"Le Saviez-Vous ?"

:invocation du Tihouss:

Le roi de France Louis IX est connu pour l'image d'Epinal de ce roi rendant la justice sous un chêne.

Mais cette réputation non usurpée de roi épris de justice date de cet évenement, qui a changé l'appréciation de la justice en terre des Francs : 

En 1259, 3 jouvenceaux de basse extraction sont trouvés sur les terres d'un très important personnage du royaume, un des 4 ou 5 vassaux du roi les plus importants. Ce seigneur, Enguerrand de Coucy, donne l'ordre de les pendre séance tenante, chose faite.

Indignées, les familles, sur conseil des abbés d'un monastère où résidaient les puceaux, demandent réparation au Roi. La procédure existe, mais reste incroyablement peu usitée, et dans tous les cas ne concerne pas les gueux, officieusement en tout cas.

A la surprise générale, le Roi répond favorablement. Il se met donc à ce qu'on peut appeler l'instruction du procès : recherche de preuves comme quoi son suzerain a outrepassé ses droits (le Roi lui même ne peut condamner à la mort sans procès, et un suzerain encore moins).

Les proches du suzerain, qui sont donc les personnages les plus importants du royaume, pour éviter à leur ami le déshonneur d'un procès, demandent au roi qu'il y a ait ce qui s'appelle un jugement de Dieu par duel.

Cad que chacune des parties se batte, ou plus raisonnablement qu'elles soient remplacées par un champion, le Roi et son principal suzerain n'allant pas se taper sur la gueule.

Le Roi s'en sort par une pirouette, d'une portée assez révolutionnaire pour l'époque : il argue qu'étant le Roi et son duelliste un simple suzerain, ce dernier ne pourra pas etre représenté par un champion de niveau aussi élevé que celui du Roi, et que donc le combat ne serait pas équitable.

Et ce brave Louis en profite pour supprimer dans la foulée le duel judiciaire sur le motif suivant, encore une fois completement original pour cette époque : un gueux ne peut pas lutter à armes égales avec un noble.

Y a donc procès, et le seigneur prompt à la pendaison est donc déclaré coupable. Il doit payer une amende de 12 000 livres (somme considérable pour l'époque, c'est comme si en 2013 Serge Dassaut était condamné à payer 120 millions d'€ : il pourrait le faire mais le sentirait passer), à faire pénitence 3 ans en terre sainte, et évidemment a perdu tout droit de haute justice sur ses terres.

Ce faisant, le roi Louis IX s'est fait passer pour défenseur des faibles contre les puissants, chose qui d'ailleurs s'est exactement passée durant ce procès, et a gagné sa légende de roi épris de Justice. Et surtout a instauré l'idée que nul ne pouvait condamner quelqu'un sans procès, quelque soient les rangs des juges et coupables.

Bon, ça a pas toujours marché comme ça par la suite, mais dans statistiquement les décisions seigneurales ou royales de condamnation à mort ou prison n'ont pas été si nombreuses que ça jusqu'en 1789.

De ce que j'en ai lu, il s'agirait de la 1ere fois où ce roi aurait fait preuve d'un sens rare de la Justice (faut vraiment se replacer dans le contexte de cette époque trouble), pas mal d'historiens s'autorisent à penser qu'il y a ensuite pris gout. 

Ce qui est un peu con c'est que ce soit passé de mode avec le temps.

En 897, s'est tenu à Rome le procès d'un pape par un autre pape, procès resté dans l'histoire sous le nom de concile cadavérique.

Et pour cause : le pape accusé étant mort, c'est son cadavre qui siégeait à l'audience.

Il devait pas mal emboucaner la salle d'audience, le cadavre ayant été déterré un an environ après avoir été mis en terre.

Pour faire bonne mesure, le mort avait été revêtu de ses habits pontificaux. Bon, il devait pas avoir une très bonne mine pour autant.

Le contexte était le suivant : le pape Etienne VI voulait en fait faire annuler la papauté de son prédecesseur, Formose. 

Ce brave Formose, était pro carolingien et avait favorisé les rois francs et germaniques (donation de terres et de titres), tandis que les seigneurs italiens s'estimaient floués. Ils ont donc fait du lobbying pour que le nouveau pape annule la papauté de l'ancien, et de facto l'ensemble de ses décisions.

Chose faite à l'issue du procès (toutefois, il est impossible de décrire ce qui s'est passé durant le procès, les minutes -ou résumés- du procès ayant été perdues au fil des siècles).

Pour marquer le coup, le nouveau pape fait également mutiler le corps du cadavre, et tant qu'à y aller franco autant foutre la sauce, il décide de jeter ce qu'il reste du corps dans le fleuve (merde je sais plus le nom du fleuve, le Tibre je crois).

En revanche, le nouveau pape n'aura pas profité longtemps de son succès. Formose était très populaire, et des émeutes violentes éclatent partout dans Rome, et le nouveau pape finit par se retrouver en zonzon.

Pas de procès pour lui, il est étranglé dans sa cellule, et son corps est livré à la vindicte populaire.

Source : une enquete de l'historien Franck Ribeiry, parue dans France Football.