À partir du concept du micro (ensemble d’un ou plusieurs aimants entourés d’une bobine), on obtient un micro dit « single coil » c’est-à-dire « simple bobine » ou « simple bobinage ». Ce type de micro donne un son caractéristique, c’est par exemple le micro type des instruments Fender. Malheureusement, ce design souffre d’un défaut inhérent : il est sensible aux parasites.
Il existe un moyen simple de rendre un micro beaucoup moins sensible aux parasites, tout en augmentant son niveau de sortie, et en modifiant au passage son type de réponse en fréquences pour un son plus doux dans les graves, mais moins claquant dans les aigus : coupler deux ensembles aimant + bobine l’un avec l’autre.
Un « double bobinage » possède deux bobines, l’une enroulée dans le sens horaire et l’autre dans le sens inverse (antihoraire). D’autre part, les aimants de chaque ensemble sont eux aussi dans des directions opposées. Les deux ensembles sont donc en quelque sorte deux fois inversés l’un par rapport à l’autre.
Le signal électrique généré par le micro lors du mouvement des cordes dans le champ magnétique dépend de l’interaction bobine + aimant. Dans un tel montage, le mouvement des cordes au-dessus des deux ensembles bobine + aimant provoque un courant qui circule dans le même sens dans les deux bobines, ce qui fait que les deux signaux se cumulent. Si le montage n’avait inversé que le sens des bobines, ou que le sens des aimants, le signal électrique aurait été inversé entre une bobine et l’autre, et se serait annulé d’une bobine à l’autre. Pour simplifier, le signal de la bobine 2 est deux fois à l’envers par rapport à la bobine 1, et deux fois à l’envers, ça fait à l’endroit ! En revanche, le signal électrique issu des parasites ne dépend que du bobinage, qui agit comme une antenne pour capter les parasites. Les deux bobinages sont inversés l’un par rapport à l’autre et produisent donc des signaux parasites inversés, qui s’annulent l’un l’autre lorsque l’on relie les deux bobines.
Le signal électrique qui sort d’un montage « double bobinage » est donc cumulé pour la partie provenant du mouvement des cordes, et annulé pour la partie « parasites ». Les parasites ou bourdonnements (« hum » en anglais) sont détruits : le « hum-bucker » est né. Saluons Seth Lover, ingénieur chez Gibson, pour cette invention en 1955 : c’est le micro humbucker dit PAF (pour « Patent Applied For », c’est à dire en gros, modèle breveté). Ce type de micro « double bobinage » (« dual coil » en anglais) reste lié dans l’imaginaire aux guitares Gibson Les Paul même si bien sûr, depuis les années 50 il est présent sur un nombre incalculable d’instruments.
Notons que Fender, jamais en reste, propose sur sa Stratocaster sortie en 1956 un moyen similaire dans l’esprit de contourner le problème : le micro milieu est monté en opposition de phase et de polarité par rapport aux micros manche et chevalet. Les positions combinant le micro milieu avec l’un des deux autres sont, électriquement parlant, des humbuckers !
Maintenant, ajoutons un peu de confusion : le montage d’un élément bobine + aimant en configuration « humbucker » pour annuler les parasites, fonctionne même si les signaux sortants des bobines ne sont pas entièrement cumulés entre eux : il est possible de monter une deuxième bobine pour « nettoyer » le signal d’une première bobine de ses parasites, tout en utilisant uniquement le signal de la première bobine pour obtenir du son. On a alors un micro « single coil », qui a le son d’un simple bobinage sans les parasites, mais sans non plus le son d’un humbucker. Dans ce montage, la deuxième bobine est appelée bobine fantôme (« phantom coil »), elle n’a pas de fonction sonore, mais uniquement une fonction électronique.
Interconnexion des bobines entre elles : série, parallèle, split…
À partir du moment où une guitare ou basse possède au moins deux capteurs (ensemble bobine + aimant), avec donc deux fils sortant de chaque bobine (une masse et un « point chaud »), il y a deux façons de connecter ces deux capteurs entre eux. Ces deux façons de connecter deux capteurs sont valables aussi bien pour les deux bobines cohabitant dans un même micro (un humbucker), que pour relier deux micros entre eux dans un instrument comportant plusieurs micros, ces micros pouvant eux-mêmes être des simples bobinages ou bien des doubles bobinages.
Les deux branchements possibles sont :
– En série : le point chaud du capteur 1 est connecté à la masse du capteur 2. En simplifiant, le signal électrique passe du premier capteur vers le second. Le signal électrique généré par le deuxième capteur sera additionné au premier, l’ensemble se comportera comme un seul capteur qui génère un courant de tension égale à la somme des tensions de chaque capteur individuel. De plus, l’amplitude du signal est plus élevée (ce qui facilite l’accès à la distorsion du signal lorsqu’elle est recherchée volontairement), et l’inductance du capteur est accrue, ce qui atténue sa restitution des fréquences les plus élevées (le son parait alors renforcé dans les grave). C’est le son que l’on associe habituellement à un humbucker de type Gibson PAF où les deux bobines sont montées en série l’une avec l’autre.
– En parallèle : le point chaud du capteur 1 est connecté au point chaud du capteur 2, et la masse du capteur 1 est connectée à la masse du capteur 2. Dans ce montage, les deux courants auront une tension égale, c’est l’intensité du courant qui s’additionne. La capacitance est doublée tandis que l’inductance est divisée par deux, la somme de ces deux effets contraires est qu’un branchement en parallèle ne modifie pas la réponse en fréquence de chacun des deux capteurs pris isolément. En revanche, la superposition des deux signaux provenant des deux capteurs peut potentiellement modifier cette réponse en fréquence : dans le cas de deux capteurs placés très proche l’un de l’autre, qui captent un mouvement de corde très similaire et restituent un signal également très similaire, la superposition des deux signaux n’engendre pas de modification du signal. En revanche, si les deux capteurs sont éloignés l’un de l’autre (deux micros d’une Strat ou d’une Jazz Bass), le signal émis par chaque capteur a une répartition en fréquence différente de l’autre capteur et la superposition des deux va engendrer l’annulation ou au contraire l’amplification de certaines fréquences. C’est le classique son « creusé » des deux micros d’une Jazz Bass joués ensemble, où le recouvrement des fréquences fait disparaître une partie des médiums au profit d’un renforcement des graves et des aigus.
En résumé, à l’intérieur d’un humbucker qui comporte deux ensembles bobine + aimant, les deux ensembles peuvent être reliés en série ou en parallèle. Chez les guitaristes, le branchement en série prédomine largement, sous l’influence du montage adopté par Gibson avec son micro PAF. Ainsi, dans un humbucker pour guitare standard, avec ses deux bobines, l’ensemble est considéré comme un seul micro indissociable, et généralement il n’y aura que deux fils en sortie du micro : une masse et un point chaud unique résultant de la combinaison des deux bobines.
D’autre part, si un instrument comporte au moins deux micros, quel que soit le type de ces micros (single coil ou humbucker), les deux micros peuvent eux aussi être reliés en série ou en parallèle. Ces possibilités de câblage sont gérées au niveau du circuit électrique de l’instrument, avec des potentiomètres de volume, des balances, des switchs à plusieurs positions…
Et le split coil alors ?
Comme son nom l’indique en anglais, un split coil c’est la séparation de deux bobines qui sont normalement connectées. Il s’agit donc d’un humbucker, avec ses deux ensembles bobines + aimant, qui sont normalement connectés entre eux (en série ou en parallèle), mais qui peuvent être déconnectés avec un interrupteur (switch). Quand ils sont déconnectés, l’une des deux bobines servira de micro single coil, et l’autre n’est plus connectée au circuit. Ce type de humbucker présentera non pas deux fils en sortie, mais quatre : l’entrée et la sortie indépendante de chaque bobine, ce qui permet de gérer avec un switch, la façon dont les deux bobines sont connectées ou non entre elles.
Notons que chez les bassistes, on rencontre assez fréquemment sur les instruments modernes ou de luthier des humbuckers qui offrent les trois positions pour un même micro. Chez les guitaristes, le montage d’un humbucker en parallèle rencontre assez peu d’enthousiasme, en revanche la possibilité de passer un humbucker en simple bobinage ajoute une forte polyvalence à un instrument en raison du caractère sonore très tranché des deux alternatives.
Et le Tap Coil ?
On a vu plus haut que le nombre de tours de fil de la bobine autour de l’aimant influe sur le son du micro. Certains fabricants malins proposent des micros qui ont plusieurs sorties sur la même bobine, avec la possibilité de choisir si l’on veut profiter de l’ensemble du bobinage ou d’une partie seulement. Ce dispositif s’appelle « coil tap », que l’on pourrait traduire à peu près comme « prélèvement sur l’enroulement ». Un nom peu glamour pour un dispositif complexe, et qui par ailleurs n’a rien à voir avec les branchements divers et variés des bobines entre elles… Gare à la confusion !
Ainsi, face à l’infinité de combinaisons possibles, quand on parle de branchements en série ou en parallèle, on a donc vite fait de se perdre si l’on ne réfléchit pas calmement pour savoir si l’on parle du branchement des bobines à l’intérieur du micro, ou du branchement des micros entre eux. Méfiance !
Triple coil, quad coil, quand y’en a plus y’en a en-coil…
Bah oui, avoir uniquement le choix entre single coil ou dual coil ça semblait trop simple hein… En fait il s’agit ici d’un artifice : il y a bel et bien uniquement 2 types de micros possibles : simple bobinage ou double bobinage. En revanche, à l’intérieur de l’objet micro (le morceau de plastique à peu près rectangulaire duquel dépasse des fils), il peut y‘avoir autant de bobines qu’on le veut, avec une souplesse de câblage infinie.
Ainsi, des micros peuvent comporter 3 bobines (triple coil) et toutes sortes de montages sont possibles : cumuler deux bobines entre elles en tant que humbucker, et une troisième en single coil, brancher le tout en série ou en parallèle, laisser les trois sous forme de trois single coil mais tout monter en série, utiliser deux bobines pour le signal (humbucker) et une troisième comme bobine fantôme quand le humbucker est splitté en single coil (cas du micro des basses Ibanez AT)… L’imagination est la seule limite !
De même, un micro « quad coil » est une appellation derrière laquelle se cache un gros pavé comprenant bien quatre bobines, mais le plus souvent groupées deux par deux en deux humbuckers, avec toutes les fantaisies possibles de câblage de chacun de ces deux humbuckers en interne, et des deux humbuckers entre eux.
Encore une fois, prendre le temps de distinguer ce qui relève de la connexion de bobines entre elles, ou de micros entre eux, permet de s’y retrouver.