregistrer des percussions mélodiques. Je vous invite donc à lire ou relire ce chapitre et plus particulièrement les épisodes consacrés au piano droit.
Pour mémoire, sachez qu’il convient généralement de placer un micro mono ou un couple stéréo au-dessus de l’instrument en visant le point de frappe. Les micros omnidirectionnels à petit diaphragme sont à privilégier pour des raisons que je ne rappellerai pas ici. Plus les micros seront proches, plus les transitoires seront en avant par rapport au sustain et, à l’inverse, plus ils seront éloignés et plus le sustain dominera, avec en sus un impact accru du son de la pièce d’enregistrement.
Notez qu’il est également possible de descendre le dispositif de captation sous l’instrument pour privilégier le sustain par rapport à l’attaque ou pour un son plus « rond » à défaut d’autre terme. C’est d’ailleurs une technique bien utile pour capter de façon prononcée le vibrato d’un vibraphone – mais gare aux bruits d’un moteur mal entretenu !
Enfin, il est évidemment possible de combiner plusieurs techniques de captation afin d’obtenir le meilleur des deux mondes, mais comme d’habitude, prenez garde dans ces moments-là aux problèmes de phase entre les différents signaux captés sous peine de faire plus de mal que de bien.
Les petites percussions
Bien, à présent, évoquons le cas particulier des petits instruments percussifs tenus à la main comme le shaker, le triangle, la mâchoire d’âne, le güiro, etc. La prise de proximité avec ce genre d’instrument est rarement satisfaisante. En effet, le son ainsi obtenu est très souvent extrêmement agressif, ce qui rend la phase de mixage diablement problématique. À mes débuts, discutant de mes difficultés en la matière avec un collègue plus aguerri, ce dernier m’a révélé « Ze Secret » pour réussir de tels enregistrements : ce qui compte, ce n’est pas le son direct, mais plutôt le mélange du son direct avec les premières réflexions ! De fait, le filtrage en peigne provoqué par ce mélange adoucit le rendu tout en lui donnant une certaine consistance spatiale. Que demande le Peuple ?
Pour enregistrer ce mélange entre son direct et premières réflexions, il n’y a rien de vraiment bien sorcier. Il suffit de poster le musicien à proximité d’un mur – dix à vingt centimètres font généralement l’affaire – puis de placer un micro cardioïde ou un couple stéréo visant le musicien et ledit mur à au moins cinquante bons centimètres de distance. Bien entendu, une paroi en béton, une en bois ou une surface carrelée ne produiront pas le même son, donc à vous d’expérimenter.
Cadeau Bonux
Pour finir ce chapitre, je ne vous parlerai pas des micros que je préconise de façon à capter au mieux les percussions pour la bonne et simple raison que je n’en ai aucun en particulier à vous conseiller. En effet, lorsqu’il m’arrive d’avoir à enregistrer des représentants de cette vaste famille, je pioche généralement dans le parc de micros à ma disposition à l’instant t en essayant de sélectionner les modèles qui me paraissent les plus appropriés par rapport à ce que je connais du son de ces instruments, mais également selon le son voulu pour le titre en cours de production. En procédant de la sorte, il est rare que je me plante complètement. Au pire, j’obtiens quelque chose d’exploitable et, si le temps et l’énergie des musiciens le permettent, je m’amuse à essayer une option diamétralement opposée à ce que mon instinct me dictait à la base, car après tout, l’accident heureux n’est jamais très loin si l’on prend la peine de le titiller !
Pour que vous puissiez mettre en oeuvre le même genre de manoeuvre, il n’y a en définitive rien de diablement sorcier. Il faut d’une part bien connaître le matériel dont vous disposez, je vous ai d’ailleurs déjà exposé une méthode simple pour y parvenir à l’occasion de cet épisode ; et d’autre part, il convient d’en savoir un minimum sur l’instrument que vous devez enregistrer :
-
Comment sonne-t-il généralement sur des enregistrements ?
-
Comment sonne-t-il « dans la vraie vie » ?
-
Comment le son est-il produit ?
-
Comment est-il amplifié ?
Si vous ne connaissez l’instrument en question ni des lèvres, ni des dents, ce qui arrive bien plus souvent qu’on ne veut bien le croire dans la carrière d’un technicien son, il faut alors partir à la pêche aux informations. Votre première source sera bien entendu le musicien lui-même, n’hésitez donc pas à le questionner au sujet de son beau joujou, il sera sans doute ravi de partager avec vous ses connaissances en la matière. Ne faites pas l’économie d’une séance d’écoute durant laquelle il jouera rien que pour vous de façon à ce que vous puissiez vous « rentrer ce son dans l’oreille ». Pensez également à jeter une esgourde à des productions commerciales employant cet instrument, histoire de savoir ce qu’il est possible de faire avec celui-ci. Enfin, une petite visite sur Wikipédia peut s’avérer étonnamment enrichissante quant à la façon dont le son est produit, surtout lorsqu’il s’agit d’un instrument relativement « obscur », car il y a alors bien souvent un passionné qui aura pris la peine de partager ses connaissances en la matière afin de rendre justice à l’objet de ses désirs trop peu connu à son goût.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Sur ce, rendez-vous bientôt pour l’avant-dernier épisode de cette série !