Dans cet épisode, nous allons commencer l'enregistrement de notre batterie en décortiquant la prise habituellement baptisée Room Mono, une piste beaucoup plus importante qu'elle n'en a l'air…
Comme son nom l’indique, la prise Room Mono est l’enregistrement monophonique du son d’ambiance lors de la captation d’une batterie. Si j’ai choisi de commencer ce chapitre par celle-ci, ce n’est absolument pas par hasard. En effet, non content de jouer un rôle prépondérant dans la sensation de profondeur sonore en situation d’enregistrement de l’instrument au moyen de plusieurs micros, la Room Mono peut également être une solution de choix lorsque vous n’avez justement qu’un seul et unique micro et/ou qu’une seule et unique piste pour travailler. Cela peut vous sembler être un pis-aller pour home-studiste fauché, mais cette façon de faire est parfois un choix volontaire de production ! J’en veux pour preuve le magnifique titre You know I’m no good de feue Amy Winehouse dont la prise de batterie a été effectué par Gabriel Roth (Daptone Records) avec pour seul micro un Shure 55(*). Et cela ne m’étonnerait pas que Monsieur Roth ait procédé de la même manière sur cet instrumental envoûtant de Charles Bradley où la batterie est mixée « à l’ancienne ». Bien sûr, ce genre de prise n’offre pas la même latitude qu’une captation à plusieurs micros, mais le bon côté des choses, c’est qu’elle n’est, de fait, pas sujette aux problèmes de phase !
Bref, vous l’aurez compris, la Room Mono n’est pas à prendre à la légère.
En piste
Comme je vous l’ai expliqué à l’occasion de l’article précédent, l’enregistrement de notre batterie n’a pu être réalisé chez moi. Du coup, voici un petit point technique sur nos conditions d’enregistrement.
La conversion est assurée par une interface Soundscape Ibox 64-MADI-TA. Quant à la préamplification des micros, elle est prise en charge par un duo de consoles analogiques : une Soundcraft 3200 et une Amek TAC Bullet. Nous avons pris soin de ne pas trop faire travailler les préamplis de façon à obtenir un signal le plus « clean » possible, et bien entendu, aucune égalisation ni aucune compression n’ont été appliquées à la prise.
Pour la Room Mono dont il est question aujourd’hui, nous avons opté pour un micro à ruban Royer Labs R-121. Notre but étant d’obtenir une prise capable de donner du relief à la batterie sans pour autant flouter le rendu, nous avons placé le R-121 assez proche du kit :
- Légèrement en hauteur, dans l’axe de la grosse caisse, à environ 60 cm du tom médium ;
- Incliné sensiblement vers le bas ;
- Plus orienté vers la caisse claire que le tom basse ;
- De façon à ce que la projection orthogonale du micro sur le sol soit très proche de la grosse caisse, environ 5 cm.
Voici les résultats sonores de deux patterns différents :
- 01 RoomM Verse dry 00:14
- 02 RoomM Chorus dry 00:28
Nous verrons plus tard ce que cette piste apporte à l’ensemble une fois mélangée aux autres prises. En attendant, bien que cela sorte passablement du cadre de cette série sur l’enregistrement, voici quelques exemples de ce que nous pouvons déjà obtenir au mixage en ne travaillant qu’avec cette Room Mono :
- 03 RoomM Verse wet 00:14
- 04 RoomM Verse wet 2 00:14
- 05 RoomM Chorus wet 00:28
- 06 RoomM Chorus wet 2 00:28
Pour information, les traitements appliqués se résument à une campagne d’égalisation, de la compression plus ou moins violente et une légère réverbération. Avouez qu’il y a déjà de quoi faire, non ?
Remarques
Tout le monde n’a pas à disposition un R-121 à la maison. Sachez donc que pour ce genre d’application, un micro à ruban de moyenne gamme devrait généralement faire la blague. Pourquoi un micro à ruban ? Tout simplement car la réponse en fréquences de ce type de micro est bien souvent « moelleuse » dans le haut du spectre, ce qui évitera d’obtenir un son de cymbale trop agressif et en avant de la prise. De plus, la directivité en 8 de ces micros permet d’avoir une belle profondeur de champ en captant une dose adéquate du son de la pièce. Notez qu’en jouant sur la hauteur et l’inclinaison du micro, vous pourrez travailler l’équilibre graves / aigus, alors qu’en jouant sur la distance micro / batterie, vous travaillerez plus sur l’équilibre profondeur / précision.
Autre point que je souhaite évoquer, dans le cas d’un enregistrement de batterie à un seul micro, il peut être intéressant d’utiliser un micro dynamique à large membrane et directivité cardioïde afin d’obtenir un rendu plus « resserré » et précis. Et pour un son plus « punchy », n’hésitez pas à rapprocher encore plus ce micro pour le placer juste au-dessus de la frappe de la batte sur la grosse caisse avec la capsule dirigée vers la caisse claire. Ainsi, vous aurez certes moins de bas, mais le couple Kick / Snare sera pêchu à souhait et bien mis en avant par rapport au reste du kit.
Pour finir, gardez bien à l’esprit que le placement de ce micro chargé de capter cette Room Mono est primordial. Prenez donc bien la peine de tester plusieurs positions afin de trouver exactement le son qui correspond à vos attentes.
(*) Des recherches sur la toile laissent entendre que pour ce titre d’Amy Winehouse, un micro à ruban RCA 77 DX aurait été utilisé en complément du Shure 55, quasiment au même emplacement que ce dernier. Le son de l’album résulterait du mixage de ces deux micros avec en sus quelques samples de grosse caisse et de caisse claire. L’ajout de samples (layering) est une pratique courante dans la production du son de batterie, c’est pourquoi nous l’aborderons en détail dans un article ultérieur.
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