Depuis l’introduction de RX en 2007 dans son catalogue de logiciels, iZotope s’est fait un nom en matière de restauration audio. La deuxième version sortie en 2010 a enfoncé le clou et le soft est devenu une référence dans le domaine.
Comme l’éditeur a l’air de vouloir mettre à jour son logiciel tous les 3 ans, 2013 est l’année de RX 3, qui promet des améliorations du côté des performances, de l’ergonomie et des nouveaux modules. Une mise à jour nécessaire pour faire le ménage dans ses fichiers audio ?
Tout comme la précédente mouture, RX 3 est disponible en deux versions : une standard à 285 € et une « Advanced » à 919 € proposant des modules et des paramètres spécifiques. Pour cet article, nous avons disposé de la version Advanced, et nous préciserons lorsque certaines fonctions ne sont accessibles que sur cette mouture. Un tableau comparatif est disponible sur le site de l’éditeur. La version précédente ayant été testée sur notre site, nous évoquerons uniquement les nouveautés.
Le nettoyeur fait peau neuve
Avant d’ouvrir le capot, penchons-nous sur la carrosserie. RX 3 possède une interface graphique légèrement différente, mais les utilisateurs des précédentes versions ne seront pas perdus. Au centre on retrouve la forme d’onde et le spectrogramme (un slider permet de passer progressivement de l’un à l’autre), à droite les modules (declick, denoise, dereverb…), en bas les boutons de transport, les outils pour sélectionner les portions d’audio (nous y reviendrons) et en bas à droite la liste de Undo. L’interface est claire et facile à prendre en main, un premier bon point. Parmi les nouveautés, on retrouve la possibilité de travailler sur plusieurs fichiers simultanément via un système d’onglets. Le logiciel gère désormais les processeurs à cœurs multiples et reste compatible 32 et 64 bits, certains processus gagnent donc en vitesse et si votre système a plus de 4 Go de mémoire vive, l’application en tirera parti.
Autre nouveauté intéressante, RX 3 introduit un nouveau format de fichiers (Documents RX) regroupant l’historique des Undo, les données audio, les marqueurs, la dernière sélection, le tout dans un unique fichier facilement transportable, même si son poids peut devenir imposant si le fichier audio original est long et qu’il y a un gros historique de Undo. C’est en revanche génial pour retoucher un ancien projet.
The Host
Nous pouvons aussi voir dans les modules qu’il existe maintenant un host de plug-ins VST pour les deux versions : cela était uniquement réservé à la Advanced dans RX 2. Il est donc autorisén avec la version standardn de charger et utiliser n’importe quel plug-in VST, DirectX et AU et l’utiliser directement dans l’interface de RX 3. Si vous voulez utiliser des plug-ins 32 bit, il faudra lancer la version 32 bit de RX 3.
Il est ensuite possible d’appliquer le traitement sur une sélection (via les outils de RX 3 disponibles), et les boutons Preview et Compare (pour faire des A/B rapidement et facilement) sont aussi accessibles. Vu les outils de sélection disponibles dans le logiciel, ce host est plus qu’un gadget, car la majorité des séquenceurs ne proposent pas autant d’outils pour sélectionner une portion d’audio. La seule limitation un peu embêtante, c’est qu’on ne peut charger qu’un plug-in à la fois, même si l’éditeur propose de sauvegarder le réglage de votre plug en tant que preset facilement rappelable (on peut même l’assigner à un raccourci clavier). Notons aussi désormais la disponibilité du Dither Mbit+ dans la version standard, alors qu’il était réservé à la version Advanced précédemment. De même pour SRC, l’outil maison permettant de convertir le taux d’échantillonnage en limitant l’aliasing.
Côté outils de sélection, il y a aussi quelques nouveautés, notamment une sélection inversée et une sélection inversée au niveau fréquentiel. Pratique si l’on veut préserver un élément précis du spectre. On trouve aussi un « Select Harmonics » qui va ajouter à la sélection (généralement la fréquence fondamentale) les fréquences harmoniques situées au-dessus. Cela peut sembler peu comme nouveautés, mais il faut dire que RX était déjà très complet avec un lasso, une brush, une baguette magique, un zoom, un « grab and drag » (la main) et des outils de sélection rectangulaire (temporel, fréquentiel ou les deux à la fois). Un véritable Photoshop de l’audio !
Passons maintenant aux nouveaux modules.
Chercher denoise
L’une des nouvelles fonctionnalités « star » de cette troisième mouture est le Dialogue Denoiser, uniquement disponible sur la version Advanced. Même si ce n’est pas une véritable nouvelle fonctionnalité à proprement parler, on pouvait déjà supprimer du bruit de fond depuis longtemps avec RX, le Dialogue Denoiser apporte confort et facilité d’usage à l’utilisateur grâce à son traitement sans latence et un nombre de paramètres limité. Cette fonction est optimisée pour, comme son nom l’indique, le traitement des dialogues, et promet un très bon résultat en quelques clics.
Il existe deux modes : un automatique qui s’occupe de tout et un manuel proposant de baser la réduction de bruit sur un (ou plusieurs) segment(s) du fichier audio via la fonction « Learn ». Il sera alors préférable de choisir un passage avec uniquement du bruit, d’au moins une seconde d’après l’éditeur. Le logiciel ajustera alors automatiquement la courbe de réduction visible sur la gauche de l’interface : il établit en fait un profil de bruit sur tout le domaine fréquentiel audible. Il en résultera une courbe de six points qui pourra éventuellement être modifiée ou automatisée (via votre séquenceur). Si votre fichier contient un bruit de fond variable, il sera plus facile d’utiliser le mode automatique qui marche plutôt bien. L’utilisateur n’aura plus qu’à régler deux paramètres : le seuil (threshold) qui contrôlera les six points de la courbe simultanément et permettra d’éviter de retirer du signal que l’on veut garder, et la réduction qui ajustera le niveau de la réduction de bruit à proprement parler. Il faudra jouer avec ce paramètre si le résultat ne vous parait pas satisfaisant (le bruit n’est pas assez réduit ou le tout ne semble pas naturel). Le Dialogue Denoiser renferme en réalité 64 filtres passe-bande qui agissent comme un noise gate multibande.
Voici les exemples audios que nous avons réalisés en quelques clics :
- Dialogue Denoiser Off 02:56
- Dialogue Denoiser On 02:56
- Dialogue Denoiser 2 Off 00:16
- Dialogue Denoiser 2 On 00:16
- Dialogue Denoiser 2 On Manual 00:16
Sur le premier exemple, les deux protagonistes sont placés loin des micros et les machines (éclairages, caméra) font énormément de bruit. Nous avons volontairement poussé les réglages du Denoiser et les voix commencent un peu à se faire manger. Néanmoins, une grande partie du bruit est partie. Un bon point. Sur le deuxième exemple, le bruit de la rue est très bas dans le spectre et assourdissant. Notons que le traitement fonctionne mieux avec la voix féminine située à proximité du micro que la voix masculine plus éloignée qui se fait du coup un peu manger. Le résultat est néanmoins très bon aussi et la prise est plus exploitable.
Des rêves herbes
Le module Dereverb, disponible uniquement sur la version Advanced, permet de contrôler l’espace et la réverbération de votre fichier audio. Dans l’absolu, on peut ne garder que le son direct et supprimer le son réverbéré. Le module aura besoin d’analyser quelques secondes de signal afin de détecter le son direct, la longueur de la réverbération et le niveau de bruit. Si vous avez pas mal de premières réflexions, l’éditeur conseille de traiter le fichier en plusieurs passes, une première pour supprimer les queues de réverbes, et une autre pour les premières réflexions (avec le paramètre Tail Length à 0,5 environ). Une fois l’analyse faite, vous pourrez admirer la réduction de la réverbe sur les 5 dernières secondes grâce aux retours visuels situés en haut de l’interface graphique et titiller le fader de réduction qui vous permettra de doser le traitement, le but étant de supprimer le plus possible de réverbe sans altérer le signal direct.
La section Reverb Profile permettra de contrôler le traitement par bande (il y en a 4), vraiment intéressant pour peaufiner son réglage. Le paramètre Tail Length tente en fait de donner une approximation du temps de réverbération, et permettra de travailler plus sur les queues de réverbes (valeur élevée) ou les premières réflexions (valeur faible). Le paramètre Artifact Smoothing permet quant à lui, si on baisse sa valeur, de gérer certaines résonances un peu trop marquées dans la pièce réverbérante. En contrepartie, certains artefacts pourront survenir dans le traitement si on pousse un peu trop le réglage. On pourra aussi augmenter le niveau du signal direct et n’écouter que la reverbe qui a été traitée. Ceci peut être utile pour peaufiner ses réglages.
Nous avons cette fois-ci testé le module sur des voix chantées (Tracy Chapman et Bobby McFerrin), et nous constatons qu’il est plus aisé de traiter les queues de réverbe que les premières réflexions. Il faudra faire attention avec celles-ci, car on peut plus facilement altérer le signal direct. Nous avons aussi essayé sur une guitare issue d’un disque de Jeff Buckley et le résultat est beaucoup moins satisfaisant que sur les voix seules. On sent que le logiciel a du mal à faire la part des choses entre le sustain de l’instrument et la réverbération. Rappelons que les résultats obtenus dépendent énormément des fichiers originaux et qu’il est possible de télécharger une version d’essai (sans restriction pendant 10 jours!) afin de faire des tests avec ses propres fichiers.
- Bobby Original 00:05
- Bobby Dereverb 00:05
- Chapman Original 01:49
- Chapman Dereverb 01:49
- Jeff Original 00:47
- Jeff Dereverb 00:47
Clicks et de clips tous azimuts
iZotope a profité de cette troisième mouture pour mettre à jour des modules déjà existants, à commencer par le Declipper permettant de supprimer, comme son nom l’indique, le clipping qui survient quand on rentre trop fort dans des convertisseurs A/N et qui se caractérise par des ondes devenant subitement carrées à leur extrémité et de la distorsion. L’histogramme disponible dans RX permet de rapidement repérer le clipping et il devient relativement aisé de placer le seuil au-dessus duquel le traitement va opérer. Nous avons d’ailleurs aussi aimé le mode automatique permettant de placer en un clic et quelques secondes le seuil. Il est désormais possible (sur la version Advanced, encore une fois) d’avoir un seuil différent sur la partie négative et la partie positive de l’onde, ce qui peut-être utile sur certains fichiers audio ne présentant du clipping que d’un « côté » de l’onde.
Le module Declick, dont le but est de restaurer de vieux enregistrements comme des vinyles, profite lui aussi de l’arrivée de deux nouveaux paramètres (toujours pour la version Advanced) : Frequency Skew et Click Widening. Le premier paramètre permettra de changer la réponse en fréquence de la détection des clics : une valeur faible pour les bruits plus sourds et une valeur plus élevée pour les clics n’ayant pas de basses fréquences. Le deuxième paramètre permet quant à lui de contrôler la largeur de la région traitée. Une valeur élevée permettra de réparer plus proprement certains clics numériques. Notons aussi l’arrivée de nouveaux présets, afin de trouver plus rapidement une solution à un problème.
Dans le module « Channel Operation », l’algorithme « Adaptive matching » de l’onglet Azimuth (version Advanced), permettant d’appliquer automatiquement un décalage temporel entre les canaux gauche et droit d’un fichier stéréo afin d’en homogénéiser les niveaux, a été amélioré. On voit aussi apparaitre un nouvel onglet, Extract Center, qui permet comme son nom l’indique, d’extraire les informations situées au centre d’un fichier stéréo. Un slider est disponible afin de doser la balance entre le contenu audio situé au centre et celui situé sur les côtés. Ce genre de traitement peut être utile si jamais votre fichier est à l’origine monophonique, mais a été transféré sur une bande stéréo. Du coup, le bruit des côtés peut être facilement retiré. On peut aussi éventuellement retirer l’information située au centre, pour faire du karaoké par exemple.
On note aussi la possibilité de faire une rotation de phase afin d’augmenter le headroom d’un fichier. En effet, certains enregistrements peuvent présenter des formes d’onde asymétriques, avec par exemple des peaks plus élevés sur la partie négative que sur la partie positive. La rotation de phase peut équilibrer cela, l’éditeur recommandant le traitement sur les voix (parlées et chantées) et les cuivres. Lorsque le fichier est symétrique et que les peaks sont équivalents sur les parties positives et négatives, on peut alors augmenter le niveau général et gagner quelques dB.
Contourner le problème
Le module Time & Pitch, qui utilise toujours l’algorithme Radius, voit aussi apparaitre quelques nouveautés, avec notamment le Pitch Contour. Cet onglet permet de changer le pitch de la sélection sur un temps donné, un peu comme si on pouvait poser la main sur un vinyle ou une bande (le pitch ne peut être dissocié du temps ici, l’algo utilisant le resampling). L’interface représente un graph X/Y avec dans les abscisses, le temps (dont la longueur dépend de la sélection que vous avez faite), et dans les ordonnées, le pourcentage de pitch. On peut poser jusqu’à 20 points afin de dessiner n’importe quelle courbe et un paramètre « Smoothing » permet de lisser cette dernière (inutile si votre courbe est en fait une droite).
On peut utiliser le Pitch Contour comme effet, pour simuler le fameux « stop » d’une bande, ou encore pour n’importe quel délire de sound design. Mais on peut aussi corriger le défaut d’un fichier audio issu d’une bande ou d’un vinyle, ces supports n’étant pas toujours parfaitement réguliers. Si par exemple le moteur de votre platine vinyle a la fâcheuse tendance à accélérer ou ralentir le pas de temps en temps, il est possible de rattraper le coup ici. Il faudra en revanche un peu de savoir-faire, car le module ne propose aucune détection automatique… Dommage.
Conclusion
Cette troisième mouture de RX ne se moque pas du monde et présente des nouveautés sur tous les plans : esthétique avec une nouvelle interface un peu plus claire, et pratique avec la possibilité de travailler sur plusieurs fichiers à la fois, les nouveaux documents RX, de nouveaux outils de sélection, un host de plug-ins sur la version standard, la possibilité d’enregistrer directement dans le logiciel et de nouveaux présets. Sous le capot il y a aussi du changement avec un logiciel qui est optimisé pour les processeurs multicœurs. La version Advanced voit arriver deux nouveaux modules intéressants, le Dereverb efficace et le Dialogue Denoiser très pratique, en plus de quelques paramètres intéressants pour certains modules existants. iZotope a en plus la bonté d’offrir leur Insight dans la version Advanced.
Pas grand-chose à reprocher à RX 3, mis à part peut-être le manque de fonction automatique du Pitch Contour, et le prix de la version Advanced. Mais la version standard, s’il lui manque quelques joyeusetés importantes, reste quant à elle beaucoup plus accessible (il faut bien justifier la différence de prix, quand même). Sans aucun doute, avec cette troisième version, RX confirme son statut de référence. Vu qu’une version d’essai est disponible (10 jours sans restriction), pourquoi ne pas l’essayer dès maintenant ?
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