La deuxième mouture de Reverberate, produit phare de LiquidSonics, nous avait totalement bluffés avec sa technologie Fusion-IR. En effet, cette dernière apportait une flexibilité d’utilisation ainsi qu’une qualité audio sans précédent dans le petit monde de la réverbération à convolution.
La chose n’a d’ailleurs pas échappé à un autre éditeur de plug-ins puisque la récente VerbSuite Classics de Slate Digital repose également sur cette surprenante technologie et remporte un succès indéniable. Or, Matthew Hill, la tête pensante de LiquidSonics, ne semble pas être du genre à se reposer sur ses lauriers. Il revient donc aujourd’hui avec une nouvelle réverbération exploitant encore plus avant les possibilités offertes par ses fameuses Fusion-IR. Baptisée Seventh Heaven, la bête se décline en deux versions : une complète qualifiée de « Professional » et une allégée. Nous évoquerons bien entendu le cas de la version « light », cependant, l’essentiel de ce banc d’essai portera sur Seventh Heaven Professional, ou SHP pour les intimes.
M7 Reverberation Army
Disponible aux formats VST 2/3, AU et AAX pour Mac OS X et Windows (32 et 64 bits), SHP est donc une réverbération à convolution employant la technologie maison Fusion-IR. Ce plug-in repose uniquement sur des banques de réponses impulsionnelles réalisées à partir du fameux modèle hardware M7, avec l’accord de son constructeur, j’ai nommé Bricasti Design. Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce fabuleux joujou, sachez que la M7 est une réverbération numérique en rack ayant su se faire une place parmi les plus grands noms du genre malgré son relativement jeune âge. Les aficionados de LiquidSonics se souviendront certainement que l’éditeur avait déjà réalisé des banques d’IR en fusion basées sur la M7 à l’occasion de la sortie de Reverberate 2 ainsi que pour la VerbSuite Classics. Ceci étant, monsieur Hill assure qu’il est reparti de zéro pour réaliser les banques de SHP afin de capturer au plus près le caractère unique du modèle hardware et de pouvoir proposer des options spécifiques à la M7. Ainsi, l’utilisateur devra installer près de 10 Go de données (réparties en 3 téléchargements) pour profiter pleinement des 218 presets disponibles. Notez qu’il est possible de n’installer que le pack de base (3,2 Go) avec ses 80 presets, mais ce serait tout de même dommage. De plus, sachez qu’il est possible d’installer ces banques gargantuesques sur un disque externe, ce qui est fort bienvenu.
Pour en finir avec l’aspect pratique des choses, signalons que SHP nécessite obligatoirement un dongle USB iLok 2. Dommage que l’éditeur ne donne pas la possibilité à l’utilisateur d’opter pour le système d’autorisation iLok lié directement à l’ordinateur. Mais bon, d’après nos sources, LiquidSonics aurait passablement souffert du piratage de Reverberate 2, ce virage sécuritaire est donc somme toute compréhensible.
Sur ce, voyons concrètement ce que propose la bestiole…
M7 à la maison
Dès l’ouverture, l’interface graphique impressionne. L’élégante robe alliant rouge et noir fait mouche en conférant à SHP une lisibilité fort agréable. Du coup, l’impossibilité de redimensionner la fenêtre n’est vraiment pas un problème et le plug-in se manipule avec une aisance surprenante en comparaison de l’usine à gaz Reverberate. Les réglages principaux tombent littéralement sous la souris et un panneau escamotable situé en bas de l’interface donne rapidement accès aux paramètres avancés. Bref, c’est beau, simple et incroyablement fonctionnel. Chapeau bas monsieur Hill !
L’excellent manuel utilisateur étant librement accessible sur le site de l’éditeur, nous n’allons pas perdre notre temps à décrire le fonctionnement de ce joujou par le menu. Concentrons-nous plutôt sur les spécificités de l’engin.
Parlons tout d’abord des presets. Seventh Heaven Professional comprend l’ensemble des presets de la M7 (à l’exception des 4 patches NonLin qui devraient arriver sous peu via une mise à jour gratuite), c’est-à-dire ceux de la version 1 aux sonorités « naturelles » et ceux de la version 2 dont la queue de réverbération comporte des modulations pour un son plus « musical ». Accessibles via 2 menus situés au centre de l’interface, l’un pour la famille (Ambience, Chambers, Halls, Plates, Rooms, Spaces) et l’autre pour les presets à proprement parler, ces 218 presets sont tout bonnement magnifiques et ne nécessitent que très peu de travail pour s’adapter à n’importe quelle source. En cela, SHP est bel et bien conforme aux souvenirs émus que l’utilisation de la M7 hardware nous a laissé à chaque fois que nous avons eu la chance d’en croiser une en studio.
Pour bidouiller la pâte sonore, il est possible de gérer l’équilibre entre les réflexions primaires et la queue de réverbération. Mine de rien, c’est une chose plutôt rare dans le monde de la réverbération à convolution et cela donne un confort extraordinaire lorsqu’il s’agit de peaufiner le rendu. En effet, il est ainsi littéralement possible de travailler en deux temps, trois mouvements :
- D’abord uniquement sur les premières réflexions ;
- Puis juste avec la queue de réverbe ;
- Enfin, sur l’équilibre entre les deux.
De plus, à l’instar de son illustre modèle, SHP offre la possibilité de régler finement le niveau de la queue de réverbération dans la zone située en dessous de 200 Hz via le paramètre VLF (Very Low Frequency). Ce dernier est diablement efficace puisqu’il permet de doser le « poids du corps » du signal réverbéré. Un véritable régal !
Terminons ce tour d’horizon des réglages principaux en citant les très utiles outils de visualisation qui affichent à droite de l’interface les niveaux en entrée et en sortie du plug-in, mais également les niveaux séparés des trois composantes de la réverbération (premières réflexions, queue de réverbération et VLF).
La section inférieure escamotable donne accès à deux panneaux. Le premier regroupe 10 réglages très bien pensés, parmi lesquels un sélecteur de patterns pour les premières réflexions, un pré-délai ainsi qu’un délai avec option de synchronisation au tempo, ainsi que tout le nécessaire afin de tailler la réponse en fréquence de la bête. Et comme si cela ne suffisait pas, LiquidSonics a ajouté dans le deuxième panneau un égaliseur 5 bandes qui permet de sculpter encore plus avant le spectre en sortie. Une fois de plus, simple et efficace.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce petit bijou. Citons en vrac :
- Les infos bulles très instructives ;
- La possibilité de verrouiller certains paramètres lors des changements de presets ;
- La consommation plus que raisonnable (inférieure à 0,7 % sur mon Mac Pro fin 2013 Hexacœur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3) ;
- La latence nulle ;
- Le mode basse consommation pour les configurations les plus modestes qui ajoute 4 096 samples de latence ;
- L’absence de comparaison A/B ;
- Le système de sauvegarde des presets qui ne permet malheureusement pas d’avoir accès à vos propres presets directement depuis le menu central ;
- Etc.
Mais plutôt que de nous alanguir sur ces « détails », terminons sur une note relative à l’expérience utilisateur. Comme nous l’avons déjà évoqué, SHP est extrêmement « user friendly ». À tel point que l’on en vient vite à oublier qu’il s’agit d’une réverbération à convolution ! Sérieusement, la souplesse et l’efficacité de la bestiole abolissent clairement la frontière qui existait jusqu’à présent entre réverbération algorithmique et convolution. Du grand art, assurément.
Cette excellence se retrouve-t-elle au niveau de la qualité du rendu sonore ? Spoiler alert : oui.
Aux armes, M7 est roi !
Commençons cette séance d’écoute par une petite berceuse foutraque :
- 01 Firethief break dry 00:26
- 02 Firethief break Old Plate 00:26
- 03 Firethief break Old Plate Cinema 00:26
- 04 Firethief break Deep Chamber 00:26
- 05 Firethief break Deep Chamber Music Club 00:26
L’extrait original possède déjà une certaine personnalité, mais ressemble tout de même en l’état à un collage maladroit. Sur le deuxième sample, le preset « Old Plate » donne un peu plus de profondeur à cette grille de Mellotron. Le rendu est fort sympathique, mais il manque encore un liant à l’ensemble. Qu’à cela ne tienne ! Une petite dose du preset « Cinema Room » sur le bus master et le tour est joué. Les quatrième et cinquième extraits reprennent le même principe avec les presets « Deep Chamber » pour le Mellotron et « Music Club » sur l’ensemble. Voilà comment SHP peut suggérer des ambiances en un tournemain, et avec un certain caractère, s’il vous plaît !
Continuons avec une batterie :
- 06 Drums dry 00:34
- 07 Drums Bums 00:34
- 08 Drums Bums Club 00:34
- 09 Drums Bums Club Groovy 00:34
Ici, la batterie est déjà sérieusement traitée afin d’avoir un son « in your face ». Malheureusement, le corps de l’instrument a été sévèrement touché dans la manœuvre. Le sample 07 utilise une première instance de SHP sur l’ensemble avec une réverbération courte de la famille « Ambience » et une bonne dose de VLF histoire de gonfler sensiblement le « gras » du rendu. L’extrait suivant se voit agrémenté d’une petite dose du preset « Music Club » afin de reculer cette batterie dans l’espace. Enfin, le dernier exemple utilise le preset « Gated Space » sur la caisse claire avec pré-délai et délai calés au tempo de façon à modifier le groove de l’ensemble. Intéressant, non ?
Pour les deux extraits suivants, nous avons progressivement appliqué une réverbération de 30 secondes (!) sur une ligne de piano électrique via l’automation du potentiomètre Mix. Le premier extrait utilise le preset « Europa » issu de la M7 v1, le second, le preset « Concert Wave » provenant de la M7 v2.
- 10 Synth Europa30 00:51
- 11 Synth Concert Wave30 00:51
Voyons à présent ce que peut donner SHP sur un mix complet :
- 12 So Pretty dry 02:39
- 13 So Pretty Music Space 02:39
- 14 So Pretty Vox Plate 02:39
- 15 So Pretty Music Space Vox Plate 02:39
- 16 So Pretty Music Space Vox Plate Hall Glue 02:39
Le premier sample se résume au mixage « sec ». Sur le deuxième, une instance de SHP est utilisée sur le bus global de la musique (i. e : sans les voix) afin de conférer une sensation d’espace cohérent à l’arrangement. Pour le troisième, seul le bus des voix est traité par une Plate. Le quatrième extrait illustre le mélange des deux précédents. Enfin, sur le dernier, une troisième instance de SHP est utilisée en sus sur le bus Master afin de lier le tout. Certes, cela mériterait un travail plus en finesse. Mais avouez tout de même que le rendu global obtenu avec seulement trois instances en deux coups de cuillère à pot est assez bluffant !
Pour finir, nous avons voulu illustrer l’impact conséquent du changement de pattern des premières réflexions au travers d’une voix :
- 17 Vox Plate 0 00:20
- 18 Vox Plate 7 00:20
- 19 Vox Plate 15 00:20
- 20 Vox Plate 24 00:20
- 21 Vox Plate 31 00:20
Comme vous pouvez le constater, il y a largement de quoi faire rien qu’en jouant sur cet unique paramètre.
Avant d’apposer un point final à ce banc d’essai, prenons un instant pour discuter du tarif de Seventh Heaven Professional et de sa déclinaison allégée.
M7 mercenaire ?
Commercialisé au prix de 249 £, soit un peu moins de 300 €, SHP n’est pas une réverbération à la portée de toutes les bourses. Ceci étant, compte tenu de la qualité sonore délivrée ainsi que de la facilité de mise en œuvre, ce tarif ne nous semble absolument pas exagéré. Il s’agit là d’un outil résolument professionnel qui satisfera à coup sûr les utilisateurs les plus exigeants, et cela se monnaye, point.
De plus, les MAOïstes moins fortunés peuvent tout de même goûter aux bienfaits de la bête grâce à la version « light » du plug-in, j’ai nommé Seventh Heaven. Pour seulement 59 £, soit environ 70 €, ce dernier propose une trentaine de presets issus de la M7 v1 qui sont rigoureusement identiques à ceux de la version Professionnal. Seventh Heaven offre évidemment beaucoup moins d’options de sculpture sonore que son grand frère, mais il y a déjà largement de quoi obtenir des rendus de haute volée. Que demande le Peuple ?
M7 sur 7
Pour conclure ce test, permettez-moi d’abandonner le « nous » journalistique de distanciation pour revenir à un « je » beaucoup plus personnel. Comme vous devez vous en douter, Seventh Heaven Professional m’a littéralement conquis ! Depuis la première fois où j’ai pu faire mumuse avec une véritable M7, je rêve d’avoir les moyens de m’en offrir une pour mon petit studio personnel. Malheureusement, si je parviens à vivre relativement confortablement de mes activités musicales, cette réverbération hardware hors-norme reste tout de même largement au-dessus de mes moyens. Et voilà qu’aujourd’hui, pour une fraction du prix, LiquidSonics me permet d’obtenir via un plug-in une qualité sonore qui n’a vraiment pas à rougir face au modèle original. Dieu que la vie est Belle !
En toute honnêteté, Seventh Heaven Professional m’a tellement subjugué que je suis quasiment certain d’en avoir perdu une bonne partie de mon objectivité. C’est pourquoi je vous invite fortement à télécharger la version d’évaluation afin de vous forger votre propre opinion. Pour ma part, je lui accorde un score parfait ainsi qu’un Award Valeur Sûre. Cela fait maintenant presque cinq ans que je rédige des bancs d’essai pour Audiofanzine et il me semble bien que c’est la première fois que j’attribue un tel score, mais je le fais sans hésiter une seule seconde car, pour moi, SHP est tout simplement la meilleure réverbération logicielle disponible actuellement.
Téléchargez les extraits sonores (format FLAC)