Avec l’essai cette semaine de la distorsion à lampe Mutterstolz, benjamine de la série de pédales analogiques Root Effects de la marque allemande Palmer, la rédaction d’Audiofanzine met en lumière d’autres modèles un peu moins récents de la collection comme la Timepressor, l’Automat ainsi qu’une pédale des plus étranges, sortie en novembre 2011 et doyenne de ces tests, que nous allons examiner ici : la Kaputt.
Nicht Kaputt
Avant toute chose, revenons sur le choix marketing très insolite du nom de notre appareil. Même les moins germanophones l’associeront automatiquement à l’idée d’une pédale complètement fichue. Mais rassurez-vous, il n’en est rien, notre pédale est en bonne santé, en très bonne santé même. Comme ses sœurs, elle est bâtie comme un panzer.
Son socle en acier plus large qu’elle, en la dépassant sur le haut et les côtés, protège les embouts de nos câbles. Nous pourrons aussi la visser à notre pedalboard pour plus de stabilité grâce à deux petits trous dans la base prévus à cet effet. Enfin, vissée ou non, rien ne peut l’ébranler avec son gros patin antidérapant collé dessous qui nous laisse quand même accéder à la pile (9V).
Les différents composants extérieurs confirment l’impression de fiabilité : le footswitch a été visiblement conçu pour souffrir sans rompre, les potentiomètres et les entrées jack sont en métal. À côté du commutateur, une LED rouge témoigne de la mise en marche de l’effet et nous signale l’état d’usure de la pile. Sur la face haute, les indispensables Input/Output, un mystérieux bouton « MOD » (dont nous dévoilerons l’utilité dans la partie suivante) et une entrée pour alimentation 9V.
Tout cela ressemble à un sans faute dans la conception sauf que la solidité à ses contreparties : le poids et la taille d’une part (762 grammes pour 120 × 60 × 120mm) et les branchements d’autre part. On a parfois envie de faire un remake de 89 et d’abattre le mur, enfin, le socle protecteur. S’il ne nous interdit pas totalement de brancher les mini câbles patchs coudés fréquemment utilisés dans les pedalboards, dès qu’ils sont un peu plus longs, ça devient franchement compliqué, surtout si le câble flex de notre alimentation est lui aussi coudé (c’est le cas en général).
Et pour pinailler un peu, même si le logo décrit visuellement très bien le concept général de l’effet (il arrive, il arrive, je vois bien que vous vous impatientez), le choix de la typographie argentée sur le bleu turquoise du boîtier (pour ne pas la confondre avec le bleu d’une autre Root Effects, la Compressor) est malheureux. Il est très difficile de lire les fonctions des potards, il faudra les apprendre par cœur. Il n’y en a certes que trois, ça ne devrait pas être trop ardu, mais bon quand même. Le noir ça jure un peu, mais au moins sur scène, ça se démarque de la couleur de fond. Vous serez sans doute d’accord avec moi, l’efficacité doit toujours primer sur l’esthétique.
La firme allemande se rattrape cependant en nous offrant deux médiators que nous trouverons dans la boîte en carton aux côtés de la notice (avec sa partie en français).
Alors, si cette pédale parait increvable, pourquoi donc s’appelle-t-elle « Kaputt » ?
Ganz Kaputt
Elle n’est pas abîmée, bien au contraire, c’est elle qui amoche, qui sabote, qui dégrade, qui souille, qui démolit, qui détruit, qui bousille, qui massa… hm… enfin bref, ce qu’elle ruine, c’est notre son. En gros, nous pourrons salir notre signal, lui faire perdre de sa définition, comme le ferait un bitcrusher ou une pédale LoFi, mais d’une manière inédite, grâce à l’action d’un octaver basique, tout ce qu’il y a de plus traditionnel.
Pour cela nous disposons d’un trio de potards :
- High, tout à fait à gauche, qui contrôle le taux et la qualité sonore des harmoniques aigües
- Blend, le bouton du milieu, correspondant au mix ou dry/wet si vous préférez, permet de doser le rapport signal d’origine/signal traité (au milieu, ils seront à égalité, complètement à droite, nous n’aurons que le signal traité)
- Low, à droite, qui gère le taux et la qualité sonore des harmoniques graves
Attention à ne pas confondre gestion des harmoniques et octaves. Le potentiomètre High ne vous donnera pas une octave supérieure, comme le Low, une octave inférieure (de toute façon, l’octave inférieure, c’est de base dirons nous).
Enfin, le bouton MOD sur la face haute de l’appareil, quand il est appuyé, désactive complètement le paramètre Low.
Voici la chaîne utilisée pour le test : guitares Fender Telecaster Deluxe > Ampli Mesa Boogie Triaxis + 2:90 > Simulateur de H.P Two Notes Torpedo Live > Carte son Apogee Duet.
J’ai choisi pour le premier exemple de vous faire écouter le son brut de l’octaver, les High et Low sont à 0, le Blend est aux 2/3. Le premier accord plaqué correspond au signal saturé original. En gardant les mêmes réglages, mais en augmentant le Blend au maximum, nous obtiendrons des basses très graves comme démontré dans le deuxième exemple. Nous pourrons ainsi voler le boulot du bassiste dans ses groupes de reggae/dub.
- 1 octaver high0 low0 blenddeuxtiers 00:22
- 2 sub bass high0 low0 blendfull 00:11
Mouais… en fait… non. On fera comme pour l’exemple 3 et on bypassera plutôt le Low (bouton MOD appuyé) tout en mettant le reste à fond. En ne jouant pas trop fort les notes graves (il semblerait que la pédale réagisse aussi à la hauteur des notes et à la dynamique), on pourra imiter un vieux synthé et piquer le boulot du claviériste dans son tribute band en hommage à Kraftwerk.
Oui, mais… non. En fait, nous avons toujours rêvé de composer des musiques pour jeux vidéo. Et notre pédale sait aussi imiter (un peu) le son 8 bits. Pour cela, et comme appliqué dans l’exemple 4, on gardera les réglages précédents en tournant le potard High d’abord au 1/4, au 1/3, à la moitié, aux 2/3 et au maximum (chaque arrêt dans la musique correspond à un nouveau réglage). Vous aurez facilement reconnu une mélodie qui illustre un jeu vidéo très célèbre, mais dans l’exemple 5, en gardant le High à fond, saurez-vous deviner de quel jeu l’extrait est tiré ? (petit kif perso, j’attends la réponse dans les forums. Celui qui trouve gagnera tout mon respect et toute mon estime éternels).
- 4 highquart tiers midi deuxtiers full blendfull mod on 00:36
- 5 highfull blendfull mod on 00:30
Dans le 6e exemple, nous lui donnerons une application beaucoup plus musicale en mettant enfin en action les trois potards ensemble : les buzz et autres saletés du potard High (aux 2/3) se mélangeront aux basses du Low (à fond) et le Blend sera aux 2/3 sur un riff bluesy/stoner (d’abord l’effet bypassé et ensuite activé). Pour finir, nous les mettrons tous à fond les ballons dans l’exemple 7 pour un son Über Kaputt (exemples audio 6 et 7).
- 6 riff highdeuxtiers blenddeuxtiers lowfull 00:20
- 7 fullkaputt 00:42
Kaputt, oder was ?
Certes, son utilisation est restreinte, un balochard pourra difficilement la placer dans « La Salsa du Démon » (quoique, dans un contexte plus electro…). Mais personne ne pourra lui reprocher son originalité. C’est un effet au sens noble du terme et nous pouvons nous réjouir que Palmer, avec ses Root Effects, ne se contente pas de proposer seulement des pédales conventionnelles, mais suit aussi la voie de l’innovation (tracée par d’autres marques avec des pédales aux boîtiers au moins aussi volumineux). D’autant qu’au prix annoncé de 78 €, mais environ 60 € généralement constaté, il serait vraiment dommage de ne pas lui laisser sa chance. Quand Jimi Hendrix s’est résolu à utiliser une Fuzz Face, elle était loin de faire l’unanimité. C’est aujourd’hui un classique. À vous d’exploiter votre génie et ses capacités afin de promettre à la Kaputt un sort aussi heureux, elle en est capable.
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