Charlie Hebdo 7 janvier 2015 - Paris 13 novembre 2015

TexCoco : je ne fustige le goût de personne pour tel ou tel cinéma. Je parlais de la critique classique de Télérama comme "intello-chiant". Par ailleurs, ça ne s'adressait pas spécialement à toi.

D'abord, c'est pas toujours chiant. Ça peut l'être si on ne comprend rien, comme toujours dans ce cas, mais pour rien ne comprendre à Télérama, faut pas être non-intello, mais bien teubé, quand même.

Ensuite, c'est le qualificatif d'intello, forcément utilisé de façon péjorative, qui me gonfle XXXL. On a le droit de ne pas s'y retrouver, mais je comprends moins qu'on y jette l’opprobre. Les gens qui ont envie de lire des trucs qui pètent un peu plus haut que Télé 7 jours ont quand même le droit, non ? Sauf qu'on dirait que pour certaines personnes, ça n'est pas légitime : il faut tirer tout le monde vers le bas. L'égalité dans la nullité (comme si d'être cultivé rendait les gens supérieurs à ceux qui ne le sont pas ou moins)

Ce genre de critique me semblerait valable envers un canard qui aurait une certaine prétention intellectuelle et se moquerait de ceux qui ne l'ont pas, ou n'ont pas la culture correspondante. Je n'ai jamais vu de tels propos dans Télérama, au contraire. Quant à l'exemple que tu donnes, je n'ai pas les connaissances pour en juger, mais je préfère toujours un canard qui mise sur l'intelligence de ses lecteurs (quitte à viser parfois trop haut), la majorité des organes de presse faisant plutôt l'inverse.

D'ailleurs, la plupart des gens qui émettent cette opprobre (même si ça ne semble pas être ton cas) ne connaissent le plus souvent pas de quoi ils parlent. Un exemple, il y a quelques mois, où un membre disait à propos d'un film très divertissant qu'évidemment, ça allait être descendu par Télérama. La critique de Télérama était pourtant enthousiaste.
C'est exactement comme France Culture : les gens qui qualifie cette radio de "chiante" n'en ont rarement écouté plus de quelques minutes. Effectivement, c'est pas le genre de radio où on trouve des animateurs sur-excités braillant dans un micro sur-compressé et changeant de sujet toutes les 3 mn pour le pas "lasser l'auditeur". Sauf que, pour peu qu'on prenne le temps d'écouter, c'est passionnant et parfaitement accessible.

En fait, la critique "d'intello" (à laquelle on accole volontiers le "chiant" histoire de bien montrer qu'intelligence / culture et divertissement / plaisir sont bien antinomiques), c'est rien d'autre que du poujadisme. Derrière ça, on flatte la médiocrité en disant "ouais, vous avez pas les clefs pour comprendre, mais c'est vous qui avez raison : c'est pas intéressant et c'est juste fait pour quelques prétentieux qui se font mousser."

Ce genre de discours et même de pensée me hérisse : ne pas savoir, ne pas avoir de culture, ça n'est pas grave. Ce qui l'est, c'est de rejeter le savoir et la culture, ou de n'avoir aucune curiosité. Or, c'est le discours toujours sous-jacent à l'épithète "d'intello" : un injonction à ne pas s'y intéresser et à se complaire dans son ignorance.

Personnellement, je me suis toujours beaucoup plus retrouvé avec les gens pas ou peu cultivés, mais curieux et ouverts, voire boulimiques de savoir (comme ma nana actuelle qui a un niveau d'études très faible et sort d'un milieu très pauvre culturellement, mais est avide d'apprendre et de découvrir et saisit toute occasion de le faire) qu'avec des gens cultivés parce qu'ayant la chance de sortir du bon milieu, d'avoir fait les bonnes études et d'avoir eu un accès facile à la culture, mais confits dans leurs certitudes et leur supposée supériorité.