Grande sœur du Monotron et présentée à Francfort en 2011, la Monotribe embarque, dans un module autonome, une voix de synthé et un trio de percussions à la sauce analo, pour faire tourner des motifs évolutifs en live. Allez hop, sous le bras, direction les pistes enneigées !
Comme chaque année en février, c’est les vacances à la montagne entre potes. D’habitude, à la tombée de la nuit, c’est Paulo qui se colle à la gratte et fait chavirer le cœur des filles… euh enfin des dames, depuis tout ce temps ! Pendant que le feu crépite dans le chalet croulant sous la neige, la maison bleue adossée à la colline a accueilli un tas de veneurs à pied qui n’ont même pas frappé avant d’entrer. Mais cette année, c’est décidé, ça ne va pas se passer comme ça, Paulo va avoir une concurrence sérieuse. Ce soir-là, alors que San Francisco s’embrume pour la énième fois, un magnifique Poum Poum Tchak Poum Wiiiiiiiizzzzziiiiioong déchire l’atmosphère. Ça y est, San Francisco n’a pas le temps de se rallumer, notre Paulo est dépité, Psylvia ne l’attendra pas, car ce soir c’est menu analo ! « Mais c’est quoi ton truc noir avec ce ruban et ce son bien trash qui tourne en boucle ? ». Expliquons…
Déballons
La Monotribe est une petite boîte à rythme(s) comprenant 4 parties instrumentales (1 synthé mono et 3 percussions) et un séquenceur 16 pas. Avec son fonctionnement sur piles et son petit haut-parleur intégré, autant dire que l’autonomie est au rendez-vous ; c’est pourquoi nous n’avons pas un instant hésité à l’emmener à 2000 mètres d’altitude par grand froid. À ce sujet, l’autonomie annoncée est de 14 heures, de quoi faire la nique à Paulo toute une semaine. Côté cosmétique, la Monotribe se présente sous la forme d’un parallélépipède de 21 × 15 × 7 cm en plastique noir mat pesant moins de 800 gramme. L’ensemble est robuste et bien construit. En façade, les commandes sont assez généreuses : 5 potards, 6 trimmers fins, 6 sélecteurs à 3 positions, 17 boutons poussoirs, 15 Leds et un ruban-clavier de contrôle.
L’ensemble de la connectique est situé à l’arrière ; cela ne va pas bien loin, puisque hormis l’interrupteur marche/arrêt et la prise pour alimentation externe 9 volts DC (référence KA-350, hélas non fournie, mauvais point !), on ne trouve que 4 prises mini-jack 3,5 mm et une prise jack 6,35 mm : entrée pour la synchro par pas (type impulsion à polarité réglable, par exemple le Rimshot d’une BAR), sortie synchro (émettant du +/- 5V pendant 15ms à chaque pas), sortie casque, entrée audio et sortie audio monodique (celle en 6,35). Donc pas de connectique CV/Gate ou Midi, la Monotribe se programme directement et se synchronise, mais ne se pilote pas à distance… tout du moins en version d’origine, puisque certains fondus du DIY se sont déjà empressés de créer des kits de modification (voir encadré). Le dessous de la machine comprend le haut-parleur évoqué précédemment et la trappe pour piles, à savoir 6 piles type LR6 de taille AA (donc standard), cette fois heureusement fournies par le constructeur.
Modifions Comme l’a si joliment annoncé notre Banshee In Avalon internationale, pour les heureux propriétaires d’iPhone, iPod Touch et autres iPad (OS 4.2 minimum), SyncKontrol permet de contrôler le tempo et les fonctions Play /Stop de la Monotribe via la sortie audio de l’iOS et de synchroniser le synthé avec les applications compatibles WIST (synchronisation WiFi). L’application offre également des fonctions de Tap tempo, de swing, et peut recevoir des commandes Midi Clock et Play /Stop depuis une DAW sur Mac via le réseau Midi sans fil. Téléchargement gratuit sur l’App Store d’Apple. Pour les DYIers, les schémas sont disponibles gratuitement sur le site Korg, moyennant un petit enregistrement préalable. On y trouve tous les éléments pour réaliser, à ses risques et périls, des modifications telles qu’interface Midi, points de CV, sorties séparées, altération des percussions… Voici également un blog intéressant traitant de modifications possibles. Certains n’hésitent pas à commercialiser des kits d’amélioration sur Internet, tels que l’extension Midi Miditribe In/Out développée par Amazing Machines (Brésil). Basée sur l’OS 2.0 et vendue $64 + port, elle offre entrée/sortie Midi et un tas de nouvelles fonctions, permettant d’échapper au carcan imposé par le Step Sequencer et du ruban pour commander le synthé. Visiblement, l’installation se fait assez simplement, sans soudure, pour peu qu’on accepte de laisser pendouiller la connectique (sinon, on attrape la perceuse !). Pour plus de détails, se référer au mode d’emploi. |
Manipulons
L’utilisation est simpliste au premier abord, puisqu’on comprend tout de suite à quoi servent les commandes. Au premier abord, car une mise à jour (OS 2.0) est venue compliquer un peu les choses depuis peu. Une mise à jour, mais comment est-ce possible, cette petite chose n’est même pas Midi ? Ben si, c’est tout à fait possible « à l’ancienne », avec un fichier audio injecté via l’entrée Sync ! Comme notre Monotribe de test était encore en OS 1.0, nous l’avons illico passée en 2.0, opération réussie du premier coup. D’ailleurs, la machine était livrée avec un petit câble mini-jack stéréo requis pour la manipulation : sortie casque du PC portable relié à l’entrée Sync de la Monotribe, lancement de la lecture du fichier audio WAV téléchargé sur le site du constructeur, suivi de la bonne progression au moyen des LED du panneau avant ; tout cela n’a pris que quelques minutes. Dans la suite du test, nous décrirons sans distinction les fonctionnalités de cette mise à jour ; mais puisqu’on parle ici d’ergonomie, nous tenions à signaler que la plupart de ces nouvelles fonctionnalités s’obtiennent par combinaison de touches, ce qui ne simplifie pas la manipulation puisqu’elles ne sont pas sérigraphiées sur le panneau avant.
Les commandes directes, quant à elles, sont réparties fort logiquement, la moitié supérieure étant dédiée au synthé analogique, la partie inférieure gauche à la sélection des parties et au transport du séquenceur, alors que la partie inférieure droite est consacrée aux pas du séquenceur et au ruban. Bref, de quoi manipuler confortablement en live, avec une souplesse bien supérieure à celle du Monotron. Pour jouer de la Monotribe, il suffit de lancer le rythme, d’ajouter des percussions en appuyant directement sur les touches de sélection de partie sonore, de jouer/couper/activer/désactiver les pas, puis d’entrer des notes grâce au ruban-clavier. Ce dernier fonctionne suivant 3 modes : mode étendu (6 fois la tessiture du mini-clavier en continu), restreint (idem, mais avec la tessiture exacte du mini-clavier) ou chromatique (idem, mais par demi-ton). En temps réel, on peut ajouter ou supprimer des instruments sur chacun des 16 pas (une combinaison de touches permet de faire apparaître 8 pas additionnels sur les temps faibles), ce pour chacune des 4 parties. Pour la partie synthé mono, on modifie ensuite les paramètres disponibles en temps réel à l’aide des commandes. Rien de plus simple.
Synthétisons
De retour de la montagne, nous avons branché la Monotribe au studio sur un système audio digne de ce nom. Si le Monotron soufflait pas mal, ce n’est pas le cas de la Monotribe, qui offre même des niveaux audio assez corrects, sans être exceptionnels. Comme nous l’avons vu, la Monotribe renferme un petit synthé mono et 3 percussions (grosse caisse, caisse claire et charleston générées par des circuits analogiques). Passons rapidement sur celles-ci, car elles ne sont absolument pas éditables (à part leur volume global) et empruntent l’unique sortie audio, en compagnie de la partie synthé, dommage… Le synthé en revanche est digne d’intérêt. Il est de type analogique monophonique, doté d’une chaîne classique VCO, VCF, VCA, LFO et EG. Le VCO, bien stabilisé, travaille sur 6 positions d’accordage (64 à 2 pieds), ce qui est très confortable. Il offre 3 formes d’onde statiques : dent de scie, triangle et carré fixe. S’ajoute un générateur de bruit blanc à volume réglable ; sans oublier l’éventuelle source audio connectée à l’entrée idoine, qui fait au passage de la Monotribe un véritable processeur d’effets analogique. Le tout passe alors dans le filtre passe-bas résonant, identique à celui du MS-20 (qui pour sa part offre un filtre passe-haut supplémentaire, ne l’oublions pas !). Ce filtre 12 dB/octave est très typé, plus crade « qu’acide façon TB », avec une auto-oscillation très prononcée produisant une vibration instable très colorante. Dans son premier quart de tour, le potard de cutoff ne laisse pas passer grand-chose si le LFO n’est pas en mode enveloppe avec la modulation à fond sur le VCF ; dans les fréquences supérieures, la Monotribe se met à hurler, de quoi trancher dans un mix trop épais. Vraiment sympa, ce filtre ! Enfin, le VCA joue sur le niveau de sortie, classique…
Côté modulations, on a bien plus de biscuits pour s’amuser que sur le Monotron. D’abord, avec le LFO : il peut fonctionner en mode rapide (1Hz – 5kHz, c’est-à-dire à des niveaux audio), lent (0,05Hz – 18Hz, comme un LFO classique) ou en coup unique (la forme d’onde sélectionnée devient alors une courbe d’enveloppe sur un cycle). En mode lent, le cycle du LFO n’est pas redéclenché, contrairement aux 2 autres modes où la fonction Key Sync est de rigueur. Le LFO offre 4 formes d’onde : dent de scie, triangle, carrée et S&H (cette dernière position est accessible par combinaison de touches). On peut modifier sa vitesse (mais sans synchro au tempo global) et son intensité de modulation, ce qui signifie qu’en mode coup unique, on joue sur la vitesse et le niveau de l’enveloppe ainsi constituée. Le LFO permet de moduler indifféremment le VCO, le VCF ou les deux simultanément. Enfin, une enveloppe simplifiée est assignée au VCA, suivant 3 courbes basiques : déclin (du niveau maximum à zéro), gate (niveau maximum continu tant que le synthé est joué) ou attaque (de zéro au niveau maximum, ensuite maintenu). Quel dommage que l’intensité et la vitesse d’action de cette enveloppe ne soient pas paramétrables ! Là encore, on attend les accros du fer à souder de pied ferme…
Rythmons
Le séquenceur de la Monotribe offre une capacité de 16 pas pour chacune des 4 parties, les 8 temps faibles étant, nous l’avons dit, accessibles par combinaison de touche. Chaque pas peut évidemment être lu ou muté en temps réel, en lecture comme en programmation. Les diodes permettent de suivre et visualiser les pas joués/mutés. La plage de tempo est variable, suivant le réglage opéré en mode Global : étroite (60–180 BPM) ou large (10–600 BPM, cette dernière valeur étant à réserver pour des effets spéciaux). Le trimmer transparent dédié au tempo est flanqué d’une diode qui clignote en rythme, du plus bel effet. Sur la partie synthé, comme nous l’avons vu, on peut déclencher des notes pas à pas ou en continu (mode « Flux ») au moyen du ruban, qui rappelons-le propose 3 modes de précision. En appuyant simultanément sur [Active Step] et le ruban, on génère des changements de volume en temps réel ; ceux-ci sont sauvegardés dès qu’on se place en mode enregistrement. En maintenant [Gate Time], c’est le temps de porte qui devient jouable et programmable en temps réel. Sur une partie percussion, cette commande déclenche des roulements automatiques, dont la vitesse est commandée par le ruban. Disons-le tout de suite, entrer des notes précises avec le ruban est une partie d’équilibrisme, tout du moins d’adresse ; et en mode « Flux », bonjour les pains !
Pour chacune des 4 parties sonores indépendamment, la fonction [Active Step] permet d’activer/désactiver un pas. Dans ce cas, un pas désactivé est ignoré, contrairement à un pas muté qui est simplement passé sous silence. Chaque partie peut ainsi tourner sur un nombre de pas différent, ouvrant la porte aux rythmiques complexes, rompant ainsi la monotonie qui peut parfois s’installer. Les données de la séquence peuvent être initialisées d’un coup, pour la partie synthé ou les parties percussions. Au global, il y a seulement 3 séquences en mémoire : la séquence active en mémoire vive, la séquence sauvegardée et la séquence de démo… c’est à notre sens très insuffisant, nous aurions apprécié pouvoir mémoriser au moins 8 séquences différentes, d’autant qu’aucun moyen de sauvegarde externe n’est possible… assurément un instrument ciblé pour la création live de rythmes ! Pour ceux qui veulent faire tourner plusieurs Monotribe en boucle, une configuration Daisy Chain permet d’enchaîner la lecture des séquences de chaque unité, en connectant en boucle les Sync In/Out de toutes les machines.
- 1 General demo01:44
- 2 LFO2Filter00:55
- 3 LFO2Pitch00:50
- 4 PureSaw&Square00:21
- 5 Overplay00:48
- 6 WhiteNoise00:47
Concluons
Au final, voici une petite boîte sympa et ludique qui ne servira pas qu’à embêter Paulo autour d’un bon feu de cheminée. Bien au contraire, c’est une solution nomade pour ceux qui privilégient la création intuitive et la spontanéité aux menus complexes et mémoires multiples. Dommage que certaines fonctions cachées, faisant usage de combinaisons de touches, ne soient pas sérigraphiées. De même, le ruban est vraiment difficile à manipuler pour qui recherche la précision. Avec la Monotribe, Korg conforte l’idée que tous les musiciens électroniques de scène ne sont pas claviéristes ni programmeurs chevronnés ; pour ceux d’entre eux qui veulent faire tourner des boucles en temps réel à base de pur son analo typé MS-20, sans se ruiner ni se prendre la tête, la Monotribe peut s’avérer un choix judicieux.