Est-il encore utile de présenter Eventide ? Depuis le début des années 70, le constructeur américain a produit bon nombre de racks d’effets haut de gamme ayant su se faire une place de choix au sein des plus grands studios de par le monde.
Un tel mastodonte de l’audio se devait de ne pas rater le virage du « tout virtuel ». C’est donc naturellement qu’Eventide s’est mis aux plug-ins, d’abord uniquement au format TDM pour Pro Tools dans les années 2000, puis progressivement en version native depuis 2011. Jusqu’à présent, nous n’avions toujours pas eu l’occasion de publier un test consacré à l’un de ces joujoux sonores. La sortie récente de l’UltraReverb nous offre une excellente opportunité de combler ce vide. Faut-il se jeter sur l’occasion ? Voici notre réponse en quelques lignes…
Ultra violé…
Avant de rentrer dans le vif du sujet, évacuons tout d’abord quelques considérations purement techniques. L’UltraReverb est un plug-in disponible aux formats VST, AU et AAX 64-bit pour Mac et Windows. Il faut impérativement un compte iLok pour pouvoir l’installer ; cependant, l’utilisation d’un dongle USB n’est pas obligatoire puisqu’il est possible de lier l’autorisation directement à l’ordinateur, merci ! Concernant la consommation en ressources processeur, l’UltraReverb a consommé entre 0.9 % et 1.7 % sur notre machine de test, à savoir un petit MacBook Air équipé d’un processeur Intel Core i7 bicœur cadencé à 2 GHz, ce qui laisse tout de même pas mal de marge.
Bien, passons maintenant aux choses sérieuses…
Ultra bright
Comme son nom le laisse supposer, l’UltraReverb est un plug-in de réverbération survitaminé. En effet, ce dernier propose 9 algorithmes de réverbe, un réducteur de bit pour une teinte « LoFi », un delay stéréo et un compresseur, le tout agrémenté de pas moins de 4 égaliseurs placés en différents points du chemin que suit le signal.
Nous sommes bien loin de la réverbération lambda et cela pourrait laisser croire qu’il s’agit d’une belle usine à gaz. Heureusement, Eventide a réussi le tour de force de rendre l’utilisation de l’ensemble hyper intuitive grâce à une interface graphique extrêmement simple et bien pensée qui regroupe les nombreux paramètres disponibles de façon logique en une seule et même fenêtre. Ainsi, la GUI toute de bleu vêtue se décompose en 6 modules que nous allons nous faire une joie de décortiquer.
Le premier module situé en bas à gauche gère tout simplement les niveaux d’entrée et de sortie du plug-in, ainsi que le dosage entre le signal source et le signal traité. Rien à dire de particulier de ce côté-là, c’est simple et efficace. Notons tout de même que le texte « LR » au-dessus des crêtes-mètres se colore en rouge lorsqu’il y a saturation en entrée ou en sortie.
Juste au-dessus se trouve le module principal, à savoir celui de la réverbération. Un menu déroulant permet de choisir parmi les 9 types disponibles : Hall 1 & 2, Room 1 & 2, Chamber 1 & 2, Plate 1 & 2 et enfin Ambience. Ces algorithmes sont tous dérivés du fameux processeur hardware H8000 UltraHarmonizer de la marque, ce qui laisse espérer une qualité certaine.
Afin de sculpter la réverbération, nous disposons ici de plusieurs sliders gérant les réglages suivants :
- Decay Time – l’équivalent du RT60, soit le temps qu’il faut au son réverbéré pour diminuer de 60 dB ;
- Room Size – pour régler la taille perçue de l’espace ;
- Glide Rate – paramètre assez inhabituel permettant de gérer le temps que met le taille de la pièce pour « glisser » d’un réglage à un autre. Cela produit des changements de pitch assez intéressants, surtout lors de l’automation de la Room Size ;
- Mod Depth et Mod Rate – pour moduler la queue de réverbération afin de la rendre plus « vivante » ;
- LoFi – pour appliquer une réduction de bit. À très faible dose, cela donne plus de caractère à la réverbération. Appliqué à outrance, nous entrons dans le Sound Design ;
- Pre-Delay – paramètre classique des réverbérations permettant de « décoller » le son réverbéré du signal source ;
- Diffusion – dose la densité de la réverbe ;
- Early Ref Level – ajuste le niveau des premières réflexions ;
- Tail Level – ajuste le niveau de la queue de réverbérations.
Notez que les sliders de Pre-Delay, Diffusion, Early Ref Level et Tail Level disposent tous d’un bouton on/off, ce qui facilite le réglage de ce module de réverbération puisque l’on peut se concentrer sur tel ou tel aspect du son réverbéré à l’envi. À l’usage, l’ensemble est intuitif et il est très facile d’obtenir le son souhaité. Comme nous le verrons plus tard au travers d’exemples sonores, la qualité est au rendez-vous. L’UltraReverb est plus particulièrement à l’aise avec les réverbérations courtes et moyennes tout en transparence. Le paramètre LoFi ainsi que la modulation peuvent apporter une couche supplémentaire de caractère et de vie tandis que le Glide Rate ouvre les portes de l’expérimentation.
Il n’est pas rare d’associer une réverbération à un delay, c’est pourquoi le module idoine de l’UltraReverb est plus que bienvenu. Bien entendu, ce Delay est débrayable. Il offre deux lignes de retard (droite et gauche) avec pour chacune les réglages du temps de retard, du niveau et de la réinjection du signal dans le delay (Feedback). En parlant du Feedback, notez que celui-ci peut varier de −100 % à 100 %. À quoi correspondent les valeurs négatives ? Tout simplement à une réinjection avec une rotation de phase de 180°. Intéressant, non ? En bas du module, un menu déroulant permet de choisir entre la synchronisation des temps de retard avec le tempo du séquenceur, ou avec un tempo que l’on définit, ou bien encore pas de synchro du tout. La cerise sur le gâteau, c’est qu’il est possible de placer ce delay en amont ou en aval de la réverbération. C’est souple et ça marche !
Intéressons-nous maintenant au module de compression. À l’instar du Delay, celui-ci est débrayable et peut se placer avant ou après la réverbération. Niveau paramètre, nous retrouvons les classiques des compresseurs avec les réglages du niveau seuil, du ratio, des temps d’attaque et de relâchement, du « make-up » gain, et de la courbe du « knee ». Il est également possible de choisir la source du circuit de détection : « Comp Input » utilise le signal tel qu’il arrive à l’entrée du compresseur, « Plug-in Input » utilise le signal source sec à l’entrée du plug-in, et enfin « Sidechain Input » utilise un signal externe. Tout cela est on ne peut plus exhaustif et surtout diablement pratique pour, par exemple, calmer les transitoires d’un signal qu’on ne souhaite pas voir « rebondir » violemment dans la réverbe.
Passons au module d’égalisation, petit bijou s’il en est ! Avec pas moins de quatre EQ en son sein, l’UltraReverb permet tout simplement de ciseler la réponse en fréquence du signal traité. Rendez-vous compte, la bête propose deux égaliseurs 3 bandes paramétriques, un avant la réverbération et l’autre après, un égaliseur muni de 2 filtres en plateau pour la queue de réverbération, et enfin un égaliseur pour le module de Delay inséré dans la boucle ! Avec tout ça, l’affichage unique pourrait vite devenir illisible, seulement Eventide utilise ici un code couleur pour chaque EQ qui rend la chose très simple. Chapeau bas !
Le dernier module permet de gérer un système de « Snapshots ». Il est ainsi possible de sauvegarder et rappeler rapidement jusqu’à 32 présets, et même d’utiliser l’automation pour passer de l’un à l’autre. Outre la possibilité de comparer rapidement plusieurs présets, cela ouvre des perspectives sonores vraiment intéressantes, notamment lorsque l’on joue avec le paramètre « Glide Rate ».
En parlant de présets, sachez que l’UltraReverb est particulièrement fournie à ce niveau-là avec pas moins de 300 présets dont certains réalisés par des pointures en la matière (Andrew Scheps, Charlie May, Richard Devine, Peter Bischoff, Sasha et Dave Gardener, Colin Newman…). Face à une telle abondance, le système de classement est plutôt bien pensé avec dans un premier temps la distinction entre la famille « Buss » pour une utilisation dans un circuit auxiliaire de votre DAW et la famille « Inserts » pour une utilisation en insertion de piste. Ensuite, les présets sont classés par types (Halls, Rooms, Chambers, Plates, Ambience, Environments, Delays, Instruments, FX) ainsi que par Sound Designers. Il est bien sûr possible de sauvegarder vos propres présets. D’autre part, lorsque vous triturez les réglages d’un préset, un bouton « Compare » permet de basculer instantanément entre vos réglages et les réglages d’origine du préset.
Tout cela semble fort sympathique, cependant dans la vie, rien n’est jamais aussi parfait qu’il n’y paraît et l’UltraReverb ne déroge pas à la règle. Au rayon des petits manques, nous citerons l’absence d’un bypass du module « Reverb » dans son ensemble, ce qui aurait pu faciliter le travail sur les autres modules, ainsi que l’absence d’un bypass global du plug-in, pas indispensable, mais cela peut toujours servir. D’autre part, une fonction « Lock » bloquant le réglage « dry/wet » lors du passage d’un préset à l’autre aurait été la bienvenue. Au niveau du Delay, un réglage du panoramique pour chacune des lignes de retard aurait également été un plus.
En ce qui concerne les présets, signalons que la plupart sont un poil trop extrêmes et donc difficilement utilisables en l’état. Ceci étant, cela a pour avantage de bien démontrer la puissance de l’engin et il suffira bien souvent de quelques clics pour calmer le tout et rentrer dans les clous. Quant à la pertinence d’en fournir autant, c’est discutable… Ici, trop de présets tue le préset et c’est bien souvent en ne partant de rien que l’on arrivera plus rapidement au résultat escompté.
Enfin, comme vous pouvez le constater sur le diagramme ci-contre), le circuit « LoFi » se situe après la dernière égalisation. Or, un tel traitement engendre souvent un beau foutoir dans le spectre. Il aurait donc sûrement été plus judicieux de placer cet effet un cran avant dans la chaîne du signal.
Rassurez-vous, au quotidien, ces petits points noirs n’ont absolument rien de rédhibitoire en soi et travailler avec cette réverbération reste plus qu’agréable et – ô combien – efficace, comme nous allons maintenant l’illustrer au travers de quelques exemples.
Ultra son
Commençons par une banale boucle de batterie virtuelle. Dans un premier temps, nous avons voulu la rendre un peu plus intéressante grâce à une réverbe de type « Plate » réglée en phase avec le tempo et le jeu de la caisse claire. Une légère compression permet ici de lisser l’attaque. Notez qu’il n’y a là aucun Delay dans la chaîne. L’exemple suivant utilise en plus une deuxième instance de l’UltraReverb avec une « Room » de taille moyenne pour donner un peu plus de cohésion à l’ensemble. Enfin, nous avons remplacé la « Room » par une « Plate » légèrement égalisée avec en sus une touche de Delay, mais surtout une bonne grosse compression qui tache pour gonfler le rendu. Effet Led Zep garanti !
- 01 Drums dry 00:25
- 02 Drums Mod 00:25
- 03 Drums Room 00:25
- 04 Drums JB 00:25
Passons maintenant à un piano électrique virtuel. Nu, il manque sévèrement de vie et de profondeur. C’est pourquoi nous avons utilisé une réverbération « Hall » suivie d’un Delay synchronisé au tempo, le tout avec une touche d’égalisation pour que le signal traité n’entre pas en conflit avec le signal source. Une légère compression située en amont permet d’adoucir le résultat. D’autre part, au moyen d’une « Room » relativement longue et agrémentée d’une bonne dose d’égalisation atténuant les graves ainsi que les aigus, il est possible de gérer l’éloignement virtuel de la source via le dosage « dry/wet ». En combinant les deux, il semble aisé de positionner ce piano où l’on souhaite dans l’espace tout en lui imprimant un certain supplément d’âme.
- 05 Synth dry 00:26
- 06 Synth FX 00:26
- 07 Synth Depth 00:26
- 08 Synth Depth 2 00:26
Sur une voix, nous pouvons donner dans le subtil/naturel avec une petite quantité de « Room » égalisée de façon à ne pas encombrer la ligne de chant. Pour un effet plus marqué, une bonne dose de « Plate » un poil salie et modulant discrètement fera des merveilles. Et si l’on souhaite taper dans l’effet pur et dur, l’UltraReverb s’en sort plutôt pas mal !
- 09 Vox dry 00:22
- 10 Vox Room 00:22
- 11 Vox Plate 00:22
- 12 Vox FX 00:22
En parlant d’effet, nous pouvons obtenir des choses assez étonnantes à partir d’un simple kick de boîte à rythmes. Merci aux modules Delay, Compressor, EQ et Snapshots, sans oublier les fonctions LoFi et Glide Rate !
- 13 FX 1 00:13
- 14 FX 2 00:15
- 15 FX 3 00:09
- 16 FX 4 00:22
Pour clôturer cette séance d’écoute, nous nous sommes rapidement penchés sur le cas d’un titre très simple. Dans un premier temps, nous avons travaillé sur des réverbes/effets afin de donner un peu de 3D, de mouvement et de caractère à chacun des instruments. Ensuite, nous avons utilisé une « Room » moyenne afin rendre l’ensemble plus cohérent tout en accentuant le côté 80's. Le résultat demande à être peaufiné, mais en moins de dix minutes nous obtenons déjà quelque chose de probant.
- 17 Firethief dry 01:03
- 18 Firethief FX 01:03
- 19 Firethief Glue 01:03
L’UltraReverb erre…
Alors, cette réverbération en vaut-elle la peine ? Au tarif de 199 $, ça se discute. Si vous ne possédez pas encore de réverbération digne de ce nom, le jeu en vaut toujours la chandelle tant la bête est polyvalente. L’UltraReverb est franchement un candidat idéal pour une première réverbe à tout faire. En revanche, si votre arsenal regorge déjà de plug-ins du genre, il y a risque de doublon et l’investissement conséquent se justifiera donc beaucoup moins. Ceci étant, nous vous invitons tous à tester la version d’évaluation de ce superbe joujou signé Eventide afin de vous forger votre propre opinion.
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