Dans la jungle densément peuplée des réverbérations logicielles, un tente de s’accrocher à la liane de l’originalité. En mariant la fidélité de la convolution à la flexibilité de l’algorithmique, la WizooVerb W2 veut unir le meilleur des deux mondes.
Choisir une réverbération de nos jours n’est pas une chose aisée. Malgré tout, on peut distinguer deux grandes familles : les réverbérations à algorithmes qui existent depuis un certain temps et les réverbérations à convolution, plus récentes. Tandis que les premières sont issues de calculs, les dernières sont générées à partir de prises de son de véritables endroits. (Pour ceux qui pour le mot ‘convolution’ ne dit rien du tout, je vous invite à lire l’article de Wolfen disponible sur votre webzine préféré.) Si du point de vue du réalisme, les réverbérations à convolution ont un avantage certain, il n’en est pas de même pour la souplesse et la consommation processeur. De là est partie l’idée de Wizoo de profiter des avantages des deux camps. La WizooVerb est un produit hybride, et là est son avantage, pourquoi choisir quand on peut avoir les deux ?
Reste à savoir si elle remplit correctement sa mission et si les perturbations seront du voyage…
Décollage immédiat
À l’ouverture de la boîte renfermant le précieux logiciel, deux objets se présentent à nous : l’inévitable DVD d’installation et le guide de l’utilisateur. Il faut noter que si Wizoo a fait l’effort d’inclure une version papier de son manuel, celui-ci n’est pas en français, mais en anglais et allemand. Cela peut pénaliser pas mal de personnes, surtout avec un logiciel de ce type. Si vous êtes anglophones, toutefois, sachez que le livret est bien conçu et fait le tour des possibilités du nouveau rejeton de Wizoo.
Un fois la galette miroitante insérée dans le mange-disque, l’installation commence et se finit peu de temps après : c’est simple, rapide et efficace. Même l’activation est un plaisir (toute proportion gardée) : un code à rentrer, un fichier à télécharger et à exécuter, et c’est parti ! Le plug-in est reconnu dans le séquenceur (ici Cubase SX 3) et prêt à réverbérer à tout va. Le logiciel fonctionne aussi en stand alone et transforme votre simple ordinateur en périphérique externe, pratique pour les prestations live. L’interface du plug-in est sobre et agréable, on ne se perd pas dans les méandres des réglages. C’est clair, net et sans bavures.
Maintenant, Mesdames et Messieurs, veuillez attacher vos ceintures, nous nous apprêtons à décoller…
Charter et classe affaire
La WizooVerb fonctionne d’une manière très particulière. En fait, elle combine deux méthodes pour générer une réverbération. La première est issue de la convolution, HDIR (High Definition Impulse Rendition), et la seconde est un système propriétaire de rendu, AIR (Acoustic Impulse Rendition). Évidemment, elles ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. L’HDIR, grâce aux impulsions, effectue un rendu de l’acoustique de la salle dans les moindres détails. C’est d’ailleurs la méthode qui est mise le plus en avant dans ce programme. Nous verrons plus tard que les HDIR sont des impulsions améliorées spécialement conçues pour fonctionner avec la WizooVerb.
L’AIR, quant à lui, permet de re-synthétiser une portion des impulsions qui sera ensuite calculée en temps réel. Les principaux avantages sont de pouvoir avoir une plus grande flexibilité et une consommation processeur moindre. Un choix s’offre à nous : si l’on veut obtenir une réverbération naturelle et fidèle, on utilisera l’HDIR. L’AIR sera un choix plus judicieux si l’on veut davantage de possibilités d’édition et épargner les performances de son ordinateur.
Mais avec la WizooVerb, il est possible d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Ainsi, on peut scinder la réverbération en deux, les premières réflexions et la queue, et assigner chacune à une méthode différente. En gardant les premières réflexions en HDIR et en faisant un rendu AIR sur la queue, on garde une bonne qualité audio et une consommation processeur moindre. Les premières réflexions étant les plus importantes dans un mix, cette méthode peut se révéler astucieuse. On pourra aussi se laisser aller et tenter des combinaisons improbables, mais originales. Si une partie d’une impulsion ne vous convient pas, il est possible de l’éditer très facilement et de faire votre petite cuisine personnelle. Car le désavantage principal de l’HDIR est d’avoir un temps de latence à chaque fois que l’on touche un potard. Ainsi, toucher aux réglages devient vite fastidieux, long et ennuyant. Dans ces cas là, la fonction de rendu prend tout son sens.
Tableau de bord
Tout chef cuistot vous le dira : le plus important, ce sont les ustensiles ! Heureusement, Wizoo a pensé à vous et fournit de quoi faire votre petite cuisine. Au menu : pré délai, room size, main time et consorts.
On commence par la section d’entrée, qui inclut un vumètre, un potentiomètre ‘input’ pour régler le volume d’entrée et un autre ‘width’. Ce dernier permet d’élargir l’image stéréo du signal avant qu’il n’atteigne l’effet. Cela influe sur la largeur stéréo, mais aussi sur l’impression de distance. Avec des valeurs négatives, le son paraît plus sombre et lointain. Des valeurs positives en revanche donnent une sensation de proximité et de brillance.
La section de sortie possède elle aussi un réglage ‘width’, mais de par son emplacement dans la chaîne audio, son action n’aura pas la même incidence. Avec une valeur négative, on aura l’impression que la pièce diminue. Au contraire, une valeur positive donnera le sentiment d’être dans une grande salle. Cela pourra servir pour un effet bref et intense. On retrouve aussi un autre potentiomètre, le classique ‘dry/wet’ qui permet de doser l’effet quand celui-ci est mis en insert. Quand la W2 sera branchée en auxiliaire (le plus souvent), le bouton sera tourné à l’extrême droite. Le réglage se fera à partir du séquenceur.
Trois réglages sont disponibles sans quitter la page des presets. Ceci est très pratique pour cerner rapidement le type de réverbération que l’on désire. Ainsi, nous disposons d’un pré délai pour décaler le début de l’effet de quelques millisecondes, d’un ‘size’ qui détermine la taille de la pièce et enfin d’un ‘main time’ permettant d’allonger ou de raccourcir la durée de l’effet. Deux autres boutons sont assignables librement à partir du menu ‘setup/auxiliary controls’.
Le fuselage
Passons maintenant au plus intéressant, l’onglet ‘edit’. À gauche de la fenêtre nous découvrons un menu : ‘Early Reflexion’, ‘Tail’, ‘Envelope’ et ‘EQ’ qui correspondent respectivement aux premières réflexions, à la queue, l’enveloppe et l’égalisation. Intéressons-nous aux paramètres des premières réflexions. Une icône indique si on est présence d’une impulsion stéréo ou ‘true stéréo’. Un encadré dans le test explique la différence entre ces deux modes. Une autre icône représente le mode ‘reverse’ pour créer un effet de réverbération inversée. Le fameux bouton ‘Render ER’ qui permet de faire un rendu des premières réflexions se situe à droite de la forme d’onde. L’échelle de celle-ci pourra être agrandie ou diminuée selon la volonté de l’utilisateur.
Cinq réglages sont disponibles pour les premières réflexions. La directivité agit comme un ‘gate’ sur le début de la queue de la réverbération. Comme généralement elle apporte les informations dont l’auditeur a besoin pour localiser la source, l’atténuer rend le son plus ouvert. Il faut noter que ce réglage n’est pas disponible lorsque la fonction ‘render’ est activée.
Le pré délai est le temps établi entre le son brute et les premières réflexions. Il peut s’avérer utile sur des voix pour une meilleure intelligibilité.
Le potentiomètre ‘ER/Tail balance’ est comme son nom l’indique une balance entre les premières réflexions et la queue de réverbération. Il permet de mettre rapidement en valeur une partie de la forme d’onde.
Le ‘spread’ compresse les premières réflexions sur l’axe temporel. Plus elles sont compactées, plus la pièce paraît petite.
La fonction ‘RE/Tail Crossing’ permet de déterminer l’endroit où les premières réflexions se terminent et la queue commence.
Le bouton ‘Render ER’ permet donc de remplacer le modèle HDIR des premières réflexions par un modèle généré par l’AIR. Une liste de 15 modèles s’ouvre et l’utilisateur devra choisir en fonction de ses besoins. Si on veut garder le même genre de caractéristiques, alors il faudra un modèle correspondant à celui de l’HDIR. Mais il reste possible de combiner deux types de réverbérations différentes pour un résultat étonnant et original.
Les ailes et la queue
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En ce qui concerne le menu ‘Tail’, il permet d’éditer la queue comme on a fait précédemment avec les premières réflexions. Les réglages disponibles sont différents et au nombre de cinq quand le rendu est désactivé. Nous avons donc un réglage ‘main time’, ‘Low/High Freq’ qui permet de diviser la queue de réverbération en trois bandes. Ces réglages serviront à agir sur certaines fréquences de la réverbération. Ainsi avec les réglages ‘Low/High Time’, il est possible de raccourcir ou rallonger les graves et les aigus séparément. Cela permet de changer la couleur de la pièce rapidement.
Mais le meilleur moyen d’adapter la queue de la réverbération à son goût est de faire un rendu grâce au bouton ‘Render Tail’. Généralement, la queue est plus longue que les premières réflexions. Faire un rendu libérera donc plus de ressources processeur. Alors s’ouvre à nous un océan de possibilités : cinq paramètres font leur apparition. ‘Tail delay’ permet de retarder le départ de la queue de réverbération et d’avoir ainsi un effet d’écho.
‘Room size’ change la taille de la pièce générée par la queue. On pourra ainsi l’ajuster par rapport aux premières réflexions. Le réglage à 100%, on obtient une salle de type cathédrale ou ‘concert halls’. A 50%, une salle de type studio d’enregistrement.
Le curseur ‘ambience’ permet d’enfoncer la source plus loin dans la pièce virtuelle. Ce paramètre permet de donner de l’ampleur aux voix et aux instruments.
Le réglage ‘density’ permet de densifier les réflexions de la queue. En mettant ce réglage à zéro, on discerne bien chaque rebond du son sur les parois.
Et enfin l’ajustement ‘color’ donne une couleur plus ou moins sombre à la salle.
Passons maintenant à l’enveloppe qui pourra vous aider à modeler votre réverbération à souhait. Si votre effet vous paraît trop long, raccourcissez-le en quelques coups de souris. C’est simple et diablement efficace. La courbe vous permettra aussi de créer des effets étranges et originaux. Il faut noter par contre que ce réglage est absent quand un rendu est effectué sur la queue de réverbération. Les paramètres habituels sont disponibles : longueur de la courbe, le temps et la pente d’attaque et de relâchement. En faisant varier la valeur de la pente, on peut obtenir une courbe exponentielle, logarithmique ou linéaire.
On termine par l’égaliseur intégré, celui-ci possède quatre bandes et est situé après la réverbération. Il n’affectera que le signal ‘wet’. On est en présence de deux ‘shelves’, un pour les basses fréquences et un autre pour les hautes. Pour les moyennes, deux bandes paramétriques permettront de façonner le son à notre guise avec les réglages de gain, Q et de fréquence.
Reste le point le plus important : est-ce que ça sonne ?
Le mur du son
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Avant de commencer et de choisir sa réverbération, il faut savoir vers quel type d’effet on veut se diriger. Ainsi si l’on veut obtenir des réflexions très fidèles et sonnant naturelles, on se tournera vers les presets à base de HDIR. La deuxième possibilité est de vouloir un effet à part entière, nous ne sommes plus dans l’optique du réalisme. La fonction ‘Render’ prendra alors tout son sens et vous pourrez expérimenter tranquillement, avoir des réverbérations qui ne peuvent pas exister réellement.
Il faut cependant que le lecteur note une chose importante : La fonction ‘Render’ permet de soulager le processeur et d’entendre les possibilités d’édition, mais en aucun cas elle ne pourra remplacer la convolution initiale. En effet, au moment de faire le rendu, il faut choisir entre différents types de réverbérations et on ne peut que s’approcher du modèle HDIR sans jamais l’atteindre au niveau du son. La réverbération n’aura pas exactement les mêmes caractéristiques et il faudra bidouiller pas mal pour se rapprocher du son si telle est notre volonté. Donc, il faut voir cette fonction comme un élargisseur d’horizons plutôt qu’un véritable substitut au HDIR. On ne remplace pas la convolution comme ça !
Si vous êtes vraiment à court de puissance avec votre ordinateur, pensez à faire un rendu en priorité sur la queue de réverbération. C’est elle qui consomme le plus et qui s’entend le moins dans un mix. Après avoir faire un essai sur le modèle ‘Church’, j’ai constaté que la version HDIR avait beaucoup d’ampleur et sonnait très naturelle. C’est une véritable réussite ! J’ai ensuite fait un rendu en sélectionnant le modèle ‘Church’ mais de l’AIR cette fois-ci, et après avoir adapté les réglages pour me rapprocher le plus possible du son original, j’ai remarqué que la réverbération avait moins de corps. La différence est très sensible et n’échappera pas aux oreilles attentives. Voici trois exemples : un piano sans la W2, le même avec le preset 'Grand Piano Studio’ HDIR et le réglage Dry/Wet à 50%. Pour finir, la même réverbération, mais 100% algorithmique.
Atterrissage
Wizoo a voulu innover et c’est un pari gagné. Le plug-in a des possibilités énormes, une consommation réglable et un son à la hauteur de nos espérances. Elle ravira autant les puristes que les bidouilleurs en tout genre, il faut seulement noter que la fonction de rendu a certaines limites au niveau sonore, mais on a rien sans rien. A 245€, la WizooVerb W2 est donc une bonne affaire qui devrait, à coup sûr, devenir l’unique plug-in de plus d’un home studiste.