Sujet Café des sports: analyse et commentaire de l'actualité sportive

Citation : Le stade de Brême, en septembre. L'Allemagne s'apprête à rencontrer l'Afrique du Sud en match amical. Un écran géant montre le visage du capitaine de l'équipe allemande de football, Michael Ballack, en train de chanter l'hymne national. Les paroles apparaissent au fur et à mesure, en bas de l'écran, pour aider le public à entonner la chanson, écrite en 1841 par August Heinrich Hoffmann von Fallersleben, sur un air de Joseph Haydn. Ce n'est pas gagné d'avance. Aujourd'hui encore, les Allemands ont un rapport ambivalent à leur hymne, même expurgé de ses deux premières strophes, très connotées à la suite de leur exploitation par les nazis — "Deutschland über alles, über alles in der Welt" ("Allemagne au-dessus de tout, au-dessus de tout dans le monde").

A moins de six mois du coup d'envoi de la Coupe du monde de football, que ce pays organisera, certains responsables voudraient bien que cette gêne à entonner le Chant des Allemands s'estompe. Dans un entretien à la Berliner Zeitung publié le 23 décembre, Markus Söder, le secrétaire général de l'Union chrétienne-sociale (CSU), l'aile bavaroise du parti présidé par Angela Merkel, la nouvelle chancelière allemande, s'est dite persuadée que la compétition contribuerait à "développer un patriotisme positif, une foi en la patrie". L'hymne étant une partie intégrante de ce sentiment, il serait bienvenu que les enfants apprennent ses paroles à l'école et qu'ils les chantent, a poursuivi M. Söder.

Le président de la Fédération allemande de football, Theo Zwanziger, a approuvé, en précisant toutefois qu'"on doit bien expliquer aux enfants ce qu'ils chantent et ce que cela signifie". Est-ce bien nécessaire, ont rétorqué certains, de confier cette mission aux enseignants ? D'autres, comme le sociologue Karl Siegbert Rehberg, craignent un renforcement du "potentiel agressif" du sport, "l'enthousiasme pour le football étant déjà très lié à la fierté nationale".

C'est précisément avec cette idée en tête que Joseph Blatter, le président de la Fédération internationale de football (FIFA), s'était interrogé, en novembre, sur l'opportunité de continuer à faire jouer les hymnes avant les rencontres internationales. Il réagissait alors aux incidents qui venaient d'émailler les matches entre la Suisse et la Turquie, qualificatifs pour la phase finale du Mondial. A l'aller comme au retour, les hymnes avaient été copieusement sifflés. "Un manque total de respect et une atteinte à la fierté nationale", avait commenté M. Blatter.

Son idée de supprimer les hymnes, comme l'avait envisagé un temps le Comité international olympique (CIO) à l'époque de la guerre froide, avait suscité des réactions négatives. "Pourquoi pas supprimer les rencontres internationales, pendant qu'on y est ?", avait répondu ironiquement Uli Hoeness, le manager du Bayern Munich. Début décembre, M. Blatter a annoncé que les hymnes seraient maintenus durant le Mondial.

Signe que les thèmes du patriotisme et du nationalisme germaniques restent sensibles, le comité organisateur de la Coupe du monde a volontairement choisi un lion comme mascotte pour la compétition, et non pas un aigle, qui est pourtant le symbole national. "C'est vrai que le lion n'est pas particulièrement allemand, admettait récemment un porte-parole du comité, mais nous avons estimé qu'il serait délicat d'utiliser l'aigle, en raison du passé."