La voilà enfin, la petite Française (fabriquée en Chine) de notre comparatif. La série Tramontane connait un grand succès et la T77D (pour Dreadnought) a séduit un bon nombre d’apprentis guitaristes dans l’hexagone. Est-ce grâce à ses qualités intrinsèques ou par pur chauvinisme ?
Made in China ne veut pas obligatoirement dire « fabriqué par des enfants handicapés payés 1 centime de l’heure pour une qualité exécrable ». Les Chinois exportent des guitares en masse depuis longtemps et leur savoir-faire s’est considérablement amélioré. Et si leur niveau de vie est encore beaucoup plus faible que le nôtre, le revenu moyen de l’ouvrier a augmenté et dépasse maintenant celui d’autres pays à main d’œuvre pas chère (Inde, Vietnam…). On peut donc sereinement se tourner vers cette petite guitare dont le cahier des charges a été dicté par l’équipe du luthier bordelais.
Ze french touch
Quand on m’a tendu cette T77D, j’avoue que sa plastique m’a séduit immédiatement. Le vernis brillant en couche mince est du plus bel effet, et le constructeur à même pensé aux excès de sébum de nos petites mimines en choisissant un autre vernis pour le manche, satiné cette fois. On s’attend donc à une glisse incomparable, tel le dernier rasoir Quattro Proglide à 12 lames affutées par un maître ninja ancestral. D’autant plus que les frettes présentes ne dépassent pas de la touche. Heureusement me direz-vous, mais j’ai déjà vu des instruments plus onéreux touchés par des problèmes de ce genre.
En y regardant de plus près, on voit une belle tête en acajou, chaussée de mécaniques noires. Les ingénieurs français auraient-ils succombé à la mode du noir satiné au détriment de la qualité ? Point du tout, car ces tuners sont à bain d’huile. Un choix particulièrement agréable pour s’accorder avec précision sans s’énerver, et assez rare dans cette gamme pour être salué.
Les bonnes surprises continuent, car l’acajou est abondamment utilisé (j’adore l’acajou et je suis loin d’être le seul dans ce cas). Que ce soit pour le dos, les éclisses, le manche et même la table d’harmonie (contreplaquée, ne rêvons pas), cette chinoise ne jure que par cette essence. Exception faite de la touche et du chevalet qui restent logiquement en palissandre dont la densité supérieure convient mieux à ces parties cruciales.
Quand les autres guitares d’entrée de gamme utilisent du plastique, Lâg ne lésine pas et choisit le graphite pour la constitution de ses sillets. Celui du chevalet est compensé afin de garantir la justesse des notes en bas du manche, qui reste inaccessible, comme pour toutes les dreadnoughts.
Côté finition, si la rosace n’est pas patiemment sculptée à la main, sa forme ovale et son ornementation sobre (une croix occitane) font le job dignement. En baissant la tête (la vôtre pas celle de l’instrument) sous celle-ci, on peut découvrir l’accès au truss rod, comme sur la majorité des guitares folk.
Enfin, les aspects pratiques ne sont pas négligés, car une attache-courroie est vissée au dos du manche, permettant l’utilisation de votre sangle favorite.
Jet Lâg
La prise en main est on ne peut plus naturelle et le vernis satiné tient ses promesses. Ceux qui ont l’habitude de jouer sur une électrique se sentiront rapidement chez eux tant la glisse est facile. Son manche est un peu épais, mais devrait convenir aussi bien aux adeptes de barrés académiques qu’à ceux qui aiment jouer du pouce gauche.
Reste à jouer et écouter la belle, équipée en standard de cordes D’addario EXP, pour notre plus grand bonheur, car vous n’aurez pas besoin de les changer sitôt la guitare achetée.
Aca Joue !
Pour un guitariste, l’acajou est synonyme de chaleur et d’équilibre entre les graves, les médiums et les aigus. Dès le premier gratouillage, on constate que la chaleur est bien là, mais on est surpris par le faible niveau sonore délivré.
Les médiums sont bien présents, la chaleur est palpable, et le son franchement velouté. La Chinoise propose donc une couleur de son franchement différente de ses concurrentes dotées de tables en épicéa.
Comme toujours, c’est une question de goût, mais il est indéniable que les graves ne vrombissent pas et que les aigus sont franchement en retrait. Même en attaquant comme un sourd, la projection est juste correcte. Et, bien que sa structure « tout acajou » laisse présager d’un sustain long comme une journée sans guitare, on reste un peu sur notre faim.
Voyons alors ce qu’elle donne avec un petit gimmick blues rock :
La faible projection choque moins, ça sonne moins renfermé qu’en jouant des accords ouverts. Mais le son reste terne, on aimerait un peu plus de brillance. Encore une fois, les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas, et certains peuvent être friands de ce type de son feutré.
Peut-être préfère-t-elle la douceur aux grosses attaques finalement ?
La faible projection incite à attaquer fort, mais qu’on la caresse ou qu’on la maltraite, la présence n’est pas phénoménale. Le bourdon est anémique, et les aigus ne s’entendent réellement que lorsqu’ils ne sont pas désirés…
J’aurais dû penser à enregistrer une rythmique reggae « à la roots », vous auriez entendu le réel potentiel de cette belle rousse, car elle s’en sort bien mieux en jeu saccadé/étouffé. Elle ne fait alors résonner que la « pulpe » du son, quelle que soit la force de l’attaque à la main droite.
Notez également que l’utilisation de cordes à forte gauge très brillantes pourrait peut-être contrebalancer le son mat constaté.
C’est du roots, man, qu’il nous faut
Pour 179 € environ, Lâg nous propose une guitare franchement réussie sur le plan esthétique, mais qui ne fera pas l’unanimité côté son. Je la conseillerais plus particulièrement à ceux qui veulent jouer du blues ou du reggae « à la roots ». Les rockeurs préfèreront sans doute d’autres modèles plus « punchy ».
Merci à Paul Beuscher de nous avoir accueillis dans leur magasin.