Sujet Quelle relation entretenez-vous avec votre instrument?
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Je sais pas si tu le sais : le plus long de ses tuyaux dépasse onze mètres en longueur, pour ce qui est de la largeur tu rentres confortablement à l'intérieur. Le plus petit fait 16mm, soit 1/20° de pied, et il est gros comme une mine de stylo Bic. Il sert juste d'amuse-bouche quoi
Voilà, donc, moi je suis organiste. Je joue-de-l'orgue-le-vrai, celui à tuyaux, celui qu'on rencontre dans les églises quand on lève le nez vers le mur du fond.
L'orgue est un instrument extraordinaire. Au sens premier du terme, hein : il sort de l'ordinaire. Tout est hors-norme avec lui : ses dimensions, sa taille, sa hauteur, sa puissance, sa complexité mécanique, son histoire, sa versatilité qui permet instantanément de passer d'un immense et brillant tutti qui fait trembler les murs, à une prière très intimiste juste portée par un bourdon.
Sa littérature aussi, qui accompagne l'homme depuis plus de deux mille ans, et met en jeu des partitions à 4, 5 parfois 6 voix simultanées qu'on répartit entre dix doigts et deux pieds...
Sa tessiture enfin, qui couvre plus de 8 octaves, entre des infra graves que l'oreille n'entend pas (16,67Hz pour la fréquence la plus basse) et des suraigus qui souvent dépassent 13.000 Hz.
Et puis, l'orgue n'est pas ordinaire rien que par la relation que son musicien entretient avec lui.
Il n'y a pas plus exigeant, et en même temps si frustrant et si pleinement excitant, que jouer de l'orgue.
J'ai coutume de dire que ce n'est pas l'homme qui choisit l'instrument, c'est l'instrument qui appelle l'homme.
Et quand un homme se fait appeler par l'orgue, très vite une évidence s'impose: il ne possèdera jamais d'orgue chez lui. A moins d'un miracle économique, disposer d'un orgue chez soi relève de l'irrationnel. Entre les dimensions de l'auditorium dans lequel il va trôner, et l'instrument lui même, forcément accompagné de son entretien annuel, il faut être bien plus que très riche pour avoir un orgue chez soi.
L'organiste est donc l'un des très rares musiciens qui sait pertinemment, dès le départ, qu'il ne possèdera jamais son propre instrument. Tout autre instrumentiste, du flûtiste au harpiste en passant par le pianiste, peut espérer un jour avoir chez lui un instrument de haute facture. Dans l'attente il y a toujours des instruments d'entrée de gamme... sauf pour l'orgue. Y a pas d'orgue d'entrée de gamme.
L'orgue sur lequel je joue se situe dans une église, pas très loin, à peine une dizaine de kilomètres de la maison. C'est là que je dois aller quand je veux jouer. Quelles que soient l'heure, les conditions météo, et l'état de mon véhicule : il me faut aller à l'orgue.
C'est pourquoi je parle d'une frustration. Sur 10 fois où j'ai envie de jouer de l'orgue, une seule va se concrétiser. Les 9 autres, je vais juste me dire "bon ben c'est pas pour maintenant".
Vous allez me dire "Mais fuis cet instrument
!". Oui mais...
... mais cette frustration est la base même de l'immense plaisir qui naît quand, pour de bon, on se retrouve enfin à la tribune. Car, outre le caractère sacré du lieu, outre sa résonance formidable, outre la solennité du moment, ce qui s'exprime enfin, c'est toute cette frustration accumulée qui se libère, et ouvre toutes grandes les portes de la jouissance.
Rien de plus agréable que de pisser quand ça fait deux heures qu'on est bloqué en réunion.
Rien de plus agréable que de boire quand on crève la soif après un footing en plein cagnard.
Rien de plus bandant que de jouer cet instrument quand ça fait une semaine qu'on en manque! Et qu'on sait que la prochaine fois, ce sera peut-être pas avant la semaine prochaine. Alors on en profite, on en profite à mort, parce que l'instant est précieux, qu'il est rare, et parce que quand même, nom de nom de nom de Dieu, qu'est-ce que ça crache
!!!
C'est cool comme fief !!!
Je suis pas entré dans l'église pour les obsèques de ma mère, mais je suis prêt à y entrer pour dada !!!
perso, je vous trouve un peu fainéants les organistes : rien ne serait plus spectaculaire que de voir l'organiste arriver en tongs et jouer avec ses orteils comme il le fait avec ses doigts.
Fainéants !
sonicsnap
76157
AF, je suis ton père
le reverend
33032
Vie après AF ?
Anonyme
27139
Citation :
Ah bah t'as bien fait de venir mon jazzeux préféré, je vais te parler de mon histoire d'amour avec mon instrument au vu des relations amoureuses de certains avec leur guitare, j'ai pas forcément envie d'entendre des histoires de flûte à bec
Je sais pas si tu le sais : le plus long de ses tuyaux dépasse onze mètres en longueur, pour ce qui est de la largeur tu rentres confortablement à l'intérieur. Le plus petit fait 16mm, soit 1/20° de pied, et il est gros comme une mine de stylo Bic. Il sert juste d'amuse-bouche quoi
Voilà, donc, moi je suis organiste. Je joue-de-l'orgue-le-vrai, celui à tuyaux, celui qu'on rencontre dans les églises quand on lève le nez vers le mur du fond.
L'orgue est un instrument extraordinaire. Au sens premier du terme, hein : il sort de l'ordinaire. Tout est hors-norme avec lui : ses dimensions, sa taille, sa hauteur, sa puissance, sa complexité mécanique, son histoire, sa versatilité qui permet instantanément de passer d'un immense et brillant tutti qui fait trembler les murs, à une prière très intimiste juste portée par un bourdon.
Sa littérature aussi, qui accompagne l'homme depuis plus de deux mille ans, et met en jeu des partitions à 4, 5 parfois 6 voix simultanées qu'on répartit entre dix doigts et deux pieds...
Sa tessiture enfin, qui couvre plus de 8 octaves, entre des infra graves que l'oreille n'entend pas (16,67Hz pour la fréquence la plus basse) et des suraigus qui souvent dépassent 13.000 Hz.
Et puis, l'orgue n'est pas ordinaire rien que par la relation que son musicien entretient avec lui.
Il n'y a pas plus exigeant, et en même temps si frustrant et si pleinement excitant, que jouer de l'orgue.
J'ai coutume de dire que ce n'est pas l'homme qui choisit l'instrument, c'est l'instrument qui appelle l'homme.
Et quand un homme se fait appeler par l'orgue, très vite une évidence s'impose: il ne possèdera jamais d'orgue chez lui. A moins d'un miracle économique, disposer d'un orgue chez soi relève de l'irrationnel. Entre les dimensions de l'auditorium dans lequel il va trôner, et l'instrument lui même, forcément accompagné de son entretien annuel, il faut être bien plus que très riche pour avoir un orgue chez soi.
L'organiste est donc l'un des très rares musiciens qui sait pertinemment, dès le départ, qu'il ne possèdera jamais son propre instrument. Tout autre instrumentiste, du flûtiste au harpiste en passant par le pianiste, peut espérer un jour avoir chez lui un instrument de haute facture. Dans l'attente il y a toujours des instruments d'entrée de gamme... sauf pour l'orgue. Y a pas d'orgue d'entrée de gamme.
L'orgue sur lequel je joue se situe dans une église, pas très loin, à peine une dizaine de kilomètres de la maison. C'est là que je dois aller quand je veux jouer. Quelles que soient l'heure, les conditions météo, et l'état de mon véhicule : il me faut aller à l'orgue.
C'est pourquoi je parle d'une frustration. Sur 10 fois où j'ai envie de jouer de l'orgue, une seule va se concrétiser. Les 9 autres, je vais juste me dire "bon ben c'est pas pour maintenant".
Vous allez me dire "Mais fuis cet instrument
!". Oui mais...... mais cette frustration est la base même de l'immense plaisir qui naît quand, pour de bon, on se retrouve enfin à la tribune. Car, outre le caractère sacré du lieu, outre sa résonance formidable, outre la solennité du moment, ce qui s'exprime enfin, c'est toute cette frustration accumulée qui se libère, et ouvre toutes grandes les portes de la jouissance.
Rien de plus agréable que de pisser quand ça fait deux heures qu'on est bloqué en réunion.
Rien de plus agréable que de boire quand on crève la soif après un footing en plein cagnard.
Rien de plus bandant que de jouer cet instrument quand ça fait une semaine qu'on en manque! Et qu'on sait que la prochaine fois, ce sera peut-être pas avant la semaine prochaine. Alors on en profite, on en profite à mort, parce que l'instant est précieux, qu'il est rare, et parce que quand même, nom de nom de nom de Dieu, qu'est-ce que ça crache
!!![ Dernière édition du message le 20/06/2019 à 15:22:43 ]
Silverfish Imperatrix
6595
Je poste, donc je suis
Belle déclaration !!!
Il y a un orgue à Pézenas ? je risque de m'isoler là-bas pour bosser, une petite semaine à la rentrée, comme j'aime faire de temps en temps...
Il y a un orgue à Pézenas ? je risque de m'isoler là-bas pour bosser, une petite semaine à la rentrée, comme j'aime faire de temps en temps...
Mon thread sur le jazz, principalement bop et post bop:
Anonyme
27139
Silverfish Imperatrix
6595
Je poste, donc je suis
C'est cool comme fief !!!
Je suis pas entré dans l'église pour les obsèques de ma mère, mais je suis prêt à y entrer pour dada !!!
Mon thread sur le jazz, principalement bop et post bop:
[ Dernière édition du message le 20/06/2019 à 15:29:01 ]
kosmix
41584
Ma vie est un thread...
Anonyme
27139
Tu sais où commence cette différence ? Quand on te demande "Ah, t'es musicien, toi? Cool! Et tu joues de quoi?".
Faut voir la tête des gens quand j'annonce que je joue de l'orgue "Mais, euh... de l'orgue.... tu veux dire dans les..." la plupart n'osent même pas finir la question. Je vois leurs sourcils qui pointent en accent circonflexe pendant que leurs yeux cherchent désespérément une croix à mon cou ou la soutane sur mon dos.
Y en a même qui rajoutent "Et sinon, tu joues de quoi ?".
A vrai dire, mon vrai souci a été de faire comprendre à ma (chtite) fille que les dimanches, non, je n'allais pas à la messe, j'allais jouer de l'orgue. Je m'aperçois que c'est vraiment difficile à dissocier pour plein de personnes.
Faut voir la tête des gens quand j'annonce que je joue de l'orgue
"Mais, euh... de l'orgue.... tu veux dire dans les..." la plupart n'osent même pas finir la question. Je vois leurs sourcils qui pointent en accent circonflexe pendant que leurs yeux cherchent désespérément une croix à mon cou ou la soutane sur mon dos.Y en a même qui rajoutent "Et sinon, tu joues de quoi ?".
A vrai dire, mon vrai souci a été de faire comprendre à ma (chtite) fille que les dimanches, non, je n'allais pas à la messe, j'allais jouer de l'orgue. Je m'aperçois que c'est vraiment difficile à dissocier pour plein de personnes.
Silverfish Imperatrix
6595
Je poste, donc je suis
le reverend
33032
Vie après AF ?
Citation :
et Bontempi, c'est de la merde ?sauf pour l'orgue. Y a pas d'orgue d'entrée de gamme.
Hors sujet :
ah on me souffle dans l'oreillette que oui, c'en est.
Citation :
et met en jeu des partitions à 4, 5 parfois 6 voix simultanées qu'on répartit entre dix doigts et deux pieds...
perso, je vous trouve un peu fainéants les organistes : rien ne serait plus spectaculaire que de voir l'organiste arriver en tongs et jouer avec ses orteils comme il le fait avec ses doigts.
Fainéants !
Putain, 21 ans que je traine sur AF : tout ce temps où j'aurais pu faire de la musique ! :-( :-)
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