Suite aux commentaires du précédent épisode, je vous propose cette semaine un article qui devrait vous aider à comprendre le danger qu'il peut y avoir à utiliser certains préamplis micro.
Cauchemar en cuisine
Je ne vais pas vous faire ici un pompeux succédané de cours sur le traitement du signal, sachez juste que tout signal passant au travers d’un appareil analogique est plus ou moins modifié de façon non linéaire. Ces déformations plus ou moins prononcées du signal participent à ce que l’on nomme « coloration » dans le petit monde de l’audio. Parmi ces transformations du signal, l’une des composantes les plus importantes en termes de coloration du son se résume à l’ajout de distorsion harmonique. Pour faire simple, il s’agit de l’ajout d’harmoniques pairs et/ou impairs à la fondamentale d’un son. Pour en revenir au sujet du jour, plus un préampli micro est dit « coloré » et plus il aura tendance à ajouter de la distorsion harmonique au signal lorsque l’utilisateur pousse le gain d’entrée. Or, cette distorsion harmonique est assez agréable à l’oreille sur les préamplis bien ficelés. Là où le bât blesse, c’est qu’à trop fortes doses, les bienfaits de cette distorsion s’effacent rapidement…
Voici une petite métaphore culinaire qui devrait, je l’espère, vous aider à mieux comprendre mon propos. Imaginez que vous souhaitiez vous concocter une belle omelette aux lardons. Pour ce faire, vous avez pris la peine de vous procurer des ingrédients de premier choix : œufs fraichement sortis de la ferme du village d’à côté, oignons de votre jardin et beaux lardons acquis chez le meilleur boucher du cru. Pour commencer, vous émincez vos oignons et les faites revenir dans un filet d’huile à la poêle. Ce faisant, vous ajoutez une pincée de sel de façon à les pousser à se caraméliser légèrement. Une fois que vous vous êtes bien occupé de vos oignons, vous ajoutez les lardons. Ces derniers sont par nature déjà relativement salés, mais comme vous avez un jour entendu un chef étoilé dire à la télé qu’il était important de saler au moment de la cuisson, vous mettez à nouveau votre petit grain de sel. Pendant que la préparation rissole gentiment, vous décidez de vous attaquer à vos oeufs. Avant de les battre, l’usage veut que l’on rajoute encore une pincée de sel… Puis, une fois les oeufs versés dans la poêle, la cuisson nécessite bien sûr une nouvelle pincée, non ? Maintenant que votre omelette est baveuse à souhait, il est grand temps de passer à table. Or, comme malheureusement beaucoup de personnes, vous avez la fâcheuse habitude de resaler avant même d’avoir goûté vos plats. Résultat des courses, votre bonne petite omelette aux lardons a le goût de… sel. Impossible de vous délecter de la saveur initiale des ingrédients que vous avez pris la peine de sélectionner avec amour. Pourtant, vous avez mis un point d’honneur à soigner la préparation en prenant le temps de suivre les conseils communément acceptés ainsi que les astuces des plus grands noms de la profession… Et bien entendu, il n’existe pas de recette miracle pour dessaler un mets. Tout ça pour ça.
Comme vous devez vous en douter, la distorsion harmonique est l’équivalent du sel à mes yeux. Ce n’est absolument pas une mauvaise chose en soi. D’ailleurs, bien utilisé, il s’agit d’un formidable outil capable de donner une très belle personnalité à certaines de vos prises. L’ennui, c’est l’effet cumulatif. Si lors de l’enregistrement vous en mettez sur la voix, sur la basse, la batterie, voire sur des guitares déjà saturées, cela commence à faire beaucoup. D’autant que vous en ajouterez certainement lors de la phase de mixage, sans parler du mastering. N’oubliez pas non plus que l’auditeur final peut également en rajouter en poussant trop fort son système de diffusion… Moralité, si vous n’y prenez garde, votre production sera au mieux « aplatie » sous le poids de tant de distorsion et au pire, l’écoute en sera fatigante, voire douloureuse. Avouez que c’est bien loin d’être souhaitable. Or, la gestion de cet aspect du son demande une oreille bien éduquée car d’une part, comme je vous l’ai déjà dit, la distorsion harmonique a de prime abord un côté plaisant, et d’autre part, nos esgourdes sont biologiquement programmées pour très vite s’y habituer, ce qui n’en facilite pas le dosage.
Mais alors, comment faire pour se prémunir de tout cela ? C’est ce que nous verrons dès la semaine prochaine !