Le deuxième article de notre comparatif des services de « mastering automatique » en ligne sera consacré à MixMaximizer.
Protocole
Afin de mener à bien ce comparatif, j’ai mixé trois morceaux. Le public visé par ce genre de service produit généralement de la musique en situation « home studio ». Du coup, ces mixages ont été effectués chez moi, là où d’habitude je me contente de faire de l’editing, de la composition ou de la préproduction. L’acoustique de la pièce est loin d’être idéale et le matériel utilisé n’a rien d’exubérant, comme pourront le constater les plus curieux d’entre vous en jetant un œil ici. Notez également qu’aucune machine hardware externe n’a été utilisée, tout a été réalisé « in the box » à l’aide de plug-ins. Voici quelques commentaires pour chacun de ces mixages qui vous aideront à mieux analyser l’impact du « mastering algorithmique » sur ces derniers :
So Pretty :
Il s’agit d’un titre Pop composé et interprété par mon très cher rédacteur en chef, j’ai nommé Grégoire Nachbauer, alias Red Led. J’ai souhaité le mixer au mieux de façon à ce que son passage au mastering ne soit qu’une simple formalité. Il me semble que le rendu est plus qu’honorable pour une production en home studio. Ce joli morceau de sucre fera donc office de mise en bouche pour notre comparatif.
Call it even :
Court instrumental réalisé par votre serviteur il y a quelques années à l’occasion d’un test pour Audiofanzine, ce titre peut paraitre honnête de prime abord, mais je l’ai volontairement mixé un poil trop « punchy » comme cela me semble être parfois le cas sur des productions mal maîtrisées. Ainsi, son mastering risque d’être délicat, car un traitement de la dynamique inconsidéré déclenchera facilement un fâcheux effet de pompage.
The Firethief :
À la base, ce titre Electro/Pop Rock est également une composition réalisée par mes soins lors d’un test pour AF, mais je l’ai cependant considérablement étoffée pour l’occasion. Plus touffu que les morceaux précédents, son mastering sera à coup sûr épineux puisque son mixage mélange allègrement de véritables fautes techniques avec des choix artistiques tranchés qui pourraient être interprétés comme des erreurs. Bref, ce « Firethief » fait partie de notre sélection afin de voir comment un algorithme peut gérer un cas complexe.
Après un export des mixages en 24 bits/48 kHz en prenant bien soin de laisser suffisamment de marge de manœuvre pour le traitement, j’ai soumis ces trois fichiers aux différents prestataires et j’ai récupéré en sortie les « masters » au format CD 16 bits/44,1 kHz. Au total, pas moins de six sites ont été testé. Chacun d’entre eux fera l’objet d’un article dédié qui suivra invariablement le schéma suivant :
- Les explications des conditions de réalisation de ce comparatif que vous êtes en train de lire ;
- Un descriptif spécifique du service passé sur le grill ;
- Les exemples sonores avec d’abord les fichiers sources des mixages, puis les fichiers « masterisés » par le service en question, et enfin les mix et les masters réduits à –18 LUFS de façon à pouvoir juger la qualité du traitement sans être influencé par le gain en volume sonore perçu ;
- Quelques données chiffrées illustrant de façon purement scientifique l’impact du traitement sur chacun des morceaux.
Pour conclure ce paragraphe, sachez qu’afin de ne pas influencer votre jugement, je ne donnerai mon avis personnel sur ces services qu’à l’occasion d’un septième article qui sera bien entendu publié en dernier. Ceci étant, je tiens à préciser que ce fameux septième article sera rédigé avant la publication des six autres de façon à ce que les débats qui ne manqueront pas d’avoir lieu dans la section des commentaires ne m’influencent pas moi non plus !
MixMaximizer
Pourvu d’un site assez simple tendance « web 1.0 » et uniquement en anglais, MixMaximizer propose deux services de « mastering » plus ou moins automatique en ligne depuis 2013. Dans le cadre de ce comparatif, nous nous contenterons de parler de leur « Automated Process » puisqu’il ne comprend aucune intervention humaine, à l’instar des autres services traités. Sur la page d’accueil, le discours est pour le moins intrigant… D’un côté, on peut y lire que les services proposés ne conviennent pas au mastering d’un album ou qu’une machine ne remplacera jamais le travail d’un ingénieur de mastering professionnel, et d’un autre, il est écrit leur processus de « maximization » est le meilleur du marché et qu’on pourrait l’appeler « fast mastering » ou « dirty mastering ». Comparé à la concurrence, je trouve cela plutôt intéressant comme approche. Bref, passons à la suite.
Comme d’habitude, une lecture de la FAQ me semble indispensable. Cette dernière va directement à l’essentiel avec dix points à respecter de façon à ce que le traitement se passe dans les meilleures conditions possibles. Simple, et diablement efficace.
Afin de passer à l’action, il convient de téléverser vos fichiers « à l’ancienne » via la fenêtre d’exploration de fichiers de votre navigateur. Notez que MixMaximizer accepte jusqu’à 15 fichiers simultanés. Ici, pas de compte utilisateur, il faut juste fournir un nom ainsi qu’une adresse email, choisir si l’on souhaite un échantillon gratuit de démonstration du service ou bien réellement passer à l’acte, puis attendre de recevoir l’email contenant un lien pour récupérer les fichiers… Ce qui nous laisse largement le temps de jeter un œil à la grille tarifaire.
MixMaximizer fonctionne au paiement par titre avec un principe de dégressivité :
- 11 $ le titre isolé ;
- 7 $ par titre à partir de 3 morceaux ;
- 5 $ par titre à partir de 10 morceaux.
Et l’attente s’éternise… Pour les trois fichiers envoyés un jour vers 13 h, le message annonçant que les morceaux étaient enfin prêts ne m’est parvenu que le lendemain matin à 7 h 37 très exactement. Plutôt long comparé aux autres services… Je me suis alors empressé de télécharger l’archive .zip contenant les trois masters, et là, deuxième déconvenue, l’archive nécessite un mot de passe que je ne trouve nulle part. Heureusement, le très aimable support client s’est avéré extrêmement réactif puisque j’ai eu une réponse dans le quart d’heure qui a suivi. De plus, il s’est avéré que les torts étaient partagés. En effet, il se trouve que MixMaximizer envoie deux emails contenant le lien de téléchargement lorsque vous achetez, l’un pour signaler que les fichiers sont prêts et l’autre pour vous remercier de votre achat. Le mot de passe est censé se trouver dans ces deux emails, mais dans mon cas, un bug du système n’a glissé ce fameux code que dans le premier message. Or, je n’ai bien entendu cherché que dans le second. Bref, cela m’a permis de discuter avec l’un des membres de l’équipe de ce service et j’en ai donc profité pour demander des renseignements quant à la durée étonnamment longue du traitement. Là encore, il s’agissait d’un problème dans leur système. Normalement, un titre est traité en 15 minutes maximum. Cependant, lorsque plusieurs personnes utilisent le service au même moment, le système ignore aléatoirement certains fichiers, mais finit toujours par se débloquer au bout d’un temps indéfini… L’équipe technique est au courant du problème et on m’a assuré que c’était en cours de résolution.
Pour conclure ce tour d’horizon, sachez que MixMaximizer n’offre ni option de traitement, ni d’aperçu du résultat en ligne, et que le format des fichiers en sortie se limite au classique WAV en 16 bits/44,1 kHz.
À présent, enchaînons avec la section dévolue aux exemples sonores.
En piste
Avant de commencer cette séance d’écoute, voici quelques recommandations de façon à ce que vous puissiez vous forger une opinion dans les meilleures conditions possible.
Tout d’abord, bien qu’Audiofanzine vous offre la possibilité d’écouter les exemples sonores directement sur cette page, je vous invite grandement à télécharger ces fichiers dans leur version non compressée via le lien situé en fin d’article. En effet, notre système de diffusion en streaming implique une compression des données induisant une perte en qualité audio, ce qui n’est pas idéal pour effectuer une comparaison digne de ce nom.
Ensuite, les fichiers sources des mixages ainsi que les rendus « masterisés » sont bien entendu fournis tel quel, mais je vous conseille vivement de concentrer votre analyse sur les fichiers affublés du suffixe « LUFS ». En effet, ces derniers ont tous été ramenés à une valeur de –18 LUFS de façon à ce que les différences de volumes sonores perçus ne viennent pas troubler votre jugement outre mesure.
Bien sûr, écouter ces fichiers au travers d’un système de monitoring digne de ce nom plutôt qu’avec les HP d’un ordinateur portable ou un casque audio à trois francs six sous est fortement recommandé.
Je vous encourage également à basculer entre l’écoute du mix et celle du « master » sur les mêmes sections relativement courtes d’un même morceau, de préférence assez rapidement, car l’oreille humaine n’est malheureusement pas dotée d’une mémoire à moyen ou long terme extraordinaire…
Enfin, sachez que certaines méthodes d’écoute décrites dans l’article suivant pourront vous aider à mieux cerner les différences qu’il y a entre un mixage et sa version « masterisée ».
Bien, maintenant que le décor est planté, passons aux choses sérieuses avec en premier lieu les mixages :
- 01 So Pretty 02:39
- 02 Call it even 00:36
- 03 The Firethief 02:20
Voici à présent les fichiers une fois traités par le service MixMaximizer :
- 01 So Pretty MixMaximizer 02:39
- 02 Call it even MixMaximizer 00:36
- 03 The Firethief MixMaximizer 02:20
Et pour finir, voici tout ce beau monde ramené au même niveau d’écoute, à savoir –18 LUFS :
- 01 So Pretty LUFS 02:39
- 01 So Pretty MixMaximizer LUFS 02:39
- 02 Call it even LUFS 00:36
- 02 Call it even MixMaximizer LUFS 00:36
- 03 The Firethief LUFS 02:20
- 03 The Firethief MixMaximizer LUFS 02:20
Statistiquement vôtre
Terminons cet article avec quelques chiffres. Pour information, le DR (Dynamic Range) a été mesuré à l’aide du TT DR Offline Meter de Pleasurize Music Foundation, les valeurs Loudness (LUFS Integrated) et True Peak proviennent quant à elles des fonctions d’analyse que les extensions SWS apportent à la STAN Reaper. Si vous ne connaissez pas la signification de ces valeurs, je vous invite à lire l’excellente série d’articles consacrée à la Loudness War réalisée par mon confrère Sleepless, en particulier les épisodes 3 et 10. Enfin, sachez que les données entre parenthèses correspondent aux mesures relatives au mixage original de chacun des titres.
So Pretty :
- DR : 6 dB (11 dB)
- Loudness : –8,3 LUFS (-19.4 LUFS)
- True Peak : –0,2 dB (-5,2 dB)
Call it even :
- DR : 7 dB (11 dB)
- Loudness : –8.7 LUFS (-18.6 LUFS)
- True Peak : –0,3 dB (-6,0 dB)
The Firethief :
- DR : 6 dB (13 dB)
- Loudness : –7,3 LUFS (-20.6 LUFS)
- True Peak : –0,3 dB (-5,2 dB)
Sur ce, rendez-vous au prochain épisode pour découvrir un autre service de « mastering automatique » en ligne !
Téléchargez les extraits audio Mix et MixMaximizer (format FLAC)