Après le « pourquoi » de l’automation évoqué la semaine dernière, la logique voudrait que l’article du jour soit consacré au « comment ».
Cependant, votre serviteur ayant déjà rédigé un papier virtuel sur la question il y a déjà près de trois ans, je préfère approfondir l’un des thèmes précédents : l’automation fonctionnelle.
Il était une fois…
Comme je vous l’expliquais tantôt, l’objectif de ce type d’automation peut se résumer ainsi : affiner tout le travail que nous avons déjà effectué. Pour mieux comprendre la chose, nous allons voir deux exemples concrets. Toutefois, n’attendez pas de ces derniers une exhaustivité à toute épreuve, il y a tellement de cas de figure différents qu’il serait illusoire d’espérer tout couvrir en si peu de lignes.
Pour notre première étude de cas d’automation fonctionnelle, imaginons un titre comprenant une ligne de basse bien charnue dans le bas du spectre accompagnée par une rythmique à la guitare folk format jumbo. Si nous suivons les recommandations sur l’égalisation, il y a de fortes chances pour qu’un filtre (passe-haut ou en plateau) soit présent sur la guitare afin de laisser la place à la basse dans ce registre du spectre audio. Ce traitement facilite l’articulation basse/guitare et convient sur la majeure partie du titre… Mais s’il arrive à la guitare de jouer seule, par exemple à l’occasion d’un break ou de l’intro, cette dernière risque alors de sonner trop « petit bras », voire pas naturelle pour un sou. C’est dans ces moments-là qu’il peut être judicieux d’automatiser votre filtre de façon à redonner un peu de corps à cette 6 cordes. Ainsi, le rendu global sera plus équilibré ou « plein ». Attention, n’y allez pas non plus à la hache ! Faites en sorte que cette automation ne soit pas clairement perceptible par l’auditeur, car rien n’est plus irritant pour ce dernier que de « sentir les mouvements » du gars derrière les manettes. À moins bien sûr qu’il ne s’agisse d’un effet spécial de production au service de l’évolution dramatique du morceau, ce qui sort alors du cadre de notre sujet du jour.
Autre exemple d’automation fonctionnelle, cette fois-ci avec de la compression. Envisageons un instrument dont vous contrôlez la dynamique au moyen d’un compresseur glissé en insert de piste. Tout se passe bien sauf à certains moments où le musicien s’est un peu trop emballé dans son interprétation, générant ainsi une paire de crêtes faisant travailler le plug-in de façon trop audible ou inesthétique. Que faire ? Eh bien dans ce cas, plusieurs solutions sont envisageables. La première consiste à automatiser le niveau seuil de votre compresseur à l’occasion de ces crêtes de façon à absorber les excès de zèle du musicien. La deuxième se résume à automatiser le volume de la piste lors des passages incriminés en amont du compresseur. Notez que si votre STAN n’offre pas la possibilité de régler ce paramètre, il vous est toujours possible de réaliser la manœuvre en insérant un plug-in de gestion du gain juste avant le compresseur. Bref, dans tous les cas, le résultat de l’opération devrait permettre à la compression d’évoluer en toute transparence tout au long du titre.
J’espère qu’au travers de ces deux exemples vous aurez saisi l’esprit de l’automation fonctionnelle. En gros, il faut y avoir recours dès que l’assemblage de votre puzzle sonore au cours du temps nécessite un petit coup de pouce pour que le tout sonne de façon naturelle. Toutefois, le genre de problèmes résolus via l’automation fonctionnelle peut parfois se régler autrement…
Les alternatives à l’automation fonctionnelles
Pour illustrer le sujet du jour, reprenons les deux exemples de la semaine dernière. Dans le premier, il était question d’automatiser le filtrage des graves d’une guitare folk pour faciliter l’articulation entre les passages avec ou sans basse. Une autre façon d’obtenir le même rendu se résume à utiliser un égaliseur dynamique disposant d’un circuit de sidechain externe. En effet, en insérant cet EQ sur la piste de guitare et en pilotant le filtrage du bas du spectre via le sidechain nourri par la basse, nous obtenons un résultat similaire. Attention toutefois à régler finement les constantes temporelles ainsi que la plage de fonctionnement de l’égalisation sous peine d’obtenir un rendu pas vraiment naturel.
Dans le deuxième cas, il s’agissait d’automatiser le seuil d’un compresseur ou le volume de piste avant ce dernier afin de rendre la compression plus transparente lors des plus hautes crêtes. Ici, une solution alternative consiste à utiliser un autre compresseur en amont et de le régler de façon à ce qu’il ramène gentiment les fameuses crêtes problématiques à un niveau plus adapté au traitement du compresseur suivant.
Pour conclure ce paragraphe, sachez que la majorité des cas d’automation fonctionnelle peuvent être résolus d’une façon alternative pour peu qu’on se creuse le ciboulot.
Bonnet blanc et blanc bonnet ?
Du coup, y a-t-il une façon de faire meilleure que l’autre ? Oui et non, cela dépend des habitudes de travail de chacun, des situations ainsi que des outils à votre disposition.
Personnellement, je suis un adepte du « less is more » et je préfère donc avoir recours à l’automation autant que faire se peut, le rendu sonnant plus naturel à mon oreille. De plus, tout le monde n’a pas toujours à disposition le bon plug-in qui va bien pour traiter tel ou tel problème, par exemple un plug-in d’égalisation dynamique avec sidechain externe. Sans parler de la manipulation de ce genre d’outils qui n’est pas foncièrement des plus évidentes… Gardez à l’esprit que ces plug-ins complexes peuvent engendrer de graves dégâts lorsqu’ils sont mal utilisés. Bref, l’automation fonctionnelle est à mon sens la réponse à privilégier en priorité.
Néanmoins, dans certaines situations, cette solution n’est pas réellement la plus adaptée à mon humble avis. Par exemple, dans le cas de la compression précédemment évoquée, si le nombre de crêtes posant problème est trop important, cela prendrait certainement beaucoup trop de temps à régler à coup d’automation. Dans un objectif de maximisation de la productivité, l’emploi d’un deuxième compresseur me semble ici beaucoup plus judicieux.
En définitive, et comme souvent en matière de mixage, le choix d’une façon de faire en lieu et place d’une autre n’a pas de réponse claire et définitive dans l’absolu. Je vous invite donc à gérer cela au cas par cas.
La semaine prochaine, nous aborderons le deuxième type d’automation : l’automation que je qualifie d’artistique.