Le mixage est le test de puissance ultime pour le processeur de votre ordinateur
Les plugins ont changé les règles du mixage. À l’époque des périphériques physiques, le problème était d’avoir suffisamment d’équipements pour pouvoir traiter toutes les pistes. À présent que vous pouvez insérer un seul et même plugin dans plusieurs pistes, la question est plutôt de savoir si le processeur de votre ordinateur aura suffisamment de puissance pour supporter toutes les instances du plugin.
On peut commencer par se demander si cette question est réellement importante. Après tout, la problématique du mix relève avant tout de critères artistiques, d’équilibre tonal et d’impact émotionnel plutôt que de technologie. Cependant, pour servir au mieux votre musique, vous voudrez certainement bénéficier de la meilleure qualité audio possible. Et c’est là que la pratique se heurte à la puissance de calcul.
Le problème des plugins
Les plugins consomment des ressources processeur. Or, le cerveau de votre ordinateur ne dispose pas d’une puissance infinie. Vous saisissez le problème ? Le fait d’utiliser trop de plugins a des conséquences audibles rapidement : décrochages audio, fonctionnement haché, voire même défaillance totale du moteur audio.
Et ironie du sort, ce sont parfois les meilleurs plugins qui consomment le plus de ressources processeur. Cette règle n’est pas systématiquement vérifiée : certains plugins programmés à la va-vite possèdent un rendement très faible et consomment donc des ressources énormes, tandis que d’autres bénéficient d’algorithmes extrêmement performants, car bien développés, qui sonnent très bien sans dévorer trop de ressources processeur. Cependant, elle reste vraie dans la plupart des cas.
En bref, si votre mix nécessite des traitements importants, vous voudrez maximiser la puissance de calcul à votre disposition. Voici donc les 10 conseils principaux pour vous aider à optimiser les ressources processeur de votre système.
1. Changez de processeur
Éludons tout d’abord l’option la plus onéreuse ! Étant donné que chaque plugin consomme un certain nombre de cycles du processeur, plus ce dernier est rapide, plus il pourra supporter un grand nombre de plugins. Bien qu’il existe quelques autres variables, la règle d’or est la suivante : plus la fréquence du processeur est élevée, plus la puissance dévolue aux plugins est importante. Votre processeur affiche une fréquence indigne de notre époque ? Il est temps d’en changer !
Et en bonus, vous bénéficierez d’un gain de vitesse pour toutes les autres tâches réalisées par l’ordinateur.
2. Augmentez la latence
Voici la solution la moins chère : augmentez la latence de votre système. Lorsque vous enregistrez – tout spécialement si vous appliquez des traitements en temps réel (par exemple quand vous jouez votre guitare avec un plugin de simulation d’ampli) ou si vous jouez des instruments virtuels à partir d’un clavier maître, vous aurez besoin d’une latence réduite afin que le décalage temporel entre l’instant où vous jouez une note et le moment où elle retentit soit quasiment imperceptible. Or une latence aussi courte donne une charge de travail bien supérieure au processeur de l’ordinateur. Pour le mixage, la situation est différente : vous ne percevrez pas vraiment une latence de 10 ou même 25 millisecondes. Plus la latence est élevée, plus vous pourrez utiliser un grand nombre de plugins.
Certains programmes de MAO vous donnent directement accès au réglage de latence : vous trouverez ce paramètre dans un menu du genre « Préférences ». À défaut, vous devrez ajuster la latence en utilisant une petite application fournie avec votre carte son (illustration 1).
3. Utilisez des plugins fonctionnant avec un hardware spécifique
Illustration 2
Des fabricants et éditeurs de produits audio proposent des cartes ou des périphériques à DSP (notamment Universal Audio). D’autres ont développé des interfaces audio équipées de DSP. L’intégration de ce type de matériel s’effectue soit directement dans l’ordinateur (carte), soit par une liaison utilisant une interface rapide du style FireWire. Ces produits possèdent leurs propres plugins propriétaires et sont parfois compatibles avec certains plugins tiers. Ainsi, les plugins en question ne grèvent pas la puissance de calcul du processeur de l’ordinateur (illustration 2).
Bien sûr, la puissance de ces cartes ou interfaces n’est pas illimitée, mais elle est clairement définie de sorte que vous pourrez mettre les DSP dans le rouge sans craindre d’effet indésirable. Ce n’est pas le cas avec des plugins natifs qui pourront avoir des conséquences négatives sur tout le système dès lors que vous approcherez la puissance limite du processeur de l’ordinateur.
Avantage intéressant : les plugins associés à un matériel spécifique sont généralement indépendants de la plate-forme de votre système.
4. Utilisez les inserts des auxiliaires et des sous-groupes
Vous augmenterez le rendement de votre système en insérant un effet dans un bus auxiliaire ou un sous-groupe plutôt que de l’utiliser plusieurs fois dans différentes pistes (illustration 3). Bien entendu, dans certains cas, l’effet ne doit concerner qu’un seul et unique canal. Mais avec les effets tels que la reverb, qui tendent à consommer beaucoup de ressources, utilisez les bus auxiliaires à chaque fois que cela est possible. Parfois, même un égaliseur pourra traiter plusieurs pistes par le biais d’un sous-groupe. Par exemple, après avoir enregistré une section de percussions, imaginons que vous remarquiez que l’ensemble des pistes concernées manque de brillance. Routez toutes les pistes en question vers un sous-groupe dans lequel vous aurez inséré un seul égaliseur qui traitera tous les canaux.
5. Désactivez tout ce que vous n’utilisez pas
Chaque élément actif consomme des ressources processeur. Vous n’utilisez qu’une seule bande d’un égaliseur qui en possède quatre ? Faites en sorte d’éteindre les bandes inutilisées. Même les pilotes d’entrée et de sortie consomment des ressources processeur. Lorsque vous mixez, vous n’avez certainement pas besoin du pilote des entrées de votre carte son (à une exception près que nous aborderons ci-dessous). Par conséquent, n’hésitez pas à le désactiver (illustration 4).
6. Utilisez des processeurs externes
Illustration 5
La reverb est l’un des effets les plus gourmands en ressources processeur. Une bonne reverb native sera sans pitié avec votre système (c’est d’ailleurs pour cette raison que certaines des meilleures reverbs sont conçues sous forme de plugins à base de DSP). Une solution consiste à utiliser un processeur d’effets externe. Réservez l’un des bus de sortie de votre carte son pour alimenter le processeur externe dont vous relierez les sorties aux entrées de la carte son.
Certains objecteront que ce procédé ajoute de la latence à la reverb. Et ils auront raison ! Considérez-la comme faisant partie intégrante du paramètre pre-delay ou, si vous êtes vraiment pointilleux, enregistrez la reverb dans une piste du séquenceur puis déplacez cette dernière vers l’avant. La plupart des séquenceurs actuels facilitent grandement l’intégration de processeurs externes (illustration 5) et compensent même la latence.
7. Utilisez une table de mixage
Personnellement, j’ai conçu mon système autour d’une console numérique, non seulement parce qu’elle m’est utile à l’enregistrement, mais aussi parce que j’aime beaucoup ses égaliseurs. Si j’ai besoin de nombreux égaliseurs de bonne qualité que mon ordinateur ne peut pas fournir, j’envoie des canaux ou des sous-groupes de mon morceaux dans ma console par l’intermédiaire des connexions ADAT (lightpipe) de mon interface audio. Ainsi, je peux utiliser les égaliseurs de ma table de mixage. Ensuite, soit je renvoie les sorties de la console dans l’ordinateur, soit je fais le mix avec ma table comme à la grande époque. Avantage : les bus auxiliaires d’une table de mixage sont parfaits pour intégrer un processeur de reverb externe. Et en plus, vous pourrez mixer en posant vos doigts sur de vrais faders.
8. Gelez des canaux
Certains synthétiseurs logiciels consomment énormément de ressources processeur et quelques plugins d’effet sont également très gourmands. Par conséquent, utilisez la fonction de gel (Freeze) du séquenceur hôte pour convertir certains canaux utilisant des plugins en temps réel en fichiers audio stockés sur le disque dur. Vous gagnerez ainsi beaucoup de puissance de calcul.
9. Utilisez l’automation par snapshots
Les plugins ne sont pas les seuls à solliciter le processeur de votre ordinateur : l’automation en temps réel consomme également des cycles du processeur. En simplifiant vos courbes d’automation, vous économiserez la puissance de calcul du système que vous pourrez utiliser pour des plugins. Votre programme hôte possède certainement un algorithme économique. Utilisez-le car vous n’aurez généralement pas besoin de données d’automation aussi complexes que celles générées en bougeant les faders en temps réel.
En fait, le meilleur moyen d’économiser les ressources processeur est d’utiliser l’automation par snapshots (instantanés) plutôt que par courbes continues. Dans la plupart des cas, les snapshots vous suffiront. Ce procédé crée des « instantanés » de l’ensemble des réglages à un moment donné sur la ligne temporelle du séquenceur. Lorsque le logiciel de MAO atteint l’instant en question, les réglages sont rappelés et appliqués immédiatement.
10. Vérifiez le protocole d’automation de vos plugins
Notre dernier conseil ne s’applique pas à la puissance de calcul. Il concerne la préservation de la qualité sonore. De nombreux plugins d’effet et d’instrument offrent différentes techniques d’automation : par enregistrement des mouvements des commandes affichées, par ordres Controller MIDI, par l’automation de l’application hôte (VST ou DXi), etc. Cependant, les techniques d’automation ne sont pas toutes égales. Par exemple, le fait de déplacer des commandes à l’écran peut créer des données d’automation dont la résolution est supérieure à celle des ordres envoyés par MIDI, cette dernière pouvant se limiter à 128 pas de réglage. Bref, utilisez la méthode d’automation adaptée à vos besoins pour obtenir des balayages de filtre parfaitement fluides ou éviter les modifications de valeur par sauts audibles.
Pour finir…
Bien… C’était le top 10 des conseils ! Et en voici un dernier : à chaque fois que vous vous apprêtez à insérer un plugin, demandez-vous si vous en avez réellement besoin. Nombreux sont ceux qui commencent leur mixage en procédant piste par piste et qui cherchent à optimiser le son de chaque canal en ajoutant un égaliseur, une reverb, etc. Ensuite, ils ajoutent successivement des pistes qu’ils tentent d’optimiser une par une. Avec cette méthode, vous risquez d’obtenir un son surproduit et finalement ennuyeux. Par conséquent, commencez par faire une « mise à plat » à partir des canaux sans traitement (ou quasiment). Ensuite seulement, analysez le son pour identifier les éventuels problèmes puis les résoudre. Bien souvent, un bon son d’ensemble est constitué de pistes au son imparfait lorsqu’on les écoute isolément.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.