Quand on vous propose de tester un produit estampillé Universal Audio et conçu par les mains et les oreilles expertes d'anciens de chez Summit Audio et Avid, on se frotte les mains. Mais quand on vous annonce que le Sphere L22 peut modéliser jusqu'à 34 micros, on nage alors en pleine béatitude !
Universal Audio est une compagnie devenue un standard incontournable dans le milieu de l’audio, autant pour ses innombrables plug-ins de qualité que pour ses différentes interfaces audio. Histoire d’ajouter une nouvelle corde à son arc déjà bien fourni, cette compagnie s’est lancée depuis peu dans le développement de microphones.
À l’instar de Bock Audio, c’est donc maintenant les produits Townsend Labs qui se retrouvent sous l’effigie de la marque américaine et celui qui nous intéresse particulièrement aujourd’hui est le Townsend Sphere L22, un microphone capable de modéliser toute une gamme de micros parmi les plus grands classiques tout en offrant sa propre signature sonore.
La boite de Pandore
La première bonne surprise de ce test vient dès la réception du microphone. Pas de boite en plastique ou de housse en cuir : le Sphere L22 arrive dans une belle mallette, solide et légère, et renfermant tous les accessoires nécessaires à une bonne prise de son :
- une suspension de très bonne facture (et faisant énormément penser à celle du Neumann U87 avec le même système de fixation sur laquelle vient se visser le micro) ainsi que deux élastiques de rechange.
- une plus petite suspension (rappelant, elle, la suspension du TLM103), moins conséquente et plus pratique pour le placement du micro sur certaines prises de proximité.
- un sac de protection pour le microphone.
- évidemment le micro en lui-même accompagné de son câble 5 broches.
- et enfin un jeu de clefs pour fermer la mallette.
Le microphone
La seconde surprise arrive une fois le micro dans la main. De par son look, de par son design et de par son poids, on se rend tout de suite compte que les concepteurs n’ont pas fait les choses à moitié. La couleur « noir mat » est très classieuse et plus originale que le sempiternel gris prôné entre autres par Neumann and co. Les finitions sont magnifiques et la forme du corps et de la grille aidant, il ne me fallut que quelques secondes pour avoir la même sensation éprouvée lorsque l’on installe un beau micro à lampes. Mais attention ! Même si son look semble s’inspirer des fameux U47 et consorts, le Sphere L22 n’est pas un microphone à lampes. Et s’il s’agit bien d’un micro statique, sa technologie n’en est pas moins innovante.
Un peu de technique
Un système à doubles capsules…
Le micro Sphere est équipé de 2 capsules montées dos à dos. Chaque capsule ayant sa sortie audio dédiée, il suffit pour utiliser le L22 de brancher le câble 5 broches fourni avec. Ce câble est monté en Y et se dispatche vers deux XLRs labellisés « front » (pour la face avant du micro) et « rear » (pour l’arrière). Mais pourquoi donc deux sorties audio ? Car une fois ces deux sorties mixées ensemble, vous aurez la possibilité de recréer toutes les directivités possibles et imaginables. J’en vois déjà certains froncer les sourcils, mais ne craignez rien ! Aucun calcul ou équilibrage n’est nécessaire : un plug-in hyper intuitif vous simplifiera la tâche et vous amènera très vite vers le résultat escompté. Cardioïde, omnidirectionnel, bidirectionnel, hypercardioïde, j’en passe et des meilleures ! Toutes les directivités sont alors possibles. Il ne tient qu’à vous de choisir celle qui correspond le mieux à votre enregistrement (nous verrons plus tard à quel point cela peut être diablement efficace).
Une dernière attention est toutefois de rigueur : qui dit deux sorties, dit forcément deux préamplis. Et il est conseillé d’utiliser des préamplis crantés ou à commande numérique. Cela afin de bien garder l’équilibre entre les deux capsules et de s’assurer que tout le système de calcul du plug-in reste bien stable. Des marques comme Neve, Chandler, Millenia fonctionnent parfaitement tout comme les préamplis des interfaces Universal Audio (avec ou sans le système Unison).
Si jamais vous n’aviez en votre possession que des préamplis non crantés (de type Api ou autre), ne vous inquiétez pas, il existe un système de calibration accessible via un switch sur le microphone qui vous permettra d’ajuster au mieux vos réglages de gain.
… doublé d’un système à modélisations !
En plus de la possibilité de moduler sa directivité, sachez que le Sphere L22 est également un micro à modélisation et là ; cela devient encore plus intéressant ! En passant par le plug-in, pas moins de 34 microphones sont proposés : larges membranes, petites capsules, à lampes, statiques, dynamiques et même rubans ! La sélection est vraiment énorme et couvre un très large panel de couleurs sonores et quasiment tous les classiques dont un ingénieur peut rêver. En vrac et dans le désordre : U47, C12, Elam251, U67, U87, C414, Re20, 421, D12, 4038, 77DX et même le non moins fameux SM57 ! Un véritable arsenal sonore qui couvre à lui seul tous les besoins d’un studio ! De la prise batterie à la prise de voix, en passant par la guitare, le piano ou les percussions, sur le papier tout semble pouvoir convenir à ce microphone.
Voici la liste des micros modélisés et offerts lors de l’achat d’un Sphere L22 :
- Neumann U47
- Neumann U49
- Neumann U67 (2 versions)
- Neumann U87 (3 versions)
- Telefunken C12
- Telefunken Elam 251
- Sony C800g
- Sony C37 (2 versions)
- Akg C414 (4 versions)
- Gefell C563
- Soyuz 017P
- Akg C451
- Sennheiser Mkh416
- Coles 4038
- Rca 77DX (2 versions)
- Shure Sm57
- Shure Sm7
- Electrovoice Re20
- Sennheiser MD 409 (2 versions)
- Sennheiser MD 421 (3 versions)
- Akg D12 (2 versions)
- Townsend Micro Sphere (3 versions)
Place à la pratique !
Une fois toutes ces informations digérées, place enfin à la prise de son ! L’alimentation fantôme enclenchée (sur les deux préamplis bien sûr !), voilà une nouvelle surprise : le microphone s’allume ! Même si cette petite option prête à sourire et est assez amusante, le côté « m’as-tu vu » m’a tout de même un peu gêné et j’aurais aimé pouvoir couper cette lumière, mais aucun musicien n’a semblé perturbé par cela et j’imagine que ce n’est qu’une question de goût. En outre, il faut y reconnaître un atout lors du placement du micro, les capsules étant d’autant plus facilement visibles.
La voix…
En installant la configuration pour la voix, il fut très agréable de constater que le workflow du plug-in est vraiment très abouti. Étant en format UAD, VST, AAX Native et AAX Dsp, il s’intègre très facilement à votre installation, que vous soyez sur une interface Universal Audio ou sur un Protools HDX. Il vous suffit alors de créer une piste stéréo (rappelez-vous, ce micro possède deux sorties !) et d’y adjoindre le plug-in. À ce propos, afin de clarifier de potentiels problèmes de routing, les concepteurs ont été très malins : dès que vous insérez votre plug-in Sphere dans Protools, votre piste audio devient visuellement mono, vous indiquant que le rendu est bien monophonique. Petit détail, mais qui je pense a son importance !
Suivant votre façon de travailler, il est évidemment possible d’utiliser directement le plug-in à la prise de son et d’enregistrer la piste avec, ou de retravailler votre son plus tard. Et que cela soit via petite une interface Apollo Twin ou directement dans le Protools, je n’ai ressenti absolument aucun problème de latence ou ralentissement (le plug-in n’est pas un gros consommateur de DSP).
Pour la première prise de son, nous avons choisi de laisser le plug-in sur le preset « Sphere Linear » afin d’écouter le rendu sonore propre au microphone, sans aucune modélisation. Je fus très agréablement surpris par la qualité du Sphere L22. Tout en offrant une couleur plutôt neutre, la présence est incroyable et les aigus sont d’une douceur merveilleuse. Qui dit neutre ne veut certainement pas dire fade et l’on comprend de suite que ce micro peut se prêter à toutes sortes de sources sonores. Lors de l’enregistrement, il devint clair que cette polyvalence serait décuplée de manière phénoménale par le système de modélisation. Quelle joie de passer en quelques clics d’un U47 à un SM7 pour finalement essayer un C12 ! Tout se passe de manière très intuitive et même si l’on peut rentrer dans des réglages très pointus (de la directivité en passant par un filtre passe-haut ou l’effet de proximité), les presets de base fonctionnent à la perfection.
Sur une voix criée « à la Brian Johnson », la modélisation du U47 fonctionnait très bien, mais il fut intéressant d’essayer si un autre micro convenait mieux à ce type de chant. Que cela soit avec la modélisation du SM7 ou celle du U87, il fut très agréable de retrouver les caractéristiques et la couleur sonore de chaque microphone. Histoire de pousser le test, un U87 et un SM7 furent installés aux côtés du L22. Si les modélisations n’avaient absolument pas à rougir, il me faut avouer une petite, mais réelle préférence des micros originaux qui offraient un petit plus et une couleur plus marquée. Mais à chaque réécoute, le rendu du L22 et sa profondeur satisfirent tout le monde.
Une autre particularité du micro devint évidente : celle de modifier ses caractéristiques habituelles. Alors que jamais je n’aurais osé mettre un Coles 4038 devant un tel chanteur, il fut très amusant d’écouter le résultat que cela pourrait donner. Mais également de jouer avec la directivité (passer d’une directivité bidirectionnelle à cardioïde et ainsi éviter un son de pièce ou de repisse avec un autre instrument), voire d’amoindrir l’effet de proximité induit avec les Coles. Et le rendu était loin d’être inintéressant ! Comprenez que le fait de changer la directivité permet aussi de changer légèrement le timbre du microphone. Cela peut s’avérer pratique pour moduler le son, mais aussi si vous vouliez cette fois accentuer l’effet de pièce ou d’éloignement par rapport au micro, par exemple pour différencier des voix lead de doublages ou de chœurs voire pour faire des effets de dé-timbrage.
Enfin, une dernière option nommée « dual » permet de cumuler deux micros sur la même source. À cet instant, une nouvelle salve de possibilités s’offre à vous. Vous aimez bien la présence du U47, mais aimeriez ajouter les aigus d’un C12 ? Aucun souci ! Vous adorez le U87, mais aimeriez rajouter la présence et le corps d’un 4038 ? Banco ! Un petit potard « Mix » vous permet de jongler entre les deux modélisations et il devient même possible de jouer avec l’alignement fictif entre les deux micros proposés, rajoutant encore une infinité de rendus sonores (cf. le fichier vocal blend).
- A1 Male L22 Sphere Linear00:24
- A2 Male L 22 LD47K00:24
- A3 Male L22 LD U87 Modern00:24
- A4 Male L22 Dn700:24
- A5 Male L22 DN2000:24
- A6 Male L22 RB4038 Cardio00:24
- A7 Male L22 Vocal Blend00:24
- A8 Male U8700:24
- A9 Male Sm700:24
- B1 Male L22 Sphere Linear00:27
- B2 Male L 22 LD47K00:27
- B3 Male L22 LD U87 Modern00:27
- B4 Male L22 Dn700:27
- B5 Male L22 Vocal Blend00:27
- B6 Male U8700:27
- B7 Male Sm700:27
- B8 Male L 22 LD6700:27
- B9 Male L 22 LD80000:27
La deuxième étape de test se fit sur une voix féminine et là encore le micro ne déméritait pas. Que cela soit sur une voix bien douce et ronde ou un peu plus éraillée, le micro reflétait à merveille le timbre de la chanteuse. Cela fut très amusant de chercher quel micro convenait le plus et aussi d’essayer les différentes couleurs entre chaque version de 414 et de 87 proposés (4 pour le 414 et 3 pour le 87). Pour ces prises de voix, je découvris la plus-value de pouvoir modifier son choix en postproduction. En effet, lors du mixage le besoin d’un peu plus d’aigus se fit ressentir et je n’eus qu’à changer de preset pour arriver à un résultat qui s’insérait à la perfection dans le mix.
- C1 Female L22 Sphere Linear00:39
- C2 Female L22 LD25100:39
- C3 Female L22 LD1200:39
- C4 Female L22 87 Modern00:39
- C5 Female L22 LD414 Brass00:39
- C6 Female L22 LD414 Nylon00:39
- C7 Female L22 LD414 US00:39
- C8 Female L22 LD414 T200:39
- C9 Female L22 Vocal Blend00:39
- C10 Female 8700:39
- C11 Female 41400:39
- D1 Female L22 Sphere Linear00:36
- D2 Female L22 LD25100:36
- D3 Female L22 LD1200:36
- D4 Female L22 87 Modern00:36
- D5 Female L22 LD414 Brass00:36
- D6 Female L22 LD414 Nylon00:36
- D7 Female L22 LD414 US00:36
- D8 Female L22 LD414 T200:36
- D9 Female L22 Vocal Blend00:36
- D10 Female 8700:36
- D11 Female 41400:36
La guitare et le ukulélé…
Pour la prise de guitare électrique (pour lequel le pad –20 dB dut être enclenché), le L22 souffrit un peu plus face aux dynamiques SM57 et RE20 qui offraient à mon oreille un son plus excitant, car plus mordant et/ou creusé. Mais comme pour les voix, le micro Townsend Labs offrait un résultat très convaincant et sa douceur dans les aigus se révéla à nouveau complètement. Je trouve peut-être un peu regrettable de ne pas voir d’émulation de Royer R121 qui est devenu un classique dans la prise de son de guitare, mais 34 options de modélisations sont déjà bien suffisantes pour parvenir à un son de qualité et rien ne nous empêche d’espérer de futures mises à jour du plug-in avec encore plus de modélisations !
- I1 Gtr 222 Sphere00:21
- I2 Gtr L22 DN5700:21
- I3 Gtr L22 DN421B00:21
- I4 Gtr L22 DN2000:21
- I5 Gtr Sm5700:21
- I6 Gtr 42100:21
- I7 Gtr Re2000:21
Face à un ukulélé résophonique, le Sphere L22 montra à nouveau toutes ses prouesses et sa polyvalence. Comme pour les micros dynamiques, je fus un peu moins bluffé par les modélisations des micros à petite capsule qui paraissaient moins fines comparées au micro original, mais est-ce un vraiment un mal ? Vous remarquerez d’ailleurs que le L22 n’eut absolument aucun problème de souffle là où le C451 en pâtissait cruellement sur la prise de son d’arpège. L’art de répliquer les qualités d’un micro tout en en supprimant les défauts.
- E1 Uku L22 Sphere Linear00:18
- E2 Uku L22 SD45100:18
- E3 Uku L22 LD414 T200:18
- E4 Uku L22 DN5700:18
- E5 Uku 45100:18
- E6 Uku 41400:18
- F1 Uku L22 Sphere Linear00:13
- F2 Uku L22 SD45100:13
- F3 Uku L22 LD414 T200:13
- F4 Uku L22 DN5700:13
- F5 Uku 45100:13
- F6 Uku 41400:13
Et la stéréo dans tout cela ?
Pour finir ces tests, il faut savoir que le L22 permet également de faire des prises de son stéréophoniques. Le setup reste à peu de choses près le même sinon qu’il vous faudra alors tourner le micro de 90° degrés (un petit logo vous indique quel endroit viser) et passer sur le plug-in dédié (nommé « Sphere 180 »). Bien entendu votre piste restera alors stéréophonique et c’est à vous de choisir votre couple de microphones préférés. Vous pourrez rester sur un « vrai couple » stéréo en utilisant les deux mêmes modélisations ou bien jouer justement sur la différence de microphones pour accentuer votre image sonore. Un exemple étant d’utiliser un micro pour le corps de la guitare et un autre pour le manche (cf. exemples audio).
Une fois de plus, tous ces choix apportent une polyvalence incroyable : votre stéréo peut passer de très légèrement ouverte (très musicale et réaliste) à complètement écartée avec un centre bien moindre, voire inexistant. Une nouvelle boite de pandore s’ouvre alors et une envie irrépressible de tester ce micro sur d’autres sources se fait ressentir. Piano, overhead de batterie, chœurs, chorale, micro de room etc. Rien ne semble impossible pour ce micro et pour tout vous avouer, un test sur un piano et sur une batterie étaient prévus mais durent malheureusement être annulés pour cause de retour de Covid-19 !
- G1 Uku L22 Stereo Flat00:22
- G2 Uku L22 Acc Gtr L-Neck R-Body Preset00:22
- G3 Uku L22 Acc Gtr Wide Preset00:22
- H1 Uku L22 Stereo Flat00:28
- H2 Uku L22 Acc Gtr L-Neck R-Body Preset00:28
- H3 Uku L22 Acc Gtr Wide Preset00:28
Conclusion
La polyvalence de ce produit n’est clairement plus à démontrer, que cela soit par le choix de la directivité, par celui des modélisations qu’il propose ou par tous les paramètres auxquels nous avons accès via le plug-in. Un tel panel de couleurs sonores est tout bonnement incroyable et pourra faire face à quasi toutes les situations rencontrées en studio. Certes, je ne suis pas sûr que ce micro corresponde aux attentes des studios ayant déjà un parc de micros complet et bien fourni, mais s’il me fallait un seul micro pour mener à bien un projet, celui-ci est sérieusement à prendre en considération ! Car quel son ! Ou devrais-je dire : QUELS SONS !
Nota bene
Hourra ! Deux bundles (payants) proposant justement d’autres modélisations sont disponibles au format UAD sur le site de Universal Audio :
- la collection de Bill Putnam, fondateur actuel de UniversalAudio, avec des raretés mythiques de chez Neuman, Akg, RCA…
- la collection de Allen Sides des studios Ocean Way, avec là encore du très rare de chez Neumann, RCA, Sony…